dossier thématique Rétrospective 2008 Soins de support en oncologie Supportive care in cancer Florian Scotté*, Sandrine Marsan*, Jacques Medioni*, Alexandre Morel*, Jorge Ayllon*, Nina Arakelian*, Stéphane Oudard* L es discussions sur l’usage et la sécurité d’utilisation des érythropoïétines (EPO) ont occupé une place majeure dans le domaine des soins de support durant cette année 2008. Mais, outre ces débats qui font réfléchir à l’ambivalence des notions de qualité et de “quantité” de vie, de plus en plus de domaines de la vie quotidienne sont étudiés, qui confirment l’essor de l’intérêt porté aux soins de support en oncologie et à la qualité de vie des patients et de leurs proches. Toxicités digestives Mucites Où l’on reparle du laser basse énergie (LEL)… Deux études prospectives portant sur l’utilisation du LEL ont été présentées lors du congrès 2007 de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO). L’une portait sur le traitement préventif de la mucite chimio-induite, l’autre, randomisée, sur le traitement curatif de mucites après chimiothérapie intensive dans le cadre de tumeurs hématologiques, en association ou non avec une irradiation corporelle totale (1). Dans la première étude, 26 patients atteints de tumeur solide et ayant présenté une mucite sévère de grade supérieur à 2 lors du premier cycle ont été traités par LEL, avec succès (absence de mucite de grade ≥ 2) pour 81 % d’entre eux (IC 95 : 61-93) ; on relevait une augmentation du délai jusqu’à apparition du grade 2 pour les 19 % restants. Dans la deuxième étude, 36 patients ont été randomisés entre traitement et placebo (rayonnement lumineux sans déclenchement du laser). Le succès a été évalué à 83 % dans le bras traité par laser, versus 11 % dans l’autre bras. L’objectif principal initial, qui était le retard d’apparition d’une mucite de grade 3, n’a pas été atteint en raison du faible nombre de grades 3 enregistrés dans le bras traité, mais ce délai a été retardé au-delà de 7 jours. L’utilisation du LEL au rythme de 3 séances hebdomadaires de 6 minutes (33 secondes par site : lèvres, palais, gencives et langue) a déjà été testée dans des cas de cancer des voies aéro-digestives supérieures (VADS) et en intensification de dose en hématologie. Cette méthode est efficace, reconnue dans les différentes recommandations. Il reste à présent à élargir la disponibilité de ce traitement à l’ensemble des centres accueillant des patients traités pour cancer. Des troubles du goût accompagnent habituellement les mucites, mais ils peuvent également être dus à des chimiothérapies comme les taxanes. La dysgueusie est mal appréhendée à ce jour, et aucune réponse thérapeutique réelle, en dehors de règles hygiéno-diététiques et du traitement des complications fongiques, n’a été proposée. F. Strasser et al. ont tenté de prouver, sans succès, l’intérêt de la glutamine orale à 30 g/j (2). Parmi les 52 patients randomisés entre glutamine et placebo, évalués selon une échelle visuelle analogique (EVA) d’altération du goût mais également selon des critères objectifs (sensation sucrée, salée, amère) et subjectifs (NCI CTC version 3.0), aucune différence n’a été retrouvée. La meilleure prise en charge pour ce trouble reste donc un parfait traitement de la mucite et des surinfections fongiques, et des conseils de soins et d’alimentation. Nausées et vomissements : revue des recommandations Une revue de la littérature a été proposée afin de redéfinir les recommandations antiémétiques (3). Le risque émétogène est présenté dans différents travaux, publiés notamment par l’ASCO et la Multinational Association of Supportive Care in Cancer (MASCC), et défini en fonction du pourcentage de * Service d’oncologie médicale, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 1 - janvier 2009 | 63 Résumé Mots-clés Érythropoïétine Soins de support Mucite Vomissement Cancer Highlights Supportive care in cancer covers in its name both treatments and organization over the patients’ needs. The number and impact of publications increase every year. This nonexhaustive review of the year 2008 attempts to highlight therapeutic and organizational progress. We also try to answer the question of erythropoietin security. Keywords Erythropoietin Supportive care Mucositis Emesis Cancer