ANNALES DES SCIENCES AGRONOMIQUES http://www.ajol.info Volume 19, Numéro 1, 2015 ANNALES DES SCIENCES AGRONOMIQUES Revue publiée par la Faculté des Sciences Agronomiques (FSA) de l'Université d’Abomey-Calavi (UAC) appliquée, Ethnobotanique appliquée), Pr L. R. Glèlè-Kakaï (Statistiques) Comité de lecture : les lecteurs (referees) sont des scientifiques choisis de par le monde selon les champs thématiques des articles. Comité de Publication Directeur de publication : Pr Brice SINSIN Secrétaire : Pr A. AHANCHÉDÉ Membres : Pr J. HOUNHOUIGAN Pr Ph. LALÈYÈ Pr Ch. CHRYSOSTOME Dr A. ADÉGBIDI Administration : Pr J. DJEGO Mise en page : S. GBOHAYIDA Conseil Scientifique Pr M. Oyédé (Sciences de la Terre), Pr G. A. Mensah (Biologie animale), Pr K. Moutaïrou (Biologie cellulaire, Immuno-cytologie), Pr C. Ahanhanzo (Biotechnologie), Pr S. A. Akpona (Biochimie), Pr M. Boko (Climatologie), Pr F. G. Amoussouga (Economie), Pr L. J. G. Van der Maesen (Botanique), Pr P. Meerts (Ecologie végétale), Pr A. Assogbadjo (Ethnobotanique, Génétique), Pr C. Agbangla (Génétique), Pr P. Azokpota (Biochimie alimentaire), Pr T. Alavo (Entomologie), Pr L. Ahoton (Phytotechnie), Pr J. Hounhouigan (Technologie alimentaire), Pr B. Sinsin (Ecologie végétale et animale), Pr J. Ganglo (Sciences forestières), Pr Ph. Lalèyè (Hydrobiologie), Pr R. Mongbo (Sociologie rurale), Pr A. Ahanchédé (Malherbologie), Pr J. C. Codjia (Zoologie), Pr E. Agbossou (Hydraulique), Pr S. Saliou (Sciences vétérinaires), Pr G. Dègan (Energétique), Pr S. Adoté-Hounzangbé (Parasitologie), Pr P. Edorh (Biochimie-environnement), Pr A. Adomou (Botanique), Pr B. Ahohouendo (virologiephytopharmacie), Pr P. Houngnandan (Microbiologie), Pr G. Amadji (Pédologie), Pr G. Biaou (Économie rurale), Dr E. Achigan-Dako (Production végétale), Pr G. J. Djego (Botanique But et publication Les Annales des Sciences Agronomiques est une revue scientifique dont le but est de publier des articles originaux et des notes techniques, dans tous les domaines des sciences et techniques agricole, biologique, écologique, biochimique, biotechnologique, géologique, pédologique, agroalimentaire, de la nutrition humaine et animale ; de l’environnement, de la biodiversité, de l’économie et de la sociologie rurale. Les articles sont rédigés en Français ou en Anglais avec un résumé détaillé d'une demi-page au maximum dans la seconde langue. Les auteurs ayant régulièrement payé leur cotisation annuelle bénéficient de 12 pages par numéro pour la publication de leurs articles. Ils bénéficient de tirés à part de leurs articles lorsqu'ils sont publiés. Frais de publication : Seuls les auteurs ayant payé les frais de publication de leurs articles verront leur manuscrit publié. Le montant de ces frais de publication est fixé par manuscrit. 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Les limites de la théorie évolutionniste des droits de propriété, une étude de cas au Sud-Bénin 1-18 P. LESSE, J. DJENONTIN, B. YABI, I. TOKO, B. TENTE & M. HOUINATO : Cartographie et gestion des principaux points d’abreuvement aménagés des troupeaux transhumants au Nord Est du Bénin 19-41 T. B. C. ALAVO & D. K. MENSAH : Effet de l’émulsion d’huile de colza sur le puceron Aphis craccivora pour la protection intégrée du niébé (Vigna unguiculata) 43-51 I. YABI, M. M. KOUASSI, M. S. ISSA & F. AFOUDA : Variabilité pluviométrique de la grande saison agricole et ses incidences sur la production du maïs dans la commune de Zè au Bénin 53-77 I. TOKO IMOROU, P. C. DJOGBENOU, O. AROUNA, E. S. SOGBOSSI & B. SINSIN : Effets de la taille et des régions phytogéographiques sur la diversité floristique et la structure des forêts sacrées au Bénin 79-97 H. H. AKODOGBO, H. AGADJIHOUÈDÉ, C. A. BONOU & E. D. FIOGBÉ : Production du zooplancton a partir des déjections animales et son importance dans la vie des larves de poisson : synthèse bibliographique Publié en décembre 2015 99-115 Annales des Sciences Agronomiques 19(1) : 53-77, 2015 ISSN 1659 - 5009 VARIABILITÉ VARIABILITÉ PLUVIOMÉ PLUVIOMÉTRIQUE DE LA GRANDE SAISON AGRICOLE ET SES INCIDENCES SUR LA PRODUCTION DU MAÏS DANS LA COMMUNE DE ZÈ ZÈ AU BÉNIN I. YABI, M. M. KOUASSI, M.-S. ISSA & F. AFOUDA Laboratoire Pierre Pagney, Climats, Eau, Ecosystème (LACEEDE), DGAT/FLASH-UAC, Email : [email protected] et Développement RÉSUMÉ SUMÉ La Commune de Zè comme les autres parties du Bénin est sujette à la variabilité pluviométrique multiforme qui perturbe les productions agricoles demeurées essentiellement pluviales. Le présent article étudie la variabilité pluviométrique et ses incidences sur la production du maïs, principale culture alimentaire et réputée pour sa sensibilité aux effets des aléas pluviométriques. Les données utilisées concernent les hauteurs de pluie journalière de la grande saison de pluie de Toffo et les valeurs d’évapo-transpiration de Cotonou (station synoptique la plus proche) pour la période 1982-2011. De même, des informations ethno-climatiques ont été collectées auprès d’un échantillon de 200 chefs ménages de producteurs de maïs. L’utilisation de l’indice standardisé des pluies, le calcul des bilans climatiques, l’identification des séquences sèches et humides, le calcul de l’indice de satisfaction des besoins en eau du maïs ont permis d’apprécier la variabilité pluviométrique et ses effets sur la production du maïs. L’utilisation de quelques outils de la statistique descriptive a été mise à contribution pour traiter les perceptions et savoirs paysans. Dans 30 % des années, les totaux pluviométriques saisonniers sont déficitaires alors que les valeurs excédentaires ont une fréquence de 20 % si bien qu’une année sur deux est frappée par une anomalie (déficit ou excès). Les débuts de saison sont plus perturbés par les séquences sèches alors que les fins de saison sont plus touchées par des séquences