NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHL¨OMILCH

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MOSCOW MATHEMATICAL JOURNAL
Volume 10, Number 4, October–December 2010, Pages 765–788
NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE
FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN
OLEG OGIEVETSKY AND VADIM SCHECHTMAN
A la mémoire de R. L. Dobrushin
Résumé. Nous discutons quelques formules qui utilisent les nombres de
Bernoulli. Dans la première partie de cet article, on établit un lien étroit
entre la formule d’Euler–Maclaurin et l’équation fonctionelle de Rota–
Baxter. Dans la deuxième partie, on présente une simple démonstration
d’une formule de Schlömilch–Ramanujan sur la sommation de certaines
séries exponentielles, formant une famille à un paramètre naturel impair
l. Un phénomène surprenant est observé : pour ces séries, l’approximation d’Euler–Maclaurin (de la somme par l’intégrale) est exacte si l > 1.
2000 Math. Subj. Class. 11B68, 65B15, 11F03.
Key words and phrases. Bernoulli numbers, Euler–Maclaurin formula,
Rota–Baxter equation, Dedekind function, Schlömilch formula, Ramanujan
formula, Eisenstein series, Weierstrass function.
Première Partie
ÉQUATION DE ROTA–BAXTER
ET FORMULE SOMMATOIRE D’EULER–MACLAURIN
§ 1. Définition de Jacob Bernoulli
1.1. Les nombres qu’A. de Moivre, puis Euler, ont appelés nombres de Bernoulli,
ont été introduits par Jacob I Bernoulli (1655–1705), dans son livre Ars Conjectandi
sur les probabilités, cf. [B, Pars secunda, Caput III, pp. 97–98]. Ce livre a été publié
en 1713, quand Euler avait 6 ans (Euler fut un élève du frère de Jacob, Johann, et
un ami de ses deux fils, Nicolas et Daniel).
R
Bernoulli commence par un calcul de polynômes qu’il désigne par nr ; nous
adoptons la notation
Sr (n) = 1r + 2r + . . . + nr
La méthode de calcul est basée sur le triangle de Pascal (qui à l’époque a servi
pour la définition des numerorum figuratorum, alias coefficients binomiaux). Cette
méthode était déjà connue de Pierre de Fermat.
Received October 24, 2009; in revised form June 10, 2010.
c
2010
Independent University of Moscow
765
766
O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN
Voici ce qu’écrit Bernoulli :
... Atque si porrò ad altiores gradatim potestates pergere, levique negotio
sequentem adornare laterculum licet :
Z
Z
Z
Z
Z
Z
Z
Z
Z
Z
Summae Potestatum
1
1
n = nn + n
2
2
1
1 3 1
nn = n + nn + n
3
2
6
1
1
1
n3 = n4 + n3 + nn
4
2
4
1
1
1
1
n4 = n5 + n4 + n3 − n
5
2
3
30
1
1
5
1
n5 = n6 + n5 + n4 − nn
6
2
12
12
1 7 1 6 1 5 1 3
1
6
n = n + n + n − n + n
7
2
2
6
42
1
7
7
1
1
n7 = n8 + n7 + n6 − n4 + nn
8
2
12
24
12
1
1
2
7
2
1
n8 = n9 + n8 + n7 − n5 + n3 − n
9
2
3
15
9
30
1 10 1 9 3 8
7 6 1 4
1
9
n =
n + n + n − n + n − nn
10
2
4
10
2
12
1 11 1 10 5 9
1
5
10
7
5
n =
n + n + n − 1 n + 1 n − n3 + n
11
2
6
2
66
Quin imò qui legem progressionis inibi attentuis ensperexit, eundem etiam continuare poterit absque his ratiociniorum ambabimus : Sumtâ enim c pro potestatis
cujuslibet exponente, fit summa omnium nc seu
Z
1
1
c
c·c−1·c−2
nc =
nc+1 + nc + Anc−1 +
Bnc−3
c+1
2
2
2·3·4
c·c−1·c−2·c−3·c−4
Cnc−5
+
2·3·4·5·6
c·c−1·c−2·c−3·c−4·c−5·c−6
+
Dnc−7 . . . & ita deinceps,
2·3·4·5·6·7·8
exponentem potestatis ipsius n continué minuendo binario, quosque perveniatur ad
n vel nn. Literae Rcapitales
R A,RB, C,R D & c. ordine denotant coëfficientes ultimorum
terminorum pro nn, n4 , n6 , n8 , &c. nempe
1
1
1
1
A= , B=− , C=
, D=− .
6
30
42
30
Sunt autem hi coefficientes ita comparati, ut singuli cum caeteris sui ordinis coëfficientibus complere debeant unitatem ; sic D valere diximus −1/30,
1 1 2
7
2
1
quia + + −
+ (+D) −
= 1.
9 2 3 15 9
30
NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN
767
Huius laterculi beneficio intra semi-quadrantem horae reperi, quòd potestates decime sive quadrato-sursolida mille primorum numerorum ab unitate in summam
collecta efficiunt
91 409 924 241 424 243 424 241 924 242 500. 1.2.
Définissons les nombres bn par la série génératrice
∞
∞
X
bn n
S X b2p 2p
S
=
S
=
1
+
+
S .
1 − e−S
n!
2 p=1 (2p)!
n=0
On remarque que
∞
S
S X b2p 2p
=1− +
S .
S
e −1
2 p=1 (2p)!
Voici les premières valeurs :
1
1
1
1
, b8 = − ,
b2 = , b 4 = − , b 6 =
6
30
42
30
691
7
5
, b12 = −
, b14 = .
b10 =
66
2730
6
1.3. On verra plus bas que Sr (n) est la valeur en x = n du polynôme
X
xr+1
xr
r
b2p r−2p+1
Sr (x) =
+
+
x
.
r+1
2
2p − 1 2p
16p<(r+1)/2
Autrement dit,
Sr0 (x) = Br (x) =
r X
r
p=0
p
bp xr−p ,
Sr (0) = 0.
§ 2. Une Primitive et l’équation de Rota–Baxter homogène
2.1. Soit A une algèbre de fonctions f (x) raisonnables , par exemple l’algèbre
des polynômes R[x] ou l’algèbre des fonctions dérivables. On désigne par D l’opérateur de dérivation sur A, et par I l’opérateur
Z x
f (t)dt.
