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CPC 042 0129

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LA NUIT ÉTOILÉE : RÊVE, TRANSFERT ET VISION DU MONDE
Danièle Pierre
De Boeck Supérieur | « Cahiers de psychologie clinique »
2014/1 n° 42 | pages 129 à 146
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ISSN 1370-074X
ISBN 9782804186395
LA NUIT ÉTOILÉE :
RÊVE, TRANSFERT
ET VISION DU MONDE
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Abstract In the current transcultural psychoanalytic therapy,
is it possible to confront the Freudian theory with other cultural conceptions of the dream? To consider this question, we
propose to study the “secondary elaboration” of the dream
- which is a link-concept between psyche and culture ; then
we shall review the works of two pioneers in the transcultural
fields: Roheim and Devereux. Finaly we’ll analyze in detail
the dream of a Moroccan woman in the context of an ethnopsychoanalytic therapy in Brussels. And we’ll see that psychoanalysis has finaly nothing to fear about this confrontation
to other’s cultural thinking and conception !
Key-words Dream’s interpretation - secundary elaboration conception of universe - fantasy “a child is beaten” - ethnopsychiatry.
Résumé Dans la clinique transculturelle d’aujourd’hui, la
théorie freudienne peut-elle sans dommage se confronter
à d’autres conceptions culturelles du rêve ? Pour réfléchir
à cette question, nous proposons d’approfondir le concept
d’élaboration secondaire - concept charnière entre psychisme
et culture - et de parcourir rapidement les travaux de deux
DOI: 10.3917/cpc.042.0129
1 Psychiatre,
psychanalyste, Centre
Chapelle-aux-champs,
e-mail : daniele.pierre@
apsyucl.be.
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Danièle PIERRE1
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La nuit étoilée : rêve, transfert et vision du monde
pionniers dans le champs transculturel, Roheim et Devereux.
Ensuite nous analyserons en détail le rêve d’une patiente marocaine dans le contexte d’une thérapie ethnopsychanalytique
à Bruxelles. Nous verrons que la psychanalyse n’a finalement
rien à craindre de cette mise à l’épreuve de l’altérité culturelle !
Mots-clés Interprétation des rêves - élaboration secondaire vision du monde (Weltanschauung) - fantasme « Un enfant est
battu » - ethnopsychiatrie.
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3 Cf De Neuter 1994.
On voit que Freud hésite
entre deux positions :
la première, prudente,
consiste à dire que la
psychanalyse n’est ni
religieuse ni areligieuse ;
elle est compatible
avec diverses visions
du monde - la science,
dont elle se réclame,
n’ayant rien à voir avec
toutes ces constructions
de l’esprit humain
(religions, systèmes
philosophiques) qui
visent à répondre aux
questions du sens et à
baliser ainsi le voyage
de la vie. La seconde (cf
L’avenir d’une illusion
(1927) et Nouvelles
conférences sur la
psychanalyse (1932)),
c’est la tentation de faire
de la science - voire de
la psychanalyse ellemême - une nouvelle
Weltanschauung en
devenir : un jour,
peut-être, la démarche
scientifique finirait par
embrasser l’univers
tout entier et répondrait
à toutes les grandes
questions humaines …
Introduction
Dans la conception traditionnelle marocaine, le rêve est comme
un voyage dans l’autre monde, un message de l’au-delà, ou une
sorte d’espace de voyance. On peut y voir le djinn qui menace
le rêveur, le saint qui le protège de sa baraka ou encore les morts
qui pourraient l’emmener avec eux dans l’autre monde. Tout un
système thérapeutique s’organise à partir de là : visite dans un
lieu saint pour recevoir la guérison en rêve, offrandes aux morts,
sacrifices pour éloigner ou pacifier les djinns2. Ainsi, quand
nous parlons des rêves avec nos patients marocains, c’est tout
un univers de sens qui est convoqué là, devant nous ; c’est toute
une vision du monde qui se déploie de séance en séance. Il s’agit
de cette Weltanschauung dont il est question chez Freud, à l’occasion3, et que l’on peut traduire en français par « vision du
monde » ou « conception de l’univers ». Cette dernière expression est celle retenue par Lévi-Strauss dans « L’efficacité symbolique » (1949) : elle accentue le caractère de construction
intellectuelle de l’ensemble. L’expression de vision du monde
accentue quant à elle le fait que cette mise en ordre logique
des choses concerne déjà l’activité de perception - comme le
souligne Freud dans Totem et tabou (1912 : 111). On peut se
garder, éventuellement, d’adhérer à une « croyance », mais on
ne peut pas ne pas avoir de « vision du monde » ! Bien sûr, pour
nous-mêmes, dans notre propre culture, nous n’avons pas l’impression d’avoir une « vision » du monde - ou celle-ci nous est
« transparente », cela revient au même - nous avons l’impression de « voir » le monde, et puis c’est tout. Mais chaque culture
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2 Cf Aouattah 1993,
2003 ; Dermenghem
1954 ; Kilborne 1978 ;
Pierre 2005.
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a cette même impression, évidemment - par définition ! Par ailleurs, l’expérience clinique de l’ethnopsychiatrie nous permet
de comprendre comment telle vision du monde, tel univers de
sens, soutient le travail d’élaboration psychique tout au long
de la thérapie, de même que la construction et la reconstruction du sujet humain, de manière particulièrement « efficace »
- au sens de « L’efficacité symbolique » que nous évoquions
ci-dessus4. Par exemple, expulser les djinns par des ablutions
rituelles, cela revient à expulser hors de ses frontières ce qui
ne peut être accepté comme humain, ce qui ne peut être admis
dans la définition que le moi se donne de lui-même ; c’est donc
une façon de se définir et de se redéfinir sans cesse, en étant
particulièrement attentif au caractère « incertain et flottant »
du moi, au caractère éminemment perméable de ses frontières.
