Brochure de Bernard Büttiker et Cecilia Moresi

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Centre de conservation de la
faune et de la nature
Service des forêts, de la faune et de la nature
Inspection de la pêche
Chemin du Marquisat 1
1025 St-Sulpice
St
[email protected]
www.dse.vd.ch – T 021 557 86 30 – F 021 557 86 50
espèces, répartition, protection
Bernard Büttiker et Cecilia Moresi
avec la collaboration des
gardes-pêche permanents du canton de Vaud
Saint-Sulpice, juillet 2008
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Les écrevisses du canton de Vaud
Les écrevisses sont des crustacés d’eau douce, appartenant à l’ordre des
Décapodes (crustacés à 5 paires de pattes, comme par exemple les crabes et le homard). Quatre paires de pattes leur servent à la locomotion et
une paire est munie des pinces caractéristiques. Les écrevisses étaient
autrefois répandues dans une grande partie des ruisseaux, rivières et
lacs européens. Bien qu’assez grandes, les écrevisses constituent des
éléments discrets et largement méconnus de notre faune.
Les lacs, étangs et cours d’eau du Plateau suisse abritent trois espèces
d’écrevisses indigènes. Jusqu’au milieu du 19e siècle, ces animaux
étaient abondants et très appréciés pour leur chair.
Deux espèces, l’écrevisse à pattes blanches (Austropotamobius pallipes)
et l’écrevisse à pattes rouges (Astacus astacus) étaient encore bien présentes dans les eaux vaudoises au début du 20e siècle. La troisième cependant, l’écrevisse des torrents (Austropotamobius torrentium), n’a jamais fait partie de la faune vaudoise. Son aire de répartition naturelle se
situe en effet à l’est de la Reuss, où elle remplace l’écrevisse à pattes
blanches.
Les trois espèces ont aujourd’hui fortement régressé et leurs effectifs sont
menacés sur l’ensemble du territoire suisse. Si rien n’est entrepris, les
écrevisses indigènes risquent de disparaître ou d’être remplacées par des
espèces allochtones (espèces ne faisant pas partie de la faune naturelle
du pays) dans l’indifférence générale.
Ce document est destiné à informer et sensibiliser le
public aux particularités des écrevisses du canton de
Vaud.
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Les espèces
La détermination des espèces d’écrevisses est parfois difficile. En effet,
la taille, la coloration et l’aspect peuvent considérablement varier d’un individu à l’autre. Les descriptions ci-dessous s’appliquent donc à des individus typiques.
Aspect général (exemple : écrevisse à pattes blanches).
A gauche, face dorsale ; à droite, face ventrale d’un mâle.
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Le rostre, les pinces et le thorax permettent de distinguer les espèces.
Voici quelques signes distinctifs.
Ecrevisse à pattes Ecrevisse à pattes
rouges
blanches
Ecrevisse à pattes
grêles
Ecrevisse signal, thorax et pince
Légende :
crêtes postorbitales doubles
crêtes postorbitales simples
Ecrevisse américaine
épines cervicales présentes
épines cervicales absentes
taches foncées sur l’abdomen
marque blanche/bleutée sur chaque pince
rostre long
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L’Ecrevisse à pattes blanches (Austropotamobius pallipes) ne dépasse
en général guère les 12 cm (mesurée de la pointe du rostre à l’extrémité
de la queue) pour un poids de quelque 90 g. Dans le canton de Vaud, on
ne la rencontre en général que dans des cours d’eau. Bien qu’encore
présente dans de nombreux ruisseaux, l’aire de répartition de l’écrevisse
à pattes blanches a fortement régressé et l’espèce s’est souvent retirée
jusque dans les têtes de bassin. L’espèce est rendue plus vulnérable par
cette répartition discontinue, comprenant plusieurs populations dont les
effectifs sont affaiblis.
Au début du 20e siècle, une population lacustre importante d’écrevisses à
pattes blanches aurait vécu dans le Léman, alors que dans le lac de Neuchâtel, certains individus étaient capturés près des embouchures seulement.
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Distribution de l’écrevisse à pattes blanches dans les cours d’eau du canton de Vaud, selon l’atlas des poissons et des écrevisses du canton de
Vaud (simplifié).