humides sans oublier les débuts tardifs et précoces des pluies. Ces irrégularités affectent l’indice de satisfaction des besoins en eau du maïs dont les valeurs chutent jusqu’à 25 %, traduisant ainsi des stress dus au déficit ou excès d’eau par rapport au besoin en eau de la plante. Les producteurs ont perçu dans leur majorité les manifestations de la variabilité pluviométrique sous différentes formes : pluies irrégulières (95 %), démarrage tardif (90 %), arrêt précoce des pluies (85 %) et pluies violentes (80 %). Les mesures adaptatives mises en œuvre concernent le semis multiple, l’adoption de nouvelles variétés culturales, l’augmentation des emblavures, la valorisation des bas-fonds et l’utilisation des engrais chimiques. Mots clés : Commune de Zè, variabilité pluviométrique, incidences, production de maïs, adaptations RAINFALL VARIABILITY OF THE LARGE AGRICULTURAL SEASON AND ITS IMPACT ON THE MAIZE PRODUCTION IN THE DISTRICT OF ZÈ IN BENIN ABSTRACT The District of Zè as others parts of Benin is subject to rainfall variability multifaceted disrupting agricultural production remained essentially storm. This paper examines rainfall variability and its impact on the production of maize, the main food culture and renowned for its sensitivity to the effects of rainfall fluctuations. Toffo rain data (1982-2011) and evapotranspiration Cotonou (nearest synoptic station) were used. In addition, ethno-climatic information was collected from a sample of 204 heads of households corn producers. The use of standardized index rainy calculating climate assessments identifying dry and wet sequence identification, the calculation of the index of satisfaction of corn needs water, allowed to assess the risks and pluviometriques effects on corn production. The use of some tools of descriptive statistics was put to use to treat the farmers' perceptions and knowledge. Publié en décembre 2015 Yabi et al. In 30 % of years, seasonal rainfall totals are in deficit and surplus values then have a frequency of 20 % so a year for two is hit by an abnormality (deficiency or excess). The seasonal debut are more troubled by dry spells while seasonal purposes are more affected by wet sequences without forgetting the late start and early rains. These irregularities affect the level of satisfaction of the water requirements of corn whose values drop to 25 %, reflecting the stress due to deficit or excess of water relative to the water requirement of the plant. Most producers received rainfall hazards in different forms: erratic rainfall (95 %) late start (90 %), early cessation (85 %) heavy rain (80 %). Adaptive measures implemented concern the multiple seedlings, the adoption of new crop varieties, increasing plantings, the valuation of shallows and the use of chemical fertilizers. Keywords : District of Zè, rainfall variability, impacts, maize production adjustments INTRODUCTION L’agriculture occupe une place prépondérante dans l’économie béninoise avec près de 70 % de la population active, 39 % du PIB et 90 % des recettes d’exportation du pays (Monde cité par Zakari et al., 2012). Cette agriculture est caractérisée par la prédominance des cultures vivrières notamment les céréales. D’après FAOSTAT (2010), le maïs (Zea mays L.) est la plus grande culture céréalière produite dans le monde devant le riz et le blé avec une production annuelle mondiale estimée à 829 millions de tonnes. Au Bénin, avec une production nationale annuelle de 1 063 049 tonnes, le maïs constitue la principale céréale retenue comme une des productions prioritaires dans le cadre de la relance du secteur agricole (Adégbola et al., 2011). En effet, cette denrée représente une composante importante du régime alimentaire des populations béninoises qui y consacrent une large part de leurs superficies culturales. Par ailleurs, en plus de l’autoconsommation, la culture de maïs est devenue depuis quelques années une culture de rente avec des transactions bien établies entre producteurs et entreprises de transformation d’une part et entre le Bénin et les pays voisins d’autre part (Tokoudagba, 2014). Or, en Afrique de l’ouest, l’agriculture vitale pour les communautés paysannes est extrêmement dépendante des pluies estivales (Sultan et Janicot, 2004). En effet, dans cette région du monde, les facteurs climatiques expliquent, pour une grande part, les rendements agricoles (Franquin, 1969 ; Reyniers et al. cité par Issa, 2012). Au Bénin, les mutations pluviométriques aux échelles saisonnières, enregistrées au cours de ces dernières décennies ont également affecté négativement les cycles culturaux des principales cultures (Vignigbé, 1992 ; Houndénou, 1999 ; Ogouwalé, 2006). De même, selon les travaux de Boko 54 Pluviométrie et production du maïs (1988), Afouda (1990), Zakari et al. (2012), la variabilité des précipitations est l’un des principaux facteurs de vulnérabilité de l’agriculture béninoise qui reste essentiellement pluviale. Comme les autres cultures, le maïs est aussi vulnérable aux effets de la variabilité climatique (Houndénou, 1999 ; Noufé et al., 2011 ; Chen et al. 2012, Abossolo et al., 2015). En effet, le maïs est une plante qui présente une plus grande sensibilité aux effets de la variabilité pluviométrique durant son cycle cultural par rapport aux autres céréales. Ainsi, une mauvaise répartition des pluies est capable d’induire la réduction du nombre de grains par épis, le retard à la maturation des grains, l’asphyxie des racines des plantes selon la nature de l’aléa (sécheresse ou abondance pluviométrique) et du state végétatif de la plante d’après plusieurs travaux notamment ceux de Sarr et al. (2011) de Houndénou (1999) et de Sarr et al. (1999). Mais, ces travaux ne permettent pas encore de bien comprendre les risques pluviométriques associés à la culture du maïs pendant la grande saison culturale au cours de ces dernière années dans le sud-Bénin en général et dans la Commune de Zè en particulier. Le présent travail vise donc à mieux appréhender les aspects de variabilité pluviométrique de la grande saison agricole et leurs effets potentiels sur cette culture dans la commune de Zè. Milieu d’étude La Commune de Zè elle est située dans le Département de l’Atlantique au Sud Bénin. Elle est comprise entre 6°30’ et 6°50’N d’une part et 2°20’ et 2°30’ E d’autre part (Figure 1). Avec une superficie de 653 km2, elle est la Commune la plus vaste du département dont elle occupe 19,88 % du territoire. 