I(f )(x) =
0
Il est clair que DI = id. En revanche, on a
ID(f )(x) = f (x) − f (0).
2.2. Lemme. L’opérateur I satisfait l’équation
I(f )I(g) = I(I(f )g + f I(g)).
(RBH)
Première preuve. Les dérivées des deux côtés coı̂ncident puisque DI = id. De plus,
les valeurs des deux membres en 0 sont nulles, d’où l’assertion.
Seconde preuve. Considérer l’intégrale de la fonction de deux variables f (t)g(u) sur
le carré [0, x]2 ; puis couper ce carré en deux triangles.
L’équation (RBH) sera appelée équation de Rota–Baxter homogène, cf. [Ro].
768
O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN
§ 3. Une primitive discrète et l’équation de Rota–Baxter
non-homogène
3.1. Étant donnée une fonction f : N → R, définissons sa
B(f ) : N → R par
n
X
B(f )(n) =
f (i).
primitive discrète B(f g) + B(f )B(g) = B(B(f )g + f B(g)).
(RB)
i=1
3.2. Lemme. L’opérateur B satisfait l’équation
En effet, la valeur du premier membre de (RB) en n est
n
X
f (i)g(i) +
i=1
n
X
f (i) ·
i=1
n
X
g(j).
j=1
C’est donc un carré n × n, avec la diagonale doublée. D’autre part, le deuxième
membre est
i
i
n X
X
X
f (j)g(i) +
f (i)g(j) .
i=1
j=1
j=1
Il est aisé de voir que les deux expressions sont égales, en interprétant chaque terme
Pi
Pi
j=1 f (j)g(i) +
j=1 f (i)g(j) comme un chemin (de forme Γ) dans le même carré.
3.3. Il est clair qu’on peut considérer l’anneau de polynômes R[x] comme un
sous-anneau de l’anneau RN des applications f : N → R.
Lemme (Bernoulli). B(R[x]) ⊂ R[x].
En effet, on peut calculer les polynômes Sr (x) := B(xr ) par récurrence, en
utilisant (RB) :
on a B(1)(n) = n, donc B(1) = x et de là
B(1 · 1) + B(1)B(1) = B(B(1)1 + 1B(1)),
c’est à dire
x + x2 = 2B(x),
ou B(x) = (x2 + x)/2.
De la même façon, (RB) donne
B(1 · x) + B(1)B(x) = B(B(1)x + 1B(x)),
c’est à dire
x2 + x
1
3
x2 + x
x2 + x x3 + x2
+
= B x2 +
= B(3x2 + x) = B(x2 ) +
,
2
2
2
2
2
4
d’où
x3
x2
x
+
+ ,
3
2
6
i
cf. 1.1. Ainsi, les B(x ) pour i 6 r étant connus, on obtient B(xr+1 ) en appliquant
(RB) avec f = 1, g = xr , ce qui prouve le lemme.
B(x2 ) =
NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN
769
3.4. Soit A une algèbre associative munie d’un opérateur linéaire B : A → A
vérifiant
µB(f g) + B(f )B(g) = B(B(f )g + f B(g))
(RB)
(µ est un nombre). Pour une algèbre de matrices, l’équation (RB) de Gian-Carlo
Rota et Glen Earl Baxter est étroitement liée à une version de l’équation de ChenNing Yang et Rodney James Baxter, cf. [OP].
On introduit sur B une autre multiplication
f ∗ g = B(f )g + f B(g) − µf g.
En l’utilisant, on peut réécrire (RB) sous la forme équivalente
B(f ∗ g) = B(f )B(g).
(RB0 )
Autrement dit, B est un opérateur entrelaçant deux multiplications.
3.5. Lemme. La multiplication ∗ est associative.
Cela se vérifie aisément à l’aide de (RB)0 .
3.6. Lemme. L’opérateur B satisfiait à (RB) pour le produit ∗ :
µB(f ∗ g) + B(f ) ∗ B(g) = B(B(f ) ∗ g + f ∗ B(g)).
En effet, on a
µB(f ∗ g) + B(f ) ∗ B(g) = B 2 (f )B(g) + B(f )B 2 (g).
D’un autre côté, d’après (RB)0 , on a B(B(f ) ∗ g)) = B 2 (f )B(g) et B(f ∗ B(g)) =
B(f )B 2 (g), d’où l’assertion.
§ 4. Formule sommatoire d’Euler–Maclaurin
4.1. Soit A une algèbre commutative munie d’une dérivation D et d’un opérateur
I : A → A ( une primitive ) tel que DI = idA et satisfaisant
I(f )I(g) = I(I(f )g + f I(g)).
(RBH)
On veut construire un opérateur B : A → A ( une primitive discrète ) de la forme
B = I(1 + β1 D + β2 D2 + . . .), βi ∈ R ,
(4.1.1)
qui satisfait
B(f g) + B(f )B(g) = B(B(f )g + f B(g)).
(RB)
Essayons de trouver un par un les coefficients inconnus βi , de l’équation (RB).
770
4.2.
O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN
On a à gauche :
B(f g) = I(f g) + β1 ID(f g) + β2 ID2 (f g) + . . .
= I(f g) + β1 I(Df · g + f · Dg) + β2 I(D2 f · g + 2Df · Dg + f · D2 g) + . . .
et
B(f )B(g) = (I(f )+β1 ID(f )+β2 ID2 (f )+ . . .) · (I(g)+β1 ID(g)+β2 ID2 (g)+ . . .)
= I(f )I(g) + β1 (ID(f )I(g) + I(f )ID(g))
+ β2 (ID2 (f )I(g) + I(f )ID2 (g)) + β12 ID(f )ID(g) + . . .
= I{I(f )g + f I(g)} + β1 I ID(f )g + Df I(g) + I(f )Dg + f ID(g)
+ β2 I ID2 (f )g + D2 (f )I(g) + I(f )D2 g + f ID2 (g)}
+ β12 I ID(f )D(g) + D(f )ID(g)} + . . . .
4.3.
