Classification et signatures moléculaires des cancers du sein en 2016

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Prolifération
et cycle cellulaire
dossier
thématique
Classification et signatures moléculaires
des cancers du sein en 2016
Molecular taxonomy and signatures of breast cancer in 2016
N. Joyon*, M. Lacroix-Triki*
des récepteurs hormonaux et du gène HER2. La classification
moléculaire a bouleversé cette conception simpliste en mettant
en lumière de multiples profils de pronostics différents. C’est dans ce
contexte, et devant la nécessité d’employer des traitements ciblés,
que sont nées les signatures moléculaires. Bien qu’elles diffèrent
par les méthodes employées (qRT-PCR ou microarray), elles ont les
mêmes objectifs : calculer un score pronostique, fondé sur les niveaux
d’expression de gènes impliqués dans la cancérogenèse, et, si possible,
prédire la réponse au traitement. Applicables essentiellement aux
tumeurs luminales exprimant le récepteur aux estrogènes (RE+), elles
ont prouvé leur valeur pronostique dans de vastes essais prospectifs,
et les experts souhaitent les intégrer dans la décision thérapeutique,
actuellement établie sur les critères clinicopathologiques. Par ailleurs,
comparativement aux coûts d’une chimiothérapie, les signatures
moléculaires apportent un réel bénéfice financier et permettent
d’équilibrer la balance bénéfice/risque en diminuant le recours à
des traitements agressifs parfois inefficaces.
Mots-clés : Cancer du sein – Récepteur des estrogènes – Signatures
moléculaires – Classification moléculaire – Prolifération.
C
hez la femme, le cancer du sein se situe au
premier rang des cancers incidents et est l’une
des principales causes de mortalité en France.
On distingue les tumeurs exprimant le récepteur des
estrogènes (RE+) et celles ne l’exprimant pas (RE–)
[figure 1, p. 24]. Le groupe RE+, le plus fréquent, est
caractérisé par un spectre lésionnel essentiellement
axé sur la prolifération cellulaire (2). Le groupe RE–, de
pronostic plus péjoratif, comprend les tumeurs HER2+
et les tumeurs HER2– dites “triple-négatives” . Devant
cette multitude de profils aux pronostics différents, la
nécessité d’employer des traitements ciblés est devenue
une priorité. C’est dans ce contexte qu’est apparue l’idée
de classer les cancers du sein selon leurs altérations
moléculaires et que sont nées les “signatures moléculaires”, outil pronostique et peut-être prédictif de la
réponse à un traitement.
Breast cancers are divided according to their level of
hormone receptors and HER2 gene expression. The molecular
classification modified this simplistic taxonomy, highlighting
multiple profiles with different prognoses. It is in this context,
and given the need to use targeted therapies, that molecular
signatures were born. Although they differ in methods (qRT-PCR
or micro-array), they bear the same objectives: to calculate a
prognostic score based on the levels of gene expression involved
in carcinogenesis, and, if possible, to predict the response to
treatment. Applicable mainly to luminal ER-positive tumors,
molecular signatures have proven their prognostic value
in large prospective trials, and experts now look forward to
integrating them in the therapeutic decision, currently based
on clinico-pathological criteria. Furthermore, compared to
the cost of chemotherapy, molecular signatures provide a
real financial benefit and help to equilibrate the risk/benefit
balance by reducing the use of aggressive and sometimes
ineffective treatments.
Keywords: Breast cancer – Estrogen receptor – Molecular
signatures – Molecular classification – Proliferation.
Classification moléculaire intrinsèque
des cancers du sein en 2016
En 2000, C.M. Perou et al. ont classé les tumeurs du sein
selon leur profil d’expression génique (3) : luminales
(gènes associés à la voie du RE) ; HER2-like (surexpression
et amplification du gène HER2) ; basal-like, de phénotype triple-négatif (gènes des cellules basales) ; “normal
breast-like”, liées à un artéfact de dilution (4). À cette
première classification succédèrent d’autres propositions, certaines disséquant les sous-types déjà admis et
d’autres, innovantes, liées aux nouvelles entités.
Le sous-type luminal/RE+ : dissection moléculaire
T. Sørlie et al. ont scindé le groupe luminal en fonction
de la présence ou non de gènes liés à la prolifération :
luminal A (bon pronostic) et luminal B (mauvais pro-
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2017
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Summary
RÉSUMÉ
» Les cancers du sein sont subdivisés selon leur degré d’expression
* Département
de pathologie,
Gustave-Roussy Cancer
Campus, Villejuif.
