Rein : traitements adjuvants dossier thématique Mécanismes de résistance aux antiangiogéniques dans le cancer du rein Mechanisms of resistance to angio-angiogenics in renal cell carcinoma B. Beuselinck*, **, A. Karadimou**, ***, S. Oudard**, *** The discovery of molecular-genetic factors predictive for response on anti-angiogenics will enable us to optimalize the selection of candidate patients for treatment. We will be able to avoid unnecessary costs and side effects in some patients. de la réponse aux antiangiogéniques nous permettra à l’avenir de sélectionner les malades candidats pour ces traitements de façon à optimiser leur utilisation et à éviter les coûts inutiles et les effets indésirables chez des malades qui n’en retireront pas de bénéfice. »»Nous disposons de données précliniques indiquant que la tumeur pourrait mettre en route des voies alternatives d’angiogenèse lorsque la voie principale de néo-angiogenèse, la voie du VEGF, est bloquée. »»Une autre possibilité consiste en une up-regulation de la voie VEGF, de sorte que le blocage du VEGF ne soit plus suffisamment efficace. »»La cellule tumorale pourrait également activer d’autres voies de croissance moins dépendantes du métabolisme aérobique. highlights P o i nt s f o rt s »»La découverte de facteurs moléculaires génétiques prédictifs Mots-clés : Cancer du rein – Antiangiogéniques – Résistance. L * Oncologue médical, hôpitaux universitaires de Louvain, Belgique. ** Inserm U674 : ­génomique fonctionnelle des tumeurs solides, Paris. *** Service d’oncologie médicale, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. 28 Preclinical data are available on how tumors can activate alternative angiogenic pathways when the principal pro-angiogenic pathway, the VEGF-pathway, has been blocked. The upregulation of the VEGF-pathway, insufficiently blocked by the anti-VEGF therapy, could be another mechanism of resistance. Finally, the tumor cell could activate alternative growth pathways less dependant on aerobic metabolism. Keywords: Kidney cancer – Antiangiogenics – Resistance. e carcinome du rein représente 2 à 3 % de tous les cancers dans le monde. Bien que la majorité des malades soit guérie par néphrectomie seule, jusqu’à un tiers des patients présentent une maladie métastatique. Les nouvelles thérapies, notamment les antiangiogéniques (comme le sunitinib, le sorafénib, le pazopanib et le bévacizumab, ciblant le facteur de croissance endothélial vasculaire [VEGF]) et les molécules qui ciblent la voie de la cible chez les mammifères de la rapamycine (mTOR), tels l’évérolimus et le temsirolimus, ont récemment remplacé les cytokines comme traitements de première ligne dans le carcinome du rein avancé ou métastatique. Le sunitinib, le bévacizumab (combiné à l’interféron) et le pazopanib sont les traitements de choix pour les carcinomes du rein métastatiques de pronostic bon ou intermédiaire. Le temsirolimus est un traitement possible en cas de mauvais pronostic. Le sorafénib et l’évérolimus sont actuellement utilisés comme traitements de deuxième ligne. Parmi les antiangiogéniques, le bévacizumab bloque le VEGF circulant, tandis que le sunitinib, le sorafénib et le pazopanib sont des inhibiteurs de la tyrosine kinase (ITK) du récepteur du VEGF et du récepteur du Platelet-Derived Growth Factor (PDGF). Le VEGF est le principal facteur pro­ angiogénique, et le PDGF intervient dans la consolidation des nouveaux vaisseaux. Bien que, avec ces nouvelles thérapies, nous obtenions des réponses et des survies sans progression (SSP) nettement meilleures qu’avec l’immunothérapie, certains malades (15 à 20 %) sont primairement résistants à ces traitements (la résistance est en l’occurrence primaire), et la maladie de la majorité de ceux chez Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2011 Mécanismes de résistance aux antiangiogéniques dans le cancer du rein qui une réponse partielle ou une stabilisation prolongée est obtenue finira tôt ou tard par progresser (la résistance est alors secondaire). Nous ne disposons pas de marqueurs prédictifs de la réponse. Ces marqueurs seraient néanmoins très utiles puisqu’ils nous permettraient de n’utiliser la thérapie antiangiogénique que chez les patients pouvant en bénéficier. Nous pourrions également éviter effets indésirables et coûts en l’absence de tout bénéfice. Bien que nous ne disposions pas de marqueurs prédictifs fiables, plusieurs critères et