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L’Ecrevisse à pattes rouges (Astacus astacus) est plus grande que la
précédente, puisqu’elle atteint normalement 15, voire même 20 cm de
longueur pour un poids de 350 g pour les exemplaires les plus vieux. Elle
est la plus grande des trois espèces indigènes de Suisse. Sa coloration
est vert-brun, ses pinces massives. Son nom provient du fait que ses pattes et ses pinces sont rouges, surtout sur la face inférieure.
Dans le canton de Vaud, on la rencontre aujourd’hui dans plusieurs
étangs, pratiquement jamais dans les rivières et les ruisseaux. Par le
passé, l’espèce se trouvait également dans certains lacs, notamment
dans le lac de Bret et probablement très localement dans le Léman. Malheureusement, l’introduction « sauvage » d’écrevisses américaines ou
signal dans certaines de ces eaux anéantit aujourd’hui tout espoir d’y voir
survivre l’espèce indigène.
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L'Ecrevisse à pattes grêles (Astacus leptodactylus) atteint facilement
les 20 cm et un poids de quelque 300 g. Sa couleur porte sur le vert olive,
ses pinces sont étroites et longues. Originaire de l'Europe orientale, elle a
été introduite massivement en Europe occidentale dès le début du XXe
siècle et se retrouve actuellement sur l’ensemble du territoire européen.
Dans le Canton de Vaud on la trouve dans certains étangs et plans d'eau,
mais elle est en forte régression dans les lacs de Neuchâtel et Léman,
probablement à cause de la présence d’espèces américaines.
L'Ecrevisse américaine (Orconectes limosus) est de taille relativement
modeste, dans les 12 cm. Elle porte une robe sombre avec des taches
foncées sur l'abdomen. Les pinces sont petites et massives, jaunâtres en
face ventrale. Comme le nom l'indique, cette écrevisse est originaire des
Etats-Unis. Elle a été introduite dans la seconde moitié du XIX siècle en
Europe. Elle colonise principalement les plans d'eau, mais également des
cours d'eau de plaine. C'est une espèce résistante aux pollutions et souvent porteuse saine de la peste. Elle est nombreuse dans les lacs Léman
et de Neuchâtel.
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L'Ecrevisse signal (Pacifastacus liniusculus) est de couleur brune orangée et de grande taille, puisqu’elle peut dépasser les 20 cm. Elle porte
des pinces larges et massives de couleur rouge en dessous et une tache
(signal) blanchâtre ou bleutée sur l'articulation des pinces. Cette écrevisse originaire de Californie se propage rapidement dès les années 1960
dans tous les pays d'Europe. Dans le Canton de Vaud, on la trouve pour
l’instant essentiellement dans le Léman, d’où elle colonise également certains affluents, ainsi que dans les lacs de Joux, Brenet et Ter. Par sa capacité d'adaptation, sa bonne résistance aux pollutions et étant souvent
porteuse saine de la peste des écrevisses, elle constitue, en raison de sa
progression sur le territoire, une sérieuse menace pour nos espèces indigènes.
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L'Ecrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii) reste assez petite, dans
les 12 cm. Elle porte une robe rouge et noire. Ses pinces sont étroites et
effilées et d'apparence granuleuse. Originaire des Etats-Unis, elle est importée en Europe depuis les années 1970 et est apparue en Suisse (canton de Zurich) vers 1995. Dans le Canton de Vaud, elle a été observée
pour la première fois en 2007 dans un étang de la région lausannoise.
Tous les efforts ont été déployés afin d'essayer de limiter son extension,
car elle peut parfaitement s’adapter aux eaux de notre région. Son expansion dans le canton ou hors du canton risque de s’avérer particulièrement dommageable. L’écrevisse de Louisiane creuse en effet de profonds
terriers dans les berges, ce qui peut les déstabiliser, et elle est susceptible de provoquer d'importants déséquilibres biologiques. Elle est par ailleurs capable de résister à des conditions très difficiles telles que le manque d'oxygène, la sécheresse et les eaux très polluées.
