avril int 28/05/02 12:10 Page 79 La “clinique” de la sclérose en plaques au CHU de Rennes : une prise en charge pluridisciplinaire des patients G. Édan* Présentation de la clinique SEP Rappel historique Plusieurs circonstances ont conduit à développer au CHU de Rennes une prise en charge spécifique de cette affection au sein d’une clinique de la sclérose en plaques : ◗ une raison “historique” : depuis la création du service de neurologie par le Pr Sabouraud, le CHU de Rennes a été reconnu comme un centre spécialisé pour la prise en charge de cette affection ; ◗ une demande des patients et de leurs médecins traitants : cette maladie complexe aux conséquences multiples (médicale, sociale, familiale, professionnelle) nécessite une approche pluridisciplinaire. Ce type d’approche a été validé dans les pays anglosaxons, notamment au Canada où des cliniques se sont développées sur l’ensemble du territoire ; Gilles Édan est PU-PH, chef du service de neurologie du CHU de Rennes. Il a travaillé en particulier sur le développement de la mitoxantrone dans les formes actives de SEP et il est le coordinateur d'une étude internationale dont l'objectif est d'évaluer l'intérêt d'un traitement séquentiel (mitoxantrone puis interféron) dans les formes actives de SEP. Il est membre du conseil européen de l'ECTRIMS et a participé à l'élaboration des nouveaux critères de diagnostic de la SEP. ◗ les progrès de la recherche font naître l’espoir d’une meilleure prise en charge de cette maladie dans les années à venir. Afin de participer à ces recherches, il faut recueillir des données parfaitement fiables, ce que permet l’organisation en clinique spécialisée. Données démographiques La clinique de la sclérose en plaques de Rennes fonctionne depuis novembre 1996. Sa conception s’inspire fortement des MS clinics canadiennes. Le recrutement est essentiellement régional, réparti sur l’Ouest de la France : environ 30 % du département (Ille-et-Vilaine), 60 % de la région Grand-Ouest (Bretagne, BasseNormandie, Mayenne, Sarthe, Paysde-Loire, Vendée) et 10 % d’autres départements. Au cours de l’année 2000, plus de 800 patients ont été vus en consultation, dont environ 200 pour la première fois. Quatre-vingts pour cent de ces patients sont adressés par leur neurologue, les autres viennent à la demande de leur médecin traitant. La procédure La clinique fonctionne tous les mardis de 8 h 45 à 18 h 00. Les patients venant pour la première fois ne peuvent prendre rendez-vous euxmêmes, mais doivent être adressés par leur neurologue et/ou leur médecin traitant, de façon à disposer de toutes Reportage Reportage L a sclérose en plaques est une maladie complexe, lourde de conséquences d’un point de vue social, familial et professionnel. Elle s’exprime cliniquement de façon hétérogène et devant la diversité des atteintes, le neurologue seul est souvent démuni. Ne pas prendre en charge uniquement la maladie mais le malade dans sa globalité et rassembler autour de lui les compétences nécessaires pour répondre au mieux à ses besoins, tel est le concept que nous avons essayé de développer à Rennes en créant, en novembre 1996, la première clinique de la sclérose en plaques en France. les informations nécessaires à l’analyse de leur situation (courriers, résultats d’examens complémentaires, IRM) et à inscrire clairement cette consultation au sein d’un réseau de soins dans lequel le neurologue habituel et le généraliste ont une place essentielle. Lorsqu’ils sont suivis par un neurologue, les décisions médicales et le suivi sont assurés par ce neurologue à qui nous demandons de nous tenir informés de l’évolution de la maladie et des décisions prises. Les patients peuvent être revus à la clinique une 79 avril int 28/05/02 12:10 Page 80 fois par an avec l’accord de leurs correspondants médicaux. La clinique de la SEP joue un rôle d’aide à la décision thérapeutique et de prise en charge pluridisciplinaire lorsque la situation du patient le justifie. Le patient reçoit, avec son rendezvous, certaines informations concernant le déroulement de la consultation : il est informé de la présence et du rôle de chaque intervenant, que la consultation avec le neurologue dure une heure et qu’à la suite de celle-ci, une consultation avec un autre spécialiste peut être programmée. La durée de présence à la clinique peut donc varier d’une à plusieurs heures. Un patient qui voit plusieurs spécialistes dans la journée est programmé en hôpital de jour et un repas est prévu le midi. Lorsque l’attente doit se prolonger, un lit est gardé en hôpital de jour pour les patients les plus lourdement handicapés. Chaque demi-journée se termine par une réunion de l’ensemble de l’équipe pour permettre une analyse collégiale de la situation de chaque patient. L’équipe de la clinique SEP (figure) Les neurologues Au nombre de neuf, ils sont les représentants des différentes modalités de pratique de la neurologie : ◗ trois neurologues du CHU (Gilles Édan et ACCs) ; ◗ deux neurologues du secteur libéral (Drs de Burghgraeve et Cahagnes) ; ◗ quatre neurologues des centres hospitaliers généraux (Drs Merienne, Coustans, Kassiotis et De Marco). La consultation dure une heure. Dans le cas d’un premier contact, le neurologue retrace l’histoire de la maladie. Un examen neurologique est pratiqué puis discuté avec le patient et sa famille. Le médecin interroge également le patient sur divers Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 4, avril 2002 problèmes pouvant interférer dans sa vie quotidienne : fatigue, moral, douleurs, troubles urinaires et sexuels, etc. Pour cela, il utilise une échelle de cotation : le UK-Neurological Disability. Le patient peut ainsi exprimer ses difficultés et le neurologue évaluer la situation et orienter le patient vers un autre intervenant si besoin. Souvent les patients viennent pour un avis thérapeutique, le neurologue propose les différents traitements adaptés au patient, en discute avec lui, mais c’est