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AMMIEN MARCELLIN
HISTOIRE DE ROME
Ammien Marcellin est vers 330 à Antioche, en Syrie, importante ville
de l'Empire romain, dans une famille grecque. C'est un païen modéré qui suit
une carrière militaire puis quitte l'armée à la mort de l'empereur Julien en 363
et s'établit à Rome il meurt vers 395. C'est qu'il écrit son histoire
romaine qui poursuit l'œuvre de Tacite. Sur les 31 livres de cet ouvrage, les
13 premiers sont perdus. Les livres parvenus jusqu'à nous forment une
chronique qui va du règne de Constance II, et en particulier de celui du César
Gallus, son cousin, en poste à Antioche de 351 à 354, à la mort de
l'empereur Valens en 378, à la bataille d'Andrinople, en passant par les
règnes de Julien dit l'apostat, Jovien, Valentinien et Gratien. Cette chronique,
écrite par un contemporain, parfois acteur des faits racontés, relate les
guerres incessantes de Rome contres les barbares européens et les Perses
ainsi que les errements du gouvernement impérial. Elle s'achève avec
l'arrivée des Huns qui poussent les tribus germaniques devant eux contre
l'empire romain.
I – Le César Gallus (351-354)
Devenu César, Gallus montra sa cruauté et on voyait que la force seule lui
manquait pour s'attaquer à l'empereur Constance. Il était poussé par sa
femme, sœur de celui-ci. L'âge ne fit que développer chez eux le goût du
mal. Des accusations de magie ou d'aspiration au trône frappaient des
innocents. La belle-mère de Clémace, un notable d'Alexandrie, éprise de lui
mais repoussée, obtint de la reine, contre un collier, un ordre d'exécution. Et
Clémace, à qui on n'avait rien à reprocher, fut mis à mort. Sur un soupçon,
les condamnations se multipliaient. Ce que César voulait était tenu pour légal
et l'exécution suivait de près la sentence. Des misérables allaient et venaient
dans Antioche, pénétrant dans les maisons riches sous prétexte d'obtenir une
aumône. Ensuite ils faisaient leur rapport. Gallus parcourait même les
tavernes le soir avec quelques gardes, demandant à chacun ce qu'on pensait
de César.
D'autres malheurs touchaient l'Orient. Les Isauriens se lancèrent dans une
véritable agression. Ils prétextèrent le sentiment national outragé, des
prisonniers isauriens ayant été livrés aux bêtes. Quittant leurs montagnes, ils
s'abattirent sur la côte. Ils guettaient les navires de commerce. Quand les
marins dormaient, ils montaient à bord, ne faisaient pas de quartier et
prenaient tout. Dès lors les navires évitèrent la côte d'Isaurie. Les Isauriens
se jetèrent alors sur la Lycaonie. Au début les nôtres, inférieurs en nombre,
eurent le dessous. Finalement on évita le combat tant que l'ennemi était sur
les hauteurs pour tomber dessus dès qu'il était en rase campagne. Des partis
d'Isauriens furent ainsi taillés en pièces. Ces brigands se dirigèrent vers la
Pamphilie. Ils durent s'arrêter au bord du fleuve Mélas, qui fait la frontière, et
virent qu'on ne pouvait le franchir à la nage. Ils fabriquèrent des radeaux
mais nos légions anéantirent tous ceux qui traversèrent. Les Isauriens se
tournèrent vers Laranda mais un détachement de cavalerie les en chassa. La
faim les mena devant Paléa, sur la côte, mais, comme ils n'avaient aucun
moyen d'en faire le siège, ils repartirent saccager Séleucie. Le comte
Castrice s'y trouvait avec trois légions. Il trouva absurde de se battre quand il
avait l'abri de fortes murailles. Mais l'abondance régnait chez les Isauriens
qui s'étaient emparés des bateaux d'approvisionnement tandis qu'en ville on
était menacé de famine. Gallus l'apprit et ordonna à Nébride, comte d'Orient,
de dégager la place. Les Isauriens regagnèrent alors leurs montagnes.
