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Céphalées, migraine et pathologie vasculaire
● C. Lucas*
MIGRAINE ET FORAMEN OVALE PERMÉABLE (FOP) :
FAUT-IL LE FERMER ?
L’étude foramen ovale perméable-anévrysme du septum interauriculaire (FOP/ASIA) pilotée par J.L. Mas dans l’évaluation de
la récidive d’infarctus cérébral du sujet jeune à bilan causal négatif avait déjà jeté le trouble en faisant état d’un lien entre FOP et
migraine. Depuis, de nombreuses études cas-témoins et études
familiales ont été effectuées, notamment dans la migraine avec
aura et FOP allant dans le sens d’une association. Des séries ont
également fait état d’une amélioration de la migraine avec aura
après fermeture du FOP. Cependant, le mystère reste entier, car
on a du mal à comprendre le lien entre la migraine impliquant le
circuit trigémino-vasculaire, des centres activateurs ou modulateurs tels, entre autres, le tronc cérébral, l’hypothalamus, une
implication vraisemblable des canaux ioniques neuronaux et le
FOP. La question d’un facteur de confusion expliquant l’association reste de mise.
L’équipe de cardiologues et de neurologues anglais investigateurs
dans l’étude MIST a déjà dépassé cette étape et a présenté le dessin expérimental de l’étude MIST, dont les résultats sont attendus à l’American Academy of Neurology (AAN) au printemps
2006.
L’étude MIST (Migraine Intervention with STARFlex Technology) est une étude prospective, multicentrique, en double
aveugle contre placebo, visant à évaluer l’efficacité et la sécurité
de la fermeture des FOP par voie percutanée chez les patients
migraineux. Les critères d’inclusion sont une migraine avec
aura, sévère, résistante à au moins deux traitements de fond
(ce qui est peu), et la présence d’un FOP à large shunt. Le
diagnostic et l’importance du FOP sont évalués par échocardiographie transthoracique avec injection de microbulles.
Une échocardiographie transœsophagienne est réalisée pendant
que le patient est sous anesthésie générale juste avant la randomisation et la mise en place ou pas du dispositif de fermeture.
Quatre cent trente-deux patients ont été sélectionnés à ce jour.
Parmi eux, 260 (60,2 %) avaient un FOP, dont 164 (38 %) avec
un large shunt.
* Service de neurologie, hôpital Roger-Salengro, Lille.
Il est clair que, si cette étude est positive, un encadrement très
strict d’un tel geste invasif sera impératif, par des neurologues
ayant une expertise dans la pathologie vasculaire et dans les
céphalées. Les résultats seront donc à suivre et à analyser de près
à San Diego lors de l’AAN en avril prochain…
POLYMORPHISME C677T DE LA MTHFR ET MIGRAINE :
BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN…
Il y a en médecine des thèmes à la mode qui, souvent, ne débouchent sur rien… L’hyperhomocystéinémie, très souvent hétérozygote, avec des taux plasmatiques faibles à modérés, est un facteur de risque d’infarctus cérébral comme tant d’autres.
L’hyperhomocystéinurie avec des taux d’homocystéine plasmatique très élevés est beaucoup plus rare et est souvent curable par
adjonction de vitamine B6 ± folates en fonction du déficit enzymatique. On connaît l’existence d’une association entre le polymorphisme C677T du gène de la méthylène-tétrahydrofolate
réductase (MTHFR), qui augmente modérément l’homocystéinémie, et la migraine avec aura, elle aussi facteur de risque d’infarctus cérébral.
Trois études européennes (hollandaise, belge et finlandaise) ont
été présentées. Dans la première, les migraineux avec aura
(187 patients), les migraineux sans aura (226 patients) et les
1 212 témoins ont été sélectionnés parmi la population générale
hollandaise. Le phénotype T/T a été trouvé plus fréquemment
dans la migraine avec aura (16 %) que dans la population générale (10 %) [p < 0,02]. Cette étude suggère donc une association
entre le polymorphisme de la MTHFR et la migraine avec aura,
mais pas la migraine sans aura. Dans la seconde étude, belge,
56 migraineux avec aura ont été comparés à 75 patients migraineux sans aura. Aucune différence n’a été observée. Dans l’étude
finlandaise ayant inclus 898 migraineux avec aura et
900 témoins, aucune association n’a été trouvée entre le polymorphisme C677T et la migraine avec aura.
Ces résultats sont donc contradictoires. Ces études sont entachées
de très nombreux biais méthodologiques, comme souvent dans
les études d’association. L’association positive entre le polymorphisme d’un gène et une maladie ne démontre pas que ce gène
soit impliqué dans les mécanismes de cette maladie. L’exemple
pourrait être l’association entre la présence de rouge à lèvres dans
le sac à main d’un être humain et l’augmentation du risque de
cancer du sein…
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La Lettre du Neurologue - Supplément Céphalées au vol. IX - n° 10 - décembre 2005
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