À droite on a
B(B(f )g + f B(g))
= I I(f )g + f I(g) + β1 (ID(f )g + f · ID(g)) + β2 (ID2 (f )g + f · ID2 (g)) + . . .
+ β1 ID I(f )g + f I(g) + β1 (ID(f )g + f · ID(g)) + . . .
2
+ β2 ID I(f )g + f I(g) + . . . + . . .
2
2
= I I(f )g + f I(g) + β1 (ID(f )g + f · ID(g)) + β2 (ID (f )g + f · ID (g)) + . . .
+ β1 I f g + I(f )D(g) + D(f )I(g) + f g
2
+ β1 I D(f )g + ID(f )D(g) + D(f )ID(g) + f D(g)
2
2
+ β2 I D(f )g + 2f D(g) + I(f )D (g) + D (f )I(g) + 2D(f )g + f D(g) + . . .
(on a gardé les termes d’ordre 6 2 en D).
4.4.
Dans cette équation, les seuls termes qui restent sont : I(f g), ce qui donne
1 = 2β1 ,
(4.4.1)
i.e., β1 = 1/2 = −b1 ; puis, I(D(f )g + f D(g)), qui donne
β1 = 3β2 + β12 ,
d’où
β2 =
1
1
=
.
12
2·6
(4.4.2)
NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN
771
De la même manière, les calculs à l’ordre 3 fournissent la valeur β3 = 0. Ils donnent
à l’ordre 4, en regardant les termes I(D3 (f )g + f D3 (g)) (et aussi I(2D2 (f )D(g) +
2D(f )D2 (g))), la relation
0 = 5β4 + β22 ,
(4.4.3)
d’où
β4 = −
β22
1
1
=−
=−
.
5
5 · 144
4! · 30
Ceci nous amène à l’idée que
bn
, n > 2.
n!
Autrement dit, on s’attend à ce que la série génératrice des nombres βn soit donnée
par
∞
X
S
=
βn S n .
1 − e−S
n=0
βn =
4.5.
Écrivons la série (4.1.1) comme
B = Iµ,
où µ = µ(D) ∈ R[[D]], µ(0) = 1. L’équation (RB) s’écrit alors :
Iµ(f )Iµ(g) + Iµ(f g) = Iµ(Iµ(f ) · g + f · Iµ(g)).
On pose : µ(f ) = a, µ(g) = b, ν = µ−1 , donc f = ν(a), g = ν(b). On obtient :
Ia · Ib + Iµ(ν(a)ν(b)) = Iµ(Ia · ν(b) + ν(a)Ib).
On multiplie les deux côtés par νD (en prenant en compte le fait que DI = id) :
ν(aIb + Ia · b) + ν(a)ν(b) = Ia · ν(b) + ν(a)Ib.
Ensuite, on pose Ia = α, Ib = β, donc a = Dα, b = Dβ :
νD(αβ) + νD(α)νD(β) = ανD(β) + νD(α)β.
Il s’ensuit que si l’on pose κ = 1 − νD, alors
κ(αβ) = κ(α)κ(β).
(4.5.1)
Il est clair que κ(1) = 1.
4.6. Maintenant supposons que notre algèbre A soit l’anneau de polynômes A =
R[x]. L’identité (4.5.1) implique que κ est un automorphisme de A, il est donc de
la forme κ(x) = Ex + F .
De plus, on impose une condition de normalisation
B(1) = x,
d’où Iµ(1) = x, donc µ(1) = 1, donc ν(1) = 1, d’où
κ(x) = (1 − νD)(x) = x − 1.
Il vient que κ = e−D , d’où νD = 1 − e−D , ν = (1 − e−D )D−1 , donc
µ(D) =
D
,
1 − e−D
(4.6.1)
772
O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN
comme attendu. On obtient donc
B=I
4.7.
D
.
1 − e−D
(4.6.2)
Explicitement, on a :
∞
I
ID X b2p
D
=I+
+
ID2p .
−D
1−e
2
(2p)!
p=1
Maintenant, pour f (x) ∈ R[x] on a
ID(f )(x) = f (x) − f (0),
donc
D
(f )(x) =
I
1 − e−D
Z
0
x
∞
X
1
b2p
f (t) dt+ (f (x)−f (0))+
(f (2p−1) (x)−f (2p−1) (0)).
2
(2p)!
p=1
On a montré que cet opérateur vérifie (RB) et (4.6.1), or, il n’existe qu’un seul
opérateur de la sorte (l’unicité se voit tout de suite par P
récurrence), celui qui à
n
f ∈ R[x] fait correspondre B(f ) ∈ R[x] tel que B(f )(n) = i=1 f (i).
Il vient le
4.8. Théorème (Euler–Maclaurin). Pour tout f ∈ R[x] et n ∈ N on a
f (1) + f (2) + . . . + f (n)
Z n
∞
X
b2p
1
=
f (t) dt + (f (n) − f (0)) +
(f (2p−1) (n) − f (2p−1) (0)).
2
(2p)!
0
p=1
En l’appliquant à f (x) = xr , on obtient
1r + 2r + . . . + nr = Sr (n),
où le polynôme Sr (x) est défini par
xr
xr+1
+
+
Sr (x) =
r+1
2
4.9.
X
16p<(r+1)/2
r
b2p r−2p+1
x
.
2p − 1 2p
Appliquons (RB) à f = 1, g = xr :
B(xr ) + xB(xr ) = B(xr+1 + B(xr )),
i.e.
B(xr+1 ) = (x + 1)B(xr ) − B(B(xr )).
Cette identité est équivalente à une identité classique pour les nombres de Bernoulli :
n−1
X 2n
(2n + 1)b2n = −
b2p b2n−2p ,
2p
p=1
cf. [Bo, Ch. VI, §2, Exercice 2] ; [R] (c’est le premier article publié de Ramanujan).
NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN
773
Deuxième Partie
UNE FORMULE DE RAMANUJAN
§ 5. Fonction η de Dedekind
5.1. Il semble que Riemann ait lu assez attentivement les Fundamenta de Jacobi.
Dans les papiers de Riemann, on a trouvé un Additamentum ad § 40 de Fundamenta , [R]. Richard Dedekind a écrit un commentaire sur ces fragments, [D], où
il introduit la fonction η(τ ) :
∞
Y
η(τ ) = q 1/24
(1 − q n ), q = e2πiτ ,
(5.1.1)
n=1
où |q| < 1, i.e., Im τ > 0, et étudie sa loi de transformation par rapport aux
transformations de Moebius τ 7→ (aτ + b)/(cτ + d). Le théorème suivant en est un
cas particulier.
