C O N G R È S American College of Colorectal Surgeons (ASCRS) Washington, 1-6 mai 1999 ● Y. Panis*, L. Siproudhis** L e 100e congrès de l’ASCRS s’est tenu du 1er au 6 mai à Washington. Il s’agit de la réunion annuelle des chirurgiens colorectaux américains. Avec environ 1 500 participants, une organisation permettant de suivre la quasi-totalité du programme (la très grande majorité des présentations ayant lieu dans la même salle), et des horaires plutôt “light”, ce congrès se distingue agréablement des grandes foires comme l’AGA où il est souvent difficile de retenir quelque chose parmi 4 500 posters ! Cette année, le programme était composé de plusieurs conférences, de communications orales, de films vidéos, et enfin de débats entre experts sur les thèmes suivants: “chirurgie colorectale cœlioscopique”, “exérèse totale du mésorectum”, “traitement chirurgical du prolapsus rectal”. LA CHIRURGIE COLORECTALE CŒLIOSCOPIQUE La chirurgie cœlioscopique continue de gagner des parts de marché en chirurgie colorectale, et ce congrès n’a fait que le confirmer. Ainsi, en pathologie bénigne, comme la diverticulose sigmoïdienne, les résultats présentés par Vargas et coll. (New York) à partir de 69 patients opérés, confirment la faible morbidité de la méthode (mortalité nulle ; 11 % de complications mais 0 fistule). Dans cette série, la conversion en laparotomie (du fait de difficultés techniques) survenait dans 26 % des cas. Le risque de conversion augmentait en cas de fistule sigmoïdienne ou d’abcès découvert en peropératoire. Milsom et coll. (Cleveland) ont rapporté les résultats préliminaires d’une étude randomisée incluant 60 patients et comparant la laparotomie et la cœlioscopie dans la maladie de Crohn iléocæcale. S’il n’y avait pas de différence significative en terme de morbidité entre les deux techniques, l’avantage revenait à la cœlioscopie, ne serait-ce que par la réduction de la durée d’hospitalisation et le bénéfice esthétique. On peut ainsi dire qu’en 1999, si la technique est bien maîtrisée par le chirurgien (ce qui est aussi vrai pour la laparotomie !), la cœlioscopie représente la voie d’abord de choix pour la pathologie colorectale bénigne (diverticulose, Crohn, polypes, notamment). Pour le cancer, la question est encore non résolue, car le recul des études randomisées en cours est encore insuffisant. Néanmoins, Mehigan et coll. (Grande-Bretagne) ont présenté les résultats * Service de chirurgie générale et digestive, hôpital Lariboisière, Paris. ** Service d’hépato-gastroentérologie, hôpital Pontchaillou, Rennes. La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 4 - vol. II - septembre 1999 intermédiaires de leur étude randomisée portant sur 111 patients ayant tous au moins deux ans de suivi. Un taux de conversion relativement élevé (34 %) était observé dans le groupe cœlioscopie soulignant à la fois la prudence des opérateurs mais aussi probablement les difficultés techniques rencontrées. À deux ans, la mortalité par cancer était identique entre les deux groupes et ce, aussi bien pour les patients N+ (41 % pour cœlioscopie versus 54 % pour laparotomie) que les N- (6 % versus 8 %), comme le nombre de récidive locale (2 versus 3). Enfin, le taux de greffe tumorale pariétale était identique dans les deux groupes (1 versus 3). Pour l’exérèse totale du mésorectum, l’approche cœlioscopique semble aussi possible, comme le montre l’étude de Monson (Grande-Bretagne) qui a analysé comparativement les pièces de proctectomie pour cancer faite par cœlioscopie (n = 20) et laparotomie (n = 22). La marge de sécurité, la marge circonférencielle et le nombre d’adénopathies étaient identiques dans les deux groupes démontrant que la qualité de l’exérèse carcinologique était comparable. Néanmoins dans cette étude, l’exérèse rectale pour cancer était difficile, voire impossible, sous cœlioscopie dans 50 % des cas (nécessitant alors une conversion en laparotomie), notamment en cas de volumineuse tumeur