MOSCOW MATHEMATICAL JOURNAL Volume 10, Number 4, October–December 2010, Pages 765–788 NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN OLEG OGIEVETSKY AND VADIM SCHECHTMAN A la mémoire de R. L. Dobrushin Résumé. Nous discutons quelques formules qui utilisent les nombres de Bernoulli. Dans la première partie de cet article, on établit un lien étroit entre la formule d’Euler–Maclaurin et l’équation fonctionelle de Rota– Baxter. Dans la deuxième partie, on présente une simple démonstration d’une formule de Schlömilch–Ramanujan sur la sommation de certaines séries exponentielles, formant une famille à un paramètre naturel impair l. Un phénomène surprenant est observé : pour ces séries, l’approximation d’Euler–Maclaurin (de la somme par l’intégrale) est exacte si l > 1. 2000 Math. Subj. Class. 11B68, 65B15, 11F03. Key words and phrases. Bernoulli numbers, Euler–Maclaurin formula, Rota–Baxter equation, Dedekind function, Schlömilch formula, Ramanujan formula, Eisenstein series, Weierstrass function. Première Partie ÉQUATION DE ROTA–BAXTER ET FORMULE SOMMATOIRE D’EULER–MACLAURIN § 1. Définition de Jacob Bernoulli 1.1. Les nombres qu’A. de Moivre, puis Euler, ont appelés nombres de Bernoulli, ont été introduits par Jacob I Bernoulli (1655–1705), dans son livre Ars Conjectandi sur les probabilités, cf. [B, Pars secunda, Caput III, pp. 97–98]. Ce livre a été publié en 1713, quand Euler avait 6 ans (Euler fut un élève du frère de Jacob, Johann, et un ami de ses deux fils, Nicolas et Daniel). R Bernoulli commence par un calcul de polynômes qu’il désigne par nr ; nous adoptons la notation Sr (n) = 1r + 2r + . . . + nr La méthode de calcul est basée sur le triangle de Pascal (qui à l’époque a servi pour la définition des numerorum figuratorum, alias coefficients binomiaux). Cette méthode était déjà connue de Pierre de Fermat. Received October 24, 2009; in revised form June 10, 2010. c 2010 Independent University of Moscow 765 766 O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN Voici ce qu’écrit Bernoulli : ... Atque si porrò ad altiores gradatim potestates pergere, levique negotio sequentem adornare laterculum licet : Z Z Z Z Z Z Z Z Z Z Summae Potestatum 1 1 n = nn + n 2 2 1 1 3 1 nn = n + nn + n 3 2 6 1 1 1 n3 = n4 + n3 + nn 4 2 4 1 1 1 1 n4 = n5 + n4 + n3 − n 5 2 3 30 1 1 5 1 n5 = n6 + n5 + n4 − nn 6 2 12 12 1 7 1 6 1 5 1 3 1 6 n = n + n + n − n + n 7 2 2 6 42 1 7 7 1 1 n7 = n8 + n7 + n6 − n4 + nn 8 2 12 24 12 1 1 2 7 2 1 n8 = n9 + n8 + n7 − n5 + n3 − n 9 2 3 15 9 30 1 10 1 9 3 8 7 6 1 4 1 9 n = n + n + n − n + n − nn 10 2 4 10 2 12 1 11 1 10 5 9 1 5 10 7 5 n = n + n + n − 1 n + 1 n − n3 + n 11 2 6 2 66 Quin imò qui legem progressionis inibi attentuis ensperexit, eundem etiam continuare poterit absque his ratiociniorum ambabimus : Sumtâ enim c pro potestatis cujuslibet exponente, fit summa omnium nc seu Z 1 1 c c·c−1·c−2 nc = nc+1 + nc + Anc−1 + Bnc−3 c+1 2 2 2·3·4 c·c−1·c−2·c−3·c−4 Cnc−5 + 2·3·4·5·6 c·c−1·c−2·c−3·c−4·c−5·c−6 + Dnc−7 . . . & ita deinceps, 2·3·4·5·6·7·8 exponentem potestatis ipsius n continué minuendo binario, quosque perveniatur ad n vel nn. Literae Rcapitales R A,RB, C,R D & c. ordine denotant coëfficientes ultimorum terminorum pro nn, n4 , n6 , n8 , &c. nempe 1 1 1 1 A= , B=− , C= , D=− . 6 30 42 30 Sunt autem hi coefficientes ita comparati, ut singuli cum caeteris sui ordinis coëfficientibus complere debeant unitatem ; sic D valere diximus −1/30, 1 1 2 7 2 1 quia + + − + (+D) − = 1. 9 2 3 15 9 30 NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN 767 Huius laterculi beneficio intra semi-quadrantem horae reperi, quòd potestates decime sive quadrato-sursolida mille primorum numerorum ab unitate in summam collecta efficiunt 91 409 924 241 424 243 424 241 924 242 500. 1.2. Définissons les nombres bn par la série génératrice ∞ ∞ X bn n S X b2p 2p S = S = 1 + + S . 