5.2. Théorème. La fonction η(τ ) satisfait l’équation
r
τ
η(τ ).
η(−1/τ ) =
i
(5.2.1)
Démonstration, d’après Carl Ludwig Siegel, [S]. En prenant le logarithme naturel,
on a
∞
∞
∞
X
X
X
πiτ
q nm
1
− log η(τ ) = −
log(1 − q n ) =
=
.
−m − 1)
12
m
m(q
n=1
n,m=1
m=1
Prenons le logarithme de (5.2.1) :
log η(−1/τ ) =
1
log(τ /i) + log η(τ ),
2
ou encore
πiτ −1
1
πi(τ + τ −1 )
πiτ
− log η(τ ) = −
− log η(−1/τ ) + log(τ /i) +
.
12
12
2
12
Donc (5.2.1) est équivalente à :
∞
X
1
πi(τ + τ −1 )
1
1
1
log(τ /i) +
=
−
.
(5.2.2)
2
12
m e−2πimτ − 1 e2πim/τ − 1
m=1
5.3. Une fonction intéressante : cot z. On pose y = eiz . Alors :
cos z
(y −1 + y)/2
y −1 + y
y + y −1
= − −1
= −i · −1
=i·
sin z
(y − y)/2i
y −y
y − y −1
2
2
= −i · 1 + −2
=i· 1+ 2
. (5.3.1)
y −1
y −1
On a donc limy→0 cot z = −i et limy→∞ cot z = i. De là il vient :
cot z =
lim cot((n + 1/2)z) = −i si Im z > 0
(5.3.2a)
lim cot((n + 1/2)z) = i
(5.3.2b)
n→∞
et
n→∞
si Im z < 0.
774
O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN
5.4. On pose f (z) = cot z cot z/τ et on considère la fonction gn (z) = z −1 f (νz)
où ν = (n + 1/2)π, n = 0, 1, . . .. Soit C le contour du parallélogramme de sommets
1, τ, −1, −τ .
Quels sont les pôles de gn (z) ? On a :
gn (z) =
cos νz cos νz/τ
·
.
z sin νz sin νz/τ
On a donc :
(a) des pôles simples en z = ±πm/ν, m = 1, 2, . . . , avec les résidus
cot(πm/τ )
;
πm
(b) des pôles simples en z = ±πmτ /ν, m = 1, 2, . . . , avec les résidus
resz=±πm/ν gn (z) =
resz=±πmτ /ν gn (z) =
cot(πmτ )
.
πm
(c) Enfin, en z = 0 on a :
1 1
τ 1 − ν 2 z 2 /2 + . . . 1 − ν 2 z 2 /2τ 2 + . . .
·
·
·
·
z νz νz 1 − ν 2 z 2 /6 + . . . 1 − ν 2 z 2 /6τ 2 + . . .
τ
ν 2z2
ν 2z2
= 2 3 · 1−
+ ... · 1 −
+
.
.
.
ν z
3
3τ 2
τ
ν 2z2
= 2 3 · 1−
· (1 + τ −2 ) + . . . ,
ν z
3
gn (z) =
d’où
resz=0 gn (z) = −
τ + τ −1
.
3
Par la formule des résidus de Cauchy,
Z
n
1
dz
τ + τ −1
2 X 1
f (νz)
=−
+
(cot πmτ + cot πm/τ ).
2πi C
z
3
π m=1 m
On remarque que
cot πmτ + cot πm/τ = −2i
1
e−2πimτ − 1
−
1
e2πim/τ − 1
,
cf. (5.3.1), d’où
Z
n
X
dz
2πi(τ + τ −1 )
1
1
1
f (νz)
=−
+8
−
. (5.4.1)
z
3
m e−2πimτ − 1 e2πim/τ − 1
C
m=1
5.5. Maintenant faisons tendre n vers l’infini dans (5.4.1). Soit `1 = {Im z = 0}
et `2 la droite qui passe par 0 et τ . D’après (5.3.2a), (5.3.2b) on obtient,
limn→∞ cot νz = −i si z est au-dessus de `1 ; limn→∞ cot νz = i si z est audessous de `1 et
limn→∞ cot νz/τ = i si z est à droite de `2 ; limn→∞ cot νz/τ = −i si z est à
gauche de `2 .
NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN
775
Il s’ensuit que sur le côté (1, τ ) de C (sans les sommets) la valeur limite
lim cot(νz) cot(νz/τ )
n→∞
vaut (−i) · i = 1.
De même, sur les côtés (τ, −1), (−1, −τ ) et (−τ, 1) les valeurs limites sont
−1, 1, −1.
De là il vient,
Z τ Z −1 Z −τ Z 1 Z
dz
dz
−
+
−
=
lim
f (νz)
n→∞ C
z
z
1
τ
−1
−τ
= log τ − π + log τ + log(−τ ) − π − 2π + log(−τ ) = 4 log τ − 2π = 4 log(τ /i). (5.5.1)
Donc en passant à la limite n → ∞ dans (5.4.1), on obtient :
n
X
2πi(τ + τ −1 )
1
1
1
4 log(τ /i) +
=8
−
.
3
m e−2πimτ − 1 e2πim/τ − 1
m=1
En divisant par 8, on obtient la formule cherchée (5.2.2), QED.
§ 6. Une formule de Schlömilch
6.1. Théorème [Sch], [Ra].
∞
X
n=1
n
e2πn
−1
=
1
1
−
.
24 8π
(6.1.1)
6.2. Démonstration de Srinivasa Ramanujan, [Ra, (18), p. 32]. On prend τ = ia
dans (5.2.1), où a est un nombre réel, a > 0 :
e−π/12a
∞
Y
(1 − e−2πn/a ) =
n=1
√
a · e−πa/12
∞
Y
(1 − e−2πna ).
n=1
En prenant le logarithme, il vient
∞
∞
X
π
log a πa X
−
+
log(1 − e−2πn/a ) =
−
+
log(1 − e−2πna ).