L’appellation “soins de support” en oncologie associe les notions de soins (entendons “traitements”) et de support (organisation). La littérature sur ce sujet qui correspond à notre activité quotidienne d’accompagnement des patients cancéreux et de leurs proches augmente d’année en année. Cette revue non exhaustive de la littérature en 2008 tente de mettre en avant les avancées thérapeutiques et organisationnelles, et également de répondre à des questions fondamentales telles que celle de l’impact des prescriptions d’érythropoïétines. patients présentant des nausées et vomissements liés aux protocoles de chimiothérapie reçus. Il est classé en risque élevé (plus de 90 % de risque de nausées et vomissements induits par la chimiothérapie [NVIC]), risque modéré (30 à 90 %), risque faible (10 à 30 %) et risque minimal (moins de 10 %). À ces risques liés aux protocoles de chimiothérapie s’ajoutent des facteurs personnels tels que l’âge, les comorbidités, les médications, le tabagisme et l’alcoolisme. ◆◆ Haut risque Une triple association aprépitant-sétron-corticoïde (APC) à J1 suivie d’une double association aprépitantcorticoïde à J2 et J3 a le meilleur potentiel antiémétique dans les NVIC des protocoles de chimiothérapie à haut risque. Ce schéma permet de réduire le risque de NVIC aigu de 19 à 33 % selon les études, versus 7 à 17 % avec le doublet classique (sétron-corticoïde) [p < 0,01]. Le risque est également diminué pour les NVIC retardés (24 à 32 % de risque avec le doublet aprépitant-corticoïde, versus 45 à 53 % avec les corticoïdes seuls [p < 0,001]). L’amélioration de la qualité de vie est importante : avec l’aprépitant, la chimiothérapie n’a que peu ou pas d’impact chez 74 % des patients, versus 64 % avec le traitement de contrôle (p < 0,01). ◆◆ Risque modéré avec anthracycline dans le cancer du sein Avec le même protocole que pour les NVIC de risque élevé, l’ajout de l’aprépitant permet de réduire le risque émétique de J1 à J5, celui-ci passant de 41 % à 24 % (p < 0,001), et d’améliorer la qualité de vie, en obtenant un impact minimal chez 63,5 % des patientes, versus 55,6 % dans le bras contrôle (p < 0,019). ◆◆ Risque modéré sans anthracycline et hors cancer du sein L’utilisation d’un doublet sétron-corticoïde à J1 a montré sa supériorité dans les NVIC aigus. Les sétrons ont permis de réduire le risque, versus placebo, celui-ci passant de 88 % à 33 % (p < 0,001) ; cette réduction peut être renforcée par l’association d’un corticoïde. Il n’y a pas de différence d’efficacité entre les différents sétrons en dehors du palonosé- 64 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 1 - janvier 2009 tron, qui possède une activité retard intéressante. Pour les NVIC retardés, les corticoïdes seuls ont une efficacité supérieure à celle du placebo, les sétrons n’apportent pas de bénéfice supplémentaire et ont plus d’effets indésirables. L’utilisation d’un corticoïde en monothérapie à J2 et J3 est donc recommandée dans cette classe de risque. ◆◆ Risque faible L’utilisation d’un corticoïde en monothérapie a montré sa supériorité versus placebo ou absence de traitement ; elle est donc recommandée. ◆◆ Prophylaxie non médicamenteuse Les techniques de stimulation de points d’acupuncture ont montré un intérêt dans différentes études randomisées et sont reconnues comme utiles dans la prévention des NVIC. Elle n’ont pas été intégrées dans les recommandations MASCC/ASCO en raison du facteur opérateur-dépendant et de leur difficulté d’accès. ◆◆ Traitement curatif des nausées et vomissements Le métoclopramide a montré sa supériorité sur le placebo et une efficacité équivalente à celle des sétrons. L’halopéridol n’a été testé que lors d’études sans bras contrôle. Les nausées et vomissements sous opioïdes sont soulagés efficacement par de nombreuses molécules (dropéridol, ondansétron, cyclizine). ◆◆ Nausées et vomissements liés à une occlusion digestive Plusieurs techniques sont efficaces (chirurgie, stent, sonde naso-gastrique, octréotide) ; leur utilisation doit dépendre de l’évaluation du patient et de chaque situation individuelle. Constipation La méthylnaltrexone est une nouvelle molécule antagoniste des récepteurs µ testée dans une étude de phase III randomisée en double aveugle versus placebo, avec une seconde phase d’extension