Autrement dit, c’est une conception de l’humain qui n’est pas
dupe de l’illusion d’unité et de fermeture du moi : c’est une
conception plus subtile - et même « structuraliste », pourrait-on
dire ! Revenons à présent aux idées sur le rêve dans la culture
traditionnelle marocaine. Confrontée à cet univers de sens différent, la théorie freudienne du rêve comme accomplissement
de désir - et la méthode qui en découle et qui nous est chère,
la méthode de l’association libre - est-elle encore pertinente ?
Autrement dit : la psychanalyse est-elle en mesure de proposer
un modèle théorique du rêve - et peut-être à partir de là, du sujet
- qui permette de dépasser, de surplomber, de transcender les
enjeux relatifs à la culture de nos patients ? Étant entendu que
nous ne sommes pas là pour convertir ceux-ci à notre propre
vision du monde (en l’occurrence) occidentale5.
Pour réfléchir à cette question, nous allons d’abord reprendre certains éléments de la théorie freudienne ; nous redécouvrirons ainsi l’importance d’un concept qui permet de
penser l’articulation psychisme-culture : le concept d’élaboration secondaire du rêve. Ensuite, nous évoquerons les travaux des deux grands pionniers de l’anthropologie psychanalytique et de l’ethnopsychanalyse, Géza Roheim et Georges
Devereux. Nous en viendrons alors à notre clinique actuelle
et nous analyserons en détail le rêve d’une patiente marocaine
dans le cadre de sa thérapie au Centre Chapelle-aux-champs.
131
4 Cette « efficacité
symbolique », LeviStrauss l’attribue au
fait que le chaman
propose à la parturiente
(dont la conscience
est obscurcie par
l’accouchement) de se
représenter mentalement
ses douleurs selon les
termes de leur culture
commune, selon
les termes de leur
conception de l’univers.
Or il nous semble qu’il
s’agit là, précisément,
de cette activité de
pensée dont parle Freud
à propos de l’élaboration
secondaire des rêves
(Pierre 2005), dont nous
discuterons ci-dessous.
5 C’est un enjeu
éthique majeur pour la
psychanalyse, qui se
doit de rester neutre sur
le plan philosophique ou
religieux. Étant entendu
que la science ne
propose pas elle-même
une vision du monde :
elle cherche seulement à
établir ça et là quelques
« noyaux durs » (« hard
core ») de certitude,
quelques îlots de clarté,
comme des étoiles dans
la nuit. La question du
sens ne la concerne
pas ! Il y a peut-être
une vision du monde
occidentale, moderne,
positiviste … mais il
ne peut pas y avoir
de vision du monde
« scientifique » !
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La nuit étoilée : rêve, transfert et vision du monde
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La nuit étoilée : rêve, transfert et vision du monde
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6 Il n’est peut-être
pas inutile de rappeler
ici que l’interprétation
psychanalytique des
rêves n’a aucun sens
en dehors de la cure
et du transfert ! En ce
qui concerne les rêves
rapportés et analysés
par Freud dans la
Traumdeutung, il s’agit
soit des siens propres
- ces rêves qu’il étudie
dans le cadre de son
auto-analyse et de sa
relation transférentielle
à Fliess (Anzieu 1959) soit de ceux de ses tout
premiers patients.
7 Et nous dirions prélangagier, ou plutôt,
comme dit Laplanche :
« non structuré comme
un non-langage » (1987 :
55-56) - Laplanche
qui parle encore de la
« mécanique affolée du
processus primaire »
(Id.).
Pour Freud, dans la Traumdeutung (OC 1900), le rêve est
d’abord un accomplissement hallucinatoire des désirs inassouvis de la veille. « De quoi rêve l’oie ? De maïs ! » dit un
dicton populaire. Et l’enfant privé de dîner rêve d’avoir un rôti
entier pour lui tout seul. Le rêve joue ainsi le rôle de gardien
du sommeil : grâce à la satisfaction hallucinatoire, le désir ne
vient plus troubler le repos du rêveur, qui peut donc continuer
à dormir. Alors, bien sûr, les choses se compliquent très vite,
parce que le ou les désirs dont il est question « dans la vie
mentale des névrosés » en analyse6, ce sont les désirs inassouvis d’origine infantile, qui ont été réprimés par l’éducation
et l’intériorisation des interdits parentaux. Ainsi, la théorie du
rêve devient une théorie des névroses. Freud en a l’intuition
dès 1899 quand il écrit à son ami Fliess : « J’arriverai à décrire
le processus psychique des rêves de telle manière qu’y soit
inclus le processus de la formation du symptôme hystérique »
(Freud 1887-1902). En fait, dans l’après coup de sa théorisation, il apparaît que deux tendances se conjuguent tout le
temps dans les rêves. Certes, il y a la satisfaction de désir, mais
il y a aussi la tentative de maîtrise rétroactive des traumatismes
- qui est indépendante, « Au-delà… » (1920) du principe de
plaisir. Soulignons que pour satisfaire à ces deux tendances, le
rêve s’appuie toujours, pour Freud, sur les traces mnésiques,
c’est-à-dire sur le souvenir. Ce n’est pas un détail, c’est même
peut-être un des fondements de la construction du sujet comme
expérience historique, ou mieux : comme processus d’historicisation. Nous y reviendrons dans la discussion.
