J’innove, donc je suis ! Visionnaires du XXIe siècle ! J’innove, donc je suis ! Visionnaires du XXIe siècle` Auteur : Dr. Florin Paun Contributeurs : Emmanuel Lechypre, Edgar Morin, Jean-Claude Volot, Claude Bartolone, Nicholas Stern, Jean Paul Delevoye, André Santini, Henri Révol, Pierre Pelouzet, Philippe Mutricy, Philippe Freyssinet, Jean-Luc Placet, Laurent Grandguillaume, Jean-Marc Chery, Jacques Rocca, Bertin Nahum, Sylvain Allano, Walter R. Stahel, Yann Barbaux, Pier Carlo Padoan, Eric Schulz, Gérard Roucairol, Jean Mounet, Michelle Debonneuil, Christian Pierret, Joachim Rams, Navi Radjou, Thomas O’Neal, Jean-Louis Cabrespines, Jean Pierre Blanc, Yann Cramer, Abdellah Mezziouane, Philippe Richard, Robert Boyer, Michel Derdevet, Hugues-Arnaud Mayer, Costel Subran, Bernard Bismuth, Elise Nebout, Ingrid Anarela Vaileanu Paun Remerciements Je remercie tous ces visionnaires du XXIe siècle qui ont accepté de participer à cet ouvrage et surtout de partager avec nous leur vision et leur confiance envers ce changement d’attitude, cette nécessaire « métamorphose » (Morin, 2012) des générations du XXIe siècle. Merci à Emmanuel Lechypre, pour avoir accepté le challenge d’écrire la préface de ce livre et merci à Ingrid Anarela Vaileanu Paun, journaliste et économiste, pour sa contribution à la sélection et l’organisation des interviews. Je remercie également Yves Bourdillon, journaliste et écrivain français pour ses conseils et son soutien pour cet ouvrage. Merci à Georges Nurdin (Paris School of Business) qui a encouragé et soutenu la publication de l’ouvrage aux éditions l’Harmattan et à Yann Dudreuil pour son aide à la relecture de l’ouvrage. Et surtout, je remercie toutes ces PME et ETI innovantes, ces grands groupes et chercheurs J’innove, donc je suis ! Visionnaires du XXIe siècle ! français qui m’ont inspiré dans l’analyse de ces sujets depuis plus de 7 ans. Ce sont eux qui m’ont donné confiance chaque jour grâce à leur attitude nouvelle, à cette « culture d’innovation » (« J’innove, donc je suis !) qui opère une véritable « métamorphose » de notre société. Cela malgré la routine, les hésitations et les blocages inévitables face à l’émergence de ce nouveau modèle français d’innovation. Merci enfin à vous, lecteurs qui osent imaginer avec nous comment seraient la France et le Monde, avec cette nouvelle attitude et culture d’innovation que nous pouvons tous adopter pour suivre la « Voie » (MORIN, E., 2012) de la « métamorphose » de notre société du XXIe siècle. Préface !LES MINES D’OR DE L’INNOVATION Ce bon vieux Lord Keynes ? Ruiné ! L’ampleur quasi historique des déficits et des dettes des Etats interdit toute relance de l’activité par la dépense publique. Et ce cher Milton Friedman, maître à penser des banquiers centraux obsédés par la lutte contre l’inflation ? Dépassé ! Les taux d’intérêt ont beau être quasiment nuls dans tous les grands pays, le crédit ne repart pas. Rien n’est plus difficile que de vouloir faire boire un âne qui n’a pas soif. On l’aura compris : les grands leviers de la politique économique, qui permettent en temps normal de rythmer la marche des affaires, sont hors d’usage. Comment dès lors, relancer la croissance? En se tournant, si l’on arpente le Panthéon des économistes, du coté de Ricardo et Schumpeter, les chantres de l’entrepreneuriat et de l’innovation. C’est l’économie d’en haut, celle de la finance globalisée, qui a plongé l’économie du bas dans la crise ? Qu’à cela ne tienne ! C’est l’économie d’en bas qui remettra à flot l’économie d’en haut. Un scénario tout sauf utopique : notre époque est en effet à l’aube d’une série J’innove, donc je suis ! Visionnaires du XXIe siècle ! de mutations technologiques comme l’humanité en a connu moins d’une dizaine (roue, métier à tisser, machine à vapeur, électricité, information..). Mutation énergétique vers un modèle plus économe et plus intelligent (smart grids, productions décentralisées) ; mutation industrielle avec l’arrivée de nouveaux robots aux capacités décuplés