Institut de Formation en Masso-Kinésithérapie de Rennes L`intérêt

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Institut de Formation en Masso-Kinésithérapie de Rennes
L'intérêt du travail excentrique dans la rééducation
des lésions myo-aponévrotiques
Mathieu PANELAY
Année 2010
Selon le code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle faite
sans le consentement de l'auteur est illicite.
Ministère de la Santé et des sports
Région Bretagne
Institut de Formation en Masso-Kinésithérapie de Rennes
L'intérêt de travail excentrique dans la rééducation des
lésions myo-aponévrotiques
Travail personnel présenté par:
Mathieu PANELAY
en vue de l'obtention de Diplôme d'Etat
Année 2010
Sommaire
Résumé
Introduction.........................................................................................................................1
I. Présentation du cas clinique......................................................................................2
I. 1. Circonstances d'apparition.................................................................................3
I. 2. Bilans kinésithérapiques réalisés à J+6.............................................................3
II. Anatomie et physiologie du muscle strié squelettique....................................6
II. 1. Rappels anatomiques d'une fibre musculaire.................................................6
II. 2. La jonction myo-conjonctive............................................................................6
II. 3. Physiologie de la contraction musculaire.........................................................7
II. 4. La théorie du filament glissant.........................................................................7
III. Le travail excentrique..............................................................................................9
III. 1. Définition du travail excentrique....................................................................9
III. 2. Les différences entre le mode excentrique et le mode concentrique............9
IV. Les effets du travail excentrique sur le muscle..............................................10
IV. 1. Les douleurs post effort (DOMS)..................................................................10
IV. 2. Les lésions musculaires graves.......................................................................11
IV. 3. Le renforcement musculaire...........................................................................11
IV. 4. Travail excentrique et lésions tendineuses....................................................12
V. La lésion myo-aponévrotique.................................................................................14
V. 1. Définition de la lésion myo-aponévrotique.....................................................14
V. 2. Les sièges de la lésion myo-aponévrotique.....................................................14
V. 3. Pathomécanique de survenue d'une lésion myo-aponévrotique...................15
V. 3. 1) Le mouvement excentrique................................................................15
V. 3. 2) L'overstretching..................................................................................15
V. 4. La cicatrisation de la jonction myo-conjonctive............................................16
V. 4. 1) La régénération musculaire................................................................16
V. 4. 2) La cicatrisation conjonctive................................................................17
V. 4. 3) La cicatrisation de l'interface myo-conjonctive..................................17
V. 5. Les phases de la cicatrisation...........................................................................17
V. 5. 1) La phase inflammatoire......................................................................17
V. 5. 2) La phase proliférative avec développement de tissu cicatriciel.........18
V. 5. 3) La phase de différenciation avec maturation cellulaire......................19
V. 6. Les facteurs indispensables à la cicatrisation................................................19
V. 6. 1) La vascularisation...............................................................................19
V. 6. 2) L'innervation.......................................................................................19
V. 6. 3) La traction...........................................................................................20
VI. Discussion....................................................................................................................21
VII. Conclusion.................................................................................................................25
Bibliographie.........................................................................................................................
Annexes...................................................................................................................................
Résumé
Ce travail présente une étude documentaire sur le mode de contraction excentrique du
muscle dans la rééducation d'une lésion musculaire, ou myo-aponévrotique. Il cherche à
comprendre les intérêts de ce type de travail musculaire dans la prise en charge thérapeutique après
blessure chez les sportifs. Le travail excentrique est une contraction musculaire qui éloigne les
points d'insertion du muscle. Dans la théorie on retrouve que le travail excentrique permet d'obtenir
une bonne qualité de cicatrisation de la zone lésée grâce entre autre à l'activation des cellules
satellites, à l'augmentation de la quantité de protéines de liaison et à l'augmentation des limites de
résistance aux contraintes futures. Il permet une diminution du taux de récidive des accidents
musculaires. Dans la pratique professionnelle que j'ai pu recenser, on peut voir que les
kinésithérapeutes du milieu sportif sont renseignés et connaissent ces avantages afin d'ajuster leur
rééducation au patient avec un objectif d'efficience.
