1 UNIVERSITÉ DE CERGY Année 2012-2013 U.F.R. Économie & Gestion Licence d’Économie et Mathématiques MATH104 : Mathématiques Chapitre V : Suites numériques 1 Un peu de topologie de R On a vu dans le chapitre II quelques propriétés de R qui vont nous être utiles : R contient l’ensemble des rationnels Q, ce dernier est insuffisant pour aborder certaines questions ; par exemple, il existe des parties de Q majorées dans Q mais qui ne possèdent pas de borne supérieure dans Q (penser à {x ∈ Q/x2 ≤ 2}) • R muni de l’addition est un groupe commutatif. • R muni de l’addition et de la multiplication est un corps commutatif. • R est un corps totalement ordonné. • R est archimédien : ∀ε > 0, ∀X ∈ R, ∃n ∈ N/ nε > X • R possède la propriété de la borne supérieure : Axiomes 1 (de la borne supérieure). Soit A ⊂ R une partie non vide et majorée de R, alors A admet une borne supérieure. Définition 1. Soit A une partie de R. 1. Le point (ou réel) x ∈ A est un point intérieur à A s’il existe un intervalle ouvert ]a, b[ (a < b) tel que x ∈]a, b[⊂ A. 2. Le point x est un point adhérent à A si tout intervalle ouvert contenant x possède une intersection non vide avec A. 3. Le point x est un point d’accumulation de A si tout intervalle ouvert contenant x possède une intersection avec A non vide et non réduite à {x}. 4. A est ouverte si tout point de A appartient à un intervalle ouvert inclus dans A. 5. A est fermée si son complémentaire Ac = R r A est ouvert. 6. R et ∅ sont à la fois ouverts et fermés : ce sont les seules parties de R possédant cette particularité. L1/S1 - MATH 104 - Mathématiques J. Stéphan - Université de Cergy-Pontoise - UFR Économie & Gestion 2 Remarques : Soit A une partie de R. 1. Un intervalle ouvert est un ouvert. ( 1 ) 2. Toute union quelconque d’ouverts est un ouvert, toute intersection finie d’ouverts est un ouvert. ( 2 ) 3. Un intervalle fermé est un fermé. 4. Une intersection quelconque de fermés est un fermé. ( 3 ) 5. L’ensemble des points adhérents à A est appelée l’adhérence de A et est notée A. 6. Soit x un réel, parmi les intervalles ouverts contenant x, on admet qu’il suffit d’étudier ceux qui sont centrés en x : ceux-ci sont de la forme ]x − ε, x + ε[ où ε > 0. On peut alors réécrire les définitions suivantes : (a) Le réel x ∈ A est intérieur à A s’il existe ε > 0 tel que ]x − ε, x + ε[⊂ A, et A est ouvert si chacun de ses points lui est intérieur. (b) Le point x est adhérent à A si et seulement si ∀ε > 0, ]x − ε, x + ε[∩A 6= ∅ (c) Le point x est un point d’accumulation de A si et seulement si ∀ε > 0, ]x − ε, x + ε[∩A \ {x} = 6 ∅ Exercices 1. 1. Justifier que tout point d’accumulation de A appartient à A. 2. Soit A =]a, b] ∪ {c} (où c ∈ / [a, b]) : déterminer A et l’ensemble des points d’accumulation de A. 1 ∗ 3. Justifier que /n ∈ N admet le point d’accumulation 0. n 4. Soit A = {0, 1, 1/2, 1/3, . . .}. Montrer que A est fermé. 5. A = {n(1 + (−1)n ); n ≥ 1} admet-il des points d’accumulations ? 1 n 6. A = + n(1 + (−1) ); n ≥ 1 admet-il des points d’accumulations ? n Exercice 2. Soit A une partie de R. Montrer que : 1. inf A et sup A sont adhérents à A. 2. A est fermée. 3. A est fermé si et seulement si A = A. 1. Car tout point x ∈]a, b[ est bien inclus dans un tel intervalle ouvert x ∈]a, b[⊂]a, b[. 2. Par contre, une intersection infinie d’ouverts n’est pas forcément un ouvert, comme par exemple \ −1 1 , = {0} n n n≥1 [ 3. Par contre une union infinie de fermés n’est pas forcément un fermé. Par ex. {x} =]0, 1[ x∈]0,1[ L1/S1 - MATH 104 - Mathématiques J. Stéphan - Université de Cergy-Pontoise - UFR Économie & Gestion 3 Une première utilisation de l’axiome de la borne supérieure est très abstraite mais ses applications sont fondamentales. Sa preuve initiera le lecteur à des modes de raisonnement nouveaux : Théorème 1. de Borel-Lebesgue Émile Borel = mathématicien français (1871-1956) ; HenriLéon