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Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble
La maladie de paget (260)
Professeur Robert JUVIN
Juillet 2002
Pré-Requis :
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•
Anatomie de l'os et des cellules osseuses: ostéoclastes, ostéoblastes, os cortical,
os spongieux, caractère lamellaire de l'os
Le remodelage osseux: résorption et formation, BMU
Résumé :
La maladie de Paget est une maladie osseuse bénigne, localisée, mono ou polyostotique,
caractérisée par une accélération du remodelage osseux. Elle se localise
préférentiellement au niveau du bassin, des vertèbres lombaires, du fémur, de la colonne
dorsale et du crâne et se traduit par des douleurs, des déformations osseuses, des
arthropathies, voire des compressions nerveuses. Le diagnostic est radiologique avec des
anomalies caractéristiques de forme, de structure, de densité osseuse, sans oublier les
très rares formes ostéolytiques.
Grâce aux biphosphonates, son traitement est devenu efficace, basé sur l’évolution du
taux des marqueurs du remodelage osseux et principalement des phosphatases
alcalines.
Index :
Maladie de Paget, ostéose condensante, biphosphonates
1. Définition
La maladie de Paget est une maladie osseuse localisée, mono ou polyostotique, qui progresse
lentement au sein des os atteints. Elle se caractérise par une accélération du remodelage
osseux entraînant des douleurs et un risque de complications osseuses, articulaires ou
neurologiques.
Cette maladie ne présente pas de risque vital hormis les très rares cas de dégénérescence
sarcomateuse.
Le diagnostic est avant tout radiologique et l'apparition de nouveaux dérivés biphosphonates
laisse entrevoir une excellente efficacité thérapeutique
Photo : portrait de Sir James PAGET
1814-1899
(Tous droits réservés)
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2. Mode de présentation
Le plus souvent, la maladie de Paget est découverte lors d’un bilan radiologique standard, en
règle après 50 ans, avec une légère prédominance masculine.
Quelques signes attirent parfois l'attention et motivent le bilan radiologique:
• douleurs osseuses
• déformations (inconstantes et tardives; historiquement "signe du chapeau" par
hypertrophie
• crânienne, tibia "en lame de sabre")
• troubles vasomoteurs (hyperhémie cutanée en regard des lésions osseuses)
• l'état général est toujours conservé.
Photo : premier malade atteint de la maladie de Paget
Noter les déformations caractéristiques et l'hypertrophie des membres inférieurs. Au centre comparaison des
chapeaux à trente deux ans d'intervalle.
(Tous droits réservés)
3. Signes radiologiques
Fréquence des localisations
osseuses
(par ordre décroissant)
bassin, vertèbres lombaires, fémur,
colonne dorsale, sacrum, crâne,
tibia
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Signes radiologiques caractéristiques de la maladie de Paget
Anomalies de forme
hypertrophie de la pièce osseuse
- épaississement des corticales
Anomalies de structure
- structure fibrillaire de l'os
Anomalies de densité
Condensation hétérogène donnant un aspect
« ouaté »
Aspects radiologiques particuliers au cours de la maladie de Paget
bassin
rachis
os longs
crâne
phase initiale d'ostéolyse (absence de
condensation osseuse)
l'atteinte unilatérale (un seul os coxal) est
fréquente
l'atteinte du corps vertébral donne un aspect "en
cadre" au début (hypertrophie corticale).
possibilités de condensation globale et homogène
du corps vertébral : « vertèbres ivoires »
des tassements vertébraux sont possibles
possibilité d'incurvation (aspect en "lame de
sabre" du tibia)
épaississement de la voûte du crâne
atteinte de la base du crâne avec convexobasie
ostéoporose circonscrite du crâne;
au niveau du tibia: "V" tibial
forme trompeuse car souvent interprétée comme
lésion tumorale
Photo : trame osseuse de la maladie de Paget.
Comparaison entre une trame osseuse normale (à gauche) et la trame osseuse d'un os pagetique (à droite) :
hypertrophie de la pièce osseuse, condensation osseuse, perte de la différenciation cortico-spongieuse, trame
fibrillaire
(Tous droits réservés)
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Photo : vertèbre ivoire
Condensation et hypertrophie de L 4.
(Tous droits réservés)
Photo : maladie de Paget vertébrale étendue
Atteinte de plusieurs vertèbres donnant une condensation osseuse diffuse, hétérogène
(Tous droits réservés)
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Photo : vertèbre en cadre.