Les procédés relevant du processus primaire :
condensation, déplacement, figuration en images
Freud identifie quatre procédés qui entrent en jeu dans la formation ou le « travail » du rêve. Les trois premiers relèvent
du processus primaire gouvernant l’inconscient - qui est prélogique7 et ne connait pas la contradiction. Il s’agit de la
condensation (de plusieurs éléments en un seul) ; du déplacement (d’un élément sur un autre plus ou moins apparenté
afin de tromper la censure) ; et de la figuration en images des
idées abstraites. Ces procédés relèvent du processus primaire,
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Freud et la Traumdeutung
La nuit étoilée : rêve, transfert et vision du monde
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Le quatrième facteur ou procédé : l’élaboration secondaire
Vient ensuite le quatrième procédé, qu’il appelle « l’élaboration secondaire ». Le travail du rêve s’achève, dit Freud,
par le remaniement préconscient de sa façade, qui le rend
intelligible et communicable dans le registre de la pensée
diurne. Contrairement aux trois premiers, ce quatrième procédé relève du processus secondaire propre au conscient et
au préconscient. C’est lui qui met de l’ordre dans les pensées
du rêve pour satisfaire aux exigences logiques de la pensée
diurne. Avec l’élaboration secondaire, le rêve est pour ainsi
dire déjà interprété une première fois de l’intérieur (OC :
541). Freud en donne un exemple très éclairant avec l’autoanalyse de son propre cauchemar d’enfance : « Mère chérie et
personnages à becs d’oiseaux ». L’angoisse liée à la satisfaction du désir sexuel œdipien est interprétée - déjà dans l’expérience-même du rêve en tant que remanié par l’élaboration
secondaire - comme résultant du spectacle de la mort de la
mère. Ce faisant, quelque chose de l’interdit - quelque chose
d’une dimension de renoncement au désir incestueux - entre
aussi déjà dans l’expérience elle-même du rêve.
Pourtant, cette dimension de l’élaboration secondaire des
rêves est souvent négligée, voire méprisée par les psychanalystes… Sans doute voudrait-on atteindre l’inconscient directement, sans passer par les productions, les élaborations, les
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mais les éléments sur lesquels ils portent peuvent être euxmêmes secondarisés, comme par exemple le scénario complexe d’une scène ancienne condensé avec celui d’une
autre plus récente, ou évoqué par allusion moyennant son
déplacement sur un objet apparenté à celui qui intervenait
dans la scène en question.
Évidemment, quand Freud dit que la condensation, le déplacement et la figuration en images sont à l’œuvre dans le
rêve, il indique en même temps la marche à suivre pour en
décoder le sens caché (ce qu’il appelle le contenu latent) : il
s’agit de faire associer le rêveur à partir de chaque détail du
scénario onirique, et de suivre ainsi les chaînes associatives
qui mènent finalement aux souvenirs, aux pensées, aux désirs
inconscients. La théorie du rêve implique et justifie la méthode de l’association libre.
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La nuit étoilée : rêve, transfert et vision du monde
remaniements du préconscient ? Nous allons donc reprendre
ici les éléments qui nous semblent importants - notamment
pour la clinique transculturelle - dans cette part-là du travail
du rêve chez Freud, tout au long de sa théorisation8.
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8 Dans la nouvelle
édition des Œuvres
Complètes de Freud
traduites par Laplanche,
tous les ajouts, les
notes, les remaniements
postérieurs à la première
édition de 1900 sont
datés, ce qui se révèle
très précieux à cet
égard.
9 Et c’est à ce niveau,
nous semble-t-il, que
l’on peut vraiment saisir
l’œuvre du « Langage »,
au sens lacanien, qui
vient ainsi pénétrer et
façonner l’âme humaine,
le psychisme, de
l’extérieur (du « social »)
jusqu’à son noyau le
plus intime, en particulier
dans les rêves, comme
nous allons le voir plus
loin.
Tout d’abord, c’est la même activité psychique spontanée qui
ordonne de manière cohérente - c’est-à-dire qui interprète
- nos perceptions de la veille et celles de nos rêves. Cette
activité d’interprétation permanente répond aux exigences
d’unité et d’intelligibilité de l’esprit humain. Dans Totem et
tabou (1912), Freud la compare à l’activité qui consiste à se
créer une conception de l’univers tout entier, une « vision du
monde », panoramique, globalisante, et qui permet à l’homme
d’apprivoiser l’angoisse en l’interprétant. Ce parallèle que
Freud établit entre l’élaboration secondaire du rêve et la vision du monde nous amène à franchir ici un pas supplémentaire : l’activité du préconscient qui remanie, interprète, met
en ordre les éléments rassemblés dans le désordre par les trois
premiers procédés (c’est-à-dire la condensation, le déplacement et la figuration visuelle), cette activité au fond s’appuie
sur l’ensemble logique et cohérent de la vision du monde que
le rêveur a reçue de son groupe culturel9. Elle s’appuie dessus, elle l’utilise, et du coup elle l’introduit dans l’expérience
elle-même du rêve. Elle vient l’amener au cœur du vécu onirique : nous en verrons trois exemples avec Roheim et son
informateur indigène en Nouvelle Guinée, Devereux et son
patient indien dans une Réserve américaine, et enfin Saïda,
notre patiente marocaine dans la clinique transculturelle d’aujourd’hui à Bruxelles.
C’est là le premier point sur lequel nous attirons l’attention :
l’élaboration secondaire inscrit le rêve dans le contexte de la
« vision du monde ». Alors, l’expérience du rêve confirme la
vision du monde en question. Le rêve est ainsi à l’articulation précise de ce qui se noue entre l’individu et sa culture :
il s’agit d’adopter le système de sens proposé par le groupe
dont il est issu.
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Rêve et « vision du monde » : l’adoption culturelle
La nuit étoilée : rêve, transfert et vision du monde
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Ensuite, c’est à propos de l’élaboration secondaire que Freud
introduit pour la toute première fois la notion de fantaisie ou
« fantasme ». Première ébauche de ce concept - majeur, évidemment, pour la psychanalyse - qui n’atteindra son plein
développement qu’en 1919 avec l’article « Un enfant est
battu ». Or déjà en 1900, dans la toute première version de
L’interprétation des rêves, le « fantasme » est ce qui donne
forme aux symptômes hystériques ; il se rapporte aux souvenirs d’enfance, mais uniquement de la même manière que
les palais baroques utilisent dans leurs constructions les matériaux épars des ruines antiques (OC 543) - c’est-à-dire qu’il y
a remaniement, de fond en comble, dans l’édification du fantasme, comparable au travail d’un architecte ou d’un style architectural ; enfin, le fantasme comporte une partie consciente
(la rêverie diurne) et une partie inconsciente (qui organise à
son insu la vie psychique du névrosé), comme si ces deux parties devaient mystérieusement « communiquer de l’intérieur
et se symboliser l’une l’autre » (selon l’heureuse expression
du Vocabulaire de la psychanalyse de Laplanche et Pontalis :
1967). Voici donc ce que dit Freud : dans son effort d’intelligibilité, de mise en ordre, il arrive que l’élaboration secondaire
utilise des fantasmes (ou fantaisies de désir) qui étaient déjà
là, tout prêts, et même « impatients d’être utilisés », dans le
matériel des pensées du rêve. Dès lors, il peut arriver que la
façade du rêve soit la révélation la plus immédiate de son
« noyau » (Sur le rêve 1901 : 105-106 ; il s’agit d’une note
rajoutée en 1911).