par rapport à celles de leurs ancêtres. Mutation analytique avec les nouveaux territoires explorés par le « Big data », la capacité à traiter des masses d’informations gigantesques pour leur donner du sens. Un marché estimé à 23,8 milliards de dollars d’ici à 2016 selon le cabinet IDC. Mutation servicielle aussi avec les objets devenus intelligents. En 2020, 50 milliards d’entre eux seront reliés par internet: on entrevoit à peine la multitude de nouveaux services sophistiqués qui pourront être rendus, notamment aux personnes dépendantes. Et encore à toutes ces pistes s’ajoutent à celles déjà ouvertes pour explorer de nouveaux territoires prometteurs, comme les nanotechnologies, biotechnologies ou le cognitif. Le sang qui irriguera ces mutations ? Le numérique bien sur: si la France sait surfer sur la vague, ce secteur pourrait assurer le quart de la croissance au cours des prochaines années, sans compter l’énorme bond en avant de productivité que son utilisation pourrait provoquer dans toutes nos administrations abruties de paperasses. L’effet d’entrainement pourrait être d’autant plus puissant que la France a du retard : la moitié seulement des PME ont un site internet, et le taux d’acclimatation aux nouvelles technologies est inférieur de 30% à la moyenne européenne. Alors c’est maintenant qu’il faut mettre les bouchées doubles. Car à trop attendre, c’est le décrochage qui sera au bout de la route. Surtout, les derniers travaux réalisés par La Poste pour mesurer les ressorts du moral des Français aboutissent à des conclusions sans appel et formidablement porteuses d’espoir : loin d’être abattus, les Français gardent foi en l’avenir grâce au progrès : 75%, contre 79% en 1982. Un progrès qui spontanément est associé à la technologie, à la science et à la médecine. Pour deux Français sur 3, on vivra mieux dans 20 ans grâce aux nouvelles technologies et 70% ont confiance en internet pour améliorer leur niveau de vie. Logiquement, les scientifiques apparaissent de loin comme les acteurs auxquels on fait le plus confiance pour faire progresser la société : J’innove, donc je suis ! Visionnaires du XXIe siècle ! 41%. Mais juste derrière, ce sont les chefs d’entreprise qui sont plébiscités par les Français, devant les médecins ! En revanche, c’est un fiasco pour les intellectuels, les économistes, les enseignants (4%) et surtout les hommes politiques : 1% seulement des Français estiment que c’est à eux qu’il faut faire le plus confiance pour faire progresser la société. Logiquement, c’est vers les petites entreprises que les Français se tournent pour nous sortir de la crise : 81% des Français les plébiscitent, 10% seulement font confiance aux politiques. C’est dans ce contexte que cet ouvrage collectif parvient à offrir une vision nouvelle et génératrice de confiance pour aborder les logiques de création de valeur au XXIe siècle. Au regard de son travail reconnu au niveau international (l’Encyclopédie Springer a repris ses nouveaux concepts en innovation), le docteur Florin Paun, cadre dirigeant et expert dans les stratégies et outils d’innovation avec les PME et ETI, propose les contributions de plusieurs visionnaires du XXIe siècle : « J’innove, donc je suis ! ». La filiation avec la pensée de Descartes est ainsi perpétuée pour répondre aux nouveaux choix des sociétés innovantes : la co- construction, le travail collaboratif, l’open innovation, l’innovation participative avec les PME, les grands groupes, les laboratoires de recherche, l’innovation sociale, l’évolution des modèles économiques et des modèles d’innovation. Expert dans l’évolution des stratégies d’innovation, fort d’une réputation qui s’est construite avec ses travaux scientifiques sur les « asymétries » dans les processus collaboratifs comme l’innovation ou bien l’échelle de maturité de la demande lors de la création de valeur par la compréhension des besoins (Demand Readiness Level, DRL), Florin Paun veut mettre en lumière le travail des praticiens, qui ne s’oppose pas mais complète