Lebesgue = mathématicien français (1875-1941) Soit (Ai )i∈I une famille de parties ouvertes de R. Si F est une partie fermée et bornée de R, telle [ [ que F ⊂ Ai , alors il existe une partie finie J ⊂ I telle que F ⊂ Ai i∈I i∈J Théorème 2. des intervalles emboîtés (dit aussi de Bolzano-Weierstrass) Bernard Bolzano : mathématicien allemand d’origine tchèque (1781-1848) & Karl Weierstrass : mathématicien allemand (1815-1897) Soit (In )n∈N une suite de segments (intervalles fermés bornés) décroissante (ou emboités) : In ⊂ In−1 ⊂ · · · ⊂ I0 où\chaque In = [an , bn ] désigne un intervalle fermé borné. Si pour chaque entier n, In 6= ∅ alors : In 6= ∅ n∈N 2 Suites : généralités K désigne le corps R ou C. Définition 2. On appelle suite dans K toute application de N à valeurs dans N. L’ensemble des suites dans K est noté KN . ( Notations : Une suite dans K est notée : x. N → N ou (xn )n∈N ou plus simplement (xn ) ou n 7→ xn Si la suite est définie à partir du rang n0 , on la note (xn )n≥n0 Définition 3. La somme de deux suites (xn ) et (yn ) est la suite (sn ) définie par : ∀n ∈ N, sn = xn + yn Définition 4. Le produit de deux suites (xn ) et (yn ) est la suite (pn ) définie par : ∀n ∈ N, pn = xn yn Remarque : On verra dans le cours d’algèbre que l’ensemble des suites à valeurs dans K, muni de ces deux opérations possède un structure d’anneau commutatif unitaire. Définition 5. La produit d’une suite (xn ) par le scalaire λ est la suite (qn ) définie par : ∀n ∈ N, qn = λ · xn Définition 6. Une suite réelle (xn ) est dite : • majorée s’il existe M ∈ K tel que pour tout n ∈ N, xn ≤ M . • minorée s’il existe m ∈ K tel que pour tout n ∈ N, xn ≥ m. • bornée si elle est à la fois minorée et majorée. L1/S1 - MATH 104 - Mathématiques J. Stéphan - Université de Cergy-Pontoise - UFR Économie & Gestion 4 3 Suites convergentes Dans ce paragraphe et les suivants, les suites étudiées seront à valeurs réelles. Définition 7. Une suite réelle (xn ) converge vers la limite ` ∈ R lorsque : ∀ε > 0, ∃N ∈ N/ n ≥ N, |xn − `| ≤ ε On note lim xn = ` ou plus simplement lim xn = `. n→∞ On dit que la suite (xn ) est convergente lorsqu’elle possède une limite réelle. Une suite non convergente est dite divergente. Remarques : 1. Pour une suite complexe (un ) définie par un = an + ibn , (un ) converge vers ` = a + ib si et seulement si lim an = a et lim bn = b. Pour le voir on utilise l’encadrement max{|u1 |, |u2 |} ≤ n→∞ n→∞ |u| ≤ 2 max{|u1 |, |u2 |} si u = u1 + iu2 . 2. Pour des suites de nombres complexes, l’exemple de la suite (un ) définie par un = nein prouve la difficulté d’une définition plus générale, cette suite décrit un colimaçon allant vers l’infini mais ne se dirige pas dans une direction déterminée du plan complexe. 1 1 Exercice 3. Montrer que les suites (xn ), (yn ) et (zn ) définies par xn = , yn = n et zn = an n 2 (où 0 < a < 1) convergent toutes les trois vers 0. Théorème 3. La limite d’une suite, lorsqu’elle existe, est unique. Théorème 4. Soit (xn ) une suite et l ∈ R. On suppose qu’il existe une suite (yn ) de réels positifs tels que |xn − `| ≤ yn à partir d’un certain rang et lim yn = 0, alors lim xn = `. Corollaire 1. Soit (yn ) une suite convergente vers 0 et si quel que soit n ∈ N, |xn | ≤ |yn | alors la suite (xn ) converge vers 0. Théorème 5. Toute suite convergente est bornée. Remarque : La suite (un ) définie par un = sin n est bornée sans être convergente. En effet, la circonférence d’un cercle vaut 2π et les intervalles [π/6, 5π/6] = {t ∈ [0, 2π], sin t ≥ 1/2} et [7π/6, 11π/6] = {t ∈ [0, 2π], sin t ≤ −1/2} ont tous les deux la longueur 2π/3 > 1, par suite il existe des entiers aussi grands que l’on veut vérifiant sin n ≤ −1/2 et d’autres tels que sin n ≥ 1/2 : cette suite diverge. En effet, pour tout entier N il existe p, q supérieurs à N tels que sin p ≤ −1/2 1 et sin q ≥ 1/2, si la limite est positive q