23
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Prolifération
et cycle cellulaire
dossier
thématique
Cancer du sein
Luminal
RE+
RE–
Triple-négatif
Apocrine
RE+++RP+++
HER2–
Prolifération
basse
RE+RP–
HER2+/–
Prolifération
haute
HER2+
HER2– HER2–
HER2–
HER2+
RA–
RA–
RA+ CK5/6+ CK5/6–
RA+
EGFR+/– EGFR+/– EGFR+ EGFR–
Basallike
Continuum axé
sur la prolifération
Ki67 Ki67
fort faible
Hormonothérapie
Hormonothérapie,
chimiothérapie
± thérapie anti-HER2
Sous-types
spéciaux
Thérapie ?
Thérapie anti-HER2,
chimiothérapie
Chimiothérapie
Thérapie ciblée ?
Figure 1. Classification des cancers du sein et algorithme décisionnel (1). Les cancers du sein
sont classés en 2 grandes familles : les tumeurs exprimant le récepteur d’estrogènes (RE+) et
celles ne l’exprimant pas (RE–). Le groupe des cancers RE+, le plus fréquent, est caractérisé par
un spectre lésionnel axé sur la prolifération cellulaire. Le groupe des tumeurs RE–, de pronostic
plus péjoratif, comprend différents sous-types.
nostic) [5]. D’autres auteurs suggèrent que les soustypes luminaux correspondraient à un spectre lésionnel
axé sur la prolifération (2). Une analyse récente de
2 000 gènes par séquençage de l’ARN (ARNseq) subdivise le groupe luminal A :
✓ lumA-R1, groupe mixte de tumeurs luminales A et B,
de type canalaire, au fort taux de prolifération ;
✓ lumA-R2, groupe homogène de tumeurs luminales A, de type lobulaire, ayant une surexpression de
1 068 gènes liés au système immunitaire (contre 194
pour les lumA-R1) [6]. En termes de survie et de récidive,
ce modèle “lumA-R1/lumA-R2” montre une meilleure
corrélation que le modèle “luminal A/luminal B” (6).
D. Netanely et al. mettent aussi en évidence, dans le
groupe luminal A, une nouvelle entité de mauvais
pronostic, présentant une hyperméthylation de nombreux gènes (liés au développement, à la signalisation
et à la différenciation cellulaire). Selon l’analyse de la
méthylation, 20 % des tumeurs luminales de la PAM50
pourraient être assignées à un groupe à haut risque (6).
STAT1 code un facteur activateur de la transcription des gènes ISG (Interferon-stimulated gene) jouant un rôle dans la réponse immunitaire
(Genetics Home Reference).
2 SP110 code une protéine qui contrôle l’activité de gènes impliqués dans
la division cellulaire, l’apoptose et le système immunitaire (Genetics
Home Reference).
1
24
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Les tumeurs triple-négatives : de nouvelles
entités s’ajoutent au sous-type basal-like
Les tumeurs “claudin-low” doivent leur nom à leur
faible niveau d’expression de molécules d’adhésion
cellulaire (claudine, E-cadhérine). Elles montrent un
enrichissement pour les marqueurs de la transition
épithélio-mésenchymateuse et de la réponse immune,
ainsi qu’une forte corrélation avec les signatures de type
“cellules souches” (7). Comparativement aux tumeurs
de type basal-like, les tumeurs “claudin-low” présentent
une moindre surexpression des gènes liés à la prolifération (7). Elles sont de mauvais pronostic, de grade
intermédiaire ou élevé (7), et correspondent à des carcinomes canalaires, métaplasiques ou médullaires (7).
Leur réponse à la chimiothérapie (CT) est proche de
celle des basal-like (7).
Les tumeurs “interferon-rich” représentent 10 % des
cancers invasifs (8) et se caractérisent par la surexpression de gènes régulés par l’interféron comme STAT11 ou
SP1102, associée au pronostic. La survie sans récidive
est comparable à celle des tumeurs luminales B (8).