Mots clés: travail excentrique/frénateur, lésion musculaire,cicatrisation, résistance, rééducation
thérapeutique
Keywords: eccentric/negative work, muscle damage, healing, tolerance, rehabilitation therapy
Introduction
Les lésions musculaires, ou myo-aponévrotiques, sont fréquentes dans le milieu sportif
professionnel ou amateur. Chez les footballeurs professionnels ces lésions occupent 34% des
accidents contre seulement 4% pour les lésions tendineuses[28]. Les lésions des ischio-jambiers
représentent 50% de ces accidents chez les coureurs et 40% chez les footballeurs. Les traumatismes
du muscle provoquent au niveau des cellules des lésions dont l'importance détermine leur
classification en différents stades, du stade 0 au stade 4 selon la plus récente, celle de
RODINEAU[8](annexe 1). Chaque rééducation est adaptée à l'étendue de la lésion et a pour but
final la reprise de l'activité physique par le sportif. L'enjeu de cette rééducation est d'autant plus
important pour un joueur professionnel qu'il s'agit pour lui de l'avenir de sa carrière. Ces lésions
myo-aponévrotiques touchent donc bien sûr, les muscles.
Le muscle strié squelettique est l'effecteur moteur du mouvement et donc par extension, du
geste sportif. C'est un ensemble composite fait d'association de différentes structures. Il se construit
autour d'un assemblage de sarcomères, l'unité de base du muscle, regroupés en myofibrilles. C'est le
regroupement de plusieurs myofibrilles que l'on nomme cellule musculaire. Ces cellules ou fibres
musculaires, entourées par leur enveloppe conjonctive qu'est l'endomysium, s'accolent entre elles
pour s'enrouler en faisceaux musculaires. Enfin, le muscle est l'union d'un nombre plus ou moins
important de faisceaux, englobé par du tissu conjonctif, l'épimysium.
Chaque discipline sportive possède des propriétés musculaires spécifiques. La typologie des
fibres musculaires composant un muscle est bien connue à l'heure actuelle. Chaque muscle est
composé de fibres musculaires de type I et de fibres de type IIa et IIb. Les fibres de type I sont des
fibres à contraction lente tandis que les fibres de type II ont une contraction plus rapide. Suivant le
muscle étudié, la quantité de chaque type de fibres diffère. Mais pas seulement d'un muscle à l'autre,
en effet le même muscle chez deux sportifs différents ayant chacun leur spécialité sportive n'aura
pas non plus les mêmes quantités de fibres I et II. Les athlètes orientés vers un sport de vitesse, les
sprinteurs par exemple, auront un pourcentage de fibres de type IIa et IIb supérieurs
comparativement à un sportif spécialisé dans l'endurance, comme le sont les marathoniens. Il est
donc important de prendre en compte cette notion dans le choix des programmes de rééducation du
sportif.
Le traitement des traumatismes musculaires suit en parallèle la cicatrisation musculaire et
doit aussi être attentif aux différentes phases existantes. Celles-ci sont au nombre de trois, la
régénération cellulaire, la cicatrisation conjonctive et la cicatrisation de la liaison myo-conjonctive.
La rééducation de ce type de lésion va avoir pour objectif principal la récupération de la mobilité et
1
de la motricité avec une cicatrisation parfaite pour éviter les rechutes lors de la reprise du sport.
Le travail excentrique rentre dans plusieurs objectifs de cette rééducation. C'est un mode de
contraction qui associe une contraction musculaire à un éloignement des points d'insertion du
muscle en question. Ce type de travail se retrouve tous les jours dans les activités de la vie
quotidienne sans qu'on s'en rende compte. Par exemple pendant la marche, avec le travail frénateur
des releveurs du pied lors de la phase d'attaque du talon, ou lors de la phase oscillante quand les
ischio-jambiers se contractent de façon automatique pour freiner et contrôler l'extension du genou.
On le retrouve également dans des évènements traumatiques que sont des lésions musculaires
comme le claquage des adducteurs lors d'un tacle au football, ou une déchirure des ischio-jambiers
lors d'un shoot. Ces deux lésions arrivent suite à un travail excentrique des muscles concernés. On
peut alors se demander comment un mode de contraction musculaire, responsable de lésions myoaponévrotiques dans de nombreux cas, peut-il être également indiqué dans le traitement de ces
mêmes lésions? Le travail excentrique permet-il de réduire le taux de récidive d'accident musculaire
lors de la reprise de l'activité sportive?
