Les sous-types moléculaires des cancers du sein

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M ise au point
Les sous-types moléculaires des cancers du sein
Molecular subtypes of breast cancer
IP M.C. Mathieu *
L
e cancer du sein est une maladie hétérogène, dont les
classifications histologiques et cliniques actuelles ne
permettent pas de prédire totalement l’évolution. Bien
que de nombreux gènes et protéines aient été étudiés dans le
cancer du sein, actuellement seuls RE, RP et HER2 sont pris en
compte pour le choix thérapeutique. Récemment, le développement des analyses génomiques permet d’analyser simultanément l’expression de nombreux gènes (jusqu’à 25 000 gènes)
grâce aux puces à ADN ou microarrays et faire un “portrait”
de chaque tumeur (1, 2). L’analyse des résultats par les méthodes de clustering permet de regrouper les tumeurs en fonction
de leur profil d’expression génique. Ces regroupements sont le
reflet de mécanismes de corégulation des gènes.
L’étude de l’expression génique permet ainsi de proposer une
nouvelle classification dite “moléculaire” en classes ou soustypes dans le cancer du sein.
Perou et al. ont été les premiers en 2000 (3) à subdiviser les
cancers du sein en sous-groupes selon leur profil d’expression
génique. Ils ont individualisé tout d’abord deux groupes principaux en fonction de l’expression des récepteurs aux estrogènes (RE). Ils ont identifié quatre types de carcinomes en les
comparant au tissu normal : RE+/luminal, basal-like, Erb-B2
et normal-like. D’autres travaux sur différentes plates-formes
de micro-array (Affymetrix®, Agilent®), sur des séries indépendantes de cancers du sein, avec des techniques de qPCR
ou de microarray sur tissu fixé et inclus en paraffine ont validé
ces sous-types moléculaires, ce qui permet de les prendre en
compte en clinique (3-6).
Actuellement, quatre sous-types sont bien individualisés : luminal, basal, HER2+, normal. Toutefois, certains sous-types
apparaissent eux-mêmes hétérogènes et doivent être encore
mieux décrits. Pour chaque sous-classe, les marqueurs biologiques exprimés ainsi que les types histologiques des tumeurs
ont été étudiés. Ces catégories moléculaires ont des pronostics
différents ce qui apporte un intérêt majeur dans le traitement
de cancers du sein.
HISTOLOGIE DU SEIN
Pour comprendre cette classification qui se rapporte aux
constituants normaux du sein, il est nécessaire de faire un rappel concernant l’histologie du tissu mammaire normal.
Les canaux et lobules sont bordés par deux types de cellules :
 Les cellules luminales qui bordent la lumière des lobules et
des canaux expriment les cytokératines CK8/18, CK19.
 Les cellules myoépithéliales (ou basales) entourent les cellules
luminales et sont au contact de la membrane basale. Elles expriment les cytokératines CK 5/6, CK14, CK17 et des marqueurs
musculaires lisses comme l’actine musculaire lisse et p63.
Il existe aussi des cellules souches progénitrices qui peuvent
se différencier en cellule basale ou luminale. Elles sont situées
dans les canaux en faible nombre.
CARACTÉRISATION DES TYPES MOLÉCULAIRES
Basal
Figure. Schéma d’un canal mammaire.
* Département de pathologie et de biologie médicale, Institut Gustave-Roussy, 94805
Villejuif.
La Lettre du Sénologue - n ° 38 - octobre-novembre-décembre 2007
Les tumeurs de type basal ou basal-like sont caractérisées par
l’expression de gènes identiques à ceux exprimés par des lignées de cellules myoépithéliales. En immunohistochimie, ces
tumeurs expriment des marqueurs des cellules myoépithéliales (ou basales) du sein normal : l’actine musculaire lisse, les
cytokératines CK5/6, CK14, CK17.
Ce groupe est le mieux identifié par les différentes études génomiques. Les tumeurs ont un phénotype particulier et reproductible : récepteurs aux estrogènes (RE) -, HER2-, expression
d’au moins un marqueur de cellules basales (CK5/6, EGFR,
vimentine, actine musculaire lisse, c-kit) [7, 8]. Ces tumeurs
sont en majorité récepteurs à la progestérone (RP) -, présentent un taux plus élevé de mutation de p53 ; leur grade histopronostique est de III avec une activité mitotique élevée.
Les carcinomes de type basal regroupent les carcinomes de type
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Mise au point
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médullaire atypique, les carcinomes métaplasiques, la plupart
des carcinomes liés à une mutation de BRCA1 et des carcinomes canalaires infiltrants de grade III. Ce sous-type a le pronostic le plus défavorable pour la survie globale et sans rechutes. En
revanche, il est associé à un taux plus élevé de réponse complète
à une CT néoadjuvante à base d’anthracyclines (9).
