Masses intracardiaques : ne pas se fier aux apparences

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Masses intracardiaques :
ne pas se fier aux apparences !
F. Raoux*
OBSERVATION
Nous rap p o rtons ici le cas d’une masse cardiaque intra - at riale
ga u che dont l’évolution a permis d’en déterminer la nat u re exacte.
Mme S. , 60 ans, a comme principal antécédent extracard i o l ogique une transplantation rénale sur une polykystose hépatorénale, datant d’il y a 2 ans.
Sur le plan cardiologique, elle présente une hypertension artérielle ancienne compliquée d’arythmie complète par fibrillation
auriculaire depuis 1999, associée à une dilatation atriale gauche
importante.
En plus de ses traitements immunosuppresseurs, elle prend des
anticoagulants oraux (fluindione : 1 comprimé par jour), avec un
équilibre d’INR imparfait (INR 1,5 à l’entrée).
Une éch o c a rdiographie transthoracique a été réalisée 6 mois
a u p a ravant et n’a re t rouvé qu’une dilat ation at riale ga u che importante.
Dans le cadre d’un bilan systématique précédant une chirurgie
de parathyroïdectomie, une nouvelle échocardiographie est réalisée.
Elle met en évidence une masse volumineuse dans l’ore i l l e t t e
gauche, non prolabante, hétérogène, quasi sphérique (34 mm x
31 mm x 32 mm), circonscrite, avec quelques éléments mobiles
filamenteux à sa surface, mobile, mais retenue par un pédicule
accolé au septum interauriculaire (figures 1 a, b et c).
L’image rie tra n s t h o racique est alors complétée par une éch oc a rd i ographie tra n s œ s o p h agi e n n e, mais la pro c é d u re est compliquée d’un déficit neuro l ogique fugace et totalement régre ssif en quelques minutes, attribué à un accident ischémique
t ra n s i t o i re.
Un diagnostic de tumeur bénigne at riale ga u che (myxome) est
alors suspecté, et la patiente est transférée pour avis chirurgical.
Devant la fo rm ation rapide de cette masse (moins de 6 mois),
l’ACFA ch ro n i q u e, et devant l’absence d’anticoag u l ation efficace, il est décidé d’instaurer d’abord un traitement anticoagulant efficace par héparine de bas poids moléculaire associé à de
l’aspirine, sous contrôle échocardiographique quotidien.
* Institut de cardiologie, CHU de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
La Lettre du Cardiologue - n° 377 - septembre 2004
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b
c
Figures 1a et b. Volumineuse masse atriale gauche en coupe parasternale grand axe (à gauche) et parasternale petit axe (à droite).
Figure 1c. Volumineuse masse at riale ga u che en coupe apicale 4 cavités.
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L’évolution est alors favorabl e, avec une régression rapide et
p resque complète de la masse, confirmant sa nat u re thro m b otique (figures 2 a, b et c).
COMMENTAIRE
Cet exemple illustre bien la difficulté de déterm i n e r, en échocardiographie, la nature exacte d’une masse intracavitaire cardiaque.
Échograp h i q u e m e n t , le myxome est une masse bien circ o n s c ri t e,
mobile, au contour régulier, attachée à la paroi (le plus souvent
sur le septum interat rial) par un pédicule plus ou moins large.
Cette masse est souvent hétérogène (comportant des zones calcifiées ou nécrosées) et volumineuse, et présente un fort potentiel emboligène.
On parle de myxome prolabant lorsque la masse va venir s’enchâsser à chaque diastole ventriculaire dans l’orifice mitral, et de
myxome non prolabant lorsque la masse est limitée à la cavité
atriale.
Classiquement, le myxome siège préférentiellement dans
l’oreillette gauche (75 % des cas), plus rarement dans l’oreillette
droite (20 % des cas).
Les myxomes intraventriculaires sont exceptionnels et se rattachent souvent à une maladie polyendocrinienne.
Le principal diagnostic différentiel est le thrombus sphérique du
corps de l’oreillette (on parle également de “ball thrombus” l o rsqu’il est mobile, non adhérent aux parois), et, bien souvent, le
diagnostic est porté sur la pièce anatomique pendant ou après la
chirurgie.
É ch ographiquement, il s’agit d’une masse souvent hyperé ch og è n e, assez homog è n e, d’aspect granité, bien circonscrite
également (le thrombus se moule contre les parois de
l ’ o reillette).
Devant une telle masse, l’attention doit être attirée par le
contexte clinique et un terrain prédisposant à une anomalie
thrombotique.
Ainsi, chez les patients présentant une pathologie thrombogène
(néoplasie, trouble de l’hémostase, maladie auto-immune, etc.)
ou une anomalie cardiaque facilitant la stase sanguine (dilatation
at ri a l e,ACFA, cardiomyo p athie dilat é e, bas débit cardiaque,etc.),
la présence d’une masse intra c av i t a i re doit fa i re évoquer un
thrombus en premier lieu.
L’un des éléments clefs à re ch e rcher reste une éch o c a rd i ograp h i e
récente ne retrouvant pas de masse.
En effet, la formation d’un myxome de cette taille peut prendre
plusieurs mois, voire plusieurs années ; le thrombus se formera
généralement en quelques jours.
En cas de doute et d’absence d’élément imposant une prise en
ch a rge ch i ru rgicale en urgence (encl ave m e n t , retentissement
hémodynamique lié à un obstacle au passage du sang, mobilité
sans attache avec risque de migration, etc.), un test par anticoagulant et antiagrégant plaquettaire peut être tenté, mais, dans ce
cas, la régression de la masse doit être rapide (l’évaluation échographique quotidienne est souhaitable).
Le diagnostic de thrombus peut alors être affi rmé lors de la régre ssion rapide de la masse.
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Figure 2a. Évolutivité du thrombus de J1 à J15, coupe parasternale grand axe.
La Lettre du Cardiologue - n° 377 - septembre 2004
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Figure 2c. Évolutivité du thrombus de J1 à J15, coupe parasternale petit axe.
CONCLUSION
Figure 2b. Évolutivité du thrombus de J1 à J15, coupe parasternale petit axe.
La Lettre du Cardiologue - n° 377 - septembre 2004
La détection échographique d’une masse volumineuse dans les
cavités cardiaques ayant les caractéristiques d’un myxome doit
t o u j o u rs être rat t a chée au contexte clinique afin de s’assurer qu’il
ne s’agit pas d’un thrombus.
En cas de doute et d’absence d’élément imposant une prise en
ch a rge ch i ru rgicale rap i d e, un test thérapeutique par des anticoagulants et antiagrégants plaquettaires peut être utile.
Un contrôle éch o c a rd i ographique quotidien est indispensable
pour voir s’il s’agit d’un thrombus ; la masse doit alors régresser en quelques jours.
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