bas située et à développement antérieur. LE CANCER DU RECTUM Si tout le monde reconnaît aujourd’hui la nécessité de réaliser une exérèse totale du mésorectum en cas de cancer du moyen et bas rectum, en ce qui concerne la qualité de cette l’exérèse chirurgicale, l’équipe de Lane (Grande-Bretagne) a confirmé des travaux antérieurs sur l’importance du chirurgien dans le résultat carcinologique. Ainsi, ils ont comparé 689 patients opérés d’un cancer du rectum, par laparotomie, par des chirurgiens colorectaux et 577 opérés par des chirurgiens généraux. Si dans les cancers Dukes A et B, les résultats carcinologiques étaient similaires, dans les Dukes C, après résection curative, le taux de récidive locale variait de 11 % à 26 % (p < 0,004), et la survie à 3 ans de 70 % à 47 % (p < 0,001) en faveur, dans les deux cas, des chirurgiens colorectaux. Une autre équipe (Quirke, Leeds) a confirmé l’importance du chirurgien dans le résultat carcinologique, mais a également souligné l’importance de l’envahissement ou non des marges circonférentielles. En résumé, on peut dire que si ces marges sont envahies, le taux de récidive locale est multiplié par quatre. Si un taux “incom225 C O N G R È pressible”, d’environ 15 à 20 % de patients opérés, est observé avec marges positives (correspondant aux lésions volumineuses et infiltrantes), un taux largement supérieur témoigne alors d’une mauvaise exérèse chirurgicale et donc d’un mauvais chirurgien ! LES MALADIES INFLAMMATOIRES CHRONIQUES DE L’INTESTIN La conduite à tenir devant une dysplasie sur MICI a été à nouveau à l’ordre du jour. Une étude de Gorfine et coll. (New York), sur 560 pièces de colectomie pour RCH ou Crohn, confirme qu’en cas de dysplasie (et ce, quel qu’en soit le degré), le risque de cancer est significativement augmenté : 30 cancers/75 pièces avec dysplasie versus 2/485 sans dysplasie (p < 0,001), justifiant maintenant pour la plupart des auteurs la réalisation d’une colectomie prophylactique en cas de découverte de zones de dysplasie lors d’endoscopie pour MICI. L’équipe de Keighley a étudié les facteurs de risque de fistule anastomotique après résection intestinale pour Crohn. À partir de 1 008 anastomoses faites pour 343 patients, ce risque de fistule était en analyse multivariée significativement augmenté en cas de dénutrition, corticothérapie périopératoire et de sepsis (abcès ou fistule) lors de l’intervention. Ainsi, le risque de fistule postopératoire passait de 5 % avec un facteur de risque présent, à 50 % si les quatre facteurs de risque étaient présents, justifiant probablement dans ce cas la réalisation d’une stomie temporaire. Enfin, une nouvelle étude, non randomisée, rapporte à nouveau le bénéfice en terme de récidive postopératoire de la réalisation d’anastomose latéro-latérale plutôt que termino-latérale après résection iléocæcale pour Crohn : 19 % de récidive anastomotique et 1 patient réopéré, contre 48 % de récidive et 17 patients réopérés (p < 0,006). TRAITEMENT DE LA CONSTIPATION Deux travaux se sont attachés au devenir lointain des patients ayant bénéficié d’une colectomie totale avec anastomose iléorectale pour constipation sévère (M.L. Kennedy, Sydney & A. Pikarsky, Fort Lauderdale). Soixante-dix patients au total ont fait l’objet d’une évaluation fonctionnelle, cinq ans après la colectomie index. Le nombre moyen de selles variait de 2,5 à 3 par 24 heures ; 8 à 9 % des patients gardaient une constipation et 6 à 9 % d’entre eux avaient recours à un traitement antidiarrhéique. Le score médian d’incontinence était de 2,2 dans une échelle allant de 0 à 20 et la qualité de l’évacuation était jugée bonne dans une des deux études où ils ont été évalués. Il persistait des manifestations douloureuses abdominales dans 40 % des cas mais celles-ci étaient jugées peu sévères (médiane 1,8 dans une échelle visuelle analogique de 1 à 10) et, en tout cas, bien moins importantes qu’avant l’intervention. Dix à 15 % des patients ont été réhospitalisés au cours du suivi pour des symptômes subocclusifs, mais moins de 7 % d’entre eux ont fait l’objet d’un geste chirurgical. Globalement, la grande majorité des patients (90 et plus) se considérait comme très satisfait par le geste effectué. 