le travail des économistes. Des personnalités comme Lord Nicholas Stern et Edgar Morin ont accepté de rejoindre cette nouvelle approche dynamique de responsabilisation de chacun, pour envisager ensemble les nouveaux enjeux de la création et d’évaluation de valeur dans le XXIe siècle. Leurs témoignages visionnaires sur cette nouvelle attitude « J’innove, donc je suis!» encouragent plus que jamais à agir pour co- construire une valeur partagée. J’innove, donc je suis ! Visionnaires du XXIe siècle ! Docteur Florin Paun s’est montré soucieux de donner la parole à des dirigeants visionnaires qui malgré leurs différences nous ouvrent les esprits vers le même objectif : prendre part avec confiance et plaisir au processus généralisé d’innovation (sociale et technologique) qui crée de la valeur partagée entre toutes les parties prenantes. Nous voilà emportés dans une ouverture d’esprit accessible, positive qui assume avec philosophie: « Pensez!... pour Innovez !... en plus d’Exister!»... Cela peut créer de la valeur partagée pour tous! Emmanuel Lechypre, Editorialiste, directeur de l’observatoire BFM Business Avant-propos « Ca ne se fait pas ! »!Combien de fois avez-vous entendu cela dans votre vie, chaque fois quand vous avez proposé quelque chose de nouveau ? Veblen (Veblen, 1914), lui-même, serait étonné du succès de la multitude de règles non écrites qui se sont institutionnalisées avec autant de vigueur, au point de s’insérer presque partout dans nos vies dès que l’on ose sortir des sentiers battus. Et pourtant, nulle innovation n’est possible sans s’écarter des « chemins connus ». Mais qu’est-il advenu de ce beau pays qu’est la France, ce pays réputé pour son esprit innovant qui a donné au monde le mot ENTREPRENEUR dont la traduction en anglais est identique ? Un mot qui me rend fier d’être devenu français en sus de toutes les autres valeurs que ce pays incarne aux yeux du monde... Cet entrepreneur qui aime innover est incarné en la personne d’un certain Cyrus Smith sur l’Ile Mystérieuse, décrite par un visionnaire comme Jules Verne... Il se montre à l’opposé des approches qui bloquent l’innovation J’innove, donc je suis ! Visionnaires du XXIe siècle ! aujourd’hui: « C’est comme ca », « On peut rien faire », « Mets de l’eau dans ton vin », « Apprends à arrondir les angles »... Un grand professeur que j’ai eu la chance de croiser au MIT, Eric von Hippel, me disait que le seul blocage qui nous empêche de réagir même en cas de menace directe sur notre propre existence est le « blocage culturel ». Et d’un seul coup les choses se sont éclaircies en ce qui concerne les questions qu’on peut se poser... Pour se sentir utile, se sentir exister dans la société, dans ce monde devenu très dynamique et très interactif et interculturel, il faut innover. Il s’agit surtout de l’innovation dans son acceptation globale : innovation de produit, de procédé, de développement commercial, de mode de production, d’organisation : innovation de concepts entrepreneurial, social, écologique, économique (au sens d’innovation sociale) ainsi que d’approche créative même pour résoudre des problèmes, de capacité d’intégration des nouvelles idées et des suggestions des parties prenantes. Or pour Innover, il faut réussir l’exploitation d’une nouvelle idée à moyen et long terme. Cela implique le changement de quelque chose qui existait auparavant, cela signifie donc affronter un probable « blocage culturel ». Faire face au fameux « cela ne se fait pas car C’EST COMME CA » ! Heureusement, il y a des solutions. Le même professeur von Hippel disait ensuite que devant un « blocage culturel » il n’y a que deux options : changer les règles ou provoquer sur des bases culturelles. Notamment, Edgar Morin, le visionnaire du XXIe siècle, nous montre la Voie (Morin, 2012) et nous encourage ; évoluer n’est pas seulement utile mais absolument nécessaire, et il est donc temps de se livrer à une véritable « métamorphose ». Là où ma vie professionnelle m’a amené, je me suis fait un devoir de remarquer