C’est le second point qui nous semble important : élaboration secondaire et fantasme sont deux concepts co-émergeants
dans la Traumdeutung. On pourrait peut-être en déduire que
l’un ne va pas sans l’autre : le fantasme n’est-il pas toujours
déjà le produit d’une activité d’élaboration par le processus
secondaire ? N’est-il pas toujours déjà le produit d’un remaniement préconscient qui intègre au cœur-même du processus
désirant une dimension de renoncement, c’est-à-dire l’intériorisation de la Loi, de l’interdit ?
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Rêve et fantasme : l’intériorisation de la loi
136
La nuit étoilée : rêve, transfert et vision du monde
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10 À partir des
remarques d’un de
ses contemporains,
H. Silberer, qui avait
souligné que le
rêve pouvait aussi
représenter l’état
« fonctionnel » du rêveur
et pas seulement le
contenu de ses pensées
ou de ses désirs (OC
p.557 - passage ajouté
en 1914) ; il s’agit donc
d’une forme d’autoobservation.
Mais ce n’est pas tout : c’est encore à partir de l’élaboration
secondaire que Freud « introduit le narcissisme », dans le
célèbre article de 1914, à partir de la dimension de l’autoobservation dans les rêves10. Car un « moi » qui se prend pour
objet de sa propre activité d’observation en rêve - de sa propre
pulsion scopique, et de la satisfaction hallucinatoire de celleci à la faveur du rêve - c’est bien un « moi » qui se fait l’objet
de son propre investissement libidinal, c’est-à-dire un « moi »
auto-érotique. Et voilà la première ébauche de ce qui deviendra la deuxième topique en 1923 avec « Le moi et le ça ». Car
l’instance « auto-observante » se porte garante de l’ « estime
de soi qu’a le moi », et elle va mesurer celui-ci à une instance
d’ « Idéal » - instance qui bientôt prend la forme du surmoi :
le sujet apparaît alors clairement divisé en trois instances, des
instances qui s’articulent les unes aux autres, qui se séparent
en même temps qu’elles se nouent, dans le scénario du fantasme - comme nous allons le voir tout à l’heure de façon
particulièrement claire dans le rêve de l’arbre de Saïda. Nous
voyons ici que la théorie du rêve entraîne avec elle toute la
théorie du Moi, toute la métapsychologie.
D’autre part, Freud souligne qu’avec cette dimension d’auto-observation, ce n’est pas seulement l’interdit, c’est-à-dire
la censure morale qui entre dans la composition du rêve ; c’est
aussi quelque chose d’une activité de penser préconsciente
qui permet d’apprivoiser et d’apaiser l’angoisse en l’interprétant - comme dans la création d’une « vision du monde ».
Alors - forcément, dirons-nous ! - cette activité intellectuelle
préconsciente va utiliser les outils de pensée que le rêveur a
reçus de son groupe culturel ; elle va articuler son auto-interprétation dans les termes, précisément, de la « vision du
monde » véhiculée, partagée par celui-ci - dans « la langue »,
dirait-on en termes lacaniens - reçue de son groupe culturel.
D’ailleurs, dans un ajout de 1914 à son introduction (OC
p.26), regrettant de ne pas pouvoir étudier dans le cadre de
sa Traumdeutung les idées sur le rêve dans les cultures dites
« primitives », Freud évoque l’influence de celles-ci à la fois
sur leur vision du monde et sur leur conception de l’âme :
évidemment, l’une ne va pas sans l’autre ! C’est forcément
un même regard que la culture porte sur le monde tout autour
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Rêve et narcissisme : l’intériorisation du regard culturel
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et sur le monde intérieur de l’humain. Nous voyons ainsi que
le rêve occupe une place centrale dans ce qui se noue entre
l’individu - le psychisme, le sujet - et sa culture.
Voilà donc le troisième point sur lequel nous voulions insister : l’élaboration secondaire permet à Freud d’introduire
le narcissisme et toute la métapsychologie ; elle va nous permettre aussi de penser plus précisément l’articulation psychisme/culture. Car si la vision du monde s’engouffre dans le
rêve avec l’élaboration secondaire, notamment au service de
cette dimension d’auto-observation, elle entre ainsi dans la
constitution du sujet qui rêve et qui se rêve ; l’expérience subjective confirme la vision du monde - le sujet peut en témoigner, il s’en fait même le plus ardent défenseur11. Car lorsqu’il
se regarde, lorsqu’il s’aime et se reconnaît, c’est toujours à
travers le regard de sa vision du monde : alors, il l’aime, il la
reconnaît à travers lui - de même qu’il s’aime et se reconnaît
à travers elle12.
Géza Roheim
Précurseur de la démarche ethnopsychiatrique, cet anthropologue et psychanalyste hongrois (1891-1953) est le premier à
vouloir croiser les données recueillies sur le terrain ethnographique avec les données psychanalytiques. Il est le premier à
recueillir les rêves des informateurs indigènes avec les associations qu’ils ont suscitées. Dans un article publié en 1947, il étudie une série de quatorze rêves recueillis auprès d’un indigène
en Papouasie-Nouvelle Guinée, sur l’île Normanby, non loin
des îles Trobriand étudiées précédemment par Malinowski.