1 − e−S n! 2 p=1 (2p)! n=0 On remarque que ∞ S S X b2p 2p =1− + S . S e −1 2 p=1 (2p)! Voici les premières valeurs : 1 1 1 1 , b8 = − , b2 = , b 4 = − , b 6 = 6 30 42 30 691 7 5 , b12 = − , b14 = . b10 = 66 2730 6 1.3. On verra plus bas que Sr (n) est la valeur en x = n du polynôme X xr+1 xr r b2p r−2p+1 Sr (x) = + + x . r+1 2 2p − 1 2p 16p<(r+1)/2 Autrement dit, Sr0 (x) = Br (x) = r X r p=0 p bp xr−p , Sr (0) = 0. § 2. Une Primitive et l’équation de Rota–Baxter homogène 2.1. Soit A une algèbre de fonctions f (x) raisonnables , par exemple l’algèbre des polynômes R[x] ou l’algèbre des fonctions dérivables. On désigne par D l’opérateur de dérivation sur A, et par I l’opérateur Z x f (t)dt. I(f )(x) = 0 Il est clair que DI = id. En revanche, on a ID(f )(x) = f (x) − f (0). 2.2. Lemme. L’opérateur I satisfait l’équation I(f )I(g) = I(I(f )g + f I(g)). (RBH) Première preuve. Les dérivées des deux côtés coı̂ncident puisque DI = id. De plus, les valeurs des deux membres en 0 sont nulles, d’où l’assertion. Seconde preuve. Considérer l’intégrale de la fonction de deux variables f (t)g(u) sur le carré [0, x]2 ; puis couper ce carré en deux triangles. L’équation (RBH) sera appelée équation de Rota–Baxter homogène, cf. [Ro]. 768 O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN § 3. Une primitive discrète et l’équation de Rota–Baxter non-homogène 3.1. Étant donnée une fonction f : N → R, définissons sa B(f ) : N → R par n X B(f )(n) = f (i). primitive discrète B(f g) + B(f )B(g) = B(B(f )g + f B(g)). (RB) i=1 3.2. Lemme. L’opérateur B satisfait l’équation En effet, la valeur du premier membre de (RB) en n est n X f (i)g(i) + i=1 n X f (i) · i=1 n X g(j). j=1 C’est donc un carré n × n, avec la diagonale doublée. D’autre part, le deuxième membre est i i n X X X f (j)g(i) + f (i)g(j) . i=1 j=1 j=1 Il est aisé de voir que les deux expressions sont égales, en interprétant chaque terme Pi Pi j=1 f (j)g(i) + j=1 f (i)g(j) comme un chemin (de forme Γ) dans le même carré. 3.3. Il est clair qu’on peut considérer l’anneau de polynômes R[x] comme un sous-anneau de l’anneau RN des applications f : N → R. Lemme (Bernoulli). B(R[x]) ⊂ R[x]. En effet, on peut calculer les polynômes Sr (x) := B(xr ) par récurrence, en utilisant (RB) : on a B(1)(n) = n, donc B(1) = x et de là B(1 · 1) + B(1)B(1) = B(B(1)1 + 1B(1)), c’est à dire x + x2 = 2B(x), ou B(x) = (x2 + x)/2. De la même façon, (RB) donne B(1 · x) + B(1)B(x) = B(B(1)x + 1B(x)), c’est à dire x2 + x 1 3 x2 + x x2 + x x3 + x2 + = B x2 + = B(3x2 + x) = B(x2 ) + , 2 2 2 2 2 4 d’où x3 x2 x + + , 3 2 6 i cf. 1.1. Ainsi, les B(x ) pour i 6 r étant connus, on obtient B(xr+1 ) en appliquant (RB) avec f = 1, g = xr , ce qui prouve le lemme. B(x2 ) = NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN 769 3.4. Soit A une algèbre associative munie d’un opérateur linéaire B : A → A vérifiant µB(f g) + B(f )B(g) = B(B(f )g + f B(g)) (RB) (µ est un nombre). Pour une algèbre de matrices, l’équation (RB) de Gian-Carlo Rota et Glen Earl Baxter est étroitement liée à une version de l’équation de ChenNing Yang et Rodney James Baxter, cf. [OP]. On introduit sur B une autre multiplication f ∗ g = B(f )g + f B(g) − µf g. En l’utilisant, on peut réécrire (RB) sous la forme équivalente B(f ∗ g) = B(f )B(g). (RB0 ) Autrement dit, B est un opérateur entrelaçant deux multiplications. 3.5. Lemme. La multiplication ∗ est associative. Cela se vérifie aisément à l’aide de (RB)0 . 