J'ai dans ce mémoire étudié les concéquences néfastes ou bénéfiques, aussi bien
histologiquement que anatomiquement, de ce type de travail au sein du muscle. Quel place prend le
travail excentrique dans la rééducation d'une lésion myo-aponévrotique? Pour cela je suis parti d'un
cas clinique que j'ai rencontré lors d'un du stage d'été, entre la 2e et 3e année, pour ensuite
m'orienter vers un mémoire d'étude documentaire sur ce sujet. J'ai également élaboré un
questionnaire que j'ai soumis à plusieurs clubs sportifs professionnels. Celui-ci me permettra de
comparer les pratiques thérapeutique à propos de ce sujet dans les clubs avec la théorie trouvée dans
la littérature.
Au cours de ce mémoire je vais vous proposer dans un premier temps quelques rappels
anatomiques des structures mises en jeu dans ce type de lésions. Puis dans un second temps tout ce
qui concerne la lésion en elle-même et sa cicatrisation pour ensuite parler du sujet à proprement
parlé, le travail excentrique. Nous verrons alors ses effets, positifs ou négatifs sur le muscle, pour
conclure par la réponse à la problématique soulevée dans ce mémoire.
2
I. Présentation du cas clinique
Comme point de départ de ce mémoire ainsi que de ma problématique, je suis parti de mon
stage effectué en août et septembre 2009, au Football Club de Lorient. Durant un match de
championnat, Mr M. est éloigné du terrain sur blessure. L'accident est arrivé le week-end précédent
ma mise en situation professionnelle, du coup, il a été choisi comme patient lors de celle-ci.
I. 1. Circonstances d'apparition de la blessure
Monsieur M revenait de sélection nationale et était en plein ramadan. Son rythme
d'entraînement était différent là-bas.Lors du match de football Lyon-Lorient le 12 Septembre 2009,
Mr M. milieu de terrain Lorientais, ressent une douleur aiguë à l'arrière de la cuisse gauche lors d'un
appui. Cette douleur ne diminuant pas nécessite alors l'arrêt du match à la 25e minute pour Mr M.
Diagnostic initial: une lésion musculaire des ischio- jambiers gauche. La symptomatologie de la
lésion répondra à la triade, c'est à dire: douleur à la palpation, douleur à l'étirement et douleur à la
contraction résistée. Elle se localise au niveau du tiers inférieur de la face postéro-médiale de la
cuisse gauche. L'échographie sera faite plus tard par le médecin. Dans un premier temps, les soins
apportés directement sur le terrain furent la compression par bandage et glaçage. Le diagnostic
médical, accompagné d'une échographie positive faite le lendemain matin du match, révèlera une
lésion myo- aponévrotique de type déchirure, du semi-membraneux gauche, au niveau de la
jonction myo-tendineuse et s'étalant sur 5 centimètres vers le corps musculaire. Mr M. sera arrêté
pour une période de 3 semaines.
I. 2. Bilans kinésithérapiques réalisés à J+6
La déficience de structure est une déchirure des fibres musculaires du semi-membraneux
gauche, près de la jonction myo-tendineuse.
Bilan de la douleur
Pour réalisé ce bilan, j'ai utilisé une Echelle Analogique Visuelle cotée de 0 à 10. Mr M.
ressentait une douleur de 3/10 à la mobilisation active et de 0 en passif. Il se plaint d'une douleur
qu'il cote à 2 voire 3/10 à la montée des escaliers, mais ne ressent rien au repos.
Bilan de fonction cutanée, trophique, circulatoire
J'ai pu noter un léger oedème mesuré par centimétrie, mais surtout un hématome important,
au niveau du genou gauche ainsi qu'au tiers inférieur du corps musculaire du semi-membraneux.
3
Bilan de fonction sensitive
Mr M. ne présentait pas de diminution de la sensibilité après les tests du pic/touche ou de la
discrimination à la chaleur chaud/froid.
Bilan de fonction articulaire
C'est à l'aide d'un goniomètre de houdre (à lecture directe) que j'ai pu mesurer toutes les
amplitudes que je vous expose dans ce bilan.