12a n=1
2
12 n=1
En prenant la dérivée par rapport à a, on obtient
∞
∞
X
X
π
(2πn/a2 ) · e−2πn/a
1
π
2πne−2πn/a
−
=
−
+
,
2
−2πn/a
12a
2a 12 n=1 1 − e−2πna
1−e
n=1
ou bien
∞
X
π −2
1
a−2
1
(a + 1) −
= 2π
n·
+
.
12
2a
e2πn/a − 1 e2πna − 1
n=1
Sous une forme plus symétrique, cela s’écrit
∞ X
n/a
π(a−1 + a) 1
na
− = 2π
.
+
12
2
e2πn/a − 1 e2πna − 1
n=1
En posant a = 1, on arrive à (6.1.1).
(6.2.1)
(6.2.2)
776
O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN
§ 7. Développements Eulériens de sin et de cot
7.1.
On répète Bourbaki, [B, Chapitre VI, §2].
Lemme. On a pour n ∈ Z, n > 0 :
sin nz = 2n−1
n−1
Y
sin(z + kπ/n).
k=0
En effet,
e−inz 2inz
1 inz
(e − e−inz ) =
(e
− 1)
2i
2i
n−1
n−1
e−inz Y 2iz
1 Y iz
=
(e − e−2πip/n ) =
(e − e−iz−2πip/n )
2i p=0
2i p=0
sin nz =
= (2i)n−1
n−1
Y
e−πip/n
p=0
n−1
Y
eiz+πip/n − e−iz−πip/n
.
2i
p=0
Or, on a les égalités
(2i)n−1
n−1
Y
Pn−1
e−πip/n = (2i)n−1 e−πi/n·
p=0
p
= (2i)n−1 e−πi(n−1)/2 = 2n−1 ,
p=0
d’où l’assertion.
7.2.
En divisant par sin z et en faisant tendre z vers 0, on obtient
n−1
Y
sin(pπ/n) = n21−n .
p=1
7.3. Soit n = 2m + 1 impair. On a : sin(n(z + π/2)) = sin(nz + π/2 + mπ) =
(−1)m cos nz, d’où, en remplaçant z par z + π/2 dans 7.1,
cos nz = (−1)m 2n−1
n−1
Y
cos(z + pπ/n),
p=0
donc
cot nz = (−1)m
n−1
Y
cot(z + pπ/n),
p=0
que l’on peut réécrire comme
cot nz = (−1)
m
m
Y
p=−m
cot(z − pπ/n).
(7.3.1)
NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN
7.4.
777
On a :
cot(a + b) =
cos(a + b)
cos a cos b − sin a sin b
1 − tan a tan b
=
=
.
sin(a + b)
sin a cos b + cos a sin b
tan a + tan b
On obtient donc
cot nz = (−1)m
m
Y
1 + tan z tan(pπ/n)
.
tan z − tan(pπ/n)
p=−m
Ceci est une fraction rationnelle dont le numérateur est de degré n − 1 en u = tan z
et le dénominateur est de degré n, avec des racines simples. Il s’en suit qu’on peut
écrire une décomposition en éléments simples :
m
X
ap
cot nz =
u − tan(pπ/n)
p=−m
avec
cos nz sin(z − pπ/n)
·
cos z cos(pπ/n)
z→pπ/n
z→pπ/n sin nz
1
cos(nh + pπ) sin h
1
(−1)p sin h
=
lim
=
lim
cos2 (pπ/n) h→0 sin(nh + pπ)
cos2 (pπ/n) h→0 (−1)p sin nh
1
=
.
n cos2 (pπ/n)
ap =
lim cot nz · (tan z − tan(pπ/n)) =
On a donc
cot nz =
lim
m
X
1
.
2 (pπ/n)(tan z − tan(pπ/n))
n
cos
p=−m
En remplaçant z par z/n, il vient
cot z =
m
X
p=−m
1
n cos2 (pπ/n)(tan(z/n)
− tan(pπ/n))
m
=
X
1
1
2 tan(z/n)
+
·
n tan(z/n) p=1 n cos2 (pπ/n) tan2 (z/n) − tan2 (pπ/n)
=
X
2n tan(z/n)
1
+
·
.
n tan(z/n) p=1 cos2 (pπ/n)(n tan(z/n))2 − (n sin(pπ/n))2
m
On a donc démontré le
7.5. Théorème. Pour tout n = 2m + 1 impair
m
X
1
2n tan(z/n)
cot z =
+
·
.
n tan(z/n) p=1 cos2 (pπ/n)(n tan(z/n))2 − (n sin(pπ/n))2
En faisant m → ∞, on arrive à :
7.6. Théorème.
∞
cot z =
1 X
2z
+
.
z p=1 z 2 − p2 π 2
778
O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN
7.7. Revenons au développement de sinus 7.1. Supposons toujours que n = 2m+1
est impair. Alors 7.1 peut s’écrire
m
Y
sin nz = (−1)m 2n−1
sin(z − pπ/n)
p=−m
m
Y
= (−1)m 2n−1 sin z
sin(z − pπ/n) sin(z + pπ/n).
p=1
On vérifie aisément la formule suivante :
sin2 (a + b) − sin2 (a − b) = sin 2a sin 2b,
d’où
sin a sin b = sin2 ((a + b)/2) − sin2 ((a − b)/2).
Il s’ensuit,
sin(z − pπ/n) sin(z + pπ/n) = sin2 z − sin2 (pπ/n),
d’où
m
Y
sin nz = 2n−1 sin z
(sin2 (pπ/n) − sin2 z).
p=1
Or, d’après 7.2, on a
m
Y
sin2 (pπ/n) =
p=1
d’où
m
Y
sin nz = n sin z
n
,
2n−1
(1 − (sin2 z/ sin2 (pπ/n))).
p=1
En remplaçant z par z/n, on arrive au
7.8. Théorème. Si n = 2m + 1 est impair alors
m Y
sin2 (z/n)
sin z = n sin(z/n)
1−
.
sin2 (kπ/n)
k=1
Maintenant si l’on fait tendre m vers l’infini, on obtient le
7.9. Théorème.
sin z = z ·
∞ Y
p=1
1−
z2
.
p2 π 2
(Convergence uniforme dans des sous-ensembles compacts.)