Le roi de Perse était en guerre contre des peuples lointains mais un de ses
officiers, nommé Nohodarès, surveillait la Mésopotamie. Il s'embusqua non
loin de Batné, grand centre de commerce qui, chaque année en septembre,
attirait une foule de marchands. C'est ce moment qu'il envisageait pour un
coup de main. Mais sa présence fut révélée par des déserteurs. Par ailleurs
les Sarrasins se montraient ici ou là, pillant tout ce qu'ils trouvaient. Ce
peuple est répandu de l'Assyrie aux cataractes du Nil et aux confins du pays
des Blemmyes. Ce sont des guerriers nomades. Ils ne cultivent pas la terre et
errent dans de vastes solitudes, sans foyer et sans loi. Le mariage chez eux
n'est qu'un contrat de location. L'épouse apporte en dot une lance et une
tente à son mari, prête à le quitter au moindre signe. Une femme se marie en
un lieu, accouche dans un autre et élève ses enfants ailleurs. Ils se
nourrissent de gibier, du lait de leurs bêtes et d'herbes. Ils ignorent l'usage du
pain et du vin. C'est une nation dangereuse.
Pendant ce temps l'empereur Constance, qui passait l'hiver à Arles,
célébrait sa trentième année de règne. Son goût pour la tyrannie lui faisait
écouter toute accusation, même douteuse. Un nom avait été prononcé, c'était
assez pour un arrêt de mort ou d'exil. Ce penchant était renforcé par les
flatteurs, en particulier par Paul. Cet Espagnol avait été envoyé en Bretagne
pour arrêter des officiers signalés comme ayant été du parti de Magnence.
Cela prit une ampleur inouïe. Martin, qui administrait ces provinces, intercéda
en faveur des victimes et menaça de démissionner. Paul, craignant que son
influence n'en souffre, le compromit et Martin se tua. Ainsi un honnête
homme mourut en voulant sauver des milliers d'infortunés. Paul revint auprès
de l'empereur avec une foule de captifs. Certains furent exilés, d'autres
exécutés. A cette époque Orfite, homme habile mais inculte, était préfet de
Rome. Il y eut des révoltes causées par le manque de vin.
La tyrannie de César passa bientôt toute mesure. Il voulut faire exécuter
des notables d'Antioche qui avaient mal répondu à l'agent du fisc. Pas un n'y
aurait échappé sans la résistance du comte Honorat. La cruauté du prince se
voyait à sa passion pour les spectacles violents comme les combats de
ceste. Cette tendance s'accentua à l'annonce d'un complot ourdi par des
soldats. L'aveu venait d'une femme du peuple qui fut comblée de présents
pour encourager les dénonciations. Gallus partait pour Hiérapolis quand la
population d'Antioche implora son aide contre la famine. Il ne fit rien mais
offrit Théophile en sacrifice à la foule, répétant que les vivres ne manquaient
que si le gouverneur le voulait bien. Le gouverneur fut massacré. Au même
moment Sérénien, accusé de lèse-majesté, obtenait on ne sait comment son
pardon. Un de ses gens était allé sur son ordre à un temple on prédisait
l'avenir et avait demandé si son maître obtiendrait l'empire.
Constance, sachant cela, continua à se montrer aimable avec Gallus mais
commença à lui retirer les forces dont il disposait. Il envoya aussi le préfet
Domitien en Syrie lui rappeler son invitation à venir le voir. Domitien, à
Antioche, ne se présenta pas à César comme l'exigeait l'étiquette et resta
plusieurs jours enfermé au prétoire. A la fin, sommé par le prince de paraître
devant lui, il lui ordonna de partir en le menaçant de supprimer ce qui lui était
alloué pour son entretien. Gallus, outré, le fit arrêter. Le questeur Montius,
s'échauffant, dit aux chefs des cohortes qu'après cela on n'avait plus qu'à
renverser les statues de l'empereur. Gallus réagit comme un serpent blessé
lorsqu'on lui rapporta ces paroles. Il déclara aux troupes que Montius
l'accusait de rébellion parce qu'il faisait surveiller un préfet insolent. Il n'en
fallut pas plus aux soldats. Montius et Domitien furent traînés à travers la ville
et tués. Apollinaire, gendre de Domitien, parcourait les cantonnements de
Mésopotamie pour voir si Gallus n'était pas trop ambitieux. A la nouvelle des
événements d'Antioche, il s'enfuit mais fut rejoint et emprisonné à Antioche.