Les tumeurs “apocrines moléculaires” :
nouvelle conception
M. Guedj et al. ont proposé une classification fondée
sur le sous-type “apocrine moléculaire” (mApo), qui
exprime les récepteurs des androgènes (RA) sans exprimer le RE ni le récepteur de la progestérone (RP). Sur
la base de 3 clusters de gènes (RE, RA, gène de la
régulation du cycle cellulaire et de la prolifération),
5 catégories ont été mises en évidence : basal-like (RE–/
RA–/RP–), mApo (RA+/RE–/RP–) et 3 sous-groupes
luminaux A/B/C (RA+/RE+/RP+), subdivisés selon l’expression de gènes liés à la prolifération (9). Aucun
groupe homogène HER2+ n’a été mis en évidence,
la majorité des tumeurs HER2+ se répartissant dans
les groupes mApo et luminal C (9).
En fonction des sous-types histologiques
La classification moléculaire a été construite à partir
de carcinomes canalaires infiltrants sans type spécifique. On ignore si elle s’applique à tous les soustypes histologiques. B. Weigelt et al. ont analysé la
répartition de sous-types spéciaux dans le groupe
luminal (carcinomes lobulaire, tubuleux, mucineux,
neuro-endocrine et micropapillaire), le groupe basallike (carcinomes médullaire, adénoïde kystique et
métaplasique) et le groupe mApo (carcinomes apocrine et lobulaire pléiomorphe) [10]. On remarque que
certaines tumeurs de mauvais pronostic moléculaire
(basal-like) ont un bon pronostic histologique (carcinome adénoïde kystique) [10].
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Classification et signatures moléculaires des cancers du sein en 2016
Signatures moléculaires : nombreuses
et différentes propositions (tableau)
Les signatures moléculaires informent le clinicien sur le
pronostic et le bénéfice d’ajouter une CT. Elles sont essentiellement applicables aux tumeurs RE+, avec ou sans
envahissement ganglionnaire. Elles reposent toutes sur la
quantification de gènes impliqués dans la cancérogenèse,
mais divergent quant aux méthodes et aux cibles utilisées.
Signatures à haut débit : microarray
La signature à 70 gènes
Elle identifie l’expression de 70 gènes impliqués dans les
mécanismes de la cancérogenèse (inhibition de l’apoptose,
prolifération cellulaire, invasion et angiogenèse) [11].
Elle prédit le risque métastatique à 5 ans et stratifie les
patientes en 2 groupes : faible et haut risque. Elle a été
certifiée par la Food and Drug Administration (FDA) en
2008 (âge < 61 ans, taille tumorale < 5 cm, pN0) et a été
étudiée (pour des tumeurs RE+/RE– et pN0/N+) dans un
essai prospectif international (MINDACT) [12].
Le Genomic grade index
Le Genomic grade index (GGI), fondé sur 97 gènes
liés au cycle cellulaire et à la prolifération, a été
initialement rapporté comme utile à la séparation
des tumeurs de grade histologique II en 2 groupes
de risque de rechute (bas, genomic grade 1 ; élevé,
genomic grade 3) [13]. Mais des études ultérieures
ont montré l’existence d’une authentique zone
grise, avec une catégorie intermédiaire, y compris
au niveau génomique (equivocal genomic grade) ;
néanmoins, comme l’index de prolifération Ki67, le
grade génomique apporte des informations complémentaires pour mieux prédire le risque de rechute
à distance (14).
La stem cell signature
Cette signature de type “cellule souche” est
construite sur 186 gènes présents dans une souspopulation de cellules tumorales CD44+/CD24–
possédant un fort potentiel métastatique (13, 15).
Elle a une valeur significative pour les tumeurs RE+
de grade II (13, 15).
Tableau. Récapitulatif des principales classifications moléculaires pronostiques.