ces hommes et femmes qui, soit via une certaine provocation, soit au prix de changements subtils, ont réussi à développer et mettre en route des nouveaux instruments, de nouveaux mécanismes, qui permettent au génome d’un nouveau modèle d’innovation français de se développer depuis quelques J’innove, donc je suis ! Visionnaires du XXIe siècle ! années, ce qui permet d’espérer aujourd’hui une véritable « métamorphose », comme nous le rappelle le message d’Edgar Morin. Ce livre est donc avant tout un hommage à ces praticiens visionnaires, qui, parfois sans le savoir, sont en train de contribuer à développer et faire partager ainsi de nouveaux Concepts utiles, à construire une véritable culture d’innovation ; il suffit d’analyser leurs pratiques avec attention. Ces Concepts ont la capacité de faire diffuser le savoir-faire innovant et de nourrir encore mieux les Pratiques, car l’école française dispose de cette capacité inouïe d’enseigner aux jeunes la force des Concepts s’ils sont mis en pratique avec succès.!Comment dès lors conserver les beaux acquis sociaux de l’Europe de l’ouest tout en épargnant les ressources et en gardant notre compétitivité au sens le plus « rude » de l’économie de marché sur le marché mondial ? En créant de la Valeur toujours, peut être avec un sens du mot Valeur un peu révisé, mais suffisamment orienté dans le sens d’améliorer nos vies et celle des autres. Sommes-nous donc « condamnés » à Innover ? Dans ma vie de praticien, je suis plongé depuis des années dans les concepts économiques, car je veux comprendre quels sont les conditions et les outils nécessaires pour que les stratégies d’innovation fonctionnent. Et j’ai compris dès le début que la grande beauté de l’économie réside dans une proposition très simple : en économie, 1 plus 1 n’est jamais égal à 2 ! En effet l’économie additionne deux «1» qui sont différents, d’où l’impossibilité d’obtenir au final ce 1 plus 1 égal à 2. Par exemple, le résultat d’un travail collaboratif entre une PME et les chercheurs d’un laboratoire de recherche visant un projet d’innovation, n’est jamais une somme des connaissances des parties impliquées dans ce processus d’innovation. Ce travail débouche véritablement sur des idées nouvelles, potentiellement démultiplicatrices de valeur au-delà d’une simple somme. Comme c’est beau de faire travailler ensemble des gens différents, de faire croiser des domaines, des marchés, des acquis, des connaissances, des compétences différentes ! Vive l’asymétrie (culturelle) créatrice de valeur mais compensons, réduisons même d’autres typologies d’asymétries (de risque, de temporalité, etc.) qui bloquent ce même processus de création de valeur. Quid de l’Innovation dans tout cela ? Vous allez voir dans cet ouvrage que J’innove, donc je suis ! Visionnaires du XXIe siècle ! certains parlent encore des filières... mais en lisant plus en profondeur vous comprendrez que les filières ne sont plus perçues comme des filières sectorielles, sur un domaine donné, mais bien sur des thématiques transversales comme les industries vertes, comme la mobilité vs transport etc.... Une nouvelle culture d’innovation est en marche! Certains économistes (STIGLITZ, 1992) considèrent que la Valeur est créée dans une relation transactionnelle basée sur l’asymétrie d’information entre les acteurs de la transaction. En appliquant la théorie de « l’asymétrie d’information » au processus d’innovation avec les PME, il apparaît que plusieurs ajustements sont nécessaires dans le cas de ces processus collaboratifs comme l’innovation. Si la Valeur se créée par les différences, ces asymétries si chères aux économistes, quand le processus est si hautement collaboratif, comme celui de l’innovation, il est toujours indispensable de compenser, voire de réduire certaines de ces asymétries (de risque, d’échelle temporelle, etc.) afin que tout simplement les gens puissent travailler ensemble. Car oui, pour innover règne toujours un principe fondamental ; il faut toujours que des êtres humains