55 Yabi et al. Figure 1. Situation géographique de la commune de Zè Du point de vue géomorphologique, la commune de Zè est située sur un plateau d’altitude moyenne de 80 m (Kuassi, 2012). En dehors des talus reliant les plaines au plateau où les versants sont par endroits abrupts, le relief est globalement peu accidenté, ce qui facilite l’installation et l’exploitation des champs de maïs. Les composantes pédologiques quant à elles sont principalement constituées des sols ferralitiques (sols ferralitiques et Arénosol) sur terre ferme et hydromophes (Gleysol eutrique, Vertisol hydromophe et Acrisol haplique) par endroits dans les plaines d’inondations. Dans l’ensemble, ces sols ont des propriétés agronomiques favorables à la production des céréales notamment le maïs (Azontondé, 1993). 56 Pluviométrie et production du maïs En ce qui concerne le contexte climatique, il est caractérisé par un climat de type subéquatorial avec deux saisons pluvieuses d’inégale importance (Figure 2). La grande saison pluvieuse s’étend de mi-mars à juillet (13 à 14 décades) où il tombe une hauteur de pluie comprise entre 700 et 800 mm. Pendant cette période la hauteur mensuelle de pluie est supérieure à ½ ETP, ce qui favorise les activités végétatives des cultures notamment du maïs. Elle correspond donc à la première campagne agricole de l’année. Après le répit pluviométrique du mois d’août, s’installe la petite saison pluvieuse (200 à 300 mm de pluie) qui s’étend de septembre à octobre. Les activités de la deuxième campagne agricole sont menées au cours de cette période. S’agissant de la température, sa moyenne est de 27°C. Les mois les plus chauds correspondent à la saison sèche où la température atteint 30°C tandis que les mois de juillet et août sont les plus frais (24°C). L’amplitude thermique y est faible (5°C) si bien que l’ambiance thermique est peu fluctuante, ce qui constitue un atout pour le développement des espèces végétales notamment du maïs dont les préférendum thermiques sont compris entre 22 et 30°C. En définitive, le contexte biophysique de la commune de Zè est en général favorable aux activités agricoles en général et à la production du maïs en particulier. Les atouts naturels sont mis en valeur la population dont les actifs agricoles représentent près de 75 % de l’effectif total. Ainsi, dans la Commune de Zè, le maïs représente plus de 90 % de la production céréalière, essentiellement par les petites exploitations agricoles (60 % des exploitations de maïs ont une superficie inférieure à 2 ha). Dans leurs efforts, les producteurs sont accompagnés par les institutions de recherches et d’encadrement par la mise au point des variétés culturales améliorées (augmentation du rendement) et le respect des itinéraires techniques de production. 57 Yabi et al. Figure 2. Bilan climatique à Allada (1981-2010) 1 = Première campagne agricole ; 2 = deuxième campagne agricole Approche méthodologique Les données climatiques utilisées concernent les hauteurs de pluie du poste pluviométrique dAllada et l’évapotranspiration (ETP) de la station de Cotonou (station synoptique la plus proche) sur la période 1981-2010. Elles ont été collectées au service météorologique de l’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) de Cotonou. A ces données, s’ajoutent les informations socio-anthropologiques sur les perceptions paysannes de la variabilité pluviométrique, les incidences sur la production du maïs et les mesures adaptatives mises en œuvre. La taille minimum de l’échantillon utilisé a été déterminée par la formule de Dagnélie (1998) : n = [ε21-α/2*P(1-P)]/d2 Avec n : taille minimale de l’échantillon considérée ; P : proportion de producteurs de maïs ayant des connaissances ethno-climato-agricoles dans la commune déterminée par une exploration préliminaire (p = 0,75) ; ε21-α/2 : valeur de la loi normale à la valeur de probabilité 1-α/2 ; α = 5 % est de 1,96 ; d : marge d’erreur de l’estimation fixée à une valeur de 6 %. 58 Pluviométrie et production du maïs L’application de cette formule donne n = 200. Les 200 producteurs sont constitués de 120 jeunes (dont 80 hommes et 40 femmes) et de 80 vieux (dont 50 hommes et 30 femmes). Dans le cadre cette recherche, les producteurs d’âges compris entre 20 et 50 ans sont considérés comme jeunes et ceux dont l’âge est supérieur à 50 ans sont considérés vieux. Les producteurs choisis sont répartis dans 6 arrondissements sur les 11 que compte la Commune de façon proportionnelle à la population agricole totale (tableau I). L’importance de la production du maïs et le souci de prendre en compte les unités agroécologiques (plateau, plaine) ont présidé au choix des arrondissements et des localités. Quant aux producteurs, ils ont été identifiés avec les techniciens du Secteur Communal du Développement Agricole de Zè (SCDA-Zè). L’importance des productions, les âges (vieux et jeunes), le sexe (homme et femme) ont été pris en compte. Les producteurs âgés de plus de 45 ans sont considérés comme des vieux dans le cadre de ce travail. En plus des producteurs, 6 personnes ressources constituées des agents du SCDA-Zè et des responsables de l’Union Communale de producteurs ont été choisis dans le cadre des enquêtes de