classifications pronostiques de la SSP et de la survie globale (SG) ont été développés. La classification du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center (MSKCC) est la plus connue pour prédire la survie en cas de cancer du rein localement avancé ou métastatique (1). Elle divise les malades en 3 groupes de risque (favorable, intermédiaire et risqué, défavorable), selon 5 facteurs associés à une survie moindre : le délai entre le diagnostic et l’instauration du traitement systémique (< 1 an), un taux élevé de LDH (> 300 ­U/­ml) et de calcium corrigé (> 10 ­mg/­dl), un taux bas d’hémoglobine (< 11,5 ­g/­dl pour les femmes et < 13 ­g/­dl pour les hommes) et un score de Karnofsky bas (< 80 %). Ces critères, bien qu’ils aient été développés il y a une dizaine d’années, au moment où l’immunothérapie était le traitement de référence, ont été confirmés récemment dans le cadre d’un essai pivotal évaluant le sunitinib qui a inclus 375 patients (2). Dans cette étude, les facteurs prédictifs indépendants associés à une SSP moindre sont un taux de LDH élevé, la présence d’au moins 2 sites métastatiques, l’absence de néphrectomie, le performance status (PS) de l’Eastern Cooperative Oncology Group (ECOG) [> 0] et un taux élevé de thrombocytes ­(> ­­400 000/­mm3). Notre groupe a récemment publié une étude concernant l’effet négatif sur la survie et sur la SSP de la présence de métastases osseuses dans le cancer du rein traité par sunitinib (3). Comme nous pouvons le constater, il s’agit surtout de marqueurs cliniques et biochimiques. En outre, ils ne nous donnent pas suffisamment d’arguments pour ne pas entamer de traitement chez un malade donné. Peut-être trouverons-nous dans l’avenir des critères plus fiables au niveau moléculaire et génétique. Jusqu’à aujourd’hui, cependant, aucun marqueur prédictif moléculaire ou génétique de la réponse aux antiangiogéniques n’a pu être décrit. Nous passerons ici en revue les publications concernant la résistance primaire et secondaire aux antiangiogéniques. Mécanismes d’action des antiangiogéniques Pour être en mesure de comprendre les mécanismes de résistance aux antiangiogéniques, nous devons d’abord comprendre leur mécanisme d’action. Les fonctions du VEGF et du PDGF sont en effet nombreuses, et les cibles des antiangiogéniques de type ITK, capables de bloquer de nombreuses protéines, sont multiples. Cependant, nous pensons que l’action principale des antiangiogéniques consiste à stopper la néo-angiogenèse en bloquant la fonction du VEGF. Ce concept se fonde sur une augmentation importante de l’expression de VEGF en cas de cancer du rein, à cause de l’inactivation du gène von Hippel-Lindau (VHL). En raison de cette inactivation, responsable de la métabolisation rapide de l’Hypoxia-Induced Factor (HIF), ce dernier, un facteur de transcription de nombreux gènes impliqués dans la néo-angiogenèse, la promotion du cycle cellulaire et la migration cellulaire, est activé. De nombreux essais précliniques ont confirmé cette théorie (4-7). Le VEGF stimule la formation de nouveaux vaisseaux par les cellules endothéliales. Le PDGF est responsable de la formation d’une couverture de péricytes autour des cellules endothéliales consolidant le vaisseau nouvellement formé. Le sorafénib a la particularité de bloquer également le récepteur au Fibroblast Growth Factor, FGFR-1. Outre le blocage de l’apparition de nouveaux vaisseaux, les antiangiogéniques pourraient également avoir des effets immunomodulateurs, voire cytostatiques directs, sur des cellules tumorales porteuses de récepteurs au VEGF. L’effet antiangiogénique semble cependant le plus important effet antitumoral, ce que confirment des techniques d’imagerie dynamique montrant le flux sanguin dans les tumeurs. Dans des modèles de xénogreffe de carcinome du rein (7), des analyses par immuno-histochimie de tumeurs réséquées après un traitement par sorafénib montrent une diminution de l’importance de la microvasculature et une nécrose. Un scanner de perfusion, une résonance magnétique de perfusion et d’autres techniques d’imagerie non invasives peuvent mettre en évidence, peu de temps après l’instauration du traitement, une diminution rapide et quasi complète du flux sanguin témoignant de cette dévascularisation. En revanche, au moment où la résistance au traitement apparaît, ces mêmes techniques d’imagerie montrent de façon cohérente une restauration du flux sanguin : l’imagerie de perfusion révèle une restauration du flux et l’immuno-histochimie une colonisation de la tumeur Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2011 29 Rein : traitements adjuvants dossier thématique nécrotique par des cellules endothéliales. Ces données suggèrent que le développement de la résistance ne serait donc pas seulement un ajustement des voies de signalisation intracellulaires de croissance tumorale, mais plutôt un effort conjoint des cellules tumorales et stromales pour rétablir une circulation qui sera moins dépendante du VEGF, sans toutefois s’en affranchir complètement. Il a été observé, dans des cas de carcinome du rein traités par PTK787/ZK 222584, petite molécule inhibitrice du récepteur du VEGFR, que le flux sanguin tumoral après 1 mois de traitement, mis en évidence par IRM de perfusion, était corrélé de façon significative et positive avec des variations de la taille des tumeurs après 4 mois de traitement (8). En outre, les changements de perfusion dans la tumeur, mis en évidence après 1 mois de traitement (perfusion augmentée ou diminuée), étaient plus prédictifs de la SSP que des critères morphologiques tels que ceux du RECIST. En conclusion, la persistance ou la nouvelle émergence de vaisseaux semble donc liée à la résistance à ce type de traitement. Résistance par augmentation de l’hypoxie tumorale et de l’expression conséquente de HIF-1α, VEGF et PDGF La réapparition de vaisseaux dans la tumeur pourrait être stimulée par l’hypoxie intratumorale, due à la croissance tumorale, mais également à la ­disparition des vaisseaux suite au traitement. L’hypoxie intratumorale pourrait mener à la revascularisation du fait d’une expression augmentée de HIF-1α et, en conséquence, d’une expression augmentée de VEGF et PDGF. Divers arguments semblent confirmer cette théorie. Plusieurs études ont montré une augmentation du taux circulant de VEGF et de PDGF en cours de thérapie par antiangiogéniques bloquant le récepteur du VEGF. Dans une étude de phase II avec le sunitinib, les différences du taux de VEGF (augmenté durant le traitement) et du taux de récepteur soluble VEGFR-2 et -3 (diminué durant le traitement) sont plus importantes chez les patients ayant présenté une réponse partielle que chez ceux n’en ayant pas présenté (9). Dans l’étude d’enregistrement du sorafénib, une augmentation du taux de VEGF circulant avait été observée chez les patients traités par sorafénib, mais pas dans le bras placebo. Ces taux élevés de VEGF sous traitement antiangiogénique pourraient expliquer les phénomènes de flare-up ou de progression rapide observés à l’arrêt des antiangiogéniques, voire pendant les 2 semaines d’interruption du sunitinib (10). 30 En outre, dans plusieurs études cliniques de phase II, nous avons pu constater une efficacité certaine, bien que moins importante, du blocage de la voie de signalisation VEGF lors d’une deuxième ligne d’antiangiogéniques, après le développement d’une résistance à une première ligne de thérapie anti-VEGF. Ces données suggèrent que la néo-angiogenèse après blocage du VEGF reste en partie dépendante du VEGF. Une étude de phase II sur le sunitinib, portant sur 62 malades réfractaires au bévacizumab, a rapporté un taux de réponse RECIST de 23 % et une SSP médiane de 7,1 mois. De même, une étude de phase II avec l’axitinib, portant sur 62 malades réfractaires au sorafénib, a montré un taux de réponse RECIST de 23 % et une SSP médiane de 7,4 mois. Le niveau de sensibilité de la tumeur à la deuxième ligne de traitement pourrait dépendre de la puissance relative de chaque molécule pour bloquer le récepteur VEGF. Résistance par l’activation de voies alternatives de néo-angiogenèse La néo-angiogenèse développée au moment de la résistance pourrait également être le résultat de la mise en route de voies alternatives d’angio­genèse indépendantes du VEGF. En fait, en inhibant le VEGF et le PDGF, nous n’inhibons qu’une partie des mécanismes enclenchés par HIF. Un grand nombre de gènes sont exprimés sous l’influence de HIF, et l’inhibition du VEGF et du PDGF pourrait même stimuler des mécanismes compensatoires de survie. Angiogenèse alternative par le Fibroblast Growth Factor Lorsque des souris atteintes de cancers neuroendocriniens pancréatiques sont traitées par des anticorps monoclonaux anti-VEGFR-2, nous observons une diminution initiale de 50 % de la taille de la tumeur et de la densité de la