Dans le premier rêve qu’il raconte à l’anthropologue, l’indigène, Ramoramo, est poursuivi par des sorciers ; alors, il va
se réfugier près d’un homme blanc et lui promet de travailler
pour lui. Roheim ne le relève pas, mais Ramoramo « croit » à
ses rêves - dont nous dirions aujourd’hui qu’ils sont « culturellement codés ». Et lorsqu’il les raconte à un anthropologue blanc, il est vraisemblablement animé d’une attente à
son égard, qu’on pourrait appeler un « pré-transfert ». Dans
le second rêve, il est question d’un repas d’offrande pour les
morts. Puis dans le troisième, le rêveur est poursuivi par un
cochon, et pour se sauver, il grimpe à un arbre. Le cochon
11 Ce qu’on pourrait
mettre en rapport avec
la formule de Lacan :
« un sujet, c’est ce
qui représente un
signifiant pour un autre
signifiant ».
12 Voilà pourquoi nous
« tenons » tellement à
notre vision du monde
(dans les deux sens
du terme : elle nous
est chère et c’est elle
qui nous fait tenir) !
Mais évidemment, ce
qui est vrai pour nous
est vrai aussi pour les
« autres », ceux qui ont
une « autre » vision du
monde.
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La nuit étoilée : rêve, transfert et vision du monde
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13 Selon lui, les
deux lectures psychanalytique et
anthropologique - sont
amenées à se croiser
constamment en
clinique, mais sans
jamais se confondre
mutuellement. C’est
la définition du
complémentarisme,
comme principe
méthodologique
fondateur de
l’ethnopsychanalyse.
Ainsi, il n’est pas
légitime d’interpréter
du point de vue
psychanalytique un
élément culturel, par
exemple le « cochon
de brousse » (qui est
une des figures que
prennent les sorciers
dans cette culture-là),
comme le fait Roheim
(c’est-à-dire comme
s’il s’agissait d’un
symbolisme universel)
et d’y voir d’emblée par
exemple le surmoi du
rêveur.
14 L’histoire de cette
thérapie a été portée
à l’écran par Arnaud
Desplechin sous le titre :
« Jimmy P. », présenté
au festival de Cannes,
2013.
La nuit étoilée : rêve, transfert et vision du monde
du rêve apparaît comme une figure composite : d’une part,
il évoque le cochon d’offrande que Ramoramo est occupé
à engraisser pour le festin en l’honneur de sa mère - nous
apprenons alors qu’elle est morte depuis peu. D’autre part, il
évoque un cochon de brousse, car il est pourvu de défenses :
c’est une des formes que prennent les sorciers pour emporter
leurs victimes. Roheim propose ici une interprétation « symbolique » : le cochon de brousse représente la culpabilité et
le surmoi - un surmoi pourvu de défenses mâles, et donc, un
surmoi héritier du complexe d’Œdipe. C’est ce qu’il espérait
bien démontrer, par rapport à ceux qui pensaient que les « Primitifs » ne connaissaient ni l’Œdipe ni le refoulement.
Mais ce qui est dommage, c’est que Roheim ne tient pas
compte de l’interprétation culturelle des rêves de Ramoramo ;
du coup, il ne peut pas tenir compte non plus de ce qui nous
apparaît (de manière assez évidente, aujourd’hui) comme une
interpellation à son égard. Bref, l’avancée méthodologique de
Roheim est capitale, mais elle est encore insuffisante.
Georges Devereux
D’origine hongroise (1908-1985), comme Roheim avec qui
il a été très lié, anthropologue avant d’être psychanalyste, et
comme lui grand voyageur, Devereux - qui allait devenir le
père de l’ethnopsychanalyse complémentariste13 - s’est beaucoup intéressé aux rêves. En particulier dans un ouvrage publié
en 1951 (réédité en 1998 avec une préface d’E. Roudinesco) :
Psychothérapie d’un Indien des plaines. Réalité et rêve14. Il
s’agit du compte rendu de la première psychothérapie transculturelle, celle de Jimmy Picard, un Indien élevé dans une
Réserve américaine, et que Devereux rencontre lors d’un stage
de psychanalyse à l’hôpital pour vétérans où le jeune homme
avait échoué, après la deuxième guerre mondiale.
L’Indien avait en effet été enrôlé dans l’armée américaine,
à la fin de la guerre, pour aller en Allemagne, et là, il a été victime d’un accident : il est tombé d’une jeep en état d’ivresse.
Juste avant, il avait appris que sa femme lui était infidèle.
Suite à cet accident, il est rapatrié aux USA, démobilisé et
reconnu invalide. Il retourne dans la Réserve, il divorce de
sa femme infidèle mais il déprime, il boit, il a des vertiges,
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138
La nuit étoilée : rêve, transfert et vision du monde
15 Il pourrait s’agir,
nous semble-t-il, de
symptômes posttraumatiques, mais ce
n’est pas le diagnostic
retenu à l’époque
par les médecins de
l’hôpital.
16 Ce qui constitue
évidemment un « appel
des rêves » pour la suite
de la thérapie.
17 Ce point paraît
très important et
précieux sur le plan
méthodologique.
18 Les Indiens
continueraient-ils à
invoquer leurs esprits
gardiens si ceux-ci
n’apparaissaient pas
régulièrement dans leurs
rêves ?
19 De nouveau,
la théorisation de
Lacan apparaît ici
irremplaçable, avec
l’omniprésence de
cette dimension du
« Langage » et du
« Symbolique », dans
les productions de
l’inconscient (rêve,
symptôme, transfert). Du
moment que la catégorie
de l’inconscient lacanien
« structuré comme un
langage » englobe celle
du préconscient chez
Freud, qui remanie, qui
réélabore sans cesse
au moyen du processus
secondaire, tout ce qui
fait irruption sur la scène
psychique. Le reste, la
part d’inconscient sur
laquelle le processus
secondaire et le langage
(le « Symbolique »)
n’auraient pas réussi à
exercer leur emprise,
.../....
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des maux de tête, des cauchemars (singulièrement à thème
de chute)15. On lui présente Devereux comme un docteur qui
connaît bien sa culture et d’emblée celui-ci l’interroge sur ses
rêves16 - en anthropologue confirmé, Devereux reconnaît immédiatement les éléments culturels dans les rêves de Jimmy.