3.6. Lemme. L’opérateur B satisfiait à (RB) pour le produit ∗ : µB(f ∗ g) + B(f ) ∗ B(g) = B(B(f ) ∗ g + f ∗ B(g)). En effet, on a µB(f ∗ g) + B(f ) ∗ B(g) = B 2 (f )B(g) + B(f )B 2 (g). D’un autre côté, d’après (RB)0 , on a B(B(f ) ∗ g)) = B 2 (f )B(g) et B(f ∗ B(g)) = B(f )B 2 (g), d’où l’assertion. § 4. Formule sommatoire d’Euler–Maclaurin 4.1. Soit A une algèbre commutative munie d’une dérivation D et d’un opérateur I : A → A ( une primitive ) tel que DI = idA et satisfaisant I(f )I(g) = I(I(f )g + f I(g)). (RBH) On veut construire un opérateur B : A → A ( une primitive discrète ) de la forme B = I(1 + β1 D + β2 D2 + . . .), βi ∈ R , (4.1.1) qui satisfait B(f g) + B(f )B(g) = B(B(f )g + f B(g)). (RB) Essayons de trouver un par un les coefficients inconnus βi , de l’équation (RB). 770 4.2. O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN On a à gauche : B(f g) = I(f g) + β1 ID(f g) + β2 ID2 (f g) + . . . = I(f g) + β1 I(Df · g + f · Dg) + β2 I(D2 f · g + 2Df · Dg + f · D2 g) + . . . et B(f )B(g) = (I(f )+β1 ID(f )+β2 ID2 (f )+ . . .) · (I(g)+β1 ID(g)+β2 ID2 (g)+ . . .) = I(f )I(g) + β1 (ID(f )I(g) + I(f )ID(g)) + β2 (ID2 (f )I(g) + I(f )ID2 (g)) + β12 ID(f )ID(g) + . . . = I{I(f )g + f I(g)} + β1 I ID(f )g + Df I(g) + I(f )Dg + f ID(g) + β2 I ID2 (f )g + D2 (f )I(g) + I(f )D2 g + f ID2 (g)} + β12 I ID(f )D(g) + D(f )ID(g)} + . . . . 4.3. À droite on a B(B(f )g + f B(g)) = I I(f )g + f I(g) + β1 (ID(f )g + f · ID(g)) + β2 (ID2 (f )g + f · ID2 (g)) + . . . + β1 ID I(f )g + f I(g) + β1 (ID(f )g + f · ID(g)) + . . . 2 + β2 ID I(f )g + f I(g) + . . . + . . . 2 2 = I I(f )g + f I(g) + β1 (ID(f )g + f · ID(g)) + β2 (ID (f )g + f · ID (g)) + . . . + β1 I f g + I(f )D(g) + D(f )I(g) + f g 2 + β1 I D(f )g + ID(f )D(g) + D(f )ID(g) + f D(g) 2 2 + β2 I D(f )g + 2f D(g) + I(f )D (g) + D (f )I(g) + 2D(f )g + f D(g) + . . . (on a gardé les termes d’ordre 6 2 en D). 4.4. Dans cette équation, les seuls termes qui restent sont : I(f g), ce qui donne 1 = 2β1 , (4.4.1) i.e., β1 = 1/2 = −b1 ; puis, I(D(f )g + f D(g)), qui donne β1 = 3β2 + β12 , d’où β2 = 1 1 = . 12 2·6 (4.4.2) NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN 771 De la même manière, les calculs à l’ordre 3 fournissent la valeur β3 = 0. Ils donnent à l’ordre 4, en regardant les termes I(D3 (f )g + f D3 (g)) (et aussi I(2D2 (f )D(g) + 2D(f )D2 (g))), la relation 0 = 5β4 + β22 , (4.4.3) d’où β4 = − β22 1 1 =− =− . 5 5 · 144 4! · 30 Ceci nous amène à l’idée que bn , n > 2. n! Autrement dit, on s’attend à ce que la série génératrice des nombres βn soit donnée par ∞ X S = βn S n . 1 − e−S n=0 βn = 4.5. Écrivons la série (4.1.1) comme B = Iµ, où µ = µ(D) ∈ R[[D]], µ(0) = 1. L’équation (RB) s’écrit alors : Iµ(f )Iµ(g) + Iµ(f g) = Iµ(Iµ(f ) · g + f · Iµ(g)). On pose : µ(f ) = a, µ(g) = b, ν = µ−1 , donc f = ν(a), g = ν(b). On obtient : Ia · Ib + Iµ(ν(a)ν(b)) = Iµ(Ia · ν(b) + ν(a)Ib). On multiplie les deux côtés par νD (en prenant en compte le fait que DI = id) : ν(aIb + Ia · b) + ν(a)ν(b) = Ia · ν(b) + ν(a)Ib. Ensuite, on pose Ia = α, Ib = β, donc a = Dα, b = Dβ : νD(αβ) + νD(α)νD(β) = ανD(β) + νD(α)β. Il s’ensuit que si l’on pose κ = 1 − νD, alors κ(αβ) = κ(α)κ(β). (4.5.1) Il est clair que κ(1) = 1. 4.6. Maintenant supposons que notre algèbre A soit l’anneau de polynômes A = R[x]. L’identité (4.5.1) implique que κ est un automorphisme de A, il est donc de la forme κ(x) = Ex + F . De plus, on impose une condition de normalisation B(1) = x, d’où Iµ(1) = x, donc µ(1) = 1, donc ν(1) = 1, d’où κ(x) = (1 − νD)(x) = x − 1. Il vient que κ = e−D , d’où νD = 1 − e−D , ν = (1 − e−D )D−1 , donc µ(D) = D , 1 − e−D (4.6.1) 772 O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN comme attendu. On obtient donc B=I 4.7. D . 1 − e−D (4.6.2) Explicitement, on a : ∞ I ID X b2p D =I+ + ID2p . −D 1−e 2 (2p)! p=1 Maintenant, pour f (x) ∈ R[x] on a ID(f )(x) = f (x) − f (0), donc D (f )(x) = I 1 − e−D Z 0 x ∞ X 1 b2p f (t) dt+ (f (x)−f (0))+ (f (2p−1) (x)−f (2p−1) (0)). 2 (2p)! p=1 On a montré que cet opérateur vérifie (RB) et (4.6.1), or, il n’existe qu’un seul opérateur de la sorte (l’unicité se voit tout de suite par P récurrence), celui qui à n f ∈ R[x] fait correspondre B(f ) ∈ R[x] tel que B(f )(n) = i=1 f (i). Il vient le 4.8. Théorème (Euler–Maclaurin). Pour tout f ∈ R[x] et n ∈ N on a f (1) + f (2) + . . . + f (n) Z n ∞ X b2p 1 = f (t) dt + (f (n) − f (0)) + (f (2p−1) (n) − f (2p−1) (0)). 