microvasculature. Néanmoins, une nouvelle croissance tumorale suivra malgré le fait que le blocage anti-VEGFR était maintenu. Ce récepteur se trouvait toujours sous forme déphosphorylée, mais la RT-PCR, réalisée sur des cellules provenant d’îlots résistants, pouvait mettre en évidence une augmentation de la transcription de plusieurs gènes de la famille du Fibroblast Growth Factor (FGF), des éphrines et des angiopoïétines (11). L’administration concomitante d’un adénovirus codant pour une forme soluble du récepteur du FGF-2 (qui arrive à lier plusieurs membres de la famille FGF) diminue la croissance et la revascularisation. Ces expériences suggèrent que le FGF joue un rôle important dans la croissance et la revascularisation Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2011 Mécanismes de résistance aux antiangiogéniques dans le cancer du rein indépendante du VEGF. Notons aussi que l’interféron α a une action inhibitrice du FGF (12). D’autres molécules inhibitrices du FGF sont en cours de développement. Néo-angiogenèse alternative par l’IL-8 Dans des cellules de cancer du côlon rendues déficientes en facteurs de transcription HIF, la chémokine IL-8 semble avoir un rôle dominant dans la génération et le maintien de la microcirculation tumorale. Un anticorps anti-IL-8 était capable de bloquer la néoangiogenèse tumorale. L’IL-8 pourrait donc jouer un rôle proangiogénique dans des situations où la voie VEGF est déréglée (par des mutations) ou bloquée par des traitements anti-VEGF (13). Néo-angiogenèse alternative par le Placental Growth Factor Le Placental Growth Factor (PlGF) est un homologue du VEGF qui intervient dans le switch angiogénique. Un anticorps anti-PlGF est capable d’inhiber la croissance et l’apparition de métastases dans plusieurs tumeurs, y compris dans celles qui résistent aux inhibiteurs du récepteur du VEGF (14). En outre, les taux plasmatiques de PlGF sont augmentés chez les malades atteints d’un carcinome du rein et recevant du sunitinib (15). Cependant, le sunitinib bloque le VEGFR1, qui est aussi le récepteur du PlGF. Le blocage du PlGF ne serait donc probablement pas un traitement actif en cas de résistance aux anti-VEGF dans le carcinome du rein. Néo-angiogenèse alternative par le blocage de la voie Tie-2/Ang-2 L’axe formé par l’angiopoïétine 2 (Ang-2) et son récepteur Tie-2 semble avoir de nombreuses fonctions, parmi lesquelles la néo-angiogenèse en parallèle avec l’axe du VEGF (16). Dans des études précliniques, l’inhibition de Ang-2 a mené à la suppression de la croissance tumorale (17). L’Ang-2 stimule la production de métallo­protéinases matricielles (MMP) via les récepteurs des intégrines (18). Les MMP stimulent à leur tour la sécrétion du VEGF (19). Les MMP servent à détruire la membrane basale, nécessaire à la néovascularisation. En outre, les taux plasmatiques d’Ang-2 semblent augmenter chez les patients traités par sunitinib. L’inhibition d’Ang-2 pourrait donc freiner ou prévenir la néovas­ cularisation en cas de résistance aux traitements ciblant le VEGF. L’AMG-386, une immunoglobuline liée au récepteur Tie-2, est capable de bloquer la fixation de l’Ang-2 à son récepteur. La combinaison d’AMG-386 et de sorafénib a permis un taux de réponse de 29 % chez des malades atteints d’un carcinome du rein, dont certains étaient résistants aux anti-VEGF (20). Pour finir, notons que J. Garcia-Donas (21) a présenté, à l’ESMO 2010, un abstract montrant une association statis­tiquement significative entre 1 SNP (Single Nucleotide Polymorphism) dans le VEGF et 2 SNP dans le VEGFR-3 et le temps jusqu’à progression sous sunitinib : les malades dont le système VEGF fonctionne mal répondent moins bien au traitement anti-VEGF, peut-être parce que l’angiogenèse tumorale repose davantage sur d’autres mécanismes proangiogéniques chez eux. Résistance par l’activation de voies alternatives de croissance Afin d’assurer leurs possibilités de croissance, les ­cellules tumorales ont besoin de nouveaux vaisseaux, mais elles mettent aussi en œuvre un ensemble de mécanismes de croissance qui impliquent des récepteurs de surface suivis de cascades intracytoplasmiques, elles-mêmes aboutissant à l’activation de facteurs de transcription nucléaires et à l’expression de nombreux gènes. Les voies de transmission intracellulaires sont difficiles, mais le complexe de mTOR semble jouer un rôle central. Cette voie est très souvent activée dans