On apprit qu'un manteau royal avait été clandestinement fabriqué à Tyr sans
qu'on puisse savoir qui l'avait commandé. Ce fut assez pour faire arrêter le
gouverneur de la province, père d'Apollinaire.
Ursicin, qui commandait à Nisibe, et sous les ordres duquel j'étais, fut
convoqué à Antioche et chargé de présider l'instruction de l'affaire. Il était
homme de tête et d'action mais incapable de diriger une procédure. Alarmé
en voyant ceux qui lui étaient associés, il décida de rapporter à Constance ce
qui se passait, demandant les moyens de tenir en bride la fougue de Gallus.
Au jour fixé pour les interrogatoires, le maître de la cavalerie prit place au
milieu d'assesseurs qui savaient leur leçon. Des notaires recueillaient les
réponses et couraient les rapporter à César. Cachée derrière une tapisserie,
la reine écoutait. On fit comparaître Epigonius et Eusèbe, victimes d'une
homonymie. Epigonius s'abaissa aux supplications puis, sous la torture,
avoua un complot imaginaire. Eusèbe, au contraire, nia tout. Il furent envoyés
à la mort. Vint ensuite l'enquête sur le manteau royal. Les ouvriers torturés
déclarèrent avoir teint un corps de tunique sans manches. Sur cet indice, on
arrêta un nommé Maras, diacre chrétien dont on produisit une lettre à la
manufacture de Tyr. Torturé à mort, il ne révéla rien. La question fut aussi
employée sur beaucoup d'autres, avec des résultats variés. Les deux
Apollinaire, père et fils, furent exilés puis mis à mort sur ordre de Gallus.
Constance quitta Arles à la belle saison pour lutter contre les Alamans dont
les incursions, sous la conduite du roi Gundomade et de son frère
Vadomaire, ruinaient la Gaule. Il attendit à Valence des convois de vivres
d'Aquitaine retardés par les pluies. Là, Herculanus, fils d'Hermogène, général
de la cavalerie tué à Constantinople dans un soulèvement populaire, lui fit un
rapport inquiétant sur Gallus. Les troupes concentrées à Chalons s'irritaient
du retard et les distributions vinrent à manquer. Rufin, préfet du prétoire,
reçut la dangereuse mission de leur faire entendre raison. C'était un coup
monté pour perdre cet oncle de Gallus. Mais il se tira d'affaire avec adresse.
Eusèbe, grand chambellan, arriva ensuite à Chalons avec une forte somme
dont la distribution ramena le calme. Bientôt les convois arrivèrent, on put
partir et on atteignit le Rhin près de Rauraque. Les Alamans empêchèrent les
Romains de jeter un pont de bateaux. L'empereur ne savait que faire quand
se présenta un guide qui indiqua un gué. L'ennemi en fut averti par des
Alamans de notre armée. Devant le danger, les barbares implorèrent la
clémence de l'empereur. Un traité fut donc conclu et l'empereur alla passer
l'hiver à Milan.
Constance voulut en finir avec Gallus et le convoqua. On voulait l'isoler
pour lui porter le dernier coup. Certains, dont Arbétion et Eusèbe, n'étaient
pas d'accord. Ces deux scélérats, soutenus par les eunuques du palais,
disaient qu'Ursicin allait se retrouver seul en Orient et qu'on avait poussé
Gallus à des excès pour donner le pouvoir au général de la cavalerie. Ces
propos arrivèrent aux oreilles du prince qui décida de s'assurer d'abord
d'Ursicin qui fut invité à se rendre à la cour. On avait besoin, soi-disant, de
s'entendre avec lui sur des mesures à prendre contre les Parthes. Le comte
Prosper fut chargé de le remplacer. Au reçu de la lettre, il partit pour Milan. Il
ne restait plus qu'à faire partir Gallus. Constance insista pour qu'il amène sa
femme, sa sœur. Celle-ci hésita, sachant de quoi Constance était capable,
puis accepta, comptant sur son influence sur son frère. Mais elle mourut en
Bithynie d'un accès de fièvre. Son époux en fut frappé au point de ne plus
savoir que faire mais les lettres de l'empereur se multipliaient et le tribun
Scudilon le décida à partir par ses flatteries. Gallus entra à Constantinople en
homme qui n'a rien à craindre. Constance avait dégarni de troupes les villes
sur son passage. Diverses personnes se présentèrent de la part de
l'empereur, soi-disant pour remplir tel ou tel office, en réalité pour le garder. A
Andrinople, Gallus apprit que des détachements de la légion thébaine,
cantonnés dans les villes voisines, lui avaient envoyé une députation pour
l'engager à rester. Mais la surveillance était si stricte qu'il ne put s'entendre
avec les légionnaires.