Étant par ailleurs débutant en psychanalyse, il ose s’exposer
dans ses doutes et ses hésitations17 - jamais il n’adopte une position de maîtrise et il est animé d’un réel souci thérapeutique
envers l’Indien. Très vite (lors du sixième entretien), le jeune
homme raconte un rêve de chasse dans lequel Devereux l’accompagne et le conseille (p.266) ; aussitôt, l’anthropologue
reconnaît le style de rêve typique de sa culture, dans lequel un
esprit gardien vient apporter au rêveur courage et protection.
« Dans votre rêve », lui dit-il, « je suis exactement comme
l’esprit gardien des chasseurs de jadis ». On voit bien qu’il
accorde pleinement confiance au système de sens traditionnel
pour aider le patient à élaborer ses souffrances ; il lui accorde
pleinement crédit. Et c’est pourquoi, nous semble-t-il, la thérapie qui se déroule pendant les six mois d’hospitalisation du
jeune homme se révèle féconde.
Voici comment nous proposons de relire cette histoire après
coup : irruption soudaine du non-sens, l’accident est d’abord
constamment revécu dans les rêves et les cauchemars à thème
de chute. Jusqu’au jour où Jimmy rencontre Devereux : en
redonnant consistance à son cadre culturel d’origine, à son
univers de sens traditionnel, l’anthropologue redonne vie à
l’esprit gardien, il crée véritablement les conditions de son
apparition, dans les rêves et dans le transfert. On pourrait
dire : il convoque véritablement l’esprit gardien ! Alors, tout
ce qui est arrivé à l’Indien depuis la guerre (son périple en
Europe, sa chute, peut-être même déjà son divorce), tout cela
prend sens et apparaît après coup comme une sorte de parcours initiatique qui devait lui permettre de rencontrer enfin
son esprit gardien, d’être enfin « adopté » par lui.
Eh oui ! Voilà ce que la clinique transculturelle met clairement en lumière : le rêve n’est pas un phénomène « naturel » ni spontané ! Il s’agit d’un événement culturel et transférentiel : il s’inscrit dans un univers de sens - qu’il contribue
d’ailleurs à nourrir, à confirmer par l’expérience18. En même
temps19, il interpelle, il s’adresse à un « Autre », celui qui est
« supposé en savoir » quelque chose…
139
140
La nuit étoilée : rêve, transfert et vision du monde
.../... leur domination,
correspondrait
finalement au seul
refoulé originaire, ou
encore à la catégorie
du « Réel », avec
notamment certaines
productions délirantes
dominées par le
processus primaire.
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20 Cette histoire
clinique est exposée
en détail dans Voyager
la nuit (Pierre 2005)
et elle est reprise et
commentée dans
Comment la souffrance
se dit en rêve. Un regard
ethnopsychiatrique
(Pierre 2012) ; elle
est aussi évoquée
dans plusieurs
articles consacrés à
l’interprétation des rêves
en clinique transculturelle
(1999a, 2000, 2006,
2009). Elle nous a
semblé particulièrement
intéressante parce
que le rêve dont il
va être question ici
encore s’est révélé
après coup comme un
« rêve-programme »,
qui résumait l’ensemble
de la problématique de
la rêveuse ; en même
temps, une étiologie
traditionnelle se trouvait
clairement figurée dans
son contenu manifeste,
comme en attente de
lui être révélée par les
thérapeutes.
Cf ci-dessous.
Dans la culture marocaine aussi le rêve est très important.
Comme nous le disions plus haut, on peut y voir le djinn qui
attaque le rêveur (souvent un homme avec un couteau), le
saint (le marabout) qui le protège de sa bénédiction, ou encore
les morts (souvent habillés en blanc) qui pourraient l’attirer
auprès eux dans l’au-delà. Finalement, à travers les rêves,
c’est toute une vision du monde qui se déploie, c’est tout un
univers de sens qui donne forme à l’expérience humaine.
Ainsi, dans l’histoire de Saïda20, cette jeune femme marocaine (en Belgique depuis vingt ans), qui vient à la consultation avec son mari parce qu’elle se dispute tout le temps
avec lui et avec ses enfants, depuis son dernier accouchement,
quelques mois plus tôt. Nous les recevons, un collègue psychologue et moi, avec aussi la psychologue qui l’a d’abord reçue à l’hôpital. Dès le premier entretien, nous suggérons que
Saïda pourrait être possédée : peut-être y a-t-il des conflits à la
maison parce qu’il y a des conflits à l’intérieur d’elle-même,
entre elle-même et une « force » qui ne lui appartient pas. Autrement dit, d’emblée, nous accordons pleinement confiance
aux représentations et aux pensées propres à l’univers de sens
marocain pour donner forme au vécu de la jeune femme.
Un mois plus tard, au quatrième entretien, elle raconte le
rêve suivant :
Elle est poursuivie, elle et une autre jeune fille, par un homme
avec un couteau et une femme en blanc. Elles s’enfuient toutes
les deux, elles arrivent au pied d’un arbre. Saïda réussit à se
sauver en grimpant en haut de l’arbre, mais l’autre fille se fait
attraper : l’homme au couteau la frappe, pendant que la femme
en blanc l’empêche de crier ; elle saigne, elle va mourir. À ce
moment, Saïda qui assiste à la scène du haut de l’arbre où elle
s’est réfugiée, Saïda pense « ma fille, je t’abandonne ! » Elle
pense à son tout premier bébé, une petite fille prématurée qui
est morte à la naissance, après quelques jours de vie. Elle voudrait crier, mais elle étouffe, et c’est alors qu’elle se réveille.
Vous aurez remarqué qu’au moment où l’autre fille est bâillonnée par ses agresseurs au pied de l’arbre, c’est elle - Saïda,
la rêveuse - qui étouffe et qui n’arrive plus à crier, en haut
de l’arbre. Nous disions tout à l’heure que la façade du rêve
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La clinique transculturelle actuelle :
l’exemple d’une patiente marocaine
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peut être la révélation la plus immédiate de son noyau : ce
moment où la rêveuse étouffe et s’angoisse en assistant à la
scène où l’autre fille se fait battre à ses pieds, nous proposons
d’y voir le moment où elle s’identifie à la victime. Comme
dans le fantasme décrit et analysé par Freud « Un enfant est
battu » (1919), dans lequel le sujet joue ce jeu auto-érotique
et masochiste qui consiste à s’identifier, dans ses rêveries, à
un enfant battu21.