226 S FISSURE ANALE Six études se sont attachées à préciser l’efficacité des traitements médicamenteux dans le traitement de la fissure anale. La qualité méthodologique de ces travaux était très variable, la meilleure étude étant certainement représentée par l’évaluation prospective contrôlée comparant les dérivés nitrés et la sphinctérotomie latérale. Il s’agissait d’une étude canadienne multicentrique, randomisée (C.F. Richard et coll). Le suivi moyen était de six mois et 82 patients étaient évaluables. Une meilleure qualité de la cicatrisation et moins d’effets secondaires indésirables étaient rapportés chez les patients ayant bénéficié d’une sphinctérotomie latérale quand ils étaient comparés à ceux ayant reçu une application topique de dérivés nitrés. Les dérivés nitrés en application locale permettaient de cicatriser 29,5 et 25 % des patients à respectivement six semaines et six mois (versus 89 et 92 % des patients traités par sphinctérotomie latérale). Les effets secondaires étaient rapportés dans 84 % après dérivés nitrés, contre 14 % après sphinctérotomie latérale. Dans ce travail enfin, les manifestations d’incontinence n’étaient pas plus importantes après qu’avant la sphinctérotomie latérale. Une étude contrôlée, double insu, prospective et menée en cross-over a été entreprise auprès de 65 patients (1 patient sur 4 avait une fissure anale antérieure), comparant l’efficacité des dérivés nitrés à ceux d’anesthésiques locaux administrés successivement, chacun pendant une période de trois semaines. À trois semaines, l’efficacité était jugée comparable dans les deux groupes (47 % pour les dérivés nitrés, versus 58 % pour les anesthésiques locaux). À six semaines, l’adjonction de dérivés nitrés chez les patients ayant échoué au traitement par anesthésiques locaux permettait d’obtenir un bénéfice supplémentaire dans 10 % des cas. Au total, la moitié des patients de cette étude était guérie à trois semaines et 20 % ont dû faire l’objet d’un traitement chirurgical (B.T. Gemlo, Saint-Paul). Un troisième travail, prospectif, contrôlé et randomisé, a comparé l’efficacité de l’application de dérivés nitrés à la sphinctérotomie latérale chez 42 patients souffrant d’une fissure anale depuis au moins deux semaines (A.J. Luck et coll.,Adélaïde). Deux semaines après le traitement index, la proportion de patients cicatrisés était identique dans les deux groupes (75 versus 89 %). Le principal écueil méthodologique de ces deux derniers travaux est la définition de la fissure anale. Il est à craindre qu’une grande proportion de ces patients ait une fissure anale aiguë dont on sait qu’elle cicatrise sous traitement médical simple dans près de la moitié des cas. Une étude anglaise s’est intéressée au devenir des fissures anales chroniques traitées par application locale de dérivés nitrés (J. Pitt et coll., Isleworth). Il s’agit d’une étude prospective monocentrique de 45 patients, pour lesquels la guérison de la fissure a été obtenue après application topique de dérivés nitrés dans 49 % des cas : après un suivi médian de trente-six semaines, 45 % d’entre eux avaient récidivé. Les auteurs concluaient que les dérivés nitrés permettaient d’obtenir une cicatrisation durable de la fissure anale chez un peu plus d’un patient sur quatre (27 %). La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 4 - vol. II - septembre 1999 C O N G R È Un dernier travail a mis l’accent sur les effets secondaires, les difficultés d’application et les phénomènes de tachyphylaxie observés après l’application locale répétée de dérivés nitrés. Ces auteurs ont donc proposé le retour à des inhibiteurs calciques retards, administrés par voie orale, dans le traitement d’une fissure anale