terrain. Tableau 1. Répartition des acteurs constitutifs de l’échantillon Commune Arrondissements Effectifs de producteurs choisis Djigbé 20 Sèdjè-Houègoudo Zè Total Effectifs personnes ressources des 30 Zè 34 Dawé 26 Yokpo 35 Tangbo 55 06 200 06 Les entretiens individuels et de groupes au moyen de questionnaire et du guide d’entretien ont été les techniques de collectes d’information de terrain utilisées. L’identification des saisons excédentaires ou déficitaires a été faite par le calcul de l’indice standardisé de précipitation (SPI). SPI = (Pi − Pm)/σ 59 Yabi et al. Pi : Précipitation de l’année i ; Pm : Précipitation moyenne de la série étudiée ; σ : écart type des valeurs de précipitations de la série étudiée. Dans cet article lorsque SPI > 1, la saison est considérée comme excédentaire et lorsque SPI< -1, la saison est considérée comme déficitaire. Le bilan climatique a été déterminé grâce à la méthode de Franquin. Cette méthode combine les précipitations, l’ETP et ½ ETP. Elle a permis de déterminer la durée des périodes écologiques favorables aux activités végétatives par catégorie d’années (déficitaires et excédentaires). Lorsque P < ½ ETP, la période est écologiquement sèche ; la période est pré-humide lorsque ½ ETP < P < ETP ; la période est franchement humide lorsque P > ETP et la période est post-humide lorsque ½ ETP < P < ETP. Les périodes écologiques favorables aux activités végétatives par catégorie d’années ont été rapprochées à la durée de croissance végétative du maïs et au calendrier agricole habituel des producteurs afin d’apprécier les niveaux et degrés de vulnérabilité de la culture du maïs. Par ailleurs, les séquences sèches (SS) et humides (SH) pendant la saison culturale de même que leur fréquence d’apparition ont été étudiées. Ainsi, il est considéré comme séquence sèche, un nombre de jours consécutifs où la hauteur de pluie précipitée est inférieure à 1 mm. Trois types de SS ont été considérés à savoir les SS de 10 jours (SS1), de 15 jours (SS2) et de 20 jours (SS3). S’agissant des séquences humides, elles concernent toute pentade dont le cumul pluviométrique atteint au moins 100 mm. En outre, le degré de satisfaction des besoins hydriques du maïs a été apprécié par le calcul de Indice de satisfaction des besoins en eau (ISBE) du maïs (Frère & Popov cités par Sarr et al., 2011). Les valeurs de ISBE par décade sont générées directement par le logiciel Instat+v.3.036. Une valeur élevée de ISBE (99 à 100) traduit des conditions d’alimentation hydrique bonnes à très bonnes et des valeurs faibles de 59 à 60, des conditions mauvaises voire médiocres. Des valeurs de ISBE < 50 correspondent à un échec total de la culture. Dans ce travail, le 1er avril est choisi comme date de semis des variétés de maïs de 90 et 120 jours concernées par les analyses. En ce qui concerne les données et informations de terrain, elles ont été traitées à l’aide de quelques paramètres de la statistique descriptive (fréquence, tableaux, graphes, AFC). 60 Pluviométrie et production du maïs RÉSULTATS La variabilité pluviométrique saisonnière est caractérisée à travers l’évolution interannuelle des indices pluviométriques. Ensuite, le calcul du bilan climatique par types d’années (normale, déficitaire et excédentaire) et l’analyse des séquences (sèches ou humides) pendant la grande saison agricole, sont faits. Par ailleurs, la variation de l’indice de satisfaction des besoins en eau du maïs de même que les perceptions paysannes sont étudiées. Variabilité pluviométrique Dans la commune de Zè, la variabilité pluviométrique se manifeste entre autres par l’apparition des années déficitaires suivies d’années normales et excédentaires sans aucune périodicité apparente (Figure 3). Figure 3. Variation interannuelle des indices pluviométriques de la grande saison agricole Les décennies 1980 et 1990 ont été plus touchées par les saisons pluviométriques déficitaires. La fréquence de cette anomalie est 50 et 20 % respectivement pour les années 1980 et 1990. L’ampleur des déficits varie entre 30 et 43 % et les déficits les plus importants sont enregistrés au cours de la décennie 1990 (44 % en 1995 et 38 % en 1998). Quant aux saisons pluviométriques excédentaires, elles ont été plus fréquentes au cours des années 2000 où leur fréquence a atteint 50 %. 61 Yabi et al. L’ampleur des excédents est comprise entre 30 et 48 % (43 % en 1997 ; 42 % en 2002 ; 30 % en 2006 et 48 % en 2008). La fréquence des deux anomalies combinées (déficits ou excès) est d’environ 50 %. Autrement dit, dans la commune de Zè, une année sur deux est affectée par une anomalie pluviométrique pendant la grande saison agricole. Ces anomalies affectent le bilan climatique et la culture du maïs. Bilans climatiques au cours des années anormales Afin de mieux appréhender l’incidence des anomalies pluviométriques sur la longueur de la période écologiquement favorable au développement du maïs, les bilans climatiques ont été déterminés par catégorie d’années. La Figure 4 illustre les bilans climatiques des années déficitaires (1988 et 1998). Figure 4. Etats du bilan hydrique pendant les années déficitaires 62 Pluviométrie et production du maïs Les années déficitaires sont globalement caractérisées par une insuffisance et une mauvaise répartition des pluies au cours du cycle cultural du maïs avec quelques nuances. Par exemple en 1988, au début de la saison culturale, la période allant de la 1ère décade d’avril jusqu’à la 2ème décade de mai, a été écologiquement sèche (P < 1/2ETP) même si les premières pluies ont été enregistrées à mi-avril. Une telle condition pluviométrique n’autorise pas de semis dans la mesure où le sol n’est pas suffisamment humide pour porter jusqu’à germination les grains (du maïs). Ce n’est qu’à mi-mai (3ème décade de mai) que le bilan climatique indique une période pré-humide