Application aux nombres de Bernoulli
7.10.
On a :
e−z/2 + ez/2
ez + 1
=
−i
·
,
ez − 1
e−z/2 − ez/2
z
ez + 1
z
iz
z
= · −1 + z
= − + cot(iz/2).
ez − 1
2
e −1
2
2
cot(iz/2) = i ·
d’où :
NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN
On rappelle que les nombres de Bernoulli sont définis par :
∞
z
z X
z 2n
=
1
−
+
.
b
2n
ez − 1
2 n=1
(2n)!
7.11.
Le développement de cot nous dit :
cot z −
∞
1 X
2z
.
=
2
z n=1 z − n2 π 2
Maintenant on a
∞
2z
2z
1
2z X z 2k
=− 2 2 ·
=− 2 2 ·
z 2 − n2 π 2
n π 1 − z 2 /n2 π 2
n π
n2k π 2k
k=0
∞
X
z 2k−1
= −2
n2k π 2k
k=1
(|z| < π). En changeant l’ordre de sommation, il s’ensuit :
∞
cot z =
X S2k
1
−2
z 2k−1 ,
z
π 2k
k=1
où
Sk =
∞
X
1
.
nk
n=1
On obtient donc
z
z
iz
=− +
·
ez − 1
2
2
∞
2k−1
X S2k
2
k z
+2
(−1)
i
iz
π 2k
22k−1
k=1
∞
S2k
z X
(−1)k−1 2k−1 2k z 2k .
=1− +
2
2
π
k=1
7.12.
En comparant avec 7.10, on a
b2n = (−1)n−1 (2n)!
2S2n
,
(2π)2n
ou
S2n = (−1)n−1
n > 1.
(2π)2n
b2n ,
2(2n)!
779
780
O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN
§ 8. Une formule de Ramanujan
8.1. Nous procédons comme Eisenstein. On suit [A, Chapitre II, no. 10]. Commençons par le développement de cot :
X 1
1
1
π cot πu = +
−
u
u+m m
m∈Z,m6=0
∞
X
1
1
1
+
.
= +
u m=1 u + m u − m
On pose w = e2πiu ; alors
∞
X
w+1
2
cot πu = i
=i· 1+
= −i + 2i
wn ,
w−1
w−1
n=1
si |w| < 1, i.e., Im u > 0. Il s’ensuit,
∞ ∞
X
X
1
1
1
wn .
+
+
= −πi − 2πi
u m=1 u + m u − m
n=1
8.2.
On dérive p fois par rapport à u ; puisque (d/du)p (w) = (2πi)p w, on a :
(−1)p p!
∞
X
∞
X
1
= −(2πi)p+1
kp wk .
p+1
(u
+
m)
m=−∞
k=1
On pose u = nτ , n > 0, Im τ > 0,
(−1)p p!
∞
X
∞
X
1
p+1
=
−(2πi)
k p e2knπiτ
p+1
(m
+
nτ
)
m=−∞
k=1
et l’on effectue la somme sur n :
(−1)p p!
∞
∞
X
X
∞
2kπiτ
X
1
p+1
p e
=
−(2πi)
k
(m + nτ )p+1
1 − e2kπiτ
n=1 m=−∞
(8.2.1)
k=1
(attention : on a changé l’ordre de sommation à droite.)
8.3. Maintenant supposons que p = 2l − 1 soit impair et p > 2 (i.e., l > 2). On
peut alors réécrire (8.2.1) :
∞
∞
X
1 X0
1
1
(2πi)2l X k 2l−1 e2kπiτ
−
=
.
2 m,n (m + nτ )2l m=1 m2l
(2l − 1)!
1 − e2kπiτ
k=1
On utilise la notation
Ek (τ ) =
X0
m,n
pour les séries d’Eisenstein.
1
(m + nτ )k
NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN
8.4.
781
Considérons le cas particulier τ = i. On a alors
∞
1
(−1)l (2π)2l X k 2l−1 e−2kπ
E2l (i) − ζ(2l) =
2
(2l − 1)!
1 − e−2kπ
k=1
∞
(−1)l (2π)2l X k 2l−1
.
=
(2l − 1)!
e2kπ − 1
k=1
On rappelle en revanche que
ζ(2l) = (−1)l−1
(2π)2l
b2l ,
2(2l)!
cf. 7.12. Il s’ensuit :
∞
X
b2l
(2l − 1)!
k 2l−1
E2l (i) +
= (−1)l
.
2kπ
e
−1
2(2π)2l
4l
k=1
8.5.
Supposons que l = 2j + 1 soit impair. Alors
X0
X0
1
1
= (−i)2l
= −E2l (i),
E2l (i) =
2l
(m + ni)
(−mi + n)2l
m,n
m,n
donc E2l (i) = 0. Il en découle
∞
X
k 2l−1
b2l
=
2kπ
e
−1
4l
(R)
k=1
dans ce cas. Ceci est une formule de Ramanujan.
8.6.
En général (pour tout l), on définit les fonctions de Weierstrass :
Y0
u u/ω+u2 /(2ω2 )
σ(u) = σ(ω1 , ω2 ; u) = u
1−
e
,
ω
où ω = mω1 + nω2 et
Y0
=
Y
.
(m,n)∈Z2 −{(0,0)}
Cette fonction est analogue à sin u. Ensuite,
σ 0 (u)
1 X0
1
1
u
ζ(u) =
= +
+ + 2 ,
σ(u)
u
u−ω ω ω
analogue à cot u ; et
P(u) = −ζ 0 (u) =
X0 1
1
1
+
−
,
u2
(u − ω)2
ω2
analogue à −cosec2 u. On a alors le développement de Laurent en 0 :
1
ζ(u) = − E4 u3 − E6 u5 − E8 u7 − . . . ,
u
où
X0 1
En = En (ω1 , ω2 ) =
.