Nom
Signature à 70 gènes Signature à 21 gènes
MammaPrint™
Oncotype DX®
(Agendia)
(Genomic Health)
PAM50
Prosigna®
(NanoString)
Genomic grade index
MapQuant DX®
(Ipsogen/HalioDx)
HOXB13/IL17B
Breast Cancer Index
(Biotheranostics)
11-gene assay
EndoPredict®
(Myriad Genetics)
Méthode
Microarray
qRT-PCR
qRT-PCR
Microarray
qRT-PCR
qRT-PCR
qRT-PCR
Matériel
Cryoconservation/FFPE
FFPE
FFPE
Cryoconservation/FFPE
FFPE
FFPE
Gènes
analysés
70 gènes
RE, RP, BCL2, SCUBE2,
Ki67, STK15, BIRC5,
CCNB1, MYBL2, HER2,
GRB7, MMP11, CTSL2,
GSTM1, CD68, BAG1
50 gènes
97 gènes
HOXB13/IL17BR, BUB1,
CENPA, NEK2, RACGAP1,
RRM2
DHCR7, AZGP1, MGP,
STC2, BIRC5, UBE2C,
RBBP8, IL6ST
Valeur
pronostique
M+
(5 ans)
Récidive
(10 ans)
Récidive
(10 ans)
Récidive
Récidive
(5 et 10 ans)
Récidive
(10 ans)
Indications
RE+/N– ou N+ (1-3)
RE–/N– ou N+ (1-3)
RE+/HER2– /N–/HT
RE+/HER2–/N+ (1-3)
RH+/HER2–
N– ou N+
RE+/N– (grade II)
sous tamoxifène
RE+/N–
sous tamoxifène
RE+/HER2–
N– ou N+ (1-3)
sous HT
RS = 0 à 100
Haut > 30
Intermédiaire
Bas < 18
Type moléculaire
ROR = 0 à 100
Haut
Intermédiaire
Bas
Haut
Équivoque
Bas
0 à 10
Haut
Intermédiaire
Bas
0 à 15
Haut
Résultats
Haut
Bas
Essai
prospectif
MINDACT
TAILORx
RxPONDER
Bas
ASTER 70s
qRT-PCR : reverse transcriptase-polymerase chain reaction quantitative ; FFPE : formalin-fixed-paraffin-embedded ; M+ : risque métastatique ; RE (+ ou –) : statut des récepteurs aux estrogènes ;
N (+ ou –) : statut des ganglions lymphatiques ; HER2 : human epidermal growth factor receptor 2 ; HT : hormonothérapie ; RH (+ ou –) : statut des récepteurs hormonaux ; RS : recurrence score ;
ROR : risk of recurrence score ; CT : chimiothérapie ; MINDACT : Microarray in node-negative and 1-3 positive lymph-node disease may avoid chemotherapy ; TAILORx : Trial assigning individualized
options for treatment (Rx) ; RxPONDER : Rx for positive node, endocrine responsive breast cancer ; ASTER 70s : Adjuvant systemic treatment for (ER)-positive HER2-negative breast carcinoma in
women over 70 according to genomic grade.
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Prolifération
et cycle cellulaire
dossier
thématique
La signature Amplichip CYP450 (puce Affymetrix®,
GeneChip® microarray system)
Validée par la FDA, cette signature prédit l’efficacité
de l’hormonothérapie (HT) en identifiant les polymorphismes du cytochrome P450, enzyme catalysant le
tamoxifène (14).
Signature à technologie spécifique :
technologie n-counter
Signatures à moyen débit :
RT-PCR quantitative (qRT-PCR)
La signature à 21 gènes
Elle est un outil pronostique de la récidive à 10 ans de
tumeurs RE+ traitées par tamoxifène, sans envahissement ganglionnaire. Cette signature regroupe plusieurs
gènes : voie des récepteurs hormonaux (RE, RP, BCL2,
SCUBE2), voie HER2 (HER2, GRB7), prolifération (Ki67, STK1,
BIRC5, CCNB1, MYBL2) et invasion (MMP11, CTSL2) [14].
Selon leur niveau d’expression, le Recurrence Score3 (RS)
est calculé (de 0 à 100). Les résultats de l’étude NSABP
B-14 montrent un taux de rechute à 10 ans de 6,8 %
pour un score faible < 18 et de 30,5 % pour un score
élevé > 30 (12). Deux essais prospectifs (TAILORx, clos
aux inclusions et dont les résultats sont en attente, et
RxPONDER, ouvert aux inclusions) ont pour objectif
de valider sa valeur pronostique et prédictive, pour
les tumeurs RE+ sans ou avec atteinte ganglionnaire
respectivement.
Le Breast Cancer Index®
Il combine 2 signatures (14). La première, HOXB13/
IL17BR, validée pour des patientes atteintes d’une
tumeur RE+ pN0 traitée par tamoxifène, se fonde sur
l’observation que de fortes expressions de HOXB134 et
de faibles expressions du récepteur de l’interleukine
17B5 sont associées à un risque accru de récurrence (14).
La seconde, “Molecular Grade Index” (Theros MGISM)
dichotomise les grades II en faible et haut risques de
récurrence (14).