Il repartit, sans cesse pressé par ses gardiens. Il franchit rapidement la
distance grâce aux relais de l'Etat et arriva à Pétobion, en Norique. Le comte
Barbation parut avec Apodème, intendant de l'empereur, et un détachement
de soldats incorruptibles. Le masque était levé. Des sentinelles entourèrent le
palais. Barbation entra chez Gallus, lui fit quitter les vêtements royaux et le
conduisit près de Pola en Istrie. Arrivèrent Eusèbe et Mellobaudes, chargés
par l'empereur de l'interroger sur les meurtres commis en son nom à
Antioche. Gallus rejeta la responsabilité sur sa femme. Constance en fut
outré et envoya Sérénien avec ordre de procéder à l'exécution. Gallus eut la
tête tranchée. Il avait vécu vingt-neuf ans et en avait régné quatre. II était
à Massa, en Toscane, de Constance, frère de l'empereur Constantin.
Apodème, courut à Milan annoncer la nouvelle. Les courtisans portèrent aux
nues le courage de l'empereur et Constance en vint à se croire au-dessus de
la condition humaine, lui qui imitait jusqu'alors ceux de ses prédécesseurs qui
avaient gardé les habitudes républicaines. La fin de Gallus fut le signal de
nouvelles persécutions. La jalousie parvint à susciter une accusation de lèse-
majesté contre Ursicin. On disait que le nom de Constance n'était plus
prononcé en Orient et que tous appelaient Ursicin, seul capable de tenir les
Perses en respect.
Ursicin voulait préserver son honneur mais ses amis l'abandonnaient et
son collègue Arbétion lui portait des coups tout en affectant pour lui une vive
sympathie. Arbétion était habile et son crédit était grand. Ce simple soldat
parvenu aux premiers grades était dévoré de l'envie de nuire. Il fit si bien
qu'on décida qu'Ursicin serait tué loin des yeux de l'armée. On attendait un
moment favorable mais il y eut un retour à la modération et on jugea devoir
remettre l'affaire à plus tard. La calomnie se tourna alors contre Julien qui
avait quitté sa retraite de Macellum, en Cappadoce, pour voyager en Asie. Il
s'était trouvé à Constantinople sur le passage de son frère Gallus mais put
prouver que ses démarches étaient licites et la reine Eusébie intercéda pour
lui. On se borna à le reléguer à Côme puis on lui permit de se retirer en
Grèce. D'autres procès eurent aussi une heureuse issue néanmoins il arriva
souvent que le riche obtienne l'impunité par la corruption.
Beaucoup d'officiers et de dignitaires étaient prisonniers à Aquilée. On les
accusait d'avoir é les ministres de Gallus. Arboreus et Eusèbe, sans
prendre la peine d'enquêter, exilèrent les uns après les avoir fait torturer, en
dégradèrent d'autres, les derniers moururent. Dès lors, Constance se livra
totalement aux délateurs. Dans ce climat, la persécution s'alluma en Illyrie.
Dans un dîner donné à Sirmium par le gouverneur Africanus, des convives
avaient critiqué les excès du gouvernement. Parmi eux se trouvait Gaudence,
agent du fisc, qui vit un crime dans ces propos de table et s'empressa d'en
rendre compte à Rufin, chef des appariteurs du préfet du prétoire, qui se
rendit aussitôt à la cour et fit si bien qu'on ordonna d'arrêter tout ceux qui
avait pris part au banquet. Teutomer eut mission de se saisir des personnes
dénoncées. Le tribun Marin se tua. Les autres captifs, conduits à Milan,
avouèrent sous la torture leurs paroles imprudentes. On les jeta en prison.
Peu après, la guerre fut déclarée aux Alamans Lentiens qui ne cessaient
de violer la frontière. Constance prit en personne le commandement de
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