donne une contradiction car |` − sin q| ≥ (de même avec 2 p si ` < 0). On pourra aussi voir une preuve à l’aide des suites extraites. Théorème 6. Passage à la limite dans les inégalités Soit (xn ) une suite convergente de limite `, et b un nombre réel. On suppose que pour tout entier N , il existe un entier n ≥ N tel que xn < b (respectivement xn > b), alors ` ≤ b (resp. ` ≥ b). En particulier s’il existe un rang à partir duquel xn < b (resp. xn > b) alors ` ≤ b (resp. ` ≥ b) L1/S1 - MATH 104 - Mathématiques J. Stéphan - Université de Cergy-Pontoise - UFR Économie & Gestion 5 4 Opérations sur les limites Théorème 7. Soient (xn ) et (yn ) deux suites convergentes de limites respectives ` et `0 . Alors : 1. La suite somme (xn + yn ) est convergente de limite L = ` + `0 2. Pour tout réel λ, la suite (λxn ) est convergente de limite L0 = λ` 3. La suite produit (xn yn ) est convergente de limite L00 = `.`0 Théorème 8. Théorème des gendarmes Soient (xn ), yn et (un ) trois suites. On suppose que : 1. (xn ) et yn convergent vers un même réel ` 2. Il existe N ∈ N tel que ∀n ≥ N, xn ≤ un ≤ yn Alors (un ) est une suite convergente et lim un = ` √ √ sin n Exercice 4. Prouvez que les suites définies par xn = 2 , yn = n + sin n − n, et n −3 √ 1 zn = n sin convergent. n Théorème 9. Limite d’un quotient Soit (xn ) une suite convergente de limite ` 6= 0. Alors il 1 1 existe un rang à partir duquel xn 6= 0 et lim = . xn ` 5 Suites monotones Définition 8. Une suite réelle (xn ) est dite • croissante, si et seulement si : ∀n ∈ N, ∀m ∈ N, (n ≤ m ⇒ un ≤ um ) • décroissante, si et seulement si : ∀n ∈ N, ∀m ∈ N, (n ≤ m ⇒ un ≥ um ) Prouvez que la suite (un ) définie par un = n √ + sin n est croissante. Montrer que la suite (un ) définie par un = n2 + n − n est croissante et qu’elle 1 converge vers . 2 Exercice 5. Exercice 6. Théorème 10. 1. Toute suite réelle croissante et majorée est convergente. 2. Toute suite réelle décroissante et minorée est convergente. Remarque : Si (xn ) est une suite de nombre réels croissante et majorée, alors, lim xn = sup{xn ; n ∈ N} = sup xn . n∈N De même, si (xn ) est une suite de nombre réels décroissante et minorée, alors, lim xn = inf{xn ; n ∈ N} = inf xn n∈N L1/S1 - MATH 104 - Mathématiques J. Stéphan - Université de Cergy-Pontoise - UFR Économie & Gestion 6 6 Suites adjacentes Définition 9. Deux suites (xn ) et (yn ) de nombres réels sont adjacentes si elles vérifient les propriétés suivantes : 1. (xn ) est croissante 2. (yn ) est décroissante 3. lim(xn − yn ) = 0 Exemple 1. Les suites de décimaux à 10−n par défaut et par excès d’un nombre réels x : E(10n x) E(1 + 10n x) xn = et y = sont adjacentes. n 10n 10n Proposition 1. Soient (xn ) et (yn ) deux suites réelles adjacentes ((xn ) croissante et (yn ) décroissante) alors ∀n ∈ N, xn ≤ yn . Théorème 11. Soient (xn ) et (yn ) deux suites réelles adjacentes, alors ces deux suites convergent vers une limite commune `. De plus, pour tout entier n, xn ≤ ` ≤ yn Exercice 7. 7 Montrer que tout nombre réel positif ou nul possède une racine carrée réelle. Limites infinies Définition 10. On dit qu’une suite de nombres réels (xn ) a pour limite +∞ (resp. −∞) si : ∀A ∈ R, ∃N ∈ N/ ∀n ≥ N, A ≤ xn (resp. xn ≤ A) Remarques : 1. On peut remplacer l’inégalité large par une inégalité stricte dans la définition. 