s’entendent et se fassent confiance pour travailler ensemble. Ceci reste valable pour un Grand Groupe comme pour une Start-up, tout comme pour des petites et moyennes entreprises (PME) ou des artisans dans tous les domaines de l’activité humaine. En résumé, avoir des Idées et faire les efforts et les changements nécessaires pour les transformer en Succès reconnus par la société devient une attitude, un état d’esprit du XXIe siècle. Ce livre donne la parole à des acteurs très différents, tous concernés par la problématique de l’Innovation et ayant des rôles importants dans le changement en cours. La liste n’est surement pas exhaustive et ils sont seulement ceux dont j’ai personnellement remarqué les idées, les succès et la vision et qui ont pu se joindre à cet effort commun de partager leurs idées dans cet ouvrage. Quelques fondamentaux se dégagent de leurs interviews. Ils ont tous une attitude d’ouverture d’esprit, sont tous portés par cette confiance en leur travail, en la nécessité de leurs efforts qui permet au changement d’être J’innove, donc je suis ! Visionnaires du XXIe siècle ! visible (au moins, pour eux). Tous ont implémenté ou suggéré des mécanismes pour que les parties prenantes au processus d’Innovation se rencontrent et arrivent à se faire confiance pour œuvrer ensemble à cette « métamorphose » de la société du XXIe siècle, une société inscrite déjà sur la « Voie » d’une culture d’innovation. Ils ont tous œuvré d’une certaine manière à « compenser ou réduire les asymétries » entre les acteurs divers de l’innovation (PME, grands groupes, laboratoires de recherche, etc.), pour favoriser ce travail collaboratif visant la création de valeur partagée. J’ai eu le plaisir d’échanger avec Nick von Tunzelmann sur le sujet de l’importance de ces outils et mécanismes de « compensations et/ ou réductions des asymétries » des acteurs des processus collaboratifs comme l’innovation. Notre travail de recherche (PAUN et al., 2012) est aujourd’hui partagé avec les économistes mais aussi avec les praticiens de l’innovation. En effet, les acteurs de l’innovation se dotent, par enrichissement mutuel, des "capacités dynamiques" (une notion chère à Nick von Tunzemann et à un prix Nobel de l’économie, Amartya Sen), à la suite justement d’un travail collaboratif rendu possible grâce aux instruments de « compensation et/ou réduction» des « asymétries » existantes entre les parties prenantes. J’avais identifié dans un ouvrage antérieur les différences entre les risques, les échelles de temps et surtout les « cultures » au sens des approches institutionnalistes des diverses parties prenantes du processus collaboratif d’innovation (entrepreneur, chercheur, PME, grands groupes, laboratoires de recherche). Les experts interviewés dans ce livre donnent de magnifiques exemples de solutions favorisant l’innovation au travers, en outre, de nouveaux outils et mécanismes de compensation et/ou réduction de ces asymétries. Leurs contributions à cet ouvrage nous incitent à suivre cette Voie de la « métamorphose » vers une véritable culture d’innovation créatrice de « valeur partagée » (au sens de PORTER, 2011). Pourquoi ce titre : « J’innove, donc je suis ! » ? En paraphrasant dans le titre René Descartes (« Je pense, donc je suis !»), cet ouvrage veut attirer l’attention sur l’émergence d’un état d’esprit nouveau du J’innove, donc je suis ! Visionnaires du XXIe siècle ! début du XXIe siècle qui s’inscrit dans un processus de « métamorphose » (au sens d’Edgar Morin) d’une attitude contemplative de prise de conscience (« Je pense, donc je suis ! ») vers une attitude volontaire de prise de responsabilité dans la création de valeur partagée qui est l’un des objectifs visés par l’effort et la volonté d’innover. Le titre de ce livre veut mettre en lumière que l’innovation ne doit pas être perçue comme contrainte mais comme nouvel état d’esprit de chacun. En plus de la capacité contemplative de conscientisation de l’existence, la capacité et la volonté d’œuvrer, d’innover, de