ωn
782
O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN
Il vient donc
1
+ 3E4 u2 + 5E6 u4 + 7E8 u6 + . . .
u2
La fonction P(u) satisfait les équations différentielles
P(u) =
P 02 (u) = 4P 3 (u) − g2 P(u) − g3 ,
P 00 (u) = 6P 3 (u) − g3 /2,
où
g2 = 60E4 ,
g3 = 140E6 .
8.7. Le cas du réseau Gaussien (ω1 , ω2 ) = (1, i) a été traité par Hurwitz, [H]. On
considère la fonction de Weierstrass qui satisfait l’équation différentielle
P 02 (u) = 4P 3 (u) − 4P(u),
donc g2 = 1, g3 = 0. On introduit la période correspondante :
Z 1
dx
√
ω=2
,
1
− x4
0
cf. une définition de π :
Z 1
dx
√
π=2
.
1
− x2
0
On définit alors les nombres rationels En0 par
P(u) =
1
24 E10 u2
28 E20 u6
24n En0
u4n−2
+
·
+
·
+ ... +
·
+ ....
2
u
4
2!
8
6!
4n
(4n − 2)!
On a E10 = 1/10 et En0 satisfait une relation de recurrence
En0
n−1
X
4n
3
0
Ek0 En−k
.
(4k − 1)(4n − 4k − 1)
=
4k
(2n − 3)(16n2 − 1)
k=1
Alors on a
X0
1
(2ω)4n 0
=
E .
4n
(r + is)
(4n)! n
§ 9. Une intégrale de Legendre
9.1.
On rappelle que
∞
t
t
t
t
t X b2n t2n
=
cot − = 1 − +
.
t
e −1
2i
2i 2
2 n=1 (2n)!
On peut donc poser b1 = −1/2.
9.2. Théorème (Legendre).
Z ∞
0
sin ax
1 ea + 1
1
dx
=
− .
2πx
a
e
−1
4 e − 1 2a
On donne deux démonstrations.
NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN
9.3. La première démonstration utilise le developpement de cotangente.
On a :
∞
∞
X
X
1
−2πx
−2πnx
e
=
e
=
e−2πnx
e2πx − 1
n=0
n=1
(x > 0), d’où
∞
Z
I :=
0
∞ Z ∞
X
sin ax
dx
=
sin ax e−2πnx dx.
e2πx − 1
0
n=1
Or, on a
Z
∞
−2πnx
sin ax e
0
1
dx =
2i
Z
∞
(eiax − e−iax )e−2πnx dx,
0
où
Z
∞
e
iax−2πnx
0
∞
1
2πn + ia
1
iax−2πnx e
=
= 2
.
dx =
ia − 2πn
2πn − ia
a + 4π 2 n2
0
On obtient donc
Z
∞
sin ax e−2πnx dx =
0
a2
a
,
+ 4π 2 n2
d’où
I=
∞
X
a
.
2 + 4π 2 n2
a
n=1
Rappelons :
∞
X
2a
1
= cot a − .
2 − π 2 n2
a
a
n=1
De là il vient
∞
X
∞
∞
X
1 X
a
a/4
ia
=
=
2 + 4π 2 n2
2 /4 + π 2 n2
2 + π 2 n2
a
a
4i
−(ia/2)
n=1
n=1
n=1
1
2
1
1
=−
cot(ia/2) −
= − cot(ia/2) − .
4i
ia
4i
2a
Or, on a l’égalité
cot(ia/2) =
cos(ia/2)
i(e−a/2 + ea/2 )
i(1 + ea )
= −a/2
=
,
a/2
sin(ia/2)
1 − ea
e
−e
donc
−
quod erat demonstrandum.
1 ea + 1
1
cot(ia/2) =
,
4i
4 ea − 1
783
784
O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN
9.4. La deuxième démonstration utilise la formule de Cauchy ; elle a été proposée
comme exercice dans [WW, Ch. 6, 6.4, Example 2]. Le calcul a été fait par Nabil
Rachdi.
On définit :
Z R
eiax
dx; Ia () := Ia (, ∞).
Ia (, R) =
e2πx − 1
Alors on a
Ia () − I−a ()
.
2i
Considérons le contour rectangulaire Γ = Γ(, R) suivant :
I = lim
→0
Γ=
6
[
Γi = { 6 z 6 R} ∪ {z = R + it : 0 6 t 6 1} ∪ {z = t + i : R > t > }
i=1
∪ {z = i + eiθ : 0 > θ > −π/2} ∪ {z = it : 1 − > t > } ∪ {z = eiθ : π/2 > θ > 0}.
On pose :
eiaz
.
e2πz − 1
Puisque e2πz = 1 si et seulement si z = ni, n ∈ Z, cette fonction n’a pas de
singularités à l’intérieur de Γ, donc
Z
6 Z
X
0=
f (z) dz =
f (z) dz.
f (z) =
Γ
Calculons les intégrales
R
Γi
i=1
Γi
f (z) dz séparément. On a :
Z
f (z) dz = I(, R).
Γ1
De même, on obtient
Z
Z
f (z) dz = −
Γ3
R
eia(x+i)
dx = −e−a Ia (, R).
e2π(x+i) − 1
Ensuite,
Z
Z
f (z) dz =
Γ2 (R)
0
1
eia(R+it)
dt → 0
−1
e2π(R+it)
quand R → ∞.
Les intégrales sur les quarts de cercles sont
Z
Z −π/2
iθ
eia(i+e )
ieiθ dθ
f (z) dz =
2π(i+eiθ ) − 1
e
Γ4 ()
0
Z −π/2 iaeiθ iθ
e
e
= ie−a
dθ.
2πeiθ − 1
e
0
Or, la fonction sous l’intégrale
iθ
eiae eiθ
eiθ
1
∼
=
iθ
iθ
2πe
2πe
2π
e
−1
quand → 0,
NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN
d’où
Z
i
f (z) dz → − e−a
4
Γ4 ()
De même, pour
9.5.
785
R
Γ6
on trouve :
Z
i
f (z) dz → −
4
Γ6 ()
quand → 0.
quand → 0.
R
Finalement, il reste à traiter l’intégrale Γ5 . On a :
Z 1−
Z
Z 1−
e−at
eia·it
i
dt
=
−i
dt := Ja ().
f (z) dz = −
e2πit − 1
e2πit − 1
Γ5 ()
Par la formule de Cauchy, il vient
i
0 = (1 − e−a )Ia () − (1 + e−a ) + Ja () + o(),
4
d’où, en posant y = ea , on obtient
Ia () =
1
i 1 + y −1
·
−
Ja () + o().