Les législations fédérale et cantonale fixent le statut des espèces
d’écrevisses dans les eaux suisses et règle les principes d’exploitation,
de gestion et de conservation des espèces indigènes et de leurs biotopes.
La loi fédérale du 21 juin 1991 sur la pêche (LFSP) s’applique aux
poissons et aux écrevisses. Elle a pour but de préserver ou d’accroître
leur diversité naturelle et leur abondance ainsi que de protéger,
d’améliorer ou, si possible, de reconstituer leurs biotopes. Elle a également pour but de protéger les espèces menacées. Selon l’art. 16 LFSP,
l’importation ou l’introduction sans autorisation d’espèces, de variétés ou
de races de poissons ou d’écrevisses est considérée comme délit, passible d’arrêt si cet acte est commis intentionnellement, d’arrêt ou
d’amende s’il est commis par négligence.
L’ordonnance du 24 novembre 1993 relative à la loi fédérale sur la
pêche (OLFP) précise que les cantons doivent veiller à ce que le repeuplement par des poissons ou des écrevisses ne contribue pas à la propagation d’épizooties.
La loi cantonale sur la pêche du 29 novembre 1978 (LPêche), les
dispositions d’application qui en découlent, ainsi que le droit international
(lac Léman) et intercantonal (lac Léman, de Neuchâtel de Morat) sur la
pêche précisent les principes du droit fédéral cités ci-dessus, dont
l’application revient aux autorités cantonales.
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Ecologie et mode de vie
L’activité de nos écrevisses est principalement nocturne. Les espèces
indigènes ont besoin de milieux naturels restés pour l’essentiel intactes,
leur offrant la possibilité de creuser des terriers qui leur servent de refuge
pendant la journée ou durant la période hivernale. Dans les cours d’eau,
ces conditions sont réunies dans les parcours non corrigés ou endigués,
où les écrevisses peuvent trouver leurs abris dans les sous-berges et entre les racines du cordon boisé.
L’alimentation des écrevisses est variée (les écrevisses sont « omnivores »). Leur nourriture se compose de plantes et de proies animales. Du
fait qu’elles mangent également des détritus, y compris les cadavres
d’animaux aquatiques, les écrevisses sont considérées jouer un rôle important d’agents de la « voirie des eaux ». Dans les étangs, les écrevisses à pattes rouges peuvent par ailleurs significativement diminuer la
densité des plantes aquatiques et ainsi contribuer à maintenir des espaces d’eau libre. Par ailleurs, les détritus de plantes, notamment les feuilles
des arbres tombées dans les cours d’eau en automne, semblent constituer une nourriture indispensable à leur bien-être.
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Le cannibalisme et les combats jouent un rôle régulateur important.
Ces comportements sont en effet susceptibles d’ajuster la densité de la
population d’écrevisses lorsqu’elle est trop élevée. Juste après la mue,
les écrevisses y sont particulièrement vulnérables, leur nouvelle carapace
n’étant pas encore durcie. Elles sont alors incapables de se défendre si
elles n’ont pas la possibilité de se retirer dans un abri protecteur. Le nombre de combats dépend de la densité du peuplement d’écrevisses. Ils interviennent surtout en période de reproduction et entraînant souvent la
perte des pinces ou de pattes. Les membres perdus peuvent régénérer,
mais les nouvelles pinces restent en général plus petites que les pinces
originales et leur coloration est en général moins vive.
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La croissance des écrevisses ne peut se faire que par l’abandon de la
carapace très rigide, c’est-à-dire par la mue. La nouvelle carapace est
molle et met un certain temps avant de se durcir. L’écrevisse ne peut
s’allonger que pendant cet intervalle, avant que la nouvelle carapace ne
se fige, adoptant les nouvelles dimensions de l’animal. Les petites écrevisses muent en général deux fois avant le mois de septembre, puis 5 fois
la deuxième année et une à deux fois les années suivantes. La croissance varie d’une espèce à l’autre et les mâles grandissent plus vite que les
femelles. Chez une même espèce, les caractéristiques du biotope influencent également la croissance. L’écrevisse à pattes rouges atteint
ainsi environ 4 cm à un an, 6 cm à 2 ans et 8 cm à 3 ans, mais lorsque
les conditions sont favorables, elle peut même atteindre une taille de 10
cm à 3 ans. L’écrevisse à pattes blanches grandit plus lentement.