contribuer à la création de valeur partagée pour se sentir vivant dans une société qui exprime ces besoins complexes, semble être ce nouvel état d’esprit d’un siècle qui est déjà en train de se réinventer. Cet ouvrage est conçu comme une véritable rencontre, à travers leurs interviews et leurs messages avec plusieurs visionnaires du XXIe siècle. Malgré leurs différences, ils se retrouvent dans cette même approche nouvelle, cette véritable culture d’innovation, à faire partager par tous dans un but de co- création de «valeur partagée ». L’objectif est d’identifier les convergences dans leurs opinions par rapport à l’évolution des modèles économiques, d’innovation, d’évaluation ou de gouvernance. La question centrale est : fait-on encore de l’innovation comme il y a 20 ans ? Est-ce que nos organisations et formes de management héritées du fordisme sont adaptées à la culture d’innovation du XXIe siècle ou bien représententelles aujourd’hui une barrière à la création de valeur par l’innovation et surtout la source des conflits entre les départements et les employés, ou la cause des non-adéquations des offres (trop sectorisées) ? L’hypothèse néo-classique consiste à considérer l’innovation comme processus linéaire (COOPER, 1990) avec comme origine la découverte de nouvelles techniques et comme finalité la vente de nouveaux produits ou services. La pratique impose des intégrations complexes, la gestion des activités de management et pilotage avec des boucles de rétroaction, des projets impliquant un véritable système des parties prenantes en réseaux et en parallèle, loin d’un schéma linéaire, séquentiel (CHESBROUGH, 2003 et J’innove, donc je suis ! Visionnaires du XXIe siècle ! XU, 2007) La chaine de valeur classique n’a plus de sens en elle-même si on ne parle pas d’« arbres de valeurs » (plusieurs types de clients pour un même produit/service et des fournisseurs des filières industrielles différentes pour le même intégrateur/fournisseur) maintenant que les « arbres de valeurs » sont en train de s’interconnecter à la manière d’une véritable « Foret de Mangrove ». Comment toujours essayer prévoir l’avenir quand même les « penseurs » de MIT et d’Harvard n’ont pas prévu l’essor des réseaux sociaux dans leur propre campus innovant (ceci n’est pas une critique) ? Nous sommes dans un monde ou l’inter-culturalité, l’interdisciplinarité, la transversalité des processus, l’hybridation des approches Market Pull et Tech Push, la compréhension des usages fait qu’on arrivera de moins en moins à pouvoir prédire l’avenir. Nous allons devoir être de plus en plus adaptables réactifs, dynamiques dans le changement, travailler avec de plus en plus d’acteurs divers et pourtant toujours rester à la pointe dans les tendances technologiques et sociétales. Open Innovation (CHESBROUGH, 2003) mais aussi innovation systémique (KLINE et ROSENBERG, 1986) impliquent des rétroactions, des remontées d’informations de l’aval vers l’amont, des interdépendances entre ces différentes étapes. Ces modèles d’innovation systémique, qui impliquent tous les écosystèmes d’innovation et non pas seulement une entreprise isolée ou son département de valorisation et ces transferts de technologie (visant des objectifs souvent évalués du point de vue comptable) peuvent enfin répondre aux besoins de solutions globales intégrants produits et services (par exemple la coconception des « solutions de mobilité » et non pas seulement des voitures). Ces quelques exemples impliquent une capacité des entreprises à développer leurs connaissances scientifiques et technologiques, leurs "capabilités dynamiques" (PAUN, von TUNZELMANN, 2011) qui reposent sur les stratégies de management transversales (Xu, 2007) visant à faciliter les échanges d’idées complémentaires à travers une véritable gouvernance transversale, indispensable pour leur compétitivité au XXIe siècle. J’innove, donc je suis ! Visionnaires du XXIe siècle ! Des chercheurs américains (ADNER, 2006) ont attiré l’attention sur le fait qu’aujourd’hui