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Qualité du Management

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MANAGEMENT
© phototechno-istock
Du management de la qualité
à la qualité du management,
une évolution gagnante
Passer du concept un peu creux
de « management de la qualité »
à celui, bien plus pertinent,
de « qualité du management »
n’est pas si compliqué. Et cela
est essentiel pour augmenter
la performance et construire le succès
des entreprises. Mais comment changer
la qualité de son management ?
En suivant le mode d’emploi...
Novembre-Décembre 2018 ❘ Biologiste infos
L
e concept de « management de la qualité » s’est
imposé à la fin des années 1980, avec la publication
du triptyque de normes ISO 9001 - 9002 - 9003.
Il s’agissait alors d’organiser, au sein même des
entreprises, une fonction censée garantir la conformité
des produits et des services proposés à un cahier des charges
supposé complet et pertinent. Dans les organigrammes,
sont alors apparus des « RQ » (responsables qualité) ou
des « RAQ » (responsable assurance qualité), dont le rattachement au plus haut de la pyramide hiérarchique était
symbolisé par un trait en pointillé le reliant à la direction
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MANAGEMENT
Hubert BAZIN,
Consultant en management
générale. Les évolutions successives des normes de la
série ISO 9000, l’apparition de l’accréditation n’ont rien
fait bouger dans cette représentation.
Le modèle ne fonctionne pas
Trente ans plus tard, force est de constater que le modèle
n’a pas apporté toutes les retombées positives que l’on
pouvait en attendre. En effet, les clients continuent à se
tromper de temps à autre lorsqu’ils passent commande,
les fournisseurs persistent (parfois) à se méprendre sur les
produits qu’ils expédient ou envoient des marchandises qui
se révèlent non-conformes. Les audits continuent à mettre
Le management de la qualité n’est
pas enseigné à ceux qui deviendront
dirigeants, ils ne savent pas ce qu’ils
peuvent en retirer.
en évidence des procédures mal écrites, mal comprises, mal
appliquées, quand elles ne sont pas inconnues du personnel
chargé de les mettre en œuvre. Ce même personnel auquel
il arrive encore de commettre des erreurs, alors qu’il est
censé avoir été formé et que son habilitation est régulièrement
confirmée. Des revues de direction se terminent encore sans
que l’on ait clairement statué sur l’adéquation des moyens
aux objectifs affichés. Même le secteur automobile, qui
a poussé très loin le concept, est parfois amené à rappeler
plusieurs dizaines ou centaines de véhicules présentant un
défaut grave. Dans les laboratoires, on réalise toujours certains essais en double – faute de confiance dans le premier
résultat –, on subit encore des pannes de matériel, les tubes
utilisés ne sont pas toujours adaptés à l’essai demandé…
Bref, nous sommes encore loin du zéro défaut ! Pourtant,
les principes managériaux contenus dans les normes telles
que les ISO 9001, 15189, 17025 ou 13485 sont excellents.
Pourquoi le modèle ne fonctionne-t-il donc pas ?
La première raison qui vient à l’esprit est le manque de
formation des décideurs en matière de management de
la qualité. Dans les écoles de management, les Instituts
d’études politiques et même dans les écoles d’ingénieurs,
cette matière est très accessoire, abordée rapidement en fin
de cursus, et principalement tournée vers la présentation des
systèmes normatifs et de la certification. Il en est aussi ainsi
dans les formations des médecins et des pharmaciens. Seuls
les pharmaciens ayant choisi l’option « industrie » auront
droit à un peu plus de contenus, mais principalement dédiés
au contrôle de conformité et non à l’aspect managérial.
La seconde raison est psychologique. L’expression « management de la qualité » (que j’ai pourtant utilisée plus haut)
porte en elle une dimension d’infériorité. Il existerait un
management « noble » de l’entreprise, avec ses fonctions
« régaliennes » (définition de la stratégie, activités commerciales, marketing, finances, juridique…) et un management
« de la qualité », ne s’intéressant qu’à une petite fraction
forcément subalterne. Il est alors légitime pour la direction
de ne pas s’y intéresser (il serait même presque inconvenant
qu’elle le fasse).
On va donc recruter ou désigner un « responsable qualité »
auquel on fixera l’objectif de conserver la certification
ou l’accréditation, et auquel on ne donnera que peu de
pouvoir sur le système. Il (ou elle) n’obtiendra donc pas
de résultats spectaculaires. Son activité risque de glisser
progressivement vers une bureaucratie confortable, sans
vagues, organisée autour de la rédaction de documents et
la mise en forme de tableaux de bord. De temps à autre, il
(ou elle) organisera les audits internes et relancera les pilotes
de processus sur les actions correctives à réaliser. La valeur
ajoutée pour l’entreprise n’est pas toujours évidente, mais
au moins conserve-t-elle la certification…
Il est possible, et même facile, de
faire mieux !