Par ailleurs, quand on est un peu familiarisé avec l’univers
de sens traditionnel marocain, on reconnaît sans peine, dans
la façade du rêve, dans son contenu manifeste, une étiologie
traditionnelle, à savoir l’étiologie du travail sorcier sur le
placenta. En Afrique et au Maghreb, notamment, on enterre
rituellement le placenta au pied d’un arbre, comme s’il était
le « double », le « jumeau » du bébé, qui doit retourner dans
l’autre monde et qui, de là, protégera l’enfant tout au long de
sa vie. La face obscure de cette pensée traditionnelle, c’est
qu’il est possible de travailler en sorcellerie sur le placenta et
que cela se répercute à distance sur la personne du bébé. Le
lien qui unit de façon si singulière Saïda et l’autre jeune fille,
laissée pour morte et tout en sang au pied de l’arbre - ce lien
par lequel leurs destins à la fois se séparent et se nouent - tout
cela (c’est-à-dire tout un ensemble logique, en plus de la scène
visuelle) contribue à évoquer la théorie du travail sorcier sur
le « jumeau-placenta ». Notez bien que ceci est indépendant
des associations libres de la rêveuse : c’est comme pour le
cochon de brousse de Ramoramo, qui est une des formes que
prennent les sorciers dans sa culture. Ou comme pour le rêve
de chasse de l’Indien dans lequel Devereux se reconnaît à la
place de l’esprit gardien. Et nous pensons qu’il s’agit d’une
construction du rêve lui-même : pour être précis, une construction culturelle par le processus d’élaboration secondaire qui
relève du préconscient. À la manière d’une rêverie diurne,
cette pensée propre à l’univers de sens traditionnel viendrait
symboliser le scénario inconscient : comme s’il y avait une
mystérieuse « communication de l’intérieur » entre les deux,
selon l’expression (citée plus haut) de Laplanche et Pontalis
(1967) dans le Vocabulaire de la psychanalyse.
Cependant Saïda n’est pas une patiente « facile » ; au lieu
de nous parler d’elle, de son enfance, de ses rêveries, au lieu
d’associer librement, elle préfère rejouer devant nous avec
141
21 Pour Freud (1919),
le premier temps logique
du « montage » de ce
fantasme est le souvenir
d’une scène à laquelle
l’enfant a assisté et au
cours de laquelle son
rival œdipien s’est fait
battre par le père ou un
substitut de celui-ci.
Le second temps,
régulièrement
inconscient, organise
à son insu toute la vie
psychique du sujet : il
s’agit du retournement
contre soi du sadisme
envers le rival - il s’agit
donc du masochisme
- mais qui constitue
aussi une satisfaction
régressive du désir
sexuel envers le père.
Enfin, dans un troisième
temps logique, le sujet
s’adonne à la rêverie
consciente dans laquelle
il s’identifie avec une
jubilation féroce à tout
ce qui peut représenter
l’« enfant battu ».
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La nuit étoilée : rêve, transfert et vision du monde
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22 Après coup, bien
sûr, il apparaît que
c’est elle qui essayait
sans succès de nous
interpeller, à travers la
façade de ses rêves !
C’était notre propre
résistance à entrer
véritablement dans
sa vision des choses
qui faisait obstacle
au déploiement du
transfert !
23 Cf. Construction
dans l’analyse (Freud
1937).
24 C’est le noyau
pervers de la névrose
ce plaisir « pas à coup
sûr sexuel, pas même
sadique, mais pourtant
la matière dont doivent
sortir l’un et l’autre »
(Freud 1919 : 227).
La nuit étoilée : rêve, transfert et vision du monde
son mari les disputes qui font rage à la maison. La violence
intrafamiliale prend souvent des proportions inquiétantes. Et
nous n’arrivons pas à interpeller la jeune femme de façon à ce
qu’elle se mette au travail dans la thérapie22. Dans ce contexte
- après des mois d’hésitations et après avoir essayé en vain de
la mobiliser autrement - je dois bien accepter enfin d’interpréter les choses « à la manière marocaine » ; je dois me risquer,
comme le ferait une voyante ou une guérisseuse de son pays,
en lui révélant le sens caché de son rêve : « on a travaillé
(en sorcellerie) sur son placenta ! » Alors bien sûr, nous ne
savons pas ce que cela recouvre, mais nous pensons que c’est
là l’interprétation (préconsciente) que Saïda se donne en rêve
(dans le contenu manifeste, remanié par l’élaboration secondaire et culturellement codé). C’est là sa « vérité » qui se fait
jour et elle attend que nous la lui confirmions. Nous dirions
après coup que nous avons seulement validé ainsi sa propre
interprétation en rêve, son auto-interprétation.
Alors, suite à cette intervention - qui correspond bien à
ce que nous pouvons attendre d’une interprétation en psychanalyse, c’est-à-dire qu’elle fait émerger un matériel nouveau dans la cure23 - Saïda réagit enfin et sa famille aussi se
mobilise, au Maroc. Un véritable processus d’élaboration
se déclenche et se poursuit durant plus ou moins deux ans.
Ce processus, nous pouvons l’appréhender dans la logique
traditionnelle marocaine mais nous pouvons aussi le suivre
avec nos repères freudiens habituels : notamment l’analyse
patiente, la décomposition minutieuse de tout ce qui vient
confluer dans un fantasme du type « Un enfant est battu »,
fantasme qui affleure déjà en façade du rêve, tout au début de
la thérapie.