en ouvert (4). Ce nouveau traitement a pour objectif dossier thématique d’obtenir un effet laxatif pour les patients constipés (moins d’une selle toutes les 72 heures) sous traitement antalgique de palier 3 (opioïdes). Cette étude portant sur 133 patients sous opioïdes depuis au moins 2 semaines, à dose stable depuis 3 jours au moins, a été présentée au congrès de l’ASCO 2008, et publiée dans le New England Journal of Medicine au même moment. L’analyse des données a montré une efficacité chez les patients constipés sous traitement laxatif standard, avec un succès chez 48 % des malades (versus 15 % dans le bras placebo) dans les 4 premières heures suivant l’administration de la première dose de méthylnaltrexone (0,15 mg/kg s.c.). Ce traitement ne traverse pas la barrière hématoméningée et n’interfère donc pas avec l’action centrale de l’antalgique. Un effet laxatif est obtenu chez 52 % des patients au cours des 4 administrations sous-cutanées complémentaires éventuelles, versus 8 % des malades sous placebo. Ce traitement est en cours de commercialisation et devrait permettre une amélioration de la qualité de vie non seulement des patients constipés sous opioïdes mais également des soignants, en limitant le recours à des manœuvres d’évacuation manuelle. La vérité sur les érythropoïétines ? Les réflexions sur l’innocuité d’un traitement par EPO ont pris une large place dans les discussions des milieux oncologiques durant cette année 2008. À la suite des décisions des tutelles américaines avec la blackbox durant l’été 2007, les prescriptions d’EPO ont été réglementées. La reprise des recommandations de l’European Organisation for Research and Treatment of Cancer (EORTC) de 2007 a été publiée cette année dans le Lancet Oncology afin d’encadrer au mieux les prescriptions (5). Les causes évidentes d’anémie doivent, en premier lieu, être détectées et traitées (carence martiale, hémorragie, hémolyse, etc.). La prescription sera envisagée en cas d’hémoglobine inférieure à 12 g/­dl, soit pour une anémie symptomatique et un taux d’hémoglobine entre 9 et 11 g/dl, soit pour une anémie asymptomatique et un taux d’hémoglobine inférieur à 12 g/­dl en présence de facteurs de risques individuels (âge, comorbidités, etc.). L’admi­nistration d’EPO doit être proposée de manière individuelle en fonction de données cliniques (état général, risque coronarien, âge, retentissement de l’anémie) et biolo­ giques (taux d’hémoglobine). Le taux cible fixé est de 12 g/­dl d’hémoglobine ; le traitement doit être arrêté en cas de dépassement ou de progression trop rapide (augmentation supérieure à 1 g/dl en 2 semaines). Il doit également être interrompu en l’absence de réponse au bout de 6 à 8 semaines. On utilisera la dose minimale efficace, fixée, dans les recommandations, à 450 UI/kg/sem., 2,25 µg/ kg/sem. ou 6,75 µg/kg/3 sem. Les résultats de l’étude BRAVE portant sur le cancer du sein métastatique et visant à évaluer l’effet de l’époétine β sur la survie des patientes recevant une chimiothérapie par anthracycline et/ou taxane ont été présentés par M. Aapro (6). Les patientes incluses dans cette étude ouverte randomisée et multicentrique ont reçu de l’époétine β selon les recommandations de 2007 de l’EORTC (taux cible d’hémoglobine : moins de 13 g/dl) à la dose de 30 000 UI/sem. pendant 24 semaines. Il n’y a pas eu de différence en termes de survie, critère principal de l’étude, entre le bras traité par époétine β et le bras contrôle (hazard-ratio [HR] = 1,07 ; IC95 : 0,89-1,30 ; p = 0,448). Il n’y a pas eu de différence non plus en termes de survie sans progression (SSP) [HR = 1,07 ; IC95 : 0,87-1,33 ; p = 0,522). En outre, un bénéfice significatif en faveur du bras traité par époétine β a été retrouvé sur la survie sans transfusion et sans anémie sévère comparativement au bras contrôle (HR = 0,59 ; p = 0,0097). Il y a eu plus d’épisodes thromboemboliques dans le bras traité par époétine, mais sans différence sur l’incidence des événements thromboemboliques sévères (mettant en jeu le pronostic vital). Cette large étude portant sur 463 patients a été menée selon les recommandations de l’EORTC de l’époque (2007), qui préconisaient un taux d’hémo­ globine cible entre 12 et 13 g/dl, avant décision de la Food and Drug Administration (FDA). Notons que la révision de ces recommandations, limitant la cible à 12 g/dl, conduit à réduire encore le risque lié à l’époétine β. Insistons sur le fait que, avec un suivi strict des recommandations dans le cadre d’un traitement par EPO, aucune preuve d’un impact péjoratif de ces molécules sur la survie globale (SG) ou la SSP n’a été retrouvée. Les recommandations de l’EORTC en 2007 indiquaient l’inefficacité et la mauvaise tolérance du complément martial oral associé au traitement par EPO (5, 7). Un complément martial intraveineux semblait apporter un bénéfice en association avec les EPO. Une étude randomisée multicentrique de phase III a comparé l’efficacité du fer ­intraveineux associé à la darbépoétine chez des patients cancéreux anémiés en cours de chimiothérapie pour La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 1 - janvier 2009 | 65 dossier thématique Rétrospective 2008 Soins de support en oncologie des tumeurs solides (8). Trente-trois centres ont randomisé 149 malades traités pour une durée d’au moins 12 semaines dans le cadre de cancers pulmonaires, gynécologiques ou colorectaux et de cancers du sein. Le taux d’hémoglobine à l’inclusion était inférieur ou égal à 11 g/dl, suivant en cela les recommandations de bonne pratique énoncées plus haut. Les patients ne présentaient pas de déficit en fer (ferritinémie > 100 ng/ml ; coefficient de saturation > 20 %) et ont reçu de la darbépoétine α 150 x 1/sem., pendant 12 semaines. La randomisation consistait à répartir les patients entre un traitement par gluconate de fer intraveineux à la posologie de 125 mg/sem. et l’absence de complément en fer. L’objectif principal était la réponse hématologique (hémoglobine ≥ 12 g/dl) et les objectifs secondaires étaient le délai de réponse, le recours à la transfusion et l’évolution de l’hémoglobine. La réponse hématologique a été meilleure dans le bras traité par l’association darbépoétine-fer i.v. (76,7 % versus 61,8 % ; p = 0,0495). La réponse après 4 injections (en incluant les patients dont la dose de darbépoétine avait été doublée pour non-efficacité durant les 4 premières semaines) était de 92,5 % versus 70 % (p < 0,0033), en faveur du bras association. Il n’y a pas eu de toxicité supplémentaire en relation avec le traitement par fer intraveineux (9,6 % versus 7,9 % ; p = NS). L’ajout de fer intraveineux à la darbépoétine majore donc l’efficacité du traitement, sans toxicité supplémentaire. Ce résultat est important et confirme les recommandations des sociétés savantes. Un éditorial du Journal of Clinical Oncology a appuyé ces observations, qui devraient, à l’avenir, influencer la prise en charge en nous conduisant à associer, de manière plus systématique, le traitement par EPO à un complément par fer intraveineux, ce qui permet de surcroît une économie budgétaire évaluée à 100 dollars par semaine (9). Psycho-oncologie Un baromètre d’anxiété (distress barometer) a été proposé par une équipe belge dans une étude prospective portant sur 538 patients cancéreux (10). Ce baromètre, rapide, associe le distress thermometer (proposé par les équipes hollandaises, dans lequel le patient doit coter son niveau d’anxiété sur une échelle de type thermomètre), à une évaluation de l’intensité de la détresse sur une échelle colorée (pâle : pas de détresse ; rouge foncé : détresse importante). Il est demandé au patient, sur un complément 66 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 1 - janvier 2009 tenant sur une page A4, s’il souhaite communiquer à ce sujet et, si oui, à qui (médecin, infirmière, psychologue, assistante sociale ou autre). L’évaluation menée auprès de patients ambulatoires en comparaison du questionnaire standard Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS) a montré l’intérêt de ce baromètre de l’anxiété, qui possède une sensibilité de 0,79 pour une spécificité de 0,81, et se révèle un outil utile pour les praticiens et les patients, rapide et suffisamment précis pour dépister la souffrance des patients. La relation entre la fatigue et les autres symptômes liés au cancer dans des maladies avancées a été analysée rétrospectivement auprès de 268 malades par l’équipe de E. Bruera (11). Aucun lien n’a été retrouvé entre la fatigue, le sexe, l’ethnie et le type de cancer en analyse