4 1 − y −1
1 − y −1
Il s’ensuit :
I−a () =
i 1+y
1
·
−
J−a () + o().
4 1−y 1−y
Or, on a
Z
J−a () = −i
1−
eat
dt
e2πit − 1
(on pose : x = −t + 1)
Z Z 1− 2πix −ax
ea e−ax
e
·e
= −i
·
(−dx)
=
−iy
dx
−2πix
−1
1 − e2πix
1− e
Z 1−
Z 1−
1
= −iy
e−ax · −1 +
dx
=
yJ
()
+
iy
e−ax dx.
a
2πix
1
−
e
La dernière intégrale donne
1
Z 1−
Z 1
1 − y −1
e−ax −ax
−ax
+
o()
=
+ o().
e
dx =
e
dx + o() = −
a 0
a
0
Ainsi, on voit que
J−a () = −yJa () +
i(y − 1)
+ o().
a
On obtient :
Ia () − I−a () =
Ici on a
i
1 + y −1
1+y
J−a ()
Ja ()
·
+
−
−
+ o().
−1
4 1−y
1−y
1−y
1 − y −1
1 + y −1
1+y
y+1
−
=2·
1 − y −1
1−y
y−1
(9.5.1)
786
O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN
et
J−a ()
yJa ()
Ja ()
i
yJa ()
i
=−
−
− −
+ o() = − + o().
−1
1−y
1−y
1−y
a
y−1
a
(9.5.2)
On peut voir en (9.5.1), ou bien en la formule équivalente (9.5.2), une équation
fonctionelle pour la fonction Ja () ; remarquons que l’intégrale Ja () diverge quand
→ 0. En revenant à Ia , on obtient :
Ia () − I−a () =
i y+1
i
·
− + o(),
2 y−1 a
d’où
Ia () − I−a ()
1 y+1
1
= ·
−
+ o().
2i
4 y − 1 2a
En faisant tendre vers zéro, on obtient la valeur de l’intégrale de Legendre.
9.6. Théorème. Pour l > 1,
(−1)l−1 b2l = 4l
Z
∞
0
t2l−1
dt.
−1
(9.6.1)
e2πt
On peut considérer cela comme une deuxième définition des nombres de Bernoulli
(Jacob Bernoulli, Ars conjectandi, 1713, p. 97).
On en donne deux démonstrations.
La première démonstration utilise les valeurs de ζ(s) aux points positifs pairs
(donc le développement de cot) :
Z
0
∞
t2l−1
dt =
2πt
e −1
Z
∞
t2l−1 e−2πt
0
Z
∞
X
e−2πkt dt
k=0
∞
=
2l−1
t
0
∞
X
e
−2πkt
k=1
dt =
∞ Z
X
k=1
∞
t2l−1 e−2πkt dt
0
(x = 2πkt)
=
∞ Z
X
k=1
∞
(x/(2πk))2l−1 e−x dx/(2πk)
0
= (2π)−2l Γ(2l)
∞
X
1
= (2π)−2l (2l − 1)!S2l
k 2l
k=1
(voir 7.12)
= (−1)l−1
b2l
.
4l
NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN
787
9.7. La deuxième démonstration utilise l’intégrale de Legendre (avec la preuve
par la formule de Cauchy), cf. [WW, 7.2] :
Z ∞
∞
sin ax
1
i
1 X (2a)2l
dx
=
−
+
cot
ia
=
b2l
.
eπx − 1
2a 2
2a
(2l)!
0
l=1
En dérivant 2l fois et en posant a = 0 et x = 2t, on en déduit (9.6.1).
En particulier, si l est impair, on a
Z ∞ 2l−1
t
b2l
=
dt,
2πt
4l
e −1
0
cf. 8.5. On arrive ainsi à l’assertion :
9.8. Theorema pulcherissimum. Si l > 1 est un entier impair, alors
Z ∞ 2l−1
∞
X
k 2l−1
b2l
t
dt
=
=
.
2πt
2πk
e −1
e
−1
4l
0
k=1
Remerciements. Les auteurs remercient Michel Balazard, Fabien Bouschbacher,
Pierre Godard et le rapporteur anonyme pour la lecture vigilante de l’article et
pour les améliorations suggérées.
Références
Première Partie
[B]
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Actualités Sci. Ind., no. 1132, Hermann et Cie., Paris, 1951. MR 0045774
O. Ogievetsky and T. Popov, R-matrices in rime, Adv. Theor. Math. Phys. 14 (2010)
439–506 ; Preprint version : arXiv :0704.1947 [math.QA].
S. Ramanujan, Some properties of Bernoulli’s numbers. J. Indian Math. Soc. 3 (1911),
219–234 (Collected papers of Srinivasa Ramanujan, AMS Chelsea Publ., Providence, RI,
2000, pp. 1–14. MR 2280844)
G.-C. Rota, Baxter operators, an introduction, Gian-Carlo Rota on combinatorics, Contemp. Mathematicians, Birkhäuser Boston, Boston, MA, 1995, pp. 504–512.
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[B]
[D]
[H]
[Ra]
N. I. Ahiezer, Élements de la théorie des fonctions elliptiques, 2nd edition, Izdat. “Nauka”,
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A. Hurwitz, Über die Entwicklungscoefficienten der lemniscatischen Functionen, Nachr.
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S. Ramanujan, Modular equations and approximations to π. Quart. J. Math. 45 (1914),
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√
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Library, Cambridge University Press, Cambridge, 1996. MR 1424469. Reprint of the 4th
(1927) edition.
Centre de Physique Théorique, Luminy, 13288 Marseille (Unité Mixte de Recherche
6207 du CNRS et des Universités Aix–Marseille I, Aix–Marseille II et du Sud Toulon –
Var ; laboratoire affilié à la FRUMAM, FR 2291)
E-mail address: [email protected]
Institut de Mathématique de Toulouse, Université Paul Sabatier, 31062 Toulouse
E-mail address: [email protected], [email protected]
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