chronique observée chez quinze patients (T.A. Cook, Oxford). L’administration de 20 mg de nifédipine matin et soir, pendant huit semaines, a permis de diminuer de façon significative les pressions de repos enregistrées par S méthode manométrique au niveau du canal anal d’environ 30 % ; 60 % des patients ont cicatrisé à huit semaines, 20 % supplémentaires ont une réduction très significative des symptômes douloureux. Globalement, le score médian de la douleur était significativement diminué dès la deuxième semaine de traitement. Toutefois, les effets secondaires n’étaient pas nuls (céphalées quatre fois sur quinze, flush vaso-moteur quatre fois sur quinze). Ce travail préliminaire mérite certainement une étude contrôlée versus la meilleure thérapeutique de référence ... C’est-à-dire la chirurgie. ■ Cancers du foie et de l’appareil digestif (EORTC-FFCD) Paris, 23-26 juin 1999 ● B. Landi* L e congrès sur les cancers du foie et de l’appareil digestif, organisé conjointement par le groupe gastrointestinal de l’Organisation européenne de recherche et du traitement du cancer (EORTC) et la Fondation française de cancérologie digestive (FFCD), s’est tenu à Paris du 23 au 26 juin 1999. Il nous est apparu plus judicieux de résumer brièvement ici deux thèmes importants plutôt que de vouloir embrasser l’ensemble des nombreux sujets abordés. Ce congrès ayant aussi permis de faire le point sur d’importants essais thérapeutiques en cours, les médecins intéressés pourront visiter le site internet en cours de création du GITCLO (Gastro-Intestinal Tract Cancer Liaison Office) afin de connaître les essais cliniques concernant l’oncologie digestive conduits par des groupes coopératifs multicentriques . TRAITEMENTS LOCAUX DES TUMEURS HÉPATIQUES PRIMITIVES OU SECONDAIRES La résection chirurgicale reste actuellement le seul traitement susceptible de permettre une guérison des malades atteints de métastases hépatiques d’un cancer colorectal. Malheureusement, seule une minorité des patients (10 à 15 %) est candidate à la résection. La cryothérapie peropératoire constitue une modalité thérapeu- * Service d’hépato-gastroentérologie, hôpital Laennec, Paris. La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 4 - vol. II - septembre 1999 tique possible chez certains patients ayant des métastases hépatiques non résécables. Des études expérimentales ont démontré que cette technique entraînait une destruction du tissu tumoral. Une sonde est introduite, sous contrôle échographique peropératoire, au centre de la tumeur. La température locale est abaissée jusqu’à - 196 °C. L’échographie permet de s’assurer de l’efficacité du traitement. Plusieurs groupes ont maintenant publié leurs résultats. L’efficacité de la cryochirurgie dans le traitement des métastases hépatiques non résécables varie considérablement selon les études, notamment du fait de critères de sélection de patients qui sont différents et de protocoles thérapeutiques variables. La survie sans récidive à deux ans varie entre 20 et 28 % et la survie globale entre 21 et 72 % avec des possiblités de survie à cinq ans. Les récidives surviennent dans 60 à 80 % des cas au niveau du foie, et généralement dans un site différent. La fréquence de récidive locale au niveau d’une lésion détruite par cryothérapie est estimée entre 10 et 20 %. Le plus souvent, les taux de survie sont plus importants dans les séries où la cryothérapie faisait partie d’un protocole multimodal (résection hépatique et/ou chimiothérapie intra-artérielle hépatique associée). La mortalité est inférieure à 5 % dans toutes les études, et la morbidité comprise entre 8 et 28 % (hémorragie, fistule biliaire, abcès hépatique, coagulopathie). Plutôt qu’une alternative à la résection, la cryochirurgie est donc une technique complémentaire à celle-ci. Ses indications et ses résultats doivent être mieux évalués dans l’avenir, en sachant néanmoins que le traitement par radiofréquence semble encore plus prometteur. 227