favorable au semis. Autrement dit, les premiers semis sont intervenus en retard par rapport au calendrier habituel (moyen). Mais au cours de la décade suivante (1ère décade de juin), l’ambiance climatique est redevenue sèche (P < 1/2ETP), ce qui induit un risque d’échec du premier semis et oblige les producteurs à procéder à un nouveau semis. Ensuite, il y a eu 4 décades humides (fin-juin à mi-juillet), au cours desquelles l’activité végétative du maïs est favorisée. Ainsi, en 1988, la durée de la saison culturale n’est que de 6 décades pour le paysan qui a risqué un semis en fin mai et 4 décades pour le semis intervenu à mi-juin. Dans tous les cas, cette durée est largement insuffisante pour le maïs qui a besoin de 8 à 12 décades pour boucler son cycle végétatif. En ce qui concerne l’année 1998, elle n’a pas connu de période franchement humide (P toujours inférieure à ETP). Il y a eu des périodes sèches et pré-humides qui se sont alternées tout au long de l’année. Dans ces conditions, le maïs cultivé se trouve en situation de déficit hydrique permanent, ce qui est capable d’assécher les plants ou d’affecter négativement le rendement et la qualité des graines. En définitive, les années déficitaires se manifestent par un début tardif et/ou une fin précoce des pluies, ce qui induit un raccourcissement de la longueur de la saison culturale qui devient insuffisant par rapport au cycle végétatif du maïs. En plus, au cours de ces années, les pluies sont souvent insuffisantes par rapport aux besoins hydriques du maïs qui reste en condition de stress quasi-permanent. En ce qui concerne les années excédentaires (Figure 5), elles sont surtout caractérisées par des pluies suffisantes au début de la saison (P > 1/2ETP), ce qui permet le semis au début du mois d’avril et un bon levé du maïs. Le mois de juin qui coïncide approximativement aux stades d’épiaison et de maturation est caractérisé par des pluies abondantes. Ces pluies engendrent 63 Yabi et al. des inondations qui provoquent l’asphyxie et la pourriture des racines des plantes de maïs par manque d’oxygène. De même, les graines déjà constituées risquent de moisir ou de germer. Il s’en suit donc des pertes quantitative et qualitative des cultures. Figure 5. Etats du bilan hydrique pendant les années excédentaires Par ailleurs, d’après les producteurs répondants (80 %), les fortes pluies rendent plus fastidieux et inefficaces les travaux d’entretien (sarclage, buttage) des champs. A cela s’ajoute l’accès difficile des paysans dans les exploitations culturales en raison des inondations et l’état boueux des pistes. En somme, la répartition des pluies au cours des années anormales (déficitaires ou excédentaires) ne favorise pas une bonne satisfaction des besoins hydriques du maïs durant son cycle de développement et induit un dérèglement du calendrier cultural habituel (moyen) du paysan. Outre, les 64 Pluviométrie et production du maïs anomalies saisonnières, la culture du maïs est perturbée par l’occurrence des séquences sèches et humides au cours du cycle cultural. Occurrence des séquences sèches et humides L’analyse de l’occurrence des différents types de séquences sèches (figure 6) révèle que le début de la saison est le plus touché. Ainsi, en avril qui correspond au temps de semis ou levé du maïs, les fréquences de S1, S2 et S3 sont respectivement 26, 20 et 15 %. SS1 SS2 SS3 30 Fréquence (%) 25 20 15 10 5 0 Avril Mai Juin Juillet Mois Figure 6. Occurrence des séquences sèches pendant la grande saison agricole Cette mauvaise répartition des pluies en début de saisons induit des échecs de semis et oblige les producteurs à procéder à plusieurs semis sur la même parcelle. A partir du mois de mai, la fréquence des séquences sèches décroit mais reste relativement élevée (20, 15 et 10 % respectivement pour S1, S2 et S3). Dans l’hypothèse que le semis est intervenu au début du mois d’avril, les séquences sèches de mai sont potentiellement préjudiciables à la plante dont les besoins en eau deviennent importants (phase de croissance). De même, en juin (stade de floraison du maïs), la fréquence d’apparition de S1, S2 et S3 est respectivement 15, 12 et 5 %. Même si leur fréquence est faible, leur avènement à ce stade de développement du maïs (épiaison, montaison) est périlleux, car cela peut affecter négativement le rendement et la qualité des graines. Par contre en juillet, les séquences sèches sont de très faible 65 Yabi et al. fréquence et le maïs (qui aborde déjà la phase de maturité) n’est plus sensible au déficit hydrique. En ce qui concerne les séquences humides (Figure 7), elles sont rares en début de saison où leur fréquence est inférieure à 5 %. En ce moment, elles ne constituent donc pas une menace pour la culture du maïs. Mais en juin (cœur de la saison), la fréquence atteint 20 %. En ce moment où le sol est théoriquement suffisamment humide (la capacité maximale de la réserve utile du sol est atteinte), l’avènement d’une séquence humide est chargé de risque pour le maïs sous deux aspects. D’abord, il y a le risque de profusion hydrique et de pourriture des cultures par asphyxie. Ensuite, il y a le risque d’inondation du champ avec ses effets désastreux pour la culture (les cultures peuvent pourrir ou être emportées par les flots d’eau) sans oublier les activités culturales qui sont perturbées. 