2 (2p)! 0 p=1 En l’appliquant à f (x) = xr , on obtient 1r + 2r + . . . + nr = Sr (n), où le polynôme Sr (x) est défini par xr xr+1 + + Sr (x) = r+1 2 4.9. X 16p<(r+1)/2 r b2p r−2p+1 x . 2p − 1 2p Appliquons (RB) à f = 1, g = xr : B(xr ) + xB(xr ) = B(xr+1 + B(xr )), i.e. B(xr+1 ) = (x + 1)B(xr ) − B(B(xr )). Cette identité est équivalente à une identité classique pour les nombres de Bernoulli : n−1 X 2n (2n + 1)b2n = − b2p b2n−2p , 2p p=1 cf. [Bo, Ch. VI, §2, Exercice 2] ; [R] (c’est le premier article publié de Ramanujan). NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN 773 Deuxième Partie UNE FORMULE DE RAMANUJAN § 5. Fonction η de Dedekind 5.1. Il semble que Riemann ait lu assez attentivement les Fundamenta de Jacobi. Dans les papiers de Riemann, on a trouvé un Additamentum ad § 40 de Fundamenta , [R]. Richard Dedekind a écrit un commentaire sur ces fragments, [D], où il introduit la fonction η(τ ) : ∞ Y η(τ ) = q 1/24 (1 − q n ), q = e2πiτ , (5.1.1) n=1 où |q| < 1, i.e., Im τ > 0, et étudie sa loi de transformation par rapport aux transformations de Moebius τ 7→ (aτ + b)/(cτ + d). Le théorème suivant en est un cas particulier. 5.2. Théorème. La fonction η(τ ) satisfait l’équation r τ η(τ ). η(−1/τ ) = i (5.2.1) Démonstration, d’après Carl Ludwig Siegel, [S]. En prenant le logarithme naturel, on a ∞ ∞ ∞ X X X πiτ q nm 1 − log η(τ ) = − log(1 − q n ) = = . −m − 1) 12 m m(q n=1 n,m=1 m=1 Prenons le logarithme de (5.2.1) : log η(−1/τ ) = 1 log(τ /i) + log η(τ ), 2 ou encore πiτ −1 1 πi(τ + τ −1 ) πiτ − log η(τ ) = − − log η(−1/τ ) + log(τ /i) + . 12 12 2 12 Donc (5.2.1) est équivalente à : ∞ X 1 πi(τ + τ −1 ) 1 1 1 log(τ /i) + = − . (5.2.2) 2 12 m e−2πimτ − 1 e2πim/τ − 1 m=1 5.3. Une fonction intéressante : cot z. On pose y = eiz . Alors : cos z (y −1 + y)/2 y −1 + y y + y −1 = − −1 = −i · −1 =i· sin z (y − y)/2i y −y y − y −1 2 2 = −i · 1 + −2 =i· 1+ 2 . (5.3.1) y −1 y −1 On a donc limy→0 cot z = −i et limy→∞ cot z = i. De là il vient : cot z = lim cot((n + 1/2)z) = −i si Im z > 0 (5.3.2a) lim cot((n + 1/2)z) = i (5.3.2b) n→∞ et n→∞ si Im z < 0. 774 O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN 5.4. On pose f (z) = cot z cot z/τ et on considère la fonction gn (z) = z −1 f (νz) où ν = (n + 1/2)π, n = 0, 1, . . .. Soit C le contour du parallélogramme de sommets 1, τ, −1, −τ . Quels sont les pôles de gn (z) ? On a : gn (z) = cos νz cos νz/τ · . z sin νz sin νz/τ On a donc : (a) des pôles simples en z = ±πm/ν, m = 1, 2, . . . , avec les résidus cot(πm/τ ) ; πm (b) des pôles simples en z = ±πmτ /ν, m = 1, 2, . . . , avec les résidus resz=±πm/ν gn (z) = resz=±πmτ /ν gn (z) = cot(πmτ ) . πm (c) Enfin, en z = 0 on a : 1 1 τ 1 − ν 2 z 2 /2 + . . . 1 − ν 2 z 2 /2τ 2 + . . . · · · · z νz νz 1 − ν 2 z 2 /6 + . . . 1 − ν 2 z 2 /6τ 2 + . . . τ ν 2z2 ν 2z2 = 2 3 · 1− + ... · 1 − + . . . ν z 3 3τ 2 τ ν 2z2 = 2 3 · 1− · (1 + τ −2 ) + . . . , ν z 3 gn (z) = d’où resz=0 gn (z) = − τ + τ −1 . 3 Par la formule des résidus de Cauchy, Z n 1 dz τ + τ −1 2 X 1 f (νz) =− + (cot πmτ + cot πm/τ ). 2πi C z 3 π m=1 m On remarque que cot πmτ + cot πm/τ = −2i 1 e−2πimτ − 1 − 1 e2πim/τ − 1 , cf. (5.3.1), d’où Z n X dz 2πi(τ + τ −1 ) 1 1 1 f (νz) =− +8 − . (5.4.1) z 3 m e−2πimτ − 1 e2πim/τ − 1 C m=1 5.5. Maintenant faisons tendre n vers l’infini dans (5.4.1). Soit `1 = {Im z = 0} et `2 la droite qui passe par 0 et τ . D’après (5.3.2a), (5.3.2b) on obtient, limn→∞ cot νz = −i si z est au-dessus de `1 ; limn→∞ cot νz = i si z est audessous de `1 et limn→∞ cot νz/τ = i si z est à droite de `2 ; limn→∞ cot νz/τ = −i si z est à gauche de `2 . NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN 775 Il s’ensuit que sur le côté (1, τ ) de C (sans les sommets) la valeur limite lim cot(νz) cot(νz/τ ) n→∞ vaut (−i) · i = 1. De même, sur les côtés (τ, −1), (−1, −τ ) et (−τ, 1) les valeurs limites sont −1, 1, −1. De là il vient, Z τ Z −1 Z −τ Z 1 Z dz dz − + − = lim f (νz) n→∞ C z z 1 τ −1 −τ = log τ − π + log τ + log(−τ ) − π − 2π + log(−τ ) = 4 log τ − 2π = 4 log(τ /i). (5.5.1) Donc en passant à la limite n → ∞ dans (5.4.1), on obtient : n X 2πi(τ + τ −1 ) 1 1 1 4 log(τ /i) + =8 − . 