le neurologue traitant qui prescrira le traitement et en assurera le suivi. Les neuro-rééducateurs Ils sont quatre, venant du centre de rééducation fonctionnelle du CHU (équipe du Dr Gallien) et du secteur libéral (équipe du Dr Nicolas de la clinique Notre-Dame-de-Lourdes). La consultation de rééducation fonctionnelle a pour but de faire le point sur les différentes techniques permettant de restaurer une fonction, de développer des systèmes de compensation et d’apprendre à vivre avec un handicap. Spécialisés dans la prise en charge des patients atteints de SEP, ils prennent également en charge les troubles sphinctériens et sexuels liés à la maladie. Lors de la consultation, le médecin évalue la situation, élabore un projet de rééducation et adresse le patient au rééducateur le plus proche de son domicile. Les rééducateurs de la clinique SEP ont mis en place un réseau avec leurs collègues du Grand-Ouest, ce qui assure une prise en charge continue et optimale des patients. Le neuro-ophtalmologiste Tout patient venant pour la première fois est vu par l’ophtalmologiste, le Dr Baudet. Cette consultation a pour but d’apprécier l’importance d’éventuels troubles visuels ou l’existence d’atteintes occulaires infracliniques. Cet examen servira de référence. L’ophtalmologiste voit également les patients à la suite de la consultation avec le neurologue si besoin. Il s’agit d’examens ophtalmologiques simples avec parfois la réalisation d’un champ visuel. Figure. L’équipe de la clinique SEP. Professeur Gilles Édan chef de service Huit neurologues cliniciens Quatre rééducateurs fonctionnels Un ophtalmologiste Une neuro-généticienne Une psychiatre Une assistante sociale Une diététicienne Un médecin informaticien Une secrétaire Trois infirmières 80 Reportage Reportage avril int 28/05/02 12:10 Page 81 La psychiatre La SEP est une maladie lourde de conséquences en termes psychologiques et beaucoup de patients rencontrent des difficultés à un moment donné. Cette consultation est avant tout l’occasion pour le patient d’exprimer ses difficultés, voire sa souffrance, de faire le point avec le médecin qui conseillera une éventuelle orientation thérapeutique (prise en charge par un psychiatre, un psychologue, prescription médicamenteuse). Le Dr Nathalie Le Garzic exerce cette fonction depuis juin 2000. La généticienne La clinique SEP participe à deux programmes nationaux de recherche sur la susceptibilité génétique de la SEP. Les patients répondant aux critères de l’une ou l’autre de ces études sont vus en consultation. Le médecin explique l’intérêt et le déroulement de ces recherches, les bénéfices attendus et les contraintes, en précisant que la participation à ces recherches est volontaire. Le Dr Jacqueline Yaounq, neurologue et généticienne, assume cette consultation. Les patients ayant des questions sur l’hérédité, la génétique, des inquiétudes par rapport à la transmission de la maladie sont également vus par la généticienne qui apporte des réponses claires et rassure ainsi les patients. L’assistante sociale Elle répond aux questions concernant la prise en charge des soins, le droit au travail, l’éventuelle réorientation professionnelle ainsi que les aides et prestations diverses dont le patient peut bénéficier à domicile. Cette consultation est surtout un temps d’écoute et d’analyse des besoins dans le but d’une meilleure information et orientation. La diététicienne Durant la consultation qui dure une heure, Mme Marina Deroin cerne les habitudes alimentaires du patient et répond aux questions pour parvenir à mettre en place une alimentation équilibrée. L’informaticien Le recueil des données médicales se fait grâce au dossier informatisé EDMUS (European Database for MUltiple Sclerosis) spécifique à la SEP. Ce dossier EDMUS, utilisé dans plusieurs pays européens, permet de centraliser des données standardisées au niveau de l’Europe et est un outil indispensable pour toute activité d’évaluation et toute recherche collaborative. Actuellement, plus de 1 700 patients ont un dossier EDMUS. La coordination et la validation de chacun de ces dossiers sont assurées par le médecin informaticien. La secrétaire Mme Annie Eveillard centralise les demandes, planifie les consultations, envoie les dates de rendez-vous, des informations et prépare les dossiers pour la consultation. Le mardi, elle accueille les patients, recueille les données administratives et planifie les rendez-vous. Les jours suivants, elle envoie les comptes rendus aux différents correspondants médicaux. Les infirmières Trois inf irmières (Mme Brunet – assistante de recherche clinique –, Mmes Merienne et Limbour ) s’occupent plus particulièrement de l’information au patient concernant les essais thérapeutiques et l’organisation de la clinique. Elles accueillent tous les consultants avant la visite avec le neurologue. Ce temps d’écoute et de parole est essentiel pour le patient. Il permet de déceler des problèmes pas toujours évoqués dans le dossier médical, de faire une première évaluation, de transmettre l’information au neurologue et, éventuellement, d’orienter le patient vers un autre intervenant. Conclusion La clinique de la SEP fonctionne depuis maintenant quatre ans. Une enquête de satisfaction faite auprès de 200 patients, ainsi qu’un audit mené par un expert canadien, ont permis d’adapter au mieux son fonctionnement aux attentes des patients. Cette structure s’inscrit dans une démarche de réseaux de soins. Sa pérennité est pour l’instant, dépendante des ressources financières apportées par les essais thérapeutiques. Nous espérons qu’à l’avenir, un cadre plus formel pourra être trouvé avec les associations de malades et les autorités médico-administratives afin de financer le travail des professionnels qui sont nécessaires au fonctionnement d’une telle structure. Imprimé en France - Differdange S.A. 95110 Sannois - Dépôt légal à parution. © en cours - Médica-Press International S.A. 81 Reportage Reportage