25 Fréquence (%) 20 15 10 5 0 Avril Mai Juin Juillet Mois Figure 7. Occurrence des séquences sèches pendant la grande saison agricole En fin de cycle (juillet), la fréquence des séquences humides chute légèrement (16 %). Outre les inondations, l’avènement de séquence humide en ce moment est capable de provoquer de germination sur pieds des grains de maïs qui devraient être récoltés. La majorité des producteurs (75 %) et les agents d’encadrement ont également confirmé ce risque en fin de saison. Au regard de tous ces constats, on pourrait conclure que dans la commune de Zè, la culture du maïs est plus potentiellement plus affectée par les séquences 66 Pluviométrie et production du maïs sèches au cours des phases de semis, levé, floraison et épiaison du maïs. En fin de cycle (montaison et maturation), ce sont plutôt les séquences humides qui sont potentiellement perturbatrices du développement de cette culture. Il convient de préciser que dans 15 % de cas, les deux aléas se combinent au cours de la même saison culturale (séquence sèche au début et séquence humide vers la fin), ce qui rend plus vulnérable la culture du maïs. Variation de l’indice de satisfaction des besoins en eau du maïs Afin de mieux comprendre l’effet de la variabilité des pluies sur la culture du maïs, les valeurs saisonnières de l’indice de satisfaction des besoins en eau du maïs de 90 et 120 jours ont été déterminées (Figure 8). La Figure 8 montre qu’au cours de la période d’étude les valeurs de l’ISBE sont supérieures à 60, ce qui indique que la culture du maïs est toujours possible (les seuils hydriques d’échec total de la culture du maïs ne sont pas atteints). Cependant, on constate en général que les années où les totaux pluviométriques saisonniers sont déficitaires, les valeurs de ISBE sont faibles (1983, 1988, 1995, 1998, etc.). Ces constats confirment le fait que les déficits pluviométriques ont induit un stress hydrique au cours des différentes phases de développement du maïs. Il convient de mentionner que les valeurs de ISBE sont plus élevées chez le maïs de 90 jours comparativement à celui de 120 jours. Ces résultats suggèrent que le maïs de 90 jours est plus adapté aux conditions de déficits pluviométriques. S’agissant des années excédentaires, elles présentent des situations variables. Ainsi, les années 2006 et 2007 ont obtenu de fortes valeurs contrairement aux années 1997 et 2008 où les valeurs sont faibles. Cette variabilité des valeurs de l’ISBE au cours des années excédentaires pourrait s’expliquer par le fait que l’effet de l’excédent hydrique n’est pas identique selon les stades de développement du maïs. Ainsi, un excédent qui intervient au début (semis ou levé) et à la fin (maturation) est moins désastreux qu’un excédent qui survient pendant les phases de floraison, d’épiaison et de montaison. 67 Yabi et al. 120J 90J 95 90 85 80 75 70 65 2009 2007 2005 2003 2001 1999 1997 1995 1993 1991 1989 1987 1985 1983 60 1981 Indice de satisfaction des besoins en eau 100 Années Figure 8. Variation interannuelle de l’indice de satisfaction des besoins en eau du maïs Quant aux années normales, elles présentent également des situations variables. Par exemples, les années 1989, 1990, 1991 et 2005 ont enregistré de fortes valeurs d’ISBE à l’opposé des années 1992, 2000 et 2002 où les valeurs de ISBE sont faibles. En effet, certaines années considérées comme normales à l’échelle saisonnière enregistrent des séquences pluvieuses sèches ou humides capables d’affecter négativement la satisfaction du maïs en besoin hydrique en fonction des stades de développement. Perceptions paysannes relatives aux mutations pluviométriques et mesures d’adaptation Perceptions paysannes sur les mutations pluviométriques Les enquêtes de terrain ont permis de savoir que la quasi-totalité des producteurs interrogés (199/204 soit près de 98 %) sont conscients des mutations pluviométriques qui affectent la première saison des pluies (figure 9). Les principales mutations pluviométriques perçues par les producteurs répondants concernent les irrégulières (95 %), le démarrage tardif des pluies (90 %) et l’arrêt précoce des pluies (85 %). Par ailleurs, les pluies violentes (orages), capables de faire tomber les plantes de maïs et les poches de sécheresse au cœur de la saison (78 %), sont citées par 80 % des producteurs interrogés. Mais, les avis sont partagés sur la tendance pluviométrique générale. Ainsi, 55 % des producteurs pensent que les pluies ont tendance à 68 Pluviométrie et production du maïs baisser (pluies insuffisantes) alors que 41 % des producteurs pensent plutôt que les pluies sont de plus en plus abondantes. Le calendrier agricole traditionnel, le niveau des cours et plans d’eaux sans oublier les témoignages oraux, sont les principaux indicateurs auxquels les paysans font référence pour justifier leurs perceptions. Ainsi, dans l’ensemble, ils pensent que le calendrier cultural est de moins en moins sûr dans la mesure où actuellement, il est impossible de prévoir la date de démarrage ou de fin de la saison contrairement aux temps anciens. De même, selon eux, même si les pluies démarrent normalement, leur régularité et continuité jusqu'à la fin de la saison est très incertaine. Figure 9. Mutations pluviométriques perçues par les producteurs Légende : PI = Pluies irrégulières ; DT = Démarrage tardif des pluies ; AP = Arrêt précoce des pluies ; PV = Pluies violentes ; PS = Poches de sécheresse ; Pins = Pluies insuffisantes ; PA = Pluies abondantes Il convient de préciser que toutes les personnes ressources ont soutenu que les mutations pluviométriques se manifestent par une forte occurrence des poches de sécheresse et un début tardif des pluies tandis que 46 % ont insisté sur les fins précoces. Leurs avis sont toutefois partagés sur la violence, l’insuffisance et l’abondance des pluies. Dans l’ensemble, les perceptions paysannes s’approchent des résultats d’analyses des données pluviométriques. Ainsi, l’irrégularité des pluies a été mise en évidence par la variation de l’indice pluviométrique qui montre une 69 Yabi et al. instabilité interannuelle des pluies saisonnières. Elle se traduit par une alternance d’années déficitaires et excédentaires. De même, les démarrages tardifs et les fins précoces des pluies au cours de la grande saison ont été remarqués notamment