La signature EndoPredict®
Le score EndoPredict® (EP), évalué de façon rétrospective sur une partie des patientes incluses dans l’essai
prospectif ABCSG-8, a montré une valeur pronostique
pour la récidive locale à 10 ans de tumeurs RE+/HER2–
traitées par HT (16). Cette signature se compose d’un
score génomique (score EP, variant de 0 à 15) auquel
3 RS = (0,47 × score du groupe HER2) + (0,34 × score du groupe RE)
+ (1,04 × score du groupe prolifération) + (0,1 × score du groupe invasion) + (0,05 × CD68) – (0,08 × GSTM1) – (0,07 × BAG1).
4
HOXB13 est un gène lié à la résistance au tamoxifène.
Le récepteur de l’interleukine 17B est corrélé à la perte de la région
chromosomique 3p21 où se trouvent des gènes supresseurs de tumeur.
5
sont secondairement intégrés la taille tumorale et le
statut ganglionnaire (score EPclin, variant de 0 à 6). Le
score EP génomique se calcule sur le niveau d’expression
de 8 gènes impliqués dans la carcinogenèse (BIRC5,
UBE2C, DHCR7, RBBP8, IL6ST, AZGP1, MGP et STC2) [16].
PAM50
Ce test concerne les tumeurs RH+/HER2– de stade précoce, avec ou sans atteinte ganglionnaire. Il fournit
2 informations : le sous-type intrinsèque (luminal A/B,
HER2, basal-like) et le risque de récidive à 10 ans (17).
Il mesure les niveaux d’expression de 50 gènes et
établit un score ROR (risk of relapse) allant de 0 à 100.
L’algorithme du test intègre également la taille tumorale
et le statut ganglionnaire (17). Deux études (TransATAC
et ABCSG-8) ont validé le test PAM50, qui bénéficie de
l’autorisation de la FDA.
Signatures du stroma
La signature “core serum response” (CSR), facteur prédictif
indépendant de la survenue de métastases (données
NKI295), s’intéresse à l’expression dans le stroma tumoral de 512 gènes liés aux fibroblastes. Par ailleurs, elle
a identifié des patients à faible risque dans le groupe
à haut risque établi selon les directives du National
Institutes of Health ou les recommandations de SaintGall (15).
Signatures micro-ARN
Plusieurs micro-ARN sont associés à des tumeurs RE+
de mauvaise évolution (15). En 2015, D. Huo et al. ont
identifié une signature de 7 micro-ARN circulants dans
le sérum, applicable aux tumeurs RE+ ou de phénotype triple-négatif, significativement associée à la
récidive (18). Cette proposition offre la perspective de
tests sanguins peu invasifs utiles à la surveillance des
patientes (18).
La prolifération : un rôle primordial
La majorité des signatures moléculaires précédemment
citées incluent dans leurs panels des gènes liés à la
prolifération (2). Une étude a comparé la valeur pronostique de plusieurs signatures incluant ou non des
gènes liés à la prolifération. Les auteurs ont constaté
qu’aucune signature n’avait de valeur lorsque les gènes
liés à la prolifération étaient exclus (15). Par ailleurs,
selon la méta-analyse menée par P. Wirapati et al., portant sur 2 833 patientes (2), la comparaison de 9 signatures pronostiques montre une performance similaire,
>>>
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Prolifération
et cycle cellulaire
dossier
>>>
thématique
essentiellement fondée sur la détection de l’activité de
prolifération. Ces données soulignent le rôle primordial de la prolifération cellulaire dans l’évaluation du
pronostic tumoral.
bas” et “clinique haut-génomique haut”, n = 3 356),
l’évaluation génomique permettrait d’éviter 46,2 %
des chimiothérapies si l’on considère le bénéfice
de la CT dans le groupe discordant “clinique hautgénomique bas” (n = 1 550) comme négligeable (12).
Signatures moléculaires :
validation prospective
Signature à 21 gènes : essai prospectif TAILORx6
Cette étude prospective multicentrique a été menée
sur plus de 10 000 patientes atteintes d’un cancer du
sein de stade précoce, sans envahissement ganglionnaire, RH+/HER2– (19). Après réalisation d’un test
Oncotype Dx®, le schéma était le suivant : RS ≤ 10 :
HT seule ; 11 < RS < 25 : randomisation pour l’ajout de
la CT ; RS > 25 : traitement combiné (HT + CT). Seules
les données relatives au bras à faible risque (RS ≤ 10)
sont actuellement publiées : 99 % des femmes ayant
un RS bas n’ont pas présenté de récidive après 5 ans
d’HT (soit un risque de récidive inférieur à 1 %) [19].