Le sexe des écrevisses est bien reconnaissable : la femelle possède cinq
paires d’appendices, sous l’abdomen, les « pléopodes ». Chez le mâle,
la première et la seconde paire sont modifiées pour constituer un organe
copulateur, dont la forme est différente d’une espèce à l’autre. Cette spécificité empêche l’accouplement entre individus de différentes espèces et
donc l’hybridation.
L’accouplement des écrevisses indigènes se fait en octobre et novembre. Le mâle retourne la femelle sur le dos et lui applique un paquet de
sperme (appelé « spermatophore ») entre les pattes à l’aide de son organe copulateur. La ponte a lieu quelques semaines plus tard. Les œufs fécondés se développent sous l’abdomen de la femelle, accrochés aux appendices abdominaux. On dit alors que l’écrevisse est « grainée ».
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La femelle reste la plupart du temps terrée dans son abri durant l’hiver.
Après l’éclosion, qui a lieu en mai ou début juin, les larves restent encore
à l’abri de leur mère jusqu’au mois de juillet.
Selon la bibliographie, la période de reproduction des écrevisses allochtones est à peu près similaire à celle des espèces indigènes. Pourtant,
dans le Léman, nous avons pu observer à plusieurs reprises des accouplements en plein hiver d’écrevisses américaines (Orconectes limosus),
par exemple le 16 février 2006 de même qu’en janvier et février 2008.
Quant à l’écrevisse de Louisiane, il arrive qu’elle se reproduise deux fois
par année lorsque les conditions lui sont favorables.
Les principaux prédateurs des écrevisses se comptent parmi les poissons, par exemple la perche et la truite, ainsi que plusieurs espèces
d’oiseaux piscivores. Les introductions de truites dans certains petits
cours d’eau qui n’étaient pas naturellement peuplés par cette espèce,
pourraient donc avoir contribué localement à décimer l’écrevisse à pattes
blanches. Parmi les prédateurs dans les eaux calmes, la palme revient à
l’anguille, qui est capable de rechercher les écrevisses jusqu’au fond de
leurs abris.
Certains insectes aquatiques, tels que les larves de libellules, peuvent
également infliger des pertes importantes chez les jeunes écrevisses.
Les parasites et les maladies qui affectent les écrevisses sont nombreux. Certaines affections peuvent entraîner une mortalité importante.
C’est notamment le cas de la « peste des écrevisses » (ou « aphanomycose »), dont l’agent pathogène est un champignon (Aphanomyces astaci). Très contagieuse, elle est susceptible d’infecter toutes les écrevisses,
mais les espèces de provenance américaine lui résistent et peuvent donc
en être porteuses tout en restant en vie (on parle alors de « porteurs
sains »). Importée d’Amérique du nord en Europe au 19e siècle avec
l’écrevisse américaine, l’aphanomycose s’est répandue de manière épidémique sur le continent, causant partout et en quelques décennies des
pertes très importantes parmi les populations d’écrevisses indigènes.
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Statut et menaces
Les deux espèces d’écrevisses indigènes ont fortement régressé sur le
territoire vaudois au cours des 100 à 150 dernières années. Selon
l’annexe 1 de l’ordonnance relative à la loi fédérale sur la pêche,
l’écrevisse à pattes rouges est « menacée » et l’écrevisse à pattes blanches est « fortement menacée ».
Cette régression s’explique principalement pour les raisons suivantes :
 La peste des écrevisses (« l’aphanomycose ») décrite ci-dessus s’est
développée de manière épidémique au 19e et au début du 20e siècle.
Les effectifs en ont souffert dans toute l’Europe. Aujourd’hui encore,
les espèces européennes sont gravement menacées par la peste. Elles ne peuvent pas vivre en présence d’espèces américaines porteuses de la maladie. La contagion peut même se faire par l’intermédiaire
d’ustensiles (bottes, filoches etc.) utilisés en présence d’écrevisses
malades ou porteuses de la peste.