Leadership et approche processus
Le lien entre un système de management efficace et des
résultats économiques optimisés est pourtant une évidence
triviale. Dans la mesure où ces résultats économiques font
toujours partie des objectifs des directions, il devrait être
facile de mettre les deux en phase. Annoncer que l’on va
donner plus de pouvoir au « responsable qualité » est à mon
avis un leurre. Si on ne change pas radicalement la vision
des directions vis-à-vis des qualiticiens, ce pouvoir se limitera vraisemblablement à une déclaration d’intention, sans
réelle traduction opérationnelle. En effet, la grande majorité
des opportunités d’amélioration se situent au niveau du
système, de l’organisation. Et, seule la direction peut agir
à ce niveau. Il est donc temps d’introduire le concept de
qualité du management. Cette simple inversion des mots
permet de faire remonter la responsabilité, mais aussi
l’opérationnalité au plus haut niveau de la hiérarchie. On ne
va plus rechercher la certification ou l’accréditation du fait
Biologiste infos ❘ Novembre-Décembre 2018
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MANAGEMENT
EN SAVOIR PLUS
La qualité du management - levier de
la compétitivité, Hubert Bazin, AFNOR
éditions, août 2018.
de la contrainte imposée par les clients ou l’administration.
On va plutôt utiliser dans les normes de management (que
sont l’ISO 9001 ou l’ISO 15189) les principes de management
qui pourront optimiser la rentabilité des investissements,
diminuer les coûts sans toucher à la masse salariale et fidéliser les clients, les salariés et les fournisseurs.
Ce préalable sémantique posé, il convient d’insister sur la
dimension régalienne du management, qui se trouve aussi
être un des principes fondamentaux du management de
la qualité : le leadership. On ne parle pas ici des capacités
à influencer les comportements ou à manipuler les personnes,
mais de l’attitude qui consiste à fixer un cap et à distribuer
auprès de personnes choisies pour leurs compétences des
moyens en lien avec les objectifs. Cela nous amène à un
autre principe de base de la qualité : l’approche processus.
Il ne s’agit pas de créer un graphique en couleurs, mais
bien de découper l’activité – donc les zones de responsabilité – en unités cohérentes. Deux laboratoires différents
n’ont pas nécessairement la même organisation, puisqu’ils
ne travaillent pas dans le même contexte, avec les mêmes
clients, les mêmes équipements, les mêmes contraintes.
Le schéma fourni il y a dix ans par l’association Bio Qualité,
qui accompagne les laboratoires de biologie médicale dans
le développement de la qualité depuis 2002, proposait une
organisation « moyenne », représentative d’un laboratoire
libéral avec un ou deux biologistes, une personne au secrétariat et quelques technicien(ne)s devant les paillasses. Les
évolutions récentes du secteur, en particulier les regroupements, ont rendu ce modèle obsolète. Il convient donc de
consacrer tout le temps nécessaire pour que le découpage
affiché représente réellement les diverses activités. Chaque
laboratoire doit pouvoir justifier du découpage – nécessairement original – qu’il a réalisé. Et seule la direction peut
valider ce découpage.
Il ne lui reste alors qu’à apporter quelques changements
quant à sa manière de manager.
• Fixer un cap et des objectifs stratégiques.
• Déterminer de véritables priorités, en nombre limité.
• Avoir confiance dans les équipes – les pilotes ayant été
choisis pour leurs compétences, il serait même dangereux
qu’une personne moins compétente décide à leur place…
Novembre-Décembre 2018 ❘ Biologiste infos
Néanmoins, on doit continuer à ne pas faire confiance aux
équipements et à passer des contrôles.
• Se montrer enthousiaste, humble et juste.
• Se pencher sérieusement sur les formations dont les salariés ont besoin.
• Savoir prendre des décisions.
Ensuite, utiliser quelques méthodes appropriées est nécessaire.
• Écrire seulement les choses utiles : la compétence est bien
plus efficace qu’une procédure pour garantir un résultat.
• Utiliser l’approche « risques » pour identifier les points
qu’il est indispensable de maîtriser. Cela est vrai pour
à peu près toutes les décisions à prendre.
• Se montrer intraitable sur toutes les activités de conception :
nouvelle méthode, nouvel équipement, nouvelle organisation,
c’est avant la mise en œuvre que les dysfonctionnements
potentiels doivent être éliminés. Et là encore, l’analyse
de risques est un outil incontournable.
• S’astreindre à formaliser le retour d’expérience ; c’est
ce qui nourrit vraiment l’amélioration continue.
• Se concentrer sur les modifications à apporter au système
plutôt que sur les dysfonctionnements (qui n’en sont que
les symptômes). W. Edwards Demig, théoricien de la
qualité, disait que 96 % des opportunités d’amélioration
étaient aux mains de la direction générale, puisqu’elles
avaient trait à l’organisation : les responsables qualité font
la chasse aux 4 % restant…
Six points de comportement à modifier et cinq outils à utiliser... Peu de choses sont donc à changer pour augmenter
de manière considérable la performance du laboratoire.
Malheureusement, il n’est pas possible de ne retenir que
ce qui vous convient dans la liste qui précède. Et, le retour
d’expérience ne sera d’aucune utilité si la direction n’adopte
pas le principe d’humilité, de même que la confiance dans les
équipes est indispensable le jour où l’on réalise une analyse
de risques. Mais ce n’est ni impossible, ni même difficile.
De plus, cela ne vient en aucune façon en contradiction avec
les principes énoncés dans l’ISO 15189, pas plus que cela
ne rend inutile les contrôles de qualité ou la validation des
méthodes. C’est seulement une manière de voir différente,
pour passer du concept un peu creux de « management
de la qualité » à celui, bien plus pertinent, de « qualité du
management ». Cette qualité de management, indispensable
pour construire le succès des entreprises. ■
Hubert BAZIN, ingénieur, consultant en management, accompagne
les entreprises dans leurs projets de certification ou d’accréditation.
Il est partenaire du cabinet lyonnais SFC Formation Consulting.
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