Cette étude confirme la validité du test OncoType DX®
identifiant les patientes pouvant bénéficier d’une HT
seule.
Les signatures génomiques prédisent le risque de
rechute à 5 ans et/ou 10 ans et peuvent permettre
d’adapter la stratégie thérapeutique, notamment en
guidant le choix d’une CT adjuvante. Si toutes ces signatures ont été validées à des degrés variables dans des
études rétrospectives, seules certaines d’entre elles ont
fait l’objet d’une validation prospective.
Signature à 70 gènes : essai prospectif MINDACT
Très récemment publié (12), cet essai, mené dans
9 pays européens, a inclus 6 693 patientes atteintes
d’un cancer du sein de stade précoce (88 % RH+,
20 % pN1 et 10 % HER2+). Le pronostic a été évalué
cliniquement d’une part, et sur le plan génomique
d’autre part, avec le test MammaPrint®. Les patientes
à faible risque sur les plans génomique et clinique
(n = 2 745) n’ont pas reçu de CT ; les résultats pour ce
groupe montrent une survie sans métastase à 5 ans
de 97,6 % (12). Les patientes à haut risque clinique
et génomique (n = 1 806) ont reçu une CT ; dans
ce groupe, les résultats montrent une survie sans
métastase à 5 ans de 90,6 %. De façon prévisible, la
catégorie discordante entre risque clinique et génomique (randomisée CT contre pas de CT) montre
des taux de survie intermédiaires. Ainsi, dans les cas
discordants à “risque clinique haut-risque génomique
bas” (1 550 patientes, 23,2 %), la survie sans métastase
à 5 ans pour les patientes n’ayant pas reçu de CT
est de 94,7 % (IC95 : 92,5-96,2), contre 95,9 % (IC95 :
94-97,2 %) pour celles ayant reçu une CT (différence
de 1,5 %). Dans le groupe discordant à “risque clinique
bas-risque génomique haut” (n = 592), aucune différence significative n’est observée en termes de
survie dans le groupe randomisé CT contre pas
de CT (95,8 % contre 95 %). En termes de stratégie
(clinique contre génomique), 50 % des patientes
de l’essai sont considérées à haut risque clinique
(n = 1 806 + 1 550/6 693) et seraient susceptibles de
recevoir une CT, contre 36 % pour l’évaluation génomique (n = 1 806 + 592/6 693), ce qui, en termes de
stratégies, permettrait d’éviter une CT dans 14,3 %
des cas. Par ailleurs, dans les groupes jugés à risque
élevé sur le plan clinique (“clinique haut-génomique
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Signature à 21 gènes : essai prospectif
RxPONDER7
Commencé en 2011 et toujours ouvert aux inclusions (5 000 patientes attendues avec RS < 25), cet essai
de phase III, multicentrique, déterminera si la CT est
bénéfique en cas de tumeurs RH+/HER2– avec atteinte
ganglionnaire (pN1) et RS bas à intermédiaire. L’essai
cherche également à déterminer un seuil de RS au-delà
duquel la CT devrait être recommandée.
Signatures moléculaires : les limites
Tissu congelé ou fixé au formol ?
À l’origine, les signatures moléculaires à haut débit
(technique de microarray) ont été validées sur du
matériel tumoral congelé. En effet, l’ARN tumoral se
fragmente lors des étapes de fixation au formol et d’inclusion en paraffine des tissus. Des adaptations récentes
se sont cependant développées sur tissu fixé au formol
grâce à la méthode DASL (cDNA-mediated annealing,
selection, extension and ligation) [Illumina®] (15). Les
résultats s’avèrent comparables pour le GGI (20) et pour
MammaPrint®, avec une concordance de 96 % (21). Par
ailleurs, on peut souligner que la grande majorité des
signatures utilise la technique de qRT-PCR, bien adaptée
aux tissus fixés au formol (tableau, p. 25).
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7
Trial Assigning IndividuaLized Options for Treatment Rx.
Rx for POsitive NoDe Endocrine Responsive breast cancer.
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2017
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Classification et signatures moléculaires des cancers du sein en 2016
Comparaison des signatures entres elles
Les signatures moléculaires possèdent peu de gènes
en commun (de 0 à 45) sur les milliers analysés (13, 22).