Ainsi, elle se souvient que leur père les avait menacées
toutes les deux, sa petite sœur et elle ; il avait menacé de les
enterrer dans une carrière d’argile, si elles continuaient d’aller
jouer dans le champ du voisin. Une autre fois, Saïda avait vu
sa sœur et une vieille femme qui la poursuivait avec sa faucille, comme pour la frapper. Voilà le premier temps sadique
du fantasme, basé sur le souvenir : il y a du plaisir à voir
l’autre, la rivale, qui se fait battre par le père ou un substitut
du père24. Mais une autre figure de rival se profile aussi là
derrière : le premier bébé de sa mère, un petit garçon, qui
était tout bleu et qui est mort à la naissance ; on a dit qu’il
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avait été frappé par un djinn dans le ventre de sa mère. Et
puis, bien sûr, son premier bébé à elle aussi, Saïda - c’était
une petite fille - son premier bébé à elle aussi est mort à la
naissance… Ce premier bébé, elle y pense à la fin du rêve de
l’arbre : « mon bébé, ma fille, je t’abandonne ! »
À ce moment-là - nous reprenons ici l’analyse du rêve elle s’identifie (telle est notre hypothèse) à cette figure de
l’enfant battu. Et c’est le second temps, masochiste, du fantasme : quand au plus fort de l’excitation devant le spectacle
de l’autre enfant battu par le père, le sadisme se retourne
contre la personne propre. À ce moment-là, le moi se dégage
de sa collusion avec le ça, en même temps que l’instance naissante du surmoi prend à son compte et assume désormais le
sadisme contre le moi25. Nous voyons que c’est le scénario
du fantasme - et on pourrait même dire la structure narrative
du fantasme - qui crée et qui entretient cette tension entre les
instances psychiques. C’est-à-dire qu’il n’y a pas un sujet qui
serait entièrement constitué et qui s’adonnerait au fantasme
de façon subsidiaire : non, c’est bel et bien le fantasme qui
le traverse de part en part, qui l’anime et qui le fonde, dans
toute son épaisseur subjective ! Comme dans le rêve - où le
sujet apparaît divisé en instances qui à la fois se séparent et se
nouent dans un même scénario - le sujet divisé apparaît « pris
dans les rets » du fantasme qui le constitue26. Un sujet ou un
fantasme qui s’inscrit dans une dimension historique, ou en
tout cas, qui revendique son historicité dans la mémoire et la
reconstruction après coup des scènes traumatiques de l’enfance. Quant à l’étiologie traditionnelle, elle rassemble et dramatise - en un mot : elle « symbolise » - toute cette richesse,
toute cette complexité du fantasme, y compris dans sa dimension narrative ou « historicisante » (il y a eu un « avant » et
un « après »), en même temps qu’elle permet à Saïda d’interpeller sa famille aussi bien que ses thérapeutes, de réclamer
réparation : on ne l’a pas assez aimée, on a voulu sa mort…
Au terme d’une thérapie ethnopsychanalytique qui aura
duré plusieurs années, nous n’aurons certes pas assisté à une
levée totale de tout ce qui faisait symptôme pour la jeune
femme, mais nous aurons tout de même obtenu un apaisement réel et durable de son vécu personnel et de la situation
familiale.
143
25 Cf J.Florence 1978.
26 On pourrait y
retrouver les différents
termes du schéma
L de Lacan (1955) :
Saïda et l’autre jeune
fille en positions a et a’,
l’homme au couteau et
la femme en blanc en
position de S (Es), et
lorsque la rêveuse, du
haut de l’arbre, assiste
à la scène, c’est de
l’Autre absolu - le divin,
la voûte céleste - c’est
de là qu’elle reçoit ce
regard (ou ce savoir)
nouveau sur elle-même.
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La nuit étoilée : rêve, transfert et vision du monde
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Alors au fond, que s’est-il passé, en réalité, entre Saïda et
nous ? Nous avons redonné consistance à son univers de sens
traditionnel marocain pour soutenir ses élaborations personnelles. Et nous avons tout simplement créé ainsi les conditions
de possibilité de l’aventure transférentielle comme mobilisation du sujet par rapport au savoir et à la vérité. En somme,
il s’agissait d’interroger ce lieu de l’Autre - le divin, la voûte
céleste, le trésor des signifiants - cette dimension qui tout à la
fois transcende et fonde l’être humain. Les rêves y ont joué un
rôle déterminant - ne représentent-ils pas la quintessence de la
subjectivité ? Une expérience de pur sujet (il n’y a pas d’objet
à percevoir, le rêveur est bien seul avec lui-même), de pure
mémoire, de pur fantasme ; un pur sujet réécrivant son histoire,
dans cette incroyable activité d’auto-interprétation. Une autointerprétation qui s’adressait alors à nous, thérapeutes, comme
« supposés savoir », afin que nous la confirmions, que nous la
validions, en quelque sorte, que nous lui accordions pleinement
confiance. Or ceci ne pouvait se faire que dans le contexte d’ensemble de la vision du monde de la jeune femme, c’est-à-dire
en formulant les choses comme la patiente se les formulait à
elle-même (elle est victime d’une attaque de sorcellerie depuis
sa naissance), et en acceptant d’intervenir à la manière d’une
« chouwafa », d’une voyante traditionnelle qui « lirait » dans
les rêves les messages provenant d’un « au-delà » de la rêveuse.
Alors, oui, avec ceux de nos patients qui viennent d’autres
horizons culturels, la psychanalyse peut bien prétendre aller
à la rencontre de quelque chose d’universel dans l’expérience
humaine… Pourvu qu’elle respecte les modalités du transfert propres à leur culture, évidemment ! Cela peut sembler
paradoxal, mais c’est ainsi qu’elle est à la fois pleinement,
véritablement éthique et scientifique : en respectant la vision
du monde de ceux qui viennent d’ailleurs. Enfin, l’acte de foi
du psychanalyste, c’est de parier pour et sur l’efficacité qu’on
peut bien appeler « symbolique » de leur vision du monde,
ce trésor culturel qu’ils ont emporté avec eux… et qui nous
emmène à son tour dans le plus passionnant des voyages !
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Discussion
La nuit étoilée : rêve, transfert et vision du monde
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145
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