univariée. L’index de performance status (PS) a été très significativement associé à la fatigue (p < 0,0001). En analyse multivariée, la fatigue est en relation étroite avec les items psychologiques (anxiété, p < 0,0001 ; dépression, p = 0,0019 ; insomnie, p < 0,0001 ; sensation de bien-être, p < 0,0001). La douleur et la dyspnée sont également corrélées à cette sensation (p = 0,0012 et p = 0,007, respectivement). Cette évaluation, utilisant les échelles FACIT-F (Functional Assessment of Chronic Illness Therapy Fatigue) et ESAS (Edmonton Symptom Assessment System), indique l’importance d’une prise en charge globale des malades prenant en compte les différentes souffrances éprouvées. L’importance de l’écoute et de l’accompagnement de nos patients atteints de cancer n’est plus à démontrer. On peut toutefois insister sur la nécessité de renforcer toujours les liens entre équipes, notamment avec les collègues de psychooncologie. Une étude cas-témoins rétrospective portant sur les données d’assurances maladie du New Jersey a permis d’analyser le risque de suicide dans différentes situations pathologiques chez des patients âgés (12). Les données ont été collectées entre 1994 et 2002 ; 1 405 résidents du New Jersey âgés de 65 ans et plus ont été étudiés. Dix patients vivants servant de contrôles ont été inclus pour chaque patient suicidé, et appariés en fonction de l’âge, de l’ethnie, du sexe, des comorbidités et des médications. Dans les études ajustées selon les différents facteurs, la seule condition médicale associée à un suicide a été une maladie cancéreuse (odds-ratio [OR] = 2,3 ; IC95 : 1,1-4,8). Les autres causes liées au suicide ont été les troubles de la personnalité, un traitement antidépresseur et un traitement opioïde. Ce résultat montre combien il dossier thématique faut rester vigilant face à tout patient âgé atteint de cancer et souligne l’importance de déployer la coordination des soins de support afin de motiver un contact voire une prise en charge psychologique ou psychiatrique. Dyspnée Une revue systématique de la littérature menée jusqu’en 2006 a permis de faire le point sur les traitements efficaces ou non lors des dyspnées des patients en phase avancée (13). La dyspnée a été classiquement évaluée soit par EVA, soit par l’échelle de Borg, qui classe la dyspnée de 0 à 10, ces deux méthodes d’évaluation étant validées. Seule l’administration de morphine par voie systémique se montre efficace, que ce soit par voie orale ou intraveineuse. En revanche, le nébulisat de morphine n’a pas d’efficacité démontrée versus placebo. Les benzodiazépines ne semblent pas non plus avoir d’intérêt dans la dyspnée, en dehors d’une action sur sa composante anxiogène. Elles sont en outre pourvoyeuses d’effets indésirables importants à type de somnolence. Seule la prométhazine (une phénothiazine) par voie orale apporte un bénéfice en cas de difficulté d’utilisation des opioïdes ou en seconde ligne. Aucune étude n’a pu démontrer correctement une efficacité des corticoïdes. Les auteurs concluent que des études randomisées versus morphine systémique devraient être réalisées afin d’établir une efficacité réelle des techniques testées. Toxicité cardiaque et thérapies ciblées L’apparition des thérapies ciblées s’accompagne de nouvelles toxicités parfois encore mal appréciées. Par exemple, pour les inhibiteurs des tyrosines kinases (ITK), la cardiotoxicité a été évaluée à 10 % par rapport à une diminution de la fraction d’éjection ventriculaire. Une étude monocentrique a démontré l’intérêt d’un suivi étroit et didactique lors du traitement de patients atteints de cancer du rein métastatique par ITK (14). Un événement cardiaque a été défini comme une augmentation des enzymes cardiaques par rapport à l’inclusion, une arythmie symptomatique nécessitant un traitement adapté, une nouvelle dysfonction ventriculaire gauche ou un syndrome coronarien aigu. Le monitoring proposé aux patients a consisté en une évaluation systématique des facteurs de risques cardio-vasculaires. Un examen clinique à la recherche de signes cardio-vasculaires a été réalisé à l’instauration du traitement puis 2 fois par mois. Une analyse biologique (créatine kinase, créatine kinase MB, troponine) a été effectuée à l’instauration du traitement puis tous les 2 mois