Malgré cette absence de chevauchement, on remarque,
dans toutes les signatures, la présence de gènes impliqués dans la prolifération cellulaire (1, 13). Les différents modèles donnent des prédictions similaires en
termes de pronostic (22). Par exemple, MammaPrint® et
Oncotype DX® ont une concordance dans leurs résultats
comprise entre 77 et 81 % (22). Cette tendance reste
cependant discutée, d’autres études faisant état d’un
faible accord entre les signatures (plus de 50 % des
échantillons ayant au moins une affectation discordante) [23].
Traitements préopératoires et néo-adjuvants
De toute évidence, les traitements préopératoires et
néo-adjuvants contre-indiquent l’utilisation subséquente d’une signature moléculaire sur le reliquat
tumoral, en raison des modifications générées par le
traitement. Ainsi, une étude néo-adjuvante portant
sur 93 patientes avec une maladie résiduelle a rapporté un changement de profil pour 21 tumeurs (24).
Les auteurs supposent que le clone résistant au traitement présenterait une signature et un pronostic différents (24). Dans ce contexte, si la signature
moléculaire est nécessaire à la prise en charge, il est
recommandé d’effectuer le test sur la biopsie avant
traitement.
En situation métastatique ?
Les signatures d’expression génique sont largement
utilisées dans le cancer du sein précoce, mais leur rôle
dans la maladie métastatique est moins exploré. Il a
récemment été montré que les sous-types moléculaires, définis par la PAM50 sur matériel métastatique,
sont pronostiques de la survie après récidive (25). À
l’inverse, l’immunohistochimie, ainsi que les signatures à 21 gènes et 70 gènes, développées dans des
cohortes de cancer du sein précoce, n’ont pas montré
d’association pertinente avec la survie dans le contexte
métastatique (26).
Conclusion
La classification moléculaire des tumeurs du sein est en
constante évolution. Elle est à l’origine de nombreuses
signatures moléculaires pronostiques et prédictives qui
pourraient, en diminuant le recours à la CT, améliorer la
qualité de vie des patientes sans perte de chance. Les
résultats récents de vastes essais prospectifs valident
Cancer du sein
Classification
moléculaire
Luminal
HER2+
Basal-like
Apocrine
Claudin-low
Interferon-rich
Signature
moléculaire
Âge
Stade pTNM
Type histologique
Grade histologique
Prolifération
Marqueurs prédictifs
EP PAM50 Stem
cell
Pronostic
70
gènes CRS
GGI CYP450
HOXB13 21 Micro
IL 17BR gènes ARN
Prédiction
de la
réponse
au traitement
Choix du traitement
Figure 2. Modèle d’intégration des paramètres clinicopathologiques et moléculaires dans la
prise en charge des cancers du sein (1) : le profil des cancers du sein est évalué en premier lieu
sur les paramètres clinicopathologiques “traditionnels”. Les outils moléculaires peuvent venir
étayer l’évaluation pronostique des patientes pour guider la stratégie thérapeutique.
leur utilisation en routine. En 2016, le Référentiel des
actes innovants hors nomenclature (RIHN) a d’ailleurs
intégré dans ses remboursements les signatures d’expression génique pour un montant de 1 849,50 € dans
3 indications :
✓ évaluation de la probabilité de récidive à distance
à 10 ans (évaluation pronostique) ;
✓ évaluation du bénéfice anticipé de la CT adjuvante
(évaluation prédictive) ;
✓ classification moléculaire de la tumeur.
Les experts semblent ainsi s’accorder sur la nécessité
d’intégrer les signatures géniques dans la décision
thérapeutique, en complément des données clinicopathologiques (figure 2). Pour cela, il convient de
mieux définir les critères de prescription, pour l’instant limités à des cas restreints. Le recensement dans
une base commune de tous les tests effectués dans le
cadre des nouvelles prescriptions liées au RIHN, avec la
mise en place, notamment, d’un essai multicentrique
d’adossement au dossier d’enregistrement RIHN (l’étude
OPTIGEN-UNICANCER, randomisant les patients sur
4 différentes signatures moléculaires existantes, dont
l’ouverture est prévue en mai 2017), devrait permettre
de répondre, en France, à cette question particulièrement sensible.
■
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2017
0029_COO 29
Critères
cliniques et
pathologiques
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déclarent ne pas avoir
de liens d’intérêts.
29
13/04/2017 09:29:37
Prolifération
et cycle cellulaire
dossier
thématique
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