pendant les années déficitaires. Selon les producteurs, les aléas pluviométriques affectent négativement les activités culturales relatives à la maïsiculture sous plusieurs formes. En réponse, ils font recours à des mesures adaptatives fondées sur les savoirs endogènes, les réalités socioculturelles et les conseils des structures d’encadrement rural. Mesures paysannes d’adaptation D’après les enquêtes de terrain, la majorité (85 %) des producteurs du maïs de la commune de Zè adoptent au moins une mesure adaptative pour limiter les effets des aléas pluviométriques sur leur activité. Ces mesures varient en fonction des catégories de producteurs (Figure 10). Figure 10. Différentes mesures d’adaptation pratiquées par les producteurs Légende : HV = Homme vieux, HJ = Homme jeune, FV = Femme vieille, FJ = Femme jeune, Smu = Sémis multiples, AugEm = Augmentation des emblavures, UtEng = Utilisation d’engrais chimiques, UtBf = Utilisation des bas-fonds, Var = Utilisation de variétés culturales améliorées, Divers = Diversification des activités 70 Pluviométrie et production du maïs L’axe 1 de la Figure 10 qui fournit 68 % de l’information, montre que certaines mesures sont plus adoptées par une catégorie donnée de producteurs. Ainsi, les vieux ont plus recours aux semis multiples alors les jeunes sont plus portés vers la diversification des activités et l’adoption des variétés améliorées de maïs. Le semis multiple ou semis étagé consiste à semer à plusieurs dates le maïs sur la même parcelle ou dans des soles. Cette technique permet aux producteurs de limiter les effets d’échecs de semis (dus aux séquences sèches du début de saison) et de fin précoce ou tardive des pluies. La logique qui sous-tend cette mesure est que même en cas d’irrégularité pluviométrique, au moins une génération de semis pourrait donner une récolte satisfaisante. L’adoption plus poussée de cette mesure par les vieux pourrait s’expliquer par le fait que ces derniers sont expérimentés (ils ont connu des années de sécheresses par le passé). Quant à la diversification des activités, elle consiste chez les jeunes, à associer la production du maïs à d’autres activités (petit commerce, maraichage, culture d’autres spéculations comme l’ananas et le riz). Cette stratégie permet de compenser les pertes induites par les risques pluviométriques sur la production maïsicole. En ce qui concerne l’adoption des variétés améliorées de maïs, il est suggéré par les agents d’encadrement. Il s’agit des variétés à cycle court (75 à 90 jours) considérées comme mieux adaptées aux conditions pluviométriques difficiles selon les enquêtes de terrain. Quant à l’axe 2 (27 % de l’information), il montre que les hommes (vieux comme jeunes) ont également recours à la mise en valeur des bas-fonds pour la production du maïs et à l’augmentation des emblavures pour limiter les risques. Ils considèrent que les sols de bas-fonds sont plus humides, plus fertiles et s’adaptent mieux aux effets des irrégularités pluviométriques. En ce qui concerne l’augmentation des emblavures, elle vise à maintenir la production à un niveau acceptable afin de couvrir tout au moins les besoins alimentaires de la famille. Le statut foncier des hommes qui sont propriétaires terriens explique le choix porté par ceux-ci sur ces mesures. S’agissant de l’utilisation des engrais chimiques, elle est une mesure commune à toutes les catégories de producteurs selon la Figure 10. D’après les informations de terrain, cette mesure vise à accélérer la croissance et la maturité du maïs afin d’obtenir le maximum de graines avec des grosseurs satisfaisantes. Par ailleurs, en provoquant l’accélération de la croissance, l’utilisation des engrais permet de réduire d’une à deux semaines la durée du 71 Yabi et al. cycle cultural et de limiter ainsi les effets du raccourcissement de la durée de la saison culturale. DISCUSSION Dans la commune de Zè la grande saison pluvieuse est caractérisée par une instabilité pluviométrique avec une alternance d’années déficitaires et excédentaires. Cette instabilité affecte négativement la qualité de grande campagne agricole devenue erratique et caractérisée par une occurrence des démarrages tardifs, des fins précoces sans oublier les séquences sèches et humides. Ces observations sont en accord les conclusions de Diop (1996), Sané et al., (2008) et Sarr et al., (2011), Mahaman (2011), Noufé et al. (2011) qui ont investigué dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest. En effet, ces différents travaux ont montré que depuis les années 1970 où la sous-région a été secouée par une grande récession pluviométrique, la saison pluvieuse est sujette à une instabilité accentuée nuisible au bon déroulement des activités agricoles qui sont demeurées essentiellement pluviales. A l’échelle nationale, Yabi et Boko (2008), Zakari et al. (2012), Yabi (2013), Allé et al. (2013), Afouda et al. (2014), ont fait les mêmes observations. Ces auteurs ont montré que la qualité des saisons agricoles s’est sérieusement dégradée depuis les dernières décennies étant donné que les durées des saisons agricoles s’écourtent. A cela s’ajoutent les faux départs et des interruptions de pluies et l’avènement sporadique de forts abats de pluies au cœur de la saison. Même au cours des 1990 et 2000 où les totaux pluviométriques annuels se sont accrus, la qualité des saisons agricole ne s’est pas améliorée (les longueurs des saisons agricoles sont restées faibles avec une forte occurrence des séquences sèches et humides. Il se pose alors le problème de la bonne répartition temporelle des pluies qui conditionne une bonne campagne agricole plus que les totaux pluviométriques annuels où saisonniers. Ces observations suggèrent par ailleurs que les pluies extrasaisonnières sont de plus en plus importantes et amènent à mieux réfléchir sur les