et en cas d’apparition de symptômes. Un électrocardiogramme (ECG) a été pratiqué à l’instauration du traitement puis tous les mois chez tous les patients asymptomatiques et en cas d’apparition de signes cliniques. Une échographie cardiaque a été effectuée à l’inclusion chez certains patients présentant un risque cardiaque. Cette approche a permis de détecter 33,8 % d’événements cardiaques chez les 74 patients suivis et traités. Des modifications de l’ECG ont été notées pour 40,5 % des malades ; 18 % d’entre elles ont été symptomatiques. Une prise en charge immédiate en soins intensifs a été nécessaire pour 9,4 % des patients. Cette étude montre l’importance d’un suivi étroit et défini de manière à dépister au mieux les événements cardiaques. Ces résultats devraient inciter les départements d’oncologie à une plus grande coopération avec les équipes cardio-vasculaires. Cette idée de renforcement de la communication et du travail en équipe a été reprise dans l’éditorial du numéro de Journal of Clinical Oncology qui présentait cette étude (15). Il s’agit là encore d’une coordination et d’une organisation des soins à proposer aux patients qui entrent dans le cadre des soins de support oncologiques. Où l’on reparle des médecines complémentaires Plusieurs études ont déjà montré un impact potentiel des techniques complémentaires et alternatives, telles que le yoga, sur des symptômes divers, tels que les bouffées vasomotrices (16). Une étude randomisée versus contrôle a porté sur 60 patientes prétraitées pour un cancer du sein et souffrant de bouffées vasomotrices (17). Ces patientes, touchées plus de 14 fois par jour par des bouffées de chaleur, ont été randomisées entre thérapie par hypnose, au rythme de 5 séances de 50 minutes par semaine, et absence de traitement. L’évaluation a porté sur la fréquence et l’intensité des bouffées de chaleur, ainsi que sur le retentissement sur l’activité quotidienne. La fréquence des bouffées de chaleur a été réduite de 68 % par rapport à l’inclusion dans le bras Références bibliographiques 1. Genot-Klastersky MT, Klastersky J, Awada F et al. The use of low-energy laser (LEL) for the prevention of chemotherapyand/or radiotherapy-induced oral mucositis in cancer patients: results from two prospective studies. Support Care Cancer 2008;16:13817. 2. Strasser F, Demmer R, Böhme C et al. Prevention of docetaxel-or paclitaxel-associated taste alterations in cancer patients with oral glutamine: a randomized, placebo-controlled, double-blind study. Oncologist 2008;13:33746. 3. Naeim A, Dy SM, Lorenz KA et al. Evidence-based recommendations for cancer nausea and vomiting. J Clin Oncol 2008;26: 3903-10. 4. Thomas J, Karver S, Cooney GA et al. Methylnaltrexone for opioid-induced constipation in advanced illness. 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Bauwens S, Baillon C, Distelmans W, Theuns P. The “Distress Barometer”: validation of method of combining the Distress Thermometer with a rated complaint scale. Psychooncology 2008 september. Epub ahead of print. 11. Yennurajalingam S, Palmer JL, Zhang T, Poulter V, Bruera E et al. Association between fatigue and other cancer-related symptoms in patients with advanced cancer. Support Care Cancer 2008; 16:1125-30. 12. Miller M, Mogun H, Azrael A et al. Cancer and the risk of suicide in older americans. J Clin Oncol 2008;26:4725-31. 13. Viola R, Kiteley C, Lloyd NS et al. The management of dyspnea in cancer patients: a systematic review. Support Care Cancer 2008;16:329-37. 14. Schmidinger M, Zielinski C, Vogl UM et al. Cardiac toxicity of sunitinib and sorafenib in patients with metastatic renal cell carcinoma. J Clin Oncol 2008;26:5204-12. 15. Lenihan DJ. Tyrosine kinase inhibitors: can promising new therapy associated with cardiac toxicity strengthen the concept of teamwork? 