 Les écrevisses allochtones (non indigènes) déjà introduites dans notre pays, notamment les espèces de provenance américaine, ont tendance à être invasives. Vecteurs de la peste, elles prennent vite le
dessus sur les espèces indigènes, qui se retrouvent retranchées dans
les eaux non encore colonisées par les envahisseurs. Leur expansion
se fait partiellement par migration, souvent aussi par les humains qui
les déplacent par ignorance, parfois aussi par malveillance.
Parmi les espèces allochtones, l’écrevisse américaine se tient de préférence dans les lacs et les étangs, parfois aussi dans certaines grandes rivières. Elle laisse ainsi une chance aux écrevisses indigènes de
subsister dans les cours d’eau. L’écrevisse signal par contre, apparue
dans le Léman dès les années 1980, est capable de remonter dans les
affluents. On constate cette colonisation progressive dans les cours inférieurs de quelques grands affluents lémaniques, par exemple dans la
Promenthouse, la Morges, la Dullive et même des petits cours d’eau.
Sa progression est ralentie par des chutes infranchissables.
L’extension de la répartition de l’écrevisse de Louisiane ou l’apparition
de nouvelles espèces allochtones, telle que le Yabby australien (Cherax destructor), déjà importé en Suisse à des fins gastronomiques et
dont un seul exemplaire a été pour l’instant constaté dans la nature,
aurait des conséquences écologiques désastreuses.
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Protection contre les écrevisses invasives
Pour conserver les écrevisses à pattes blanches de manière efficace, la
création de zones protégées constitue une mesure prometteuse. Ces
zones comprendront de petits cours d’eau naturels favorables à cette espèce et qui lui serviront de refuge.
La protection des écrevisses devra être prioritaire dans les zones protégées. Il s’agira d’y conserver ou de restaurer un milieu naturel propice et
d’appliquer certaines mesures particulières telles que le renoncement à
tout repeuplement de poissons.
La dégradation de l’environnement aquatique observée durant le 20e
siècle et qui s’est accéléré après la seconde guerre mondiale constitue
une autre cause importante de la disparition de populations d’écrevisses.
Plusieurs secteurs des cours inférieurs des rivières ont été corrigés ou
endigués et de nombreux petits ruisseaux ont été mis sous tuyau. Les
stations d’épuration ont certes permis d’améliorer sensiblement la qualité
chimique des rivières, mais la pollution diffuse par des micropolluants
(substances toxiques présentes en faible concentration, telles que les
pesticides, certains diluants et produits désinfectants) persiste. Elle a tendance à s’accentuer d’amont en aval. Ces polluants sont acheminés vers
les eaux à partir de terrains agricoles ainsi que de zones industrielles ou
artisanales. Les pollutions ponctuelles accidentelles par des pesticides ne
sont souvent pas décelées, puisqu’elles n’affectent que les animaux invertébrés, dont les écrevisses, mais ne cause aucune mortalité immédiate
chez les poissons.
Les passes à poissons – voie libre pour les écrevisses invasives ?
Doit-on encore aménager des passes à poissons sur les seuils et barrages artificiels, destinées à favoriser la migration des poissons ? Ne faudrait-il pas plutôt maintenir ces obstacles infranchissables afin
d’empêcher ou de ralentir l’expansion de l’écrevisse signal ?
Le service vaudois de la pêche entend poursuivre sa politique en ce qui
concerne la migration piscicole, considérée comme prioritaire dans la
plupart des cas. Le maintien de certains obstacles piscicoles pourra toutefois être envisagé s’il s’agit d’éviter que la truite puisse accéder aux zones de protection des écrevisses.
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Mesures de protection (quelques exemples)
Outre les précautions particulières exigées au cas par cas, citons trois
mesures particulières qui ont dû être prises dans le canton :
 Un étang de la région lausannoise abrite depuis 2007 une petite population d’écrevisses de Louisiane (Procambarus clarkii), espèce
jusqu’ici inconnue dans le canton. Cette présence est particulièrement
inquiétante du fait que l’étang se situe près du Léman. Suite à une observation du site et de ses environs, il a été décidé de curer et nettoyer
l’étang. Le coût relativement important de cette opération est supporté
par l’Etat de Vaud, la commune de Lausanne et la Confédération. Le
succès de cette intervention locale n’est toutefois pas garanti, car on
ne sait pas si elle permettra de détruire tous les individus, certaines
écrevisses ayant éventuellement déjà émigré vers le Léman.