3 m e−2πimτ − 1 e2πim/τ − 1 m=1 En divisant par 8, on obtient la formule cherchée (5.2.2), QED. § 6. Une formule de Schlömilch 6.1. Théorème [Sch], [Ra]. ∞ X n=1 n e2πn −1 = 1 1 − . 24 8π (6.1.1) 6.2. Démonstration de Srinivasa Ramanujan, [Ra, (18), p. 32]. On prend τ = ia dans (5.2.1), où a est un nombre réel, a > 0 : e−π/12a ∞ Y (1 − e−2πn/a ) = n=1 √ a · e−πa/12 ∞ Y (1 − e−2πna ). n=1 En prenant le logarithme, il vient ∞ ∞ X π log a πa X − + log(1 − e−2πn/a ) = − + log(1 − e−2πna ). 12a n=1 2 12 n=1 En prenant la dérivée par rapport à a, on obtient ∞ ∞ X X π (2πn/a2 ) · e−2πn/a 1 π 2πne−2πn/a − = − + , 2 −2πn/a 12a 2a 12 n=1 1 − e−2πna 1−e n=1 ou bien ∞ X π −2 1 a−2 1 (a + 1) − = 2π n· + . 12 2a e2πn/a − 1 e2πna − 1 n=1 Sous une forme plus symétrique, cela s’écrit ∞ X n/a π(a−1 + a) 1 na − = 2π . + 12 2 e2πn/a − 1 e2πna − 1 n=1 En posant a = 1, on arrive à (6.1.1). (6.2.1) (6.2.2) 776 O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN § 7. Développements Eulériens de sin et de cot 7.1. On répète Bourbaki, [B, Chapitre VI, §2]. Lemme. On a pour n ∈ Z, n > 0 : sin nz = 2n−1 n−1 Y sin(z + kπ/n). k=0 En effet, e−inz 2inz 1 inz (e − e−inz ) = (e − 1) 2i 2i n−1 n−1 e−inz Y 2iz 1 Y iz = (e − e−2πip/n ) = (e − e−iz−2πip/n ) 2i p=0 2i p=0 sin nz = = (2i)n−1 n−1 Y e−πip/n p=0 n−1 Y eiz+πip/n − e−iz−πip/n . 2i p=0 Or, on a les égalités (2i)n−1 n−1 Y Pn−1 e−πip/n = (2i)n−1 e−πi/n· p=0 p = (2i)n−1 e−πi(n−1)/2 = 2n−1 , p=0 d’où l’assertion. 7.2. En divisant par sin z et en faisant tendre z vers 0, on obtient n−1 Y sin(pπ/n) = n21−n . p=1 7.3. Soit n = 2m + 1 impair. On a : sin(n(z + π/2)) = sin(nz + π/2 + mπ) = (−1)m cos nz, d’où, en remplaçant z par z + π/2 dans 7.1, cos nz = (−1)m 2n−1 n−1 Y cos(z + pπ/n), p=0 donc cot nz = (−1)m n−1 Y cot(z + pπ/n), p=0 que l’on peut réécrire comme cot nz = (−1) m m Y p=−m cot(z − pπ/n). (7.3.1) NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN 7.4. 777 On a : cot(a + b) = cos(a + b) cos a cos b − sin a sin b 1 − tan a tan b = = . sin(a + b) sin a cos b + cos a sin b tan a + tan b On obtient donc cot nz = (−1)m m Y 1 + tan z tan(pπ/n) . tan z − tan(pπ/n) p=−m Ceci est une fraction rationnelle dont le numérateur est de degré n − 1 en u = tan z et le dénominateur est de degré n, avec des racines simples. Il s’en suit qu’on peut écrire une décomposition en éléments simples : m X ap cot nz = u − tan(pπ/n) p=−m avec cos nz sin(z − pπ/n) · cos z cos(pπ/n) z→pπ/n z→pπ/n sin nz 1 cos(nh + pπ) sin h 1 (−1)p sin h = lim = lim cos2 (pπ/n) h→0 sin(nh + pπ) cos2 (pπ/n) h→0 (−1)p sin nh 1 = . n cos2 (pπ/n) ap = lim cot nz · (tan z − tan(pπ/n)) = On a donc cot nz = lim m X 1 . 2 (pπ/n)(tan z − tan(pπ/n)) n cos p=−m En remplaçant z par z/n, il vient cot z = m X p=−m 1 n cos2 (pπ/n)(tan(z/n) − tan(pπ/n)) m = X 1 1 2 tan(z/n) + · n tan(z/n) p=1 n cos2 (pπ/n) tan2 (z/n) − tan2 (pπ/n) = X 2n tan(z/n) 1 + · . n tan(z/n) p=1 cos2 (pπ/n)(n tan(z/n))2 − (n sin(pπ/n))2 m On a donc démontré le 7.5. Théorème. Pour tout n = 2m + 1 impair m X 1 2n tan(z/n) cot z = + · . n tan(z/n) p=1 cos2 (pπ/n)(n tan(z/n))2 − (n sin(pπ/n))2 En faisant m → ∞, on arrive à : 7.6. Théorème. ∞ cot z = 1 X 2z + . z p=1 z 2 − p2 π 2 778 O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN 7.7. Revenons au développement de sinus 7.1. Supposons toujours que n = 2m+1 est impair. Alors 7.1 peut s’écrire