Noter la condensation périphérique du corps vertébral traduisant une hypertrophie de la corticale et justifiant
l'appellation "en cadre"
(Tous droits réservés)
Photo : Paget de l'hémibassin gauche
Noter l'aspect condensé du bassin et discrètement hypertrophié
(Tous droits réservés)
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Photo : déformation progressive du tibia chez un patient porteur d'une maladie de Paget
Noter l'hypertrophie des corticales et la trame osseuse fibrillaire et condensée.
(Tous droits réservés)
4. Autres examens complémentaires
4.1. La scintigraphie osseuse
Elle met en évidence une hyperfixation intense sur les os atteints.
Son intérêt :
• préciser la topographie des lésions sur le squelette
• déceler des foyers invisibles sur les radiographies.
Elle est demandée lors du bilan initial. Il s'agit donc d'une "cartographie".
Il n'est pas utile de répéter la scintigraphie pour le suivi d'un patient ou pour apprécier
l'efficacité d'un traitement.
4.2. Paramètres biochimiques
Dosage des paramètres reflétant le remodelage osseux :
• Paramètres de la formation osseuse : Phosphatases alcalines sériques, isoenzymes
des phosphatases alcalines éventuellement, l’ostéocalcine est beaucoup moins sensible
dans la maladie de Paget.
• Marqueurs de la résorption : CTX, NTX et pyridinolines.
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•
•
•
Ils sont augmentés proportionnellement à l'étendue et à l'activité de la maladie.
Ils peuvent être normaux dans les formes localisées sur un seul os.
Ils sont utilisés pour la surveillance de l'évolutivité de la maladie et pour apprécier
l'efficacité des traitements.
En pratique, les phosphatases alcalines sériques sont suffisantes mais les marqueurs de
la résorption comme le CTX ou le NTX se modifient très rapidement sous traitement.
La calcémie est en règle normale dans la maladie de Paget; elle est par contre augmentée en
cas d'immobilisation prolongée ou d'hyperparathyroïdie associée.
La vitesse de sédimentation est normale.
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5. Quelles complications redouter ?
Il convient de rappeler que la maladie de Paget est une maladie bénigne, qui progresse
localement et lentement sur les os déjà atteints, et qu'il n'existe pas de risques d'atteinte de
nouvelles pièces osseuses.
5.1. Avant tout
5.1.1. Articulaires : les arthropathies pagétiques
Intéressent principalement la hanche et le genou et sont liées aux déformations des extrémités
osseuses pagétiques, sans atteinte initiale du cartilage. Ces arthropathies vont entraîner des
douleurs, des déformations, une impotence fonctionnelle. Le traitement par prothèses est
possible.
•
au niveau de la hanche : coxopathie pagétique. Elle survient même s'il n'existe
qu'une atteinte isolée soit du bassin soit de l'extrémité supérieure du fémur.
L'évolution vers une protrusion acétabulaire est classique.
Photo : Coxopathie pagétique
Atteinte pagétique de l'hémibassin et du fémur entraînant une coxopathie protrusive avec disparition de
l'interligne articulaire.
(Tous droits réservés)
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genou : possibilité de déformation de type genu varum
5.1.2. Fractures
Expliquées par la fragilité de l'os pagétique
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Des fissures sont visibles sur la convexité des os longs.
Des fractures diaphysaires transversales peuvent survenir sur les os longs (fractures en
"bâton de craie").
Photo : fracture du fémur en zone pagétique
Fracture transversale, en baton de craie
(Tous droits réservés)
5.2. Plus rarement
5.2.1. Complications nerveuses
Expliquées par des phénomènes compressifs liés à l'hypertrophie des os atteints mais aussi par
des phénomènes de "vol vasculaire".
•
•
•
surdité le plus souvent bilatérale et non influencée par le traitement (atteinte du
rocher)
compression médullaire lors d'une localisation rachidienne: tableau de paraplégie;
outre la compression osseuse, des phénomènes d'ischémie médullaire existent,
expliquant la possibilité de guérison par traitement médical.
compression radiculaire ou de la queue de cheval
5.2.2. Complications cardio-vasculaires
Rares, favorisées par l'hypervascularisation de l'os pagétique
• insuffisance cardiaque: par augmentation du débit cardiaque
• hémodétournement carotidien externe.
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5.3. Très rarement
5.3.1. Dégénérescence sarcomateuse
De haute gravité; se localise sur une pièce osseuse déjà atteinte par la maladie de Paget,
surtout au niveau du fémur et de l'humérus. Elle est suspectée devant une augmentation des
douleurs, donnant des images ostéolytiques sur les radiographies, et des aspects tumoraux en
scanner et IRM. La biopsie est nécessaire au diagnostic.
