Reportage

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La “clinique” de la sclérose
en plaques au CHU de Rennes :
une prise en charge
pluridisciplinaire
des patients
G. Édan*
Présentation de la clinique SEP
Rappel historique
Plusieurs circonstances ont conduit à
développer au CHU de Rennes une
prise en charge spécifique de cette
affection au sein d’une clinique de la
sclérose en plaques :
◗ une raison “historique” : depuis la
création du service de neurologie par
le Pr Sabouraud, le CHU de Rennes a
été reconnu comme un centre spécialisé pour la prise en charge de cette
affection ;
◗ une demande des patients et de leurs
médecins traitants : cette maladie
complexe aux conséquences multiples
(médicale, sociale, familiale, professionnelle) nécessite une approche
pluridisciplinaire. Ce type d’approche
a été validé dans les pays anglosaxons, notamment au Canada où des
cliniques se sont développées sur
l’ensemble du territoire ;
Gilles Édan est PU-PH, chef du service
de neurologie du CHU de Rennes. Il a
travaillé en particulier sur le développement de la mitoxantrone dans les formes
actives de SEP et il est le coordinateur
d'une étude internationale dont l'objectif
est d'évaluer l'intérêt d'un traitement
séquentiel (mitoxantrone puis interféron)
dans les formes actives de SEP. Il est
membre du conseil européen de
l'ECTRIMS et a participé à l'élaboration
des nouveaux critères de diagnostic de
la SEP.
◗ les progrès de la recherche font
naître l’espoir d’une meilleure prise en
charge de cette maladie dans les
années à venir. Afin de participer à ces
recherches, il faut recueillir des
données parfaitement fiables, ce que
permet l’organisation en clinique
spécialisée.
Données démographiques
La clinique de la sclérose en plaques
de Rennes fonctionne depuis
novembre 1996. Sa conception
s’inspire fortement des MS clinics
canadiennes.
Le recrutement est essentiellement
régional, réparti sur l’Ouest de la
France : environ 30 % du département
(Ille-et-Vilaine), 60 % de la région
Grand-Ouest (Bretagne, BasseNormandie, Mayenne, Sarthe, Paysde-Loire, Vendée) et 10 % d’autres
départements.
Au cours de l’année 2000, plus de 800
patients ont été vus en consultation,
dont environ 200 pour la première
fois.
Quatre-vingts pour cent de ces
patients sont adressés par leur neurologue, les autres viennent à la
demande de leur médecin traitant.
La procédure
La clinique fonctionne tous les mardis
de 8 h 45 à 18 h 00. Les patients
venant pour la première fois ne
peuvent prendre rendez-vous euxmêmes, mais doivent être adressés par
leur neurologue et/ou leur médecin
traitant, de façon à disposer de toutes
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L
a sclérose en plaques est
une maladie complexe,
lourde de conséquences
d’un point de vue social, familial
et professionnel. Elle s’exprime
cliniquement de façon hétérogène et devant la diversité des
atteintes, le neurologue seul est
souvent démuni.
Ne pas prendre en charge
uniquement la maladie mais le
malade dans sa globalité et
rassembler autour de lui les
compétences nécessaires pour
répondre au mieux à ses besoins,
tel est le concept que nous avons
essayé de développer à Rennes
en créant, en novembre 1996, la
première clinique de la sclérose
en plaques en France.
les informations nécessaires à l’analyse
de leur situation (courriers, résultats
d’examens complémentaires, IRM) et
à inscrire clairement cette consultation
au sein d’un réseau de soins dans
lequel le neurologue habituel et le
généraliste ont une place essentielle.
Lorsqu’ils sont suivis par un neurologue, les décisions médicales et le
suivi sont assurés par ce neurologue à
qui nous demandons de nous tenir
informés de l’évolution de la maladie
et des décisions prises. Les patients
peuvent être revus à la clinique une
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fois par an avec l’accord de leurs
correspondants médicaux.
La clinique de la SEP joue un rôle
d’aide à la décision thérapeutique et
de prise en charge pluridisciplinaire
lorsque la situation du patient le
justifie.