les cellules du cancer du rein, bien que ce ne soit jamais de façon constitutionnelle. Ainsi, les inhibiteurs de la voie mTOR, tels que l’évérolimus, ont pu prouver une efficacité, même modeste, dans le cancer du rein résistant aux traitements antiangiogéniques. Dans l’étude RECORD-1, portant sur 410 malades atteints d’un cancer du rein réfractaire aux anti-VEGF, la SSP était de 4,0 mois sous évérolimus, contre 1,9 mois sous placebo. Le taux de réponse objective n’était cependant que de 1 %. J.L. Perez-Gracia et al. ont collecté du sérum lors de l’instauration du traitement et au moment de l’évaluation de la réponse, réalisée par RECIST chez 31 patients traités par sunitinib (22). Le sérum de 6 patients avec des phénotypes extrêmes de réponse claire (3 patients) ou de progression rapide (3 patients) a été analysé : 174 cytokines impliquées dans l’angiogenèse et la prolifération tumorale ont été recherchées. Les taux des cytokines des 2 groupes ont été comparés. Vingt-sept des 174 cytokines variaient de façon significative selon que les patients avaient présenté une réponse partielle ou une progression de la maladie. Les 6 cytokines les plus pertinentes du point de vue statistique et biologique (TNFα, MMP-9, ICAM-1, BDNF, SDF-1α et VEGF) ont été analysées chez 22 malades évaluables, et les résultats ont été corrélés au bénéfice clinique (réponse ou stabilisation de la maladie) ou à la progression. La conclusion de J.L. Perez-Gracia et al. est que, dans le sérum de malades atteints d’un cancer du rein méta- Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2011 31 Rein : traitements adjuvants dossier thématique statique, le taux de TNFα et de MMP-9 à l’inclusion est significativement plus élevé chez les non-répondeurs au sunitinib et qu’il est significativement corrélé à la SSP et à la SG. Résistances primaire et secondaire par inhibition inadéquate du récepteur du VEGF Des métastases de cancer du rein, comme la tumeur primitive, pourraient progresser sous traitement antiVEGF du fait de l’augmentation de l’expression du récepteur ou à cause de taux plasmatiques insuffisants du traitement anti-VEGF. La probabilité d’obtenir un bénéfice clinique est liée de façon positive aux concentrations plasmatiques du sunitinib et de l’axitinib (un ITK anti-VEGF en phase de développement) [23]. Plusieurs publications ont en fait montré un lien entre les effets indésirables du traitement anti-VEGF (par exemple, l’hypertension pour l’axitinib) et son efficacité. En outre, la dose d’ITK n’est en général pas adaptée au poids du malade. Certains sujets – ayant des taux plasmatiques insuffisants de sunitinib, de sorafénib ou de pazopanib – souffrent moins des effets indésirables, mais l’efficacité thérapeutique est alors également moindre. Le changement des traitements pour les comorbidités des patients pourrait interagir avec la métabolisation du sunitinib via le cytochrome P450. Une étude randomisée de phase II avec le sorafénib a montré que l’escalade de la dose de sorafénib jusqu’à 600 mg × 2/j a pu induire une diminution de la taille tumorale chez 42 % des patients, alors que la maladie progressait lorsque la posologie était de 400 mg × ­2/­j. Bien que des réponses selon RECIST n’aient pas pu être obtenues, la SSP médiane en cas d’escalade de dose était de 3,6 mois. Cette SSP médiane correspond à celle obtenue avec l’évérolimus en phase de progression sous ITK anti-VEGF et est donc supérieure à celle observée sous placebo (24). Statut VHL et résistance : aucune corrélation ? Étant donné le rôle important joué par les mutations du gène VHL dans la pathogenèse du carcinome du rein, plusieurs groupes ont étudié la corrélation entre le statut VHL et la réponse aux antiangiogéniques. L’hypothèse était que l’absence de protéine VHL induirait des taux plus élevés de HIF et une angiogenèse plus 32 importante. L’inhibition de la voie du VEGF serait donc plus efficace dans les carcinomes du rein porteurs de la mutation de VHL ou ayant des gènes promoteurs hyperméthylés. Vingt-six (60 %) des 43 patients observés par B.I. Rini et al. (25) étaient porteurs de mutations de VHL ou atteints d’hyperméthylation du promoteur ; 17 (40 %) étaient VHL sauvage. Les taux de réponse aux antiangiogéniques (interféron α + bévacizumab, sunitinib ou axitinib) étaient respectivement de 48 % et 35 %, avec un temps médian jusqu’à progression de 10,8 mois versus 5,5 mois. La différence du