possibilités de valorisation de ces eaux pluviales à des fins agricoles notamment (Afouda et al., 2014). La dégradation de la qualité de la grande saison agricole induit un effet potentiellement négatif sur la culture du maïs dans la commune de Zè. En effet, même si les valeurs saisonnières de l’indice de satisfaction des besoins en eau du maïs obtenues sont dans l’ensemble élevées (les seuils critiques 72 Pluviométrie et production du maïs d’impossibilité de culture n’ont jamais été atteints), les conditions d’une bonne alimentation en eau de la culture durant les différentes phases de développement ne sont pas toujours réunies. Les travaux de Abossolo (2015) et de Noufé et al. (2011) conduits respectivement au Caméroun et en Côte d’Ivoire dans des contextes climatiques proches de celui de la Commune de Zè, ont abouti aux conclusions similaires. Il en de même des résultats de Sarr et al. (2011) issus d’une recherche ayant porté sur les différentes zones agroécologiques du Burkina-Faso. Ces auteurs ont remarqué que l’avènement des déficits ou excès de pluies au cours du cycle cultural, compromet la satisfaction du maïs en besoin hydrique. Ces travaux ont par ailleurs confirmé que la répartition des pluies aux échelles fines (pentadaires, décadaires) est plus importante pour le maïs que les cumuls saisonniers ou annuels. Même en l’absence de données météorologiques, les perceptions paysannes relatives aux aléas pluviométriques dans la commune de Zè sont dans l’ensemble en accord avec les résultats d’analyses statistiques des données pluviométriques. En effet, sur la base des savoirs, expériences et connaissances transmises de bouche à oreilles, etc. les producteurs de maïs perçoivent des mutations pluviométriques multiformes. En Afrique de l’Ouest, plusieurs auteurs (Ouédraogo et al. 2010 ; Brou & Chaléard, 2007 ; Doumbia & Depieu, 2013), ont montré que les paysans sont conscients des mutations climatiques qui se manifestent de plusieurs formes. De même, au Bénin, les travaux de Afouda et al. (2014), Loko et al. (2013), Yabi (2013), Issa (2012), Akindélé et al. (2012) et Boko (1988) ont montré que les paysans des différents régions ne sont pas ignorants des irrégularités climatiques et de leurs effets sur les activités rurales. Face à aux effets néfastes des mutations pluviométriques, les producteurs mettent en œuvre différentes mesures d’adaptation allant des semis multiples à la diversification des activités génératrices de revenus en passant par l’adoption des variétés culturales améliorées, l’augmentation des emblavures sans oublier l’utilisation des engrais chimiques et la valorisation des bas-fonds. Les travaux de Ishaya & Abaje (2008) à Kaduna (Nigeria), de Brou & Chaléard (2007), de Amani (2012) dans les différentes régions de la Cote d’ivoire, de Sultan et al. (2008) au Burkina-Faso et de Mertz et al. (2009) dans le sahel ouest-africain ont souligné la capacité adaptative des paysans africains face aux péripéties climatiques. De même au Bénin, les 73 Yabi et al. investigations de Loko et al., (2013), Yabi (2013), Ogouwalé (2006), Houndénou (1999) et Boko (1988), ont également montré que les communautés béninoises font preuve d’une capacité adaptative face aux aléas climatiques et leurs répercussions sur les activités rurales (agricoles). Une analyse des différentes mesures d’adaptation montre qu’elles visent essentiellement à maintenir à des niveaux acceptables les productions nécessaires à la satisfaction des besoins alimentaires (autoconsommation) et monétaires. Il s’avère donc nécessaire d’évaluer ces mesures au triple point de vue sociale, écologique et économique afin d’en identifier celles qui sont pertinentes et méritent d’être vulgarisées. A cet égard, les structures de recherche, de vulgarisation et d’encadrement devront travailler de façon synergique tout en tenant des savoirs et logiques empiriques des paysans. CONCLUSION Dans la commune de Zè, la grande saison pluvieuse est sujette à une instabilité multiforme (irrégularité pluviométrique, dates de démarrage et de fin incertaines, apparition de séquences sèches et/ou humide) qui induit une détérioration de la qualité de la saison agricole. Cela se traduit par une diminution de la valeur de l’indice de satisfaction des besoins en eau du maïs quoique la valeur limite d’échec total de campagne ne soit jamais atteinte. Conscients des risques pluviométriques et de leurs conséquences négatives sur les activités culturales, les producteurs de maïs mettent en œuvre quelques mesures adaptatives visant à maintenir la production à un niveau acceptable et à diversifier les activités (notamment les jeunes). L’adoption de ces mesures se fonde sur les savoirs et expériences empiriques sans oublier les conseils et suggestions des agents d’encadrement. Dans un contexte où les changements climatiques plus profonds se pointent à l’horizon (IPCC, 2007 et 2013), la définition des mesures pertinentes d’adaptation, la combinaison des résultats d’analyses scientifiques avec les savoirs et logiques paysans, s’imposent pour une assurer une production durable du maïs en particulier et de toutes les cultures en général. 74 Pluviométrie et production du maïs RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ADEGBOLA P., ALOUKOUTOU A. & DIALLO B. 2011. Analyse de la compétitivité du maïs local au Bénin. PRESAO, Résumé n°1, Cotonou (Bénin), 11p. ABOSSOLO S. A., BATHA R. A. S. & DJEUGANG A. B. 2015. Identification des risques pluviométriques sur la culture du maïs dans l’arrondissement de Penka-Michel, dans les hautes terres de l’Ouest du Cameroun. Afrique Science 11(2) : 136 - 146 136 AKINDELE A., YABI I. & Afouda F. 2012. Production agricole dans la commune de Kétou : vulnérabilité aux contraintes climatiques et possibilités d’adaptation. 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