Le patient reçoit, avec son rendezvous, certaines informations concernant le déroulement de la consultation :
il est informé de la présence et du rôle
de chaque intervenant, que la consultation avec le neurologue dure une
heure et qu’à la suite de celle-ci, une
consultation avec un autre spécialiste
peut être programmée. La durée de
présence à la clinique peut donc varier
d’une à plusieurs heures.
Un patient qui voit plusieurs spécialistes dans la journée est programmé
en hôpital de jour et un repas est prévu
le midi. Lorsque l’attente doit se
prolonger, un lit est gardé en hôpital
de jour pour les patients les plus
lourdement handicapés.
Chaque demi-journée se termine par
une réunion de l’ensemble de l’équipe
pour permettre une analyse collégiale
de la situation de chaque patient.
L’équipe de la clinique SEP
(figure)
Les neurologues
Au nombre de neuf, ils sont les représentants des différentes modalités de
pratique de la neurologie :
◗ trois neurologues du CHU (Gilles
Édan et ACCs) ;
◗ deux neurologues du secteur libéral
(Drs de Burghgraeve et Cahagnes) ;
◗ quatre neurologues des centres
hospitaliers généraux (Drs Merienne,
Coustans, Kassiotis et De Marco).
La consultation dure une heure. Dans
le cas d’un premier contact, le neurologue retrace l’histoire de la maladie.
Un examen neurologique est pratiqué
puis discuté avec le patient et sa
famille. Le médecin interroge
également le patient sur divers
Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 4, avril 2002
problèmes pouvant interférer dans sa
vie quotidienne : fatigue, moral,
douleurs, troubles urinaires et sexuels,
etc. Pour cela, il utilise une échelle de
cotation : le UK-Neurological Disability.
Le patient peut ainsi exprimer ses
difficultés et le neurologue évaluer la
situation et orienter le patient vers un
autre intervenant si besoin.
Souvent les patients viennent pour un
avis thérapeutique, le neurologue
propose les différents traitements
adaptés au patient, en discute avec lui,
mais c’est le neurologue traitant qui
prescrira le traitement et en assurera le
suivi.
Les neuro-rééducateurs
Ils sont quatre, venant du centre de
rééducation fonctionnelle du CHU
(équipe du Dr Gallien) et du secteur
libéral (équipe du Dr Nicolas de la
clinique Notre-Dame-de-Lourdes).
La consultation de rééducation
fonctionnelle a pour but de faire le
point sur les différentes techniques
permettant de restaurer une fonction,
de développer des systèmes de
compensation et d’apprendre à vivre
avec un handicap.
Spécialisés dans la prise en charge des
patients atteints de SEP, ils prennent
également en charge les troubles
sphinctériens et sexuels liés à la
maladie.
Lors de la consultation, le médecin
évalue la situation, élabore un projet
de rééducation et adresse le patient au
rééducateur le plus proche de son
domicile.
Les rééducateurs de la clinique SEP
ont mis en place un réseau avec leurs
collègues du Grand-Ouest, ce qui
assure une prise en charge continue et
optimale des patients.
Le neuro-ophtalmologiste
Tout patient venant pour la première
fois est vu par l’ophtalmologiste, le Dr
Baudet. Cette consultation a pour but
d’apprécier l’importance d’éventuels
troubles visuels ou l’existence d’atteintes
occulaires infracliniques. Cet examen
servira de référence.
L’ophtalmologiste voit également les
patients à la suite de la consultation
avec le neurologue si besoin. Il s’agit
d’examens ophtalmologiques simples
avec parfois la réalisation d’un champ
visuel.
Figure. L’équipe de la clinique SEP.