temps médian jusqu’à progression n’était pas significative (p = 0,26), mais le devenait (p = 0,06) lorsque les 15 malades porteurs d’une hyperméthylation VHL ou d’une mutation VHL tronquante étaient comparés aux malades n’ayant pas ces anomalies génétiques : le temps médian jusqu’à progression était alors de 13,3 mois versus 7,4 mois). B.I. ­Rini et al. ont conclu que les malades atteints d’un cancer du rein métastatique porteurs d’hyper­méthylation de VHL ou de mutations tronquantes avaient un temps jusqu’à progression prolongé sous traitement anti­ angio­génique. T.K. ­Choueiri a refait le même exercice sur 123 patients atteints d’un carcinome du rein à cellules claires métastatiques traités par sunitinib, sorafénib, axitinib ou bévacizumab (26). Les patients atteints d’une inactivation du gène VHL ont mieux répondu au traitement que les patients VHL sauvage (les taux de réponse globale étaient de 41 % versus 31 % [p = 0,34]). Le taux de réponse était encore plus important (51 %) chez les malades porteurs d’une mutation non-sens. Une analyse multivariée comprenant plusieurs autres facteurs pronostiques cliniques importants a montré que la présence d’une mutation avec perte de fonction reste un facteur pronostique indépendant associé à une meilleure réponse. Cependant, la SSP et la SG n’étaient pas affectées par ces mutations. Les patients avec une mutation de VHL avaient une SSP médiane de 12,0 mois versus 9,0 mois en cas de wild-type et de 11 mois en cas de VHL hyperméthylé (p = 0,78). La SSP médiane des malades ayant une mutation de VHL avec perte de fonction était de 13,7 mois versus 9,0 mois chez les malades VHL sauvage (p = 0,71). La résistance secondaire ne serait probablement pas induite par des mutations secondaires La thérapie antiangiogénique exerce son effet sur les cellules endothéliales vasculaires, et donc plutôt sur Correspondances en Onco-urologie - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2011 Mécanismes de résistance aux antiangiogéniques dans le cancer du rein le microenvironnement tumoral que sur les cellules tumorales elles-mêmes. Il serait donc très improbable qu’une mutation secondaire dans le récepteur VEGF-2 soit à l’origine d’une résistance secondaire à la ­thérapie antiangiogénique, puisque cette mutation devrait se présenter simultanément dans les différents sites métastatiques. En outre, des modèles de xénogreffe chez la souris ont montré que la résistance au sorafénib et la plupart des changements d’expression génétique associés sont réversibles lorsque les xénogreffes résistantes sont réimplantées dans des souris non traitées (27). Ces observations renforcent l’idée que ce ne sont pas des changements génétiques ou épigénétiques permanents qui provoquent la résistance, mais plutôt des changements dans le microenvironnement qui permettent – malgré un blocage soutenu anti-VEGF – une revascularisation. Autres hypothèses pour expliquer la résistance primaire ou secondaire La transition épithélio-mésenchymateuse – processus par lequel les cellules cancéreuses perdent leurs ­caractéristiques épithéliales et acquièrent des ­caractéristiques plus mésenchymateuses – pourrait expliquer une sensibilité moindre aux antiangiogéniques. Les traitements par antiangiogéniques pourraient également sélectionner des cellules résistantes à l’hypoxie. Pour finir, les cellules cancéreuses, à défaut de nouveaux vaisseaux, pourraient acquérir un nouveau mode de croissance, non pas en formant des masses, mais en s’infiltrant le long des vaisseaux existants. De nouvelles recherches sont donc indispensables pour éclaircir le mode de fonctionnement des antiangiogéniques et pour mieux comprendre le phénomène de résistance. ■ Références 1. Motzer RJ, Mazumdar M, Bacik J, Berg W, Amsterdam A, Ferrara J. Survival and prognostic stratification of 670 patients with advanced renal cell carcinoma. J Clin Oncol 1999; 17:2530-40. 2. Patil S, Figlin R, Hutson T et al. Prognostic factors for progression-free and overall survival with sunitinib targetetd therapy and with cytokine as first-line therapy in patients with meta­ static renal cell carcinoma. Ann Oncol 2011;22(2):295-300. 3. Beuselinck B , Oudard S, Rixe O et al. Negative impact of bone metastasis on outcome in clear-cell renal cell carcinoma treated with sunitinib. Ann Oncol 2010; sous presse. 4. Mendel DB, Laird AD, Xin X et al. 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