m Y sin nz = (−1)m 2n−1 sin(z − pπ/n) p=−m m Y = (−1)m 2n−1 sin z sin(z − pπ/n) sin(z + pπ/n). p=1 On vérifie aisément la formule suivante : sin2 (a + b) − sin2 (a − b) = sin 2a sin 2b, d’où sin a sin b = sin2 ((a + b)/2) − sin2 ((a − b)/2). Il s’ensuit, sin(z − pπ/n) sin(z + pπ/n) = sin2 z − sin2 (pπ/n), d’où m Y sin nz = 2n−1 sin z (sin2 (pπ/n) − sin2 z). p=1 Or, d’après 7.2, on a m Y sin2 (pπ/n) = p=1 d’où m Y sin nz = n sin z n , 2n−1 (1 − (sin2 z/ sin2 (pπ/n))). p=1 En remplaçant z par z/n, on arrive au 7.8. Théorème. Si n = 2m + 1 est impair alors m Y sin2 (z/n) sin z = n sin(z/n) 1− . sin2 (kπ/n) k=1 Maintenant si l’on fait tendre m vers l’infini, on obtient le 7.9. Théorème. sin z = z · ∞ Y p=1 1− z2 . p2 π 2 (Convergence uniforme dans des sous-ensembles compacts.) Application aux nombres de Bernoulli 7.10. On a : e−z/2 + ez/2 ez + 1 = −i · , ez − 1 e−z/2 − ez/2 z ez + 1 z iz z = · −1 + z = − + cot(iz/2). ez − 1 2 e −1 2 2 cot(iz/2) = i · d’où : NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN On rappelle que les nombres de Bernoulli sont définis par : ∞ z z X z 2n = 1 − + . b 2n ez − 1 2 n=1 (2n)! 7.11. Le développement de cot nous dit : cot z − ∞ 1 X 2z . = 2 z n=1 z − n2 π 2 Maintenant on a ∞ 2z 2z 1 2z X z 2k =− 2 2 · =− 2 2 · z 2 − n2 π 2 n π 1 − z 2 /n2 π 2 n π n2k π 2k k=0 ∞ X z 2k−1 = −2 n2k π 2k k=1 (|z| < π). En changeant l’ordre de sommation, il s’ensuit : ∞ cot z = X S2k 1 −2 z 2k−1 , z π 2k k=1 où Sk = ∞ X 1 . nk n=1 On obtient donc z z iz =− + · ez − 1 2 2 ∞ 2k−1 X S2k 2 k z +2 (−1) i iz π 2k 22k−1 k=1 ∞ S2k z X (−1)k−1 2k−1 2k z 2k . =1− + 2 2 π k=1 7.12. En comparant avec 7.10, on a b2n = (−1)n−1 (2n)! 2S2n , (2π)2n ou S2n = (−1)n−1 n > 1. (2π)2n b2n , 2(2n)! 779 780 O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN § 8. Une formule de Ramanujan 8.1. Nous procédons comme Eisenstein. On suit [A, Chapitre II, no. 10]. Commençons par le développement de cot : X 1 1 1 π cot πu = + − u u+m m m∈Z,m6=0 ∞ X 1 1 1 + . = + u m=1 u + m u − m On pose w = e2πiu ; alors ∞ X w+1 2 cot πu = i =i· 1+ = −i + 2i wn , w−1 w−1 n=1 si |w| < 1, i.e., Im u > 0. Il s’ensuit, ∞ ∞ X X 1 1 1 wn . + + = −πi − 2πi u m=1 u + m u − m n=1 8.2. On dérive p fois par rapport à u ; puisque (d/du)p (w) = (2πi)p w, on a : (−1)p p! ∞ X ∞ X 1 = −(2πi)p+1 kp wk . p+1 (u + m) m=−∞ k=1 On pose u = nτ , n > 0, Im τ > 0, (−1)p p! ∞ X ∞ X 1 p+1 = −(2πi) k p e2knπiτ p+1 (m + nτ ) m=−∞ k=1 et l’on effectue la somme sur n : (−1)p p! ∞ ∞ X X ∞ 2kπiτ X 1 p+1 p e = −(2πi) k (m + nτ )p+1 1 − e2kπiτ n=1 m=−∞ (8.2.1) k=1 (attention : on a changé l’ordre de sommation à droite.) 8.3. Maintenant supposons que p = 2l − 1 soit impair et p > 2 (i.e., l > 2). On peut alors réécrire (8.2.1) : ∞ ∞ X 1 X0 1 1 (2πi)2l X k 2l−1 e2kπiτ − = . 2 m,n (m + nτ )2l m=1 m2l (2l − 1)! 1 − e2kπiτ k=1 On utilise la notation Ek (τ ) = X0 m,n pour les séries d’Eisenstein. 1 (m + nτ )k NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN 8.4. 781 Considérons le cas particulier τ = i. On a alors ∞ 1 (−1)l (2π)2l X k 2l−1 e−2kπ E2l (i) − ζ(2l) = 2 (2l − 1)! 1 − e−2kπ k=1 ∞ (−1)l (2π)2l X k 2l−1 . = (2l − 1)! e2kπ − 1 k=1 On rappelle en revanche que ζ(2l) = (−1)l−1 (2π)2l b2l , 2(2l)! cf. 7.12. Il s’ensuit : ∞ X b2l (2l − 1)! k 2l−1 E2l (i) + = (−1)l . 2kπ e −1 2(2π)2l 4l k=1 8.5. Supposons que l = 2j + 1 soit impair. Alors X0 X0 1 1 = (−i)2l = −E2l (i), E2l (i) = 2l (m + ni) (−mi + n)2l m,n m,n donc E2l (i) = 0. Il en découle ∞ X k 2l−1 b2l = 2kπ e −1 4l (R) k=1 dans ce cas. Ceci est une formule de Ramanujan. 