 La Morges abrite encore une belle population d’écrevisses à pattes
blanches, en principe bien protégée de l’immigration d’écrevisses allochtones par une chute située dans sa partie inférieure. Pourtant, la
présence d’écrevisses signal introduites par des inconnus a été constatée en amont de cette chute en 2005. L’inspection cantonale de la
pêche, avec l’aide de la Société vaudoise des pêcheurs en rivière
(SVPR), a mis sur pied un programme pour les éliminer ou du moins
limiter leur expansion. La Confédération soutient financièrement cette
action, qui devrait permettre d’acquérir de l’expérience dans ce type
d’intervention.
 Le Léman abrite pour l’essentiel deux espèces allochtones invasives,
l’écrevisse américaine (Orconectes limosus) et l’écrevisse signal (Pacifastacus leniusculus). Vu que la pêche en est autorisée, il existe un
risque important de propagation de ces espèces dans des eaux où elles n’existent pas encore. Les deux dispositions suivantes ont été arrêtées pour diminuer ce risque :
 Les pêcheurs de loisir n’ont pas l’autorisation de transporter les
écrevisses vivantes hors du plan d’eau. Ils doivent donc les tuer
avant de quitter leur bateau.
 les pêcheurs professionnels ne peuvent commercialiser les écrevisses vivantes que par l’intermédiaire d’une filière qui présente toutes
les garanties nécessaires contre leur propagation. Dans le canton
de Vaud, les autorisations ne sont délivrées que pour la livraison
d’écrevisses dans des restaurants. Ces restaurants ont l’obligation
d’utiliser ces animaux que pour leur propre besoin et ne peuvent les
remettre en aucun cas vivantes à des tiers.
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Par ces mesures contraignantes, on espère pouvoir contenir la propagation des deux espèces américaines présentes dans le Léman.
 La restauration de peuplements disparus d’écrevisses indigènes
dans des cours d’eau et des étangs se fait, lorsque l’opportunité se
présente, à partir de peuplements situés dans la région. Les suivis réalisés par les gardes-pêche ont montré que plusieurs réintroductions
se soldent par un succès.
Bilan
Les deux espèces d’écrevisses indigènes du canton de Vaud, l’écrevisse
à pattes blanches et l’écrevisse à pattes rouges, bien qu’encore présentes dans plusieurs sites, ont fortement régressé et le risque de devoir les
rayer de la liste des espèces du canton subsiste plus que jamais.
Les écrevisses indigènes sont menacées essentiellement par les espèces
introduites d’écrevisses et de poissons, par la qualité physique et chimique des cours d’eau et probablement aussi par le repeuplement piscicole
de certains ruisseaux. Pour améliorer leur condition, il est donc indispen-
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sable de protéger leur espace vital et de leur permettre de reconquérir les
espaces perdus.
La sensibilisation du public à la problématique de la conservation et de
la gestion des écrevisses fait partie des préoccupations de l’inspection de
la pêche. La presse et les milieux de la pêche sont couramment renseignés lorsque des faits nouveaux susceptibles d’intéresser le public surviennent. Il importe que le public soit conscient et se sente responsable
des enjeux de la conservation des écrevisses indigènes. En effet, capturer des écrevisses américaines au bord d’un lac pour les observer à la
maison et les relâcher ensuite, paraît être un acte bien anodin. Peu de
gens sont conscients que cela peut entraîner la disparition d’une population entière d’écrevisses dans le milieu où elles sont relâchées.
La présente brochure s’inscrit dans cette démarche d’information.
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Vous souhaitez en savoir plus ?
Stucki, P. et Zaugg, B. : Decapoda. Fauna Helvetica 15. Centre suisse de
cartographie de la Faune, Schweizerische Entomologische
Gesellschaft – ISBN 2-88414-027-1 (Neuchâtel, 2005).
Arrignon, J. : L’écrevisse et son élevage. Coll. Aquaculture-pisciculture, 4e
Ed. (Lavoisier, 2004).
Imprimé sur papier recyclé
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