6. Prise en charge d'un malade atteint d'une maladie de Paget
6.1. Bilan initial
6.1.1. Clinique
•
•
•
noter les zones douloureuses,
rechercher des déformations osseuses, une arthropathie pagétique (articulation coxofémorale et genou).
rechercher une surdité,
6.1.2. Imagerie
•
•
scintigraphie osseuse corps entier.
Radiographies : centrées sur les zones douloureuses et les zones hyperfixiantes en
scintigraphie; clichés du crâne systématiquement.
Photo : atteinte du crâne dans la maladie de Paget
Condensation "ouatée" et hypertrophie de la voute cranienne
(Tous droits réservés)
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6.1.3. Biologie
•
•
dosage des phosphatases alcalines (B 20 = 35,2 F)
dosage des NTX ou des CTX (B 90 = 150 F)
6.2. Surveillance d'un malade atteint d'une maladie de Paget
6.2.1. Clinique
•
•
noter les zones douloureuses, rechercher une surdité, une complication neurologique,
des déformations osseuses, une arthropathie pagétique.
en cas d'aggravation des douleurs sur une zone pagétique penser à la possibilité d'une
fracture ou d'une dégénérescence sarcomateuse.
6.2.2. Imagerie
Radiographies sur les zones douloureuses
6.2.3. Biologie
Dosage des phosphatases alcalines tous les 3 ou 6 mois.
7. Traitement
7.1. Il repose sur
7.1.1. les Biphosphonates, médicaments anti-ostéoclastiques
qui vont limiter la résorption osseuse et donc
l’hyperremodelage
Objectifs :
• à court terme : agir sur les symptômes de la maladie
• à long terme : ralentir l'évolution de la maladie en normalisant les marqueurs du
remodelage osseux
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Biphosphonates
posologie quotidienne
durée du traitement
coût approximatif
Etidronate
Didronel* 200 mg
400 mg / j
6 mois
1700 F (6 mois)
Tiludronate
Skelid*200 mg
400 mg /j
3 mois
2500 F (3 mois)
Pamidronate
Aredia*
perfusion de120 à 180
mg sur 2 à 3 jours
1 perfusion annuelle
usage hospitalier
Risédronate
Actonel*30 mg
30 mg par jour
2 mois
3067 F (2 mois)
7.1.2. Les antalgiques
Ils sont prescrits lors de douleurs osseuses ou articulaires.
La Calcitonine est rarement utilisée à l'heure actuelle, seulement chez les patients qui ne
supportent pas les biphosphonates.
7.1.3. la chirurgie orthopédique
La chirurgie orthopédique est parfois indiquée : mise en place de prothèses dans les
arthropathies, traitement des incurvations et des fractures.
7.2. Indications thérapeutiques
7.2.1. Qui traiter ?
Indications de traitement de la maladie
de Paget (d'après PD Delmas - NEJM 1997)
* Douleurs articulaires ou osseuses
* Déformation osseuse
* Complications osseuses, articulaires ou neurologiques
* Maladie asymptomatique mais avec un risque
de complications lié au site:
-> base du crâne
-> rachis
-> os longs des membres inférieurs
* Préparation à la chirurgie orthopédique
7.2.2. Comment traiter ?
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Tiludronate en première intention pour trois mois ou jusqu'à normalisation des
paramètres biochimiques. L’Actonel peut également être utilisé en première intention.
associé à Ca (1 g par jour) et Vit D (800 UI par jour) afin de prévenir toute
hypocalcémie.
le but est de ramener les marqueurs du remodelage osseux à la normale ++
toute nouvelle ascension de 30 % de ces paramètres justifiera une nouvelle séquence
thérapeutique
La reprise du traitement est possible en cas de récidive clinique ou biologique mais
possibilité de résistance
Didronel : éviter ce médicament en cas de fissure, de fracture, lors de la mise en place
de prothèses et dans les formes ostéolytiques pures.
formes sévères ou résistantes aux autres biphosphonates ou lors des complications
neurologiques, voire avant une chirurgie: utiliser l’Aredia en raison de sa rapidité
d’action.
Liens
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Histologie : rubrique cellules osseuses.
Pharmacologie : rubrique biphosphonates.
Radiologie : rubrique ostéose condensante.
Références :
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M.C. Boissier. Décision en rhumatologie. Vigot Edt
Y. Pawlotsky.Rhumathologie. Ed Ellipse, Paris 2000.
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