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La non-compliance aux traitements hormonaux est fréquente dans le cadre du cancer du sein, de sorte que cette technique non invasive et non médicamenteuse, en contribuant à limiter les arrêts de traitement, présente un intérêt pour les praticiens et leurs patientes (16). L’acupuncture a vécu une année de gloire avec une présentation en poster-discussion au congrès 2008 de l’ASCO portant sur son intérêt dans les symptômes ORL (xérostomie, douleur, impact fonctionnel des traitements). Plusieurs articles ont également mis en avant ses mérites dans des indications telles que les douleurs de type neurogène. Une revue de la littérature a évalué l’impact des techniques d’acupuncture sur les nausées et vomissements. Certaines études ont donné lieu à des essais randomisés de valeur scientifique, d’autres non. La prise en charge par acupuncture a été évaluée dans une méta-analyse de la base Cochrane (18). Onze études randomisées ont été retenues, regroupant 1 247 patients ayant bénéficié d’un traitement standard antiémétique associé ou non à une technique stimulant des points d’acupuncture (acupuncture à l’aiguille, acupression, stimulation électrique, stimulation magnétique). Une efficacité significative a été globalement retrouvée sur l’incidence des NVIC (HR = 0,82 ; IC95 : 0,69-0,99 ; p = 0,04), mais pas sur la sévérité des symptômes. L’utilisation de mesures invasives par aiguilles simples ou par électrostimulation réduit l’incidence des vomissements aigus (risque relatif [RR] : 0,74 ; IC95 : 0,58-0,94 ; p = 0,01 et RR : 0,76 ; IC95 : 0,6-0,97 ; p = 0,02, respectivement), mais n’a aucun effet sur la sévérité des symptômes. Il n’y a pas eu de données sur les NVIC retardés. Les investigations non invasives n’ont pas d’effet significatif sur les NVIC. Cette technique complémentaire ou alternative, évaluée dans le cadre d’essais randomisés versus placebo, montre, ici encore, un intérêt pour nos patients et pourrait progressivement entrer dans nos pratiques. Organisation des soins de support Philippe Colombat, président du Groupe de réflexion sur l’acompagnement et les soins de support pour les patients en hématologie et en oncologie 68 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 1 - janvier 2009 (GRASSPHO), et vice-président de la jeune Association francophone pour les soins oncologiques de support (AFSOS), a publié en cette fin d’année 2008 un article sur la mise en place des soins oncolo­ giques de support en cancérologie (19). L’organisation repose avant tout sur l’association, autour du patient et de ses proches, de l’équipe à domicile (médecin traitant, pharmacien, infirmier, etc.) et de l’équipe hospitalière (spécialisée) médicale et paramédicale. L’objectif de l’administration de soins de support sera de répondre à la circulaire de la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) en permettant la prise en charge du malade et de ses proches dans la globalité de l’accompagnement, avec une analyse précise et régulière de leurs besoins. Cette organisation devra respecter le principe de continuité des soins et optimiser les pratiques des différents intervenants, en valorisant la transversalité et la collaboration des uns avec les autres. L’auteur définit ainsi la notion de “démarche participative” pour parvenir à ces objectifs, qui s’appuie sur les réunions de concertation pluridisciplinaires, les projets de service, la formation interne et le soutien aux équipes. Trois types d’acteurs sont identifiés : ➤➤ Les professionnels habituels, qui doivent être choisis par le patient (médecin traitant, oncologue, kinésithérapeute, etc.) ; ➤➤ Les professionnels de recours en fonction des situations particulières et des besoins du patient (depuis le radiothérapeute jusqu’à l’équipe de soins palliatifs en passant par l’art-thérapeute, les socioesthéticiennes, etc.) ; ➤➤ Les acteurs civils en lien avec les professionnels (bénévoles, associations de patients, etc.). Ces différents acteurs devront communiquer entre eux et coordonner leurs interventions. Ils assureront une mission de recours et d’expertise ainsi qu’un soutien aux équipes et aux professionnels de santé. Tout moyen de communication permettra un accès du patient aux différentes compétences, soit par le biais de l’équipe référente, soit par le biais des programmes personnalisés de soins (PPS) ou des espaces rencontre et information (ERI). La mise en place des soins de support s’appuie sur une démarche de projet, soit au niveau des établissements en coordination, par exemple par le 3C, soit au niveau territorial. Cette démarche participative et son organisation doivent être régulièrement évaluées afin de répondre au mieux aux attentes et aux missions fixées. ■