Professeur Gilles Édan
chef de service
Huit neurologues cliniciens
Quatre rééducateurs fonctionnels
Un ophtalmologiste
Une neuro-généticienne
Une psychiatre
Une assistante sociale
Une diététicienne
Un médecin informaticien
Une secrétaire
Trois infirmières
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La psychiatre
La SEP est une maladie lourde de
conséquences en termes psychologiques et beaucoup de patients rencontrent des difficultés à un moment
donné. Cette consultation est avant
tout l’occasion pour le patient
d’exprimer ses difficultés, voire sa
souffrance, de faire le point avec le
médecin
qui
conseillera
une
éventuelle orientation thérapeutique
(prise en charge par un psychiatre, un
psychologue, prescription médicamenteuse). Le Dr Nathalie Le Garzic
exerce cette fonction depuis juin 2000.
La généticienne
La clinique SEP participe à deux
programmes nationaux de recherche
sur la susceptibilité génétique de la
SEP. Les patients répondant aux
critères de l’une ou l’autre de ces
études sont vus en consultation. Le
médecin explique l’intérêt et le déroulement de ces recherches, les
bénéfices attendus et les contraintes,
en précisant que la participation à ces
recherches est volontaire. Le Dr
Jacqueline Yaounq, neurologue et
généticienne, assume cette consultation.
Les patients ayant des questions sur
l’hérédité, la génétique, des inquiétudes par rapport à la transmission de
la maladie sont également vus par la
généticienne qui apporte des réponses
claires et rassure ainsi les patients.
L’assistante sociale
Elle répond aux questions concernant
la prise en charge des soins, le droit au
travail, l’éventuelle réorientation
professionnelle ainsi que les aides et
prestations diverses dont le patient
peut bénéficier à domicile. Cette
consultation est surtout un temps
d’écoute et d’analyse des besoins dans
le but d’une meilleure information et
orientation.
La diététicienne
Durant la consultation qui dure une
heure, Mme Marina Deroin cerne les
habitudes alimentaires du patient et
répond aux questions pour parvenir à
mettre en place une alimentation
équilibrée.
L’informaticien
Le recueil des données médicales se
fait grâce au dossier informatisé
EDMUS (European Database for
MUltiple Sclerosis) spécifique à la
SEP. Ce dossier EDMUS, utilisé dans
plusieurs pays européens, permet de
centraliser des données standardisées
au niveau de l’Europe et est un outil
indispensable pour toute activité
d’évaluation et toute recherche collaborative. Actuellement, plus de 1 700
patients ont un dossier EDMUS. La
coordination et la validation de chacun
de ces dossiers sont assurées par le
médecin informaticien.
La secrétaire
Mme Annie Eveillard centralise les
demandes, planifie les consultations,
envoie les dates de rendez-vous, des
informations et prépare les dossiers
pour la consultation. Le mardi, elle
accueille les patients, recueille les
données administratives et planifie les
rendez-vous. Les jours suivants, elle
envoie les comptes rendus aux différents correspondants médicaux.
Les infirmières
Trois inf irmières (Mme Brunet
– assistante de recherche clinique –,
Mmes Merienne et Limbour ) s’occupent plus particulièrement de l’information au patient concernant les
essais thérapeutiques et l’organisation
de la clinique. Elles accueillent tous
les consultants avant la visite avec le
neurologue. Ce temps d’écoute et de
parole est essentiel pour le patient. Il
permet de déceler des problèmes pas
toujours évoqués dans le dossier
médical, de faire une première évaluation, de transmettre l’information
au neurologue et, éventuellement,
d’orienter le patient vers un autre
intervenant.
Conclusion
La clinique de la SEP fonctionne
depuis maintenant quatre ans. Une
enquête de satisfaction faite auprès de
200 patients, ainsi qu’un audit mené
par un expert canadien, ont permis
d’adapter au mieux son fonctionnement aux attentes des patients. Cette
structure s’inscrit dans une démarche
de réseaux de soins. Sa pérennité est
pour l’instant, dépendante des
ressources financières apportées par
les essais thérapeutiques. Nous
espérons qu’à l’avenir, un cadre plus
formel pourra être trouvé avec les
associations de malades et les
autorités médico-administratives afin
de financer le travail des professionnels qui sont nécessaires au fonctionnement d’une telle structure.
Imprimé en France - Differdange S.A. 95110 Sannois - Dépôt légal à parution.
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