retour à la tradition — nationale ou religieuse — ou bien la confuse visée
d’un avenir mondialement renouvelé de la modernité. Dans l’une comme
dans l’autre de ces deux directions, continue en tout cas de jouer la
nécessité d’en passer, pour le moins, par un temps plus ou moins important
de révolution. Or, étonnamment, aucune interrogation ne s’est encore
élevée touchant ce qu’il faut entendre par ce terme lui-même de révolution
à la si étrange séduction. D’où la récurrence de ce qui, d’une certaine
manière en est : “le retour du refoulé”. Retour philosophique en
l’occurrence dans ce qu’il est convenu d’appeler, désormais sans aucune
sorte de guillemets : l’affaire Heidegger . Laquelle, en sa seconde instance,
a vu apparaître François Fédier en défense.
Rien ne saurait mieux attester l’importance de cette entrée en lice dans
le Kampfplatz — le “champ de bataille” de la pensée comme Kant l’a
désigné — que la reprise par François Fédier de l’un de ses articles
d’alors dans sa contribution — quarante ans après — à la quatrième
instance cette fois, de ce qu’il qualifie désormais de « faux procès ». Faux
procès en effet que celui commis contre Heidegger depuis maintenant plus
de six décennies. Mais procès d’autant plus révélateur que sa fausseté,
d’instance en instance, n’a fait que s’aggraver. La raison en est que ce faux
procès médiatiquement institué dès janvier 1946 dans les Temps Modernes
de Jean-Paul Sartre, n’est que le solde impossible à régler d’un autre
procès : véritable procès celui-ci, mais aussi injustement conduit que
terminé au terme duquel Heidegger fut écarté de, puis dans son université.
Interdit d’enseigner de 1945 à 1951 il lui fut, certes, par la suite, concédé
de donner quelques derniers cours ou de participer, notamment à un certain
séminaire: celui de Fink sur Héraclite ; mais, quant à retrouver son plein
exercice universitaire, cela ne lui fut jamais accordé. Le dernier
enseignement de Heidegger est ainsi demeuré pour les étudiants dépourvu
de toute validation universitaire. À qui, six décennies après que la sanction
ait été prononcée, serait tenté de douter de l’importance de ce délit de
justice universitaire, comme préalable à la subséquente affaire Heidegger,
le livre d’Emmanuel Faye permet d’apporter le plus net démenti. Le projet
développé dans cet ouvrage n’est autre en effet que de faire partout adopter
par l’ensemble des institutions d’enseignement un Lehrverbot posthume
définitif portant sur l’œuvre entier du penseur incriminé. D’auteur
philosophique qu’il était abusivement jusque là, Heidegger serait ainsi
institutionnellement ramené à ce monstrueux objet d’enquête historique
auquel le sous-titre du réquisitoire d’É. Faye fait remonter : « l’introduction