Par extension, on parle de tumeurs “triple négatif” qui sont
(RE- RP- HER2-) qui comprennent un grand nombre de tumeurs de type basal. Il n’y a toutefois pas de superposition
complète entre ces deux groupes. Ces tumeurs “triple négatives” ont un pronostic particulièrement mauvais et des essais
thérapeutiques se mettent en place pour cette catégorie de tumeurs représentant moins de 15 % des tumeurs du sein.
Tableau. Caractéristiques des principaux sous-types moléculaires.
Soustype
Origine
Phénotype
Type histologique
du carcinome
Pronostic
Basal
Cellule
myoépithéliale
RE- HERCK5/6+
EGFR+
- Canalaire
de grade III
- Médullaire
- Métaplasique
Défavorable
HER2
Non connu
HER2+
CK8/18+
CK19+
- Apocrine
- Canalaire de
grades II-III
Défavorable
Luminal
Cellule
luminale
RE+ CK8/18+
CK19+
- Canalaire de
grade I
Favorable
HER2
Ce groupe est le plus souvent défini comme incluant toutes les
tumeurs HER2 + quelle que soit leur expression des récepteurs
hormonaux. Un progéniteur luminal serait à l’origine de ces
tumeurs. Leur phénotype est HER2+, CK8/18/19+. Ce groupe
comprend les tumeurs de type apocrine et des canalaires infiltrants de grades II et III. Leur pronostic est défavorable.
Luminal
Ce groupe comprend des tumeurs RE+ dont l’expression génique est proche de celle des cellules épithéliales luminales dont
le profil immunohistochimique est caractérisé par l’expression
de CK8/18 et CK19 qui comprend des tumeurs de faible grade
avec les formes histologiques particulières : cribriforme, mucineux, lobulaire et carcinomes canalaires infiltrants de grade
histopronostique I et II.
Certaines études distinguent deux groupes : luminal A avec
le pronostic le plus favorable et luminal B avec un pronostic
moins bon que celui du groupe luminal A (6).
Autres
Certaines études isolent d’autres sous-types inconstamment
identifiés.
 Baso-luminal : les tumeurs de ce groupe proviendraient d’un
progéniteur commun qui exprime des marqueurs de cellules
basales (CK5/6) et de cellules luminales (CK8/18/19).
 Normal-like : l’expression génique est proche de celle du tissu mammaire normal. Le phénotype des tumeurs de ce sous
type n’est pas décrit. Leur pronostic est intermédiaire.
Il reste environ 10 à 15 % de tumeurs inclassées n’appartenant
pas aux groupes précédemment décrits.
Certains sous-types sont eux-mêmes hétérogènes tels que les
sous-types luminal A (hétérogénéité des tumeurs ER+), basal
(p53 +/- ; BRCA1) et HER2 (ER +/-) et des analyses plus approfondies permettront d’améliorer cette classification.
CONCLUSION
Ces sous-types moléculaires représentent des entités biologiques distinctes, pour lesquelles on peut envisager dès maintenant la mise en route d’essais thérapeutiques, particulièrement pour les groupes de tumeurs les mieux définis tels que le
groupe de type basal.
n
Références bibliographiques
1. Boutet G, Mathieu MC. De la signature génomique aux applications
pratiques. La Lettre du Sénologue 2005;28:5-23.
2. Puztai L, Mazouni C, Anderson K et al. Molecular classification of
breast cancer: limitations and potential. Oncologist 2006;11:868-77.
3. Perou CM, Sorlie T, Eisen MB et al. Molecular portraits of human
breast tumours. Nature 2000;406:747-52.
4. Van’t Veer LJ, Dal H, van de Vijver MJ et al. Gene expression profiling
predicts clinical outcome of breast cancer. Nature 2002;415:530-6.
5. de Vijver MJ, He Y, Van’t Veer LJ et al. A gene-expression signature
as a predictor of survival in breast cancer. N Engl J Med 2002;347:19992009.
6. Sorlie T, Tibshirani R, Parker J et al. Repeated observation of breast
tumor subtypes in independant gene expression data sets. Proc Natl
Acad Sci 2003;100:8418-23.
7. Nielsen TO, Hsu FD, Jensen K et al. Immunohistochemical and clinical characterization of the basal-like subtype of invasive breast carcinoma. Clin Cancer Res 2004;10:5367-74.
8. Livasy CA, Karaca G, Nanda R et al. Phenotypic evaluation of the basal-like subtype of invasive breast carcinoma. Mod Pathol 2006;19:26471.
9. Rouzier R, Perou CM, Symmans WF et al. Breast cancer molecular
subtypes respond differently to preoperative chemotherapy. Clin Cancer
Res 2005;11:5678-85.
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