ces nouvelles stratégies d’innovation sont favorisées et poussées par le secteur high- tech. Certes, mais les stratégies des écosystèmes sont développées dans toutes sortes d’industries variées comme : les services financiers, les matériaux, la gestion de la logistique, le secteur de l’imprimerie, etc. Les praticiens et les économistes s’accordent à dire que la culture d’innovation implique une approche holistique, une attitude nouvelle des employés et des partenaires et non pas seulement un département, ou l’équipe de Valorisation et Transfert de technologie. L’innovation n’est plus la raison d’être d’un seul département ou d’un bureau, elle est devenue une attitude qui imprègne tous les départements et les employés. D’ou l’importance d’une gouvernance transversale (Xu, 2007) qui assure les échanges des idées pour l’émergence des projets innovants du XXIe siècle. Certains chercheurs (WHEATLEY, 2001) et praticiens postulent que l’innovation n’est plus la fonction exclusive du département de la recherchedéveloppement (R&D) mais le comportement attendu et la pratique de tous les employés. Aujourd’hui les recherches sur l’innovation se poursuivent sur la base des théories de l’écosystème et les économistes asiatiques (XU, 2007) ont proposé même une nouvelle théorie d’innovation dans les entreprises : la théorie des trois totalités (3 T) qui intègre les trois « totalités » de l’innovation : tout individu est source d’innovation, toute organisation et tout domaine, moment, espace. Les économistes (AIT-EL-HADJ, S., BRETTE, O., 2006) s’accordent à dire que l’innovation, notamment celle de rupture, suppose une dynamique complexe d’interactions entre une multitude d’acteurs appartenant à différents départements d’une même firme, à diverses entreprises, y compris appartenant à des secteurs différents et/ou à plusieurs autres types d’acteurs (centres de recherche public et privé, établissements d’enseignement supérieur, etc.). Plus les asymétries culturelles sont importantes au début, plus les chances d’innovation de rupture sont grandes. L’importance est que d’autres J’innove, donc je suis ! Visionnaires du XXIe siècle ! asymétries (de risque, d’échelle de temps) soient compensées pour envisager le processus d’innovation (PAUN, 2013). L’importance de la compréhension des « écosystèmes innovants » (ADNER, 2006) est justifiée par leur rôle indispensable dans la création de valeur, car ils impliquent le développement des relations de collaboration entre les entreprises et leurs réseaux de parties prenantes pour faire évoluer leurs offres individuelles vers des solutions cohérentes avec les besoins multiples et contraintes d’usages par les clients. Nous voilà chacun, individuellement face à ce choix collectif pour une « culture d’innovation », où innover c’est se sentir vivant dans une société qui bénéficie directement de ces innovations, qui doivent répondre à un véritable système des besoins, diverses et interdépendantes. Dr. Florin Paun!, Economiste de l’évolution des modèles d’innovation,! Praticien de l’innovation, Directeur Adjoint Innovation Industrielle, ONERA BIBLIOGRAPHIE ADNER, R. (2006), Match Your Innovation Strategy to Your Innovation Ecosystem, Hardvard Business Review ABERNATHY, WJ., UTTERBACK, JM. 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Visionnaires du XXIe siècle ! au niveau international ont mis en lumière l’émergence d’un nouveau modèle d’innovation français et ont complété, en outre, les théories des deux Prix Nobel (Stiglitz, J. et Sen, A.) après les avoir appliquées et adaptées aux « processus collaboratifs » comme l’innovation. Son travail vise à favoriser la création de valeur partagée par les laboratoires de recherche, les PME, les grands groupes et leurs territoires. Florin Paun enseigne son cours en innovation dans des Grands Ecoles et Universités en Europe et conseille des réseaux des praticiens français mais aussi des gouvernements européens sur l’évolution des stratégies, des outils et des modèles d’innovation. !