8.6. En général (pour tout l), on définit les fonctions de Weierstrass : Y0 u u/ω+u2 /(2ω2 ) σ(u) = σ(ω1 , ω2 ; u) = u 1− e , ω où ω = mω1 + nω2 et Y0 = Y . (m,n)∈Z2 −{(0,0)} Cette fonction est analogue à sin u. Ensuite, σ 0 (u) 1 X0 1 1 u ζ(u) = = + + + 2 , σ(u) u u−ω ω ω analogue à cot u ; et P(u) = −ζ 0 (u) = X0 1 1 1 + − , u2 (u − ω)2 ω2 analogue à −cosec2 u. On a alors le développement de Laurent en 0 : 1 ζ(u) = − E4 u3 − E6 u5 − E8 u7 − . . . , u où X0 1 En = En (ω1 , ω2 ) = . ωn 782 O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN Il vient donc 1 + 3E4 u2 + 5E6 u4 + 7E8 u6 + . . . u2 La fonction P(u) satisfait les équations différentielles P(u) = P 02 (u) = 4P 3 (u) − g2 P(u) − g3 , P 00 (u) = 6P 3 (u) − g3 /2, où g2 = 60E4 , g3 = 140E6 . 8.7. Le cas du réseau Gaussien (ω1 , ω2 ) = (1, i) a été traité par Hurwitz, [H]. On considère la fonction de Weierstrass qui satisfait l’équation différentielle P 02 (u) = 4P 3 (u) − 4P(u), donc g2 = 1, g3 = 0. On introduit la période correspondante : Z 1 dx √ ω=2 , 1 − x4 0 cf. une définition de π : Z 1 dx √ π=2 . 1 − x2 0 On définit alors les nombres rationels En0 par P(u) = 1 24 E10 u2 28 E20 u6 24n En0 u4n−2 + · + · + ... + · + .... 2 u 4 2! 8 6! 4n (4n − 2)! On a E10 = 1/10 et En0 satisfait une relation de recurrence En0 n−1 X 4n 3 0 Ek0 En−k . (4k − 1)(4n − 4k − 1) = 4k (2n − 3)(16n2 − 1) k=1 Alors on a X0 1 (2ω)4n 0 = E . 4n (r + is) (4n)! n § 9. Une intégrale de Legendre 9.1. On rappelle que ∞ t t t t t X b2n t2n = cot − = 1 − + . t e −1 2i 2i 2 2 n=1 (2n)! On peut donc poser b1 = −1/2. 9.2. Théorème (Legendre). Z ∞ 0 sin ax 1 ea + 1 1 dx = − . 2πx a e −1 4 e − 1 2a On donne deux démonstrations. NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN 9.3. La première démonstration utilise le developpement de cotangente. On a : ∞ ∞ X X 1 −2πx −2πnx e = e = e−2πnx e2πx − 1 n=0 n=1 (x > 0), d’où ∞ Z I := 0 ∞ Z ∞ X sin ax dx = sin ax e−2πnx dx. e2πx − 1 0 n=1 Or, on a Z ∞ −2πnx sin ax e 0 1 dx = 2i Z ∞ (eiax − e−iax )e−2πnx dx, 0 où Z ∞ e iax−2πnx 0 ∞ 1 2πn + ia 1 iax−2πnx e = = 2 . dx = ia − 2πn 2πn − ia a + 4π 2 n2 0 On obtient donc Z ∞ sin ax e−2πnx dx = 0 a2 a , + 4π 2 n2 d’où I= ∞ X a . 2 + 4π 2 n2 a n=1 Rappelons : ∞ X 2a 1 = cot a − . 2 − π 2 n2 a a n=1 De là il vient ∞ X ∞ ∞ X 1 X a a/4 ia = = 2 + 4π 2 n2 2 /4 + π 2 n2 2 + π 2 n2 a a 4i −(ia/2) n=1 n=1 n=1 1 2 1 1 =− cot(ia/2) − = − cot(ia/2) − . 4i ia 4i 2a Or, on a l’égalité cot(ia/2) = cos(ia/2) i(e−a/2 + ea/2 ) i(1 + ea ) = −a/2 = , a/2 sin(ia/2) 1 − ea e −e donc − quod erat demonstrandum. 1 ea + 1 1 cot(ia/2) = , 4i 4 ea − 1 783 784 O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN 9.4. La deuxième démonstration utilise la formule de Cauchy ; elle a été proposée comme exercice dans [WW, Ch. 6, 6.4, Example 2]. Le calcul a été fait par Nabil Rachdi. On définit : Z R eiax dx; Ia () := Ia (, ∞). Ia (, R) = e2πx − 1 Alors on a Ia () − I−a () . 2i Considérons le contour rectangulaire Γ = Γ(, R) suivant : I = lim →0 Γ= 6 [ Γi = { 6 z 6 R} ∪ {z = R + it : 0 6 t 6 1} ∪ {z = t + i : R > t > } i=1 ∪ {z = i + eiθ : 0 > θ > −π/2} ∪ {z = it : 1 − > t > } ∪ {z = eiθ : π/2 > θ > 0}. On pose : eiaz . e2πz − 1 Puisque e2πz = 1 si et seulement si z = ni, n ∈ Z, cette fonction n’a pas de singularités à l’intérieur de Γ, donc Z 6 Z X 0= f (z) dz = f (z) dz. f (z) = Γ Calculons les intégrales R Γi i=1 Γi f (z) dz séparément. On a : Z f (z) dz = I(, R). Γ1 De même, on obtient Z Z f (z) dz = − Γ3 R eia(x+i) dx = −e−a Ia (, R). e2π(x+i) − 1 Ensuite, Z Z f (z) dz = Γ2 (R) 0 1 eia(R+it) dt → 0 −1 e2π(R+it) quand R → ∞. Les intégrales sur les quarts de cercles sont Z Z −π/2 iθ eia(i+e ) ieiθ dθ f (z) dz = 2π(i+eiθ ) − 1 e Γ4 () 0 Z −π/2 iaeiθ iθ e e = ie−a dθ. 2πeiθ − 1 e 0 Or, la fonction sous l’intégrale iθ eiae eiθ eiθ 1 ∼ = iθ iθ 2πe 2πe 2π e −1 quand → 0, NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN d’où Z i f (z) dz → − e−a 4 Γ4 () De même, pour 9.5. 785 R Γ6 on trouve : Z i f (z) dz → − 4 Γ6 () quand → 0. quand → 0. R Finalement, il reste à traiter l’intégrale Γ5 . On a : Z 1− Z Z 1− e−at eia·it i dt = −i dt := Ja (). f (z) dz = − e2πit − 1 e2πit − 1 Γ5 () Par la formule de Cauchy, il vient i 0 = (1 − e−a )Ia () − (1 + e−a ) + Ja () + o(), 4 d’où, en posant y = ea , on obtient Ia () = 1 i 1 + y −1 · − Ja () + o(). 