2. Une suite qui possède une limite infinie est dite divergente. Proposition 2. Soient (xn ) et (yn ) deux suites telles qu’il existe N ∈ N tel que pour tout entier n ≥ N, xn ≥ yn • si lim yn = +∞ alors lim xn = +∞ • si lim xn = −∞ alors lim yn = −∞ Proposition 3. Toute suite croissante et non bornée diverge vers +∞ Exercice 8. Exhibez une suite (un ) positive et convergente de limite 0 mais telle que (un ) ne soit pas une suite monotone pour n assez grand. Montrez qu’on peut même avoir une telle suite strictement positive. L1/S1 - MATH 104 - Mathématiques J. Stéphan - Université de Cergy-Pontoise - UFR Économie & Gestion 7 Théorème 12. Opérations sur les limites Limite de la somme de deux suites lim xn + yn lim yn +∞ −∞ `0 lim xn +∞ −∞ ` +∞ F.I. +∞ F.I. −∞ −∞ +∞ −∞ ` + `0 Limite du produit de deux suites lim xn × yn 0 ` >0 `0 < 0 +∞ −∞ 0 lim yn lim xn 0 `>0 `<0 +∞ −∞ 0 0 0 F.I. F.I. 0 ``0 ``0 +∞ −∞ 0 ``0 ``0 −∞ +∞ F.I. +∞ −∞ +∞ −∞ F.I. −∞ +∞ −∞ +∞ Théorème 13. Soit (xn ) une suite de nombres réels telle que lim |xn | = +∞, alors il existe un 1 rang N à partir duquel xn 6= 0 et lim = 0. xn Soit (xn ) une suite de nombres réels strictement positifs à partir d’un certain rang telle que 1 = +∞. lim xn = 0, alors lim xn 8 Suites extraites Définition 11. Soit (un ) une suite de nombres réels. On dit que la suite (vn ) est extraite de la suite (un ) s’il existe une application strictement croissante ϕ de N vers N telle que pour tout n ∈ N, vn = uϕ(n) Exemples 2. 1. La suite des termes de rangs pairs v : vn = u2n et la suite des termes de rangs impairs w : wn = u2n+1 sont extraites de la suite (un ). cos(1) 1 π 2. La suite vn = est extraite de la suite un = sin 1 + n (prendre ϕ : n 7→ 4n + 1) 4n + 1 n 2 Lemme 1. Soit ϕ une application strictement croissante N dans N. Alors, pour tout entier naturel n, ϕ(n) ≥ n. Théorème 14. Soit (un ) une suite convergente de nombres réels de limite `, alors toute suite extraite de (un ) est convergente de limite `. Remarque : Par contraposée du résultat précédent, si deux suites extraites de (un ) convergent vers deux limites dfférentes, alors (un ) est divergente. Par exemple (un ) définie par un = (−1)n L1/S1 - MATH 104 - Mathématiques J. Stéphan - Université de Cergy-Pontoise - UFR Économie & Gestion 8 9 Suites récurrentes Définition 12. Soit f une fonction définie sur un intervalle I de R et (un ) une suite de termes de I est définie par récurrence s’il existe un réel a et une fonction réelle f tels que ( u0 = a ∈ R un+1 = f (un ) ∀n ∈ N Théorème 15. Sous les notations de la définition précédente, si f est croissante, alors (un ) est monotone. Si f est décroissante (un ) n’est pas monotone, mais les suites extraites des termes de rangs pairs (u2n ) et de rangs impairs (u2n+1 ) sont monotones de monotonies opposées. Théorème 16. Sous les notations de la définition précédente, si (un ) converge vers un réel `, et si f est continue en `, alors f (`) = `. La preuve sera vue dans le chapitre « Continuité» u0 = 4 ∈ R un 1 Montrer que la suite définie par est convergente. + ∀n ∈ N un+1 = 2 un Exercice 10. Étude d’une suite récurrente 3x + 2 Soit I l’intervalle [0; 1]. On considère la fonction définie sur R r {−4} par f (x) = . x+4 1. Étudier les variations de f et en déduire que pour tout x élément de I, f (x) appartient à I. Exercice 9. 2. On considère la suite u définie par : u0 un+1 1 4 3un + 2 = un + 4 = ∀n ∈ N Montrez que pour tout entier n, un appartient à I. 3. Représenter graphiquement f et la droite d’équation y = x dans un repère orthonormé d’unité 10 cm . En utilisant ce graphique, placer les points A0 , A1 , A2 , et A3 d’ordonnée nulle et d’abscisses respectives u0 , u1 , u2 et u3 . Que suggère le graphique concernant la convergence de (un ) ? 4. Première méthode : (1 − un )(un + 2) . Déduire le sens de variation de (un ). un + 4 (b) Démontrer que la suite (un ) converge, puis déterminer sa limite ` 5. Seconde méthode : un − 1 (a) Justifier que l’on peut définir la suite v par : pour tout n ∈ N, vn = . un + 2 Montrez que v est une suite géométrique. (a) Établir la relation : un+1 − un = (b) Exprimez un en fonction de vn puis en fonction de n, pour tout n ∈ N. (c) En déduire la convergence de la suite (un ) et sa limite. Théorème 17. de Bolzano-Weierstrass De toute suite réelle bornée, on peut extraire une suite convergente L1/S1 - MATH 104 - Mathématiques J. Stéphan - Université de Cergy-Pontoise - UFR Économie & Gestion