4 1 − y −1 1 − y −1 Il s’ensuit : I−a () = i 1+y 1 · − J−a () + o(). 4 1−y 1−y Or, on a Z J−a () = −i 1− eat dt e2πit − 1 (on pose : x = −t + 1) Z Z 1− 2πix −ax ea e−ax e ·e = −i · (−dx) = −iy dx −2πix −1 1 − e2πix 1− e Z 1− Z 1− 1 = −iy e−ax · −1 + dx = yJ () + iy e−ax dx. a 2πix 1 − e La dernière intégrale donne 1 Z 1− Z 1 1 − y −1 e−ax −ax −ax + o() = + o(). e dx = e dx + o() = − a 0 a 0 Ainsi, on voit que J−a () = −yJa () + i(y − 1) + o(). a On obtient : Ia () − I−a () = Ici on a i 1 + y −1 1+y J−a () Ja () · + − − + o(). −1 4 1−y 1−y 1−y 1 − y −1 1 + y −1 1+y y+1 − =2· 1 − y −1 1−y y−1 (9.5.1) 786 O. OGIEVETSKY AND V. SCHECHTMAN et J−a () yJa () Ja () i yJa () i =− − − − + o() = − + o(). −1 1−y 1−y 1−y a y−1 a (9.5.2) On peut voir en (9.5.1), ou bien en la formule équivalente (9.5.2), une équation fonctionelle pour la fonction Ja () ; remarquons que l’intégrale Ja () diverge quand → 0. En revenant à Ia , on obtient : Ia () − I−a () = i y+1 i · − + o(), 2 y−1 a d’où Ia () − I−a () 1 y+1 1 = · − + o(). 2i 4 y − 1 2a En faisant tendre vers zéro, on obtient la valeur de l’intégrale de Legendre. 9.6. Théorème. Pour l > 1, (−1)l−1 b2l = 4l Z ∞ 0 t2l−1 dt. −1 (9.6.1) e2πt On peut considérer cela comme une deuxième définition des nombres de Bernoulli (Jacob Bernoulli, Ars conjectandi, 1713, p. 97). On en donne deux démonstrations. La première démonstration utilise les valeurs de ζ(s) aux points positifs pairs (donc le développement de cot) : Z 0 ∞ t2l−1 dt = 2πt e −1 Z ∞ t2l−1 e−2πt 0 Z ∞ X e−2πkt dt k=0 ∞ = 2l−1 t 0 ∞ X e −2πkt k=1 dt = ∞ Z X k=1 ∞ t2l−1 e−2πkt dt 0 (x = 2πkt) = ∞ Z X k=1 ∞ (x/(2πk))2l−1 e−x dx/(2πk) 0 = (2π)−2l Γ(2l) ∞ X 1 = (2π)−2l (2l − 1)!S2l k 2l k=1 (voir 7.12) = (−1)l−1 b2l . 4l NOMBRES DE BERNOULLI ET UNE FORMULE DE SCHLÖMILCH–RAMANUJAN 787 9.7. La deuxième démonstration utilise l’intégrale de Legendre (avec la preuve par la formule de Cauchy), cf. [WW, 7.2] : Z ∞ ∞ sin ax 1 i 1 X (2a)2l dx = − + cot ia = b2l . eπx − 1 2a 2 2a (2l)! 0 l=1 En dérivant 2l fois et en posant a = 0 et x = 2t, on en déduit (9.6.1). En particulier, si l est impair, on a Z ∞ 2l−1 t b2l = dt, 2πt 4l e −1 0 cf. 8.5. On arrive ainsi à l’assertion : 9.8. Theorema pulcherissimum. Si l > 1 est un entier impair, alors Z ∞ 2l−1 ∞ X k 2l−1 b2l t dt = = . 2πt 2πk e −1 e −1 4l 0 k=1 Remerciements. Les auteurs remercient Michel Balazard, Fabien Bouschbacher, Pierre Godard et le rapporteur anonyme pour la lecture vigilante de l’article et pour les améliorations suggérées. Références Première Partie [B] [Bo] [OP] [R] [Ro] J. Bernoulli, Ars conjectandi, Dans : Die Werke von Jakob Bernoulli. Band 3. Birkhäuser Verlag, 1975. MR 0505125 N. Bourbaki, Élements de mathématique. XII. Premierère partie : Les structures fondamentales de l’analyse. Livre IV : Fonctions d’une variable réelle. (Théorie élémentaire). Actualités Sci. Ind., no. 1132, Hermann et Cie., Paris, 1951. MR 0045774 O. Ogievetsky and T. Popov, R-matrices in rime, Adv. Theor. Math. Phys. 14 (2010) 439–506 ; Preprint version : arXiv :0704.1947 [math.QA]. S. Ramanujan, Some properties of Bernoulli’s numbers. J. Indian Math. Soc. 3 (1911), 219–234 (Collected papers of Srinivasa Ramanujan, AMS Chelsea Publ., Providence, RI, 2000, pp. 1–14. MR 2280844) G.-C. 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Centre de Physique Théorique, Luminy, 13288 Marseille (Unité Mixte de Recherche 6207 du CNRS et des Universités Aix–Marseille I, Aix–Marseille II et du Sud Toulon – Var ; laboratoire affilié à la FRUMAM, FR 2291) E-mail address: [email protected] Institut de Mathématique de Toulouse, Université Paul Sabatier, 31062 Toulouse E-mail address: [email protected], [email protected]