Au niveau de la hanche, Mr M. avait des amplitudes physiologiques identiques à la hanche
droite. Pour la flexion du genou gauche, j'ai trouvé une amplitude de 120° en passif, et de 110° en
actif limitée par une gêne. Tandis que pour l'extension passive et active, il n'avait pas de limitation,
avec 0° d'extension, donc pas de flexum. Par contre, du fait de la douleur à la contraction et de la
déchirure des fibres musculaires, on peut soumettre un problème de stabilité du genou.
Bilan de fonction musculaire
J'ai demandé à Mr M. de se mettre sur le ventre et lui ai demandé de ramener son talon
gauche vers sa fesse gauche, sans résistance une fois puis contre résistance. Je n'ai pu opposer
qu'une résistance de 58 Newton.mètre (Nm-1) mesurée au dynamomètre manuel comparativement à
droite, où j'avais 125 Nm-1. Tout cela sans aller dans toute l'amplitude car au-delà il commençait à
ressentir une douleur.
Bilan fonctionnel
Ce patient ne décrivait aucune douleur à la marche sur terrain plat, pas de gêne à la conduite
automobile. Mais dans la montée des escaliers, il était gêné par une douleur localisée au niveau de
la zone lésée.
Limitations d'activités
Bien entendu, ce joueur ne pouvait plus faire de sport, il ne pouvait plus courir, et encore
moins s'entraîner.
Restriction de participation
Mr M. ne pouvait donc plus exercer son métier de footballeur professionnel. Il ne pouvait
plus jouer que ce soit à l'entraînement ou en compétition. Par ailleurs il était très motivé pour
retrouver les terrains le plus tôt possible.
4
Diagnostic kinésithérapique
Mr M. souffre d’une lésion myo-aponévrotique suite à la déchirure de fibres musculaires du
semi-membraneux gauche. À cause de cette lésion, sa flexion de genou active est limitée à 110° et
son extension, genou fléchi, également. Cette blessure et ces limitations font qu'il ne peut alors plus:
ni courir, ni shooter, ni prendre appui pour des changements de direction, ni faire de passe et ne peut
donc plus exercer se profession de footballeur.
À partir de ce diagnostique, nos objectifs kinésithérapiques principaux sont:
D
diminuer la douleur de façon à ce qu'il puisse retourner sur le terrain
D
lui redonner toutes ses amplitudes articulaires physiologiques
D
renforcer les muscles déficitaires pour qu'il retrouve sa force d'avant l'accident
D
le ramener sur le terrain le plus vite possible en évitant la rechute, donc avec une
cicatrisation parfaite
Il nous faut être efficient durant notre rééducation. Cette rééducation a commencé par le
glaçage et la compression de la lésion de J0 à J3. Puis à J3, le travail de mobilisation en mode
excentrique a débuté. C'est de là que découle la problématique de mon mémoire: «Quelle place
prend le travail excentrique dans la rééducation d'une lésion myo-aponévrotique?»
Pour traiter ce sujet j'ai choisi de réaliser une revue de littérature grâce à laquelle je pourrai
montrer les effets de ce type de travail et ainsi expliquer les raisons de son utilisation pendant la
rééducation d'une lésion musculaire. Je pourrai aussi grâce à ce type de recherche comparer ce qui
se fait dans la pratique sportive et la théorie. J'ai pour cela utilisé les sources internet pubmed,
pedro, les moteurs de recherche google et yahoo et tous les sites scientifiques qui traitaient du sujet,
j'ai également utiliser les ressources documentaires telles que les revues scientifiques et
kinésithérapiques, mais aussi les cours kinésithérapeutiques dispensés dans les formations de sport.
5
II. Anatomie et physiologie du muscle strié squelettique
II. 1. Rappel anatomique d’une fibre musculaire
Une fibre musculaire striée squelettique est une cellule cylindrique plus ou moins allongée
d’un diamètre variable allant de 10 à 100 micromètres et d‘une longueur pouvant aller jusqu‘à 30 à
35 centimètres. Ces myocytes s’étendent du tendon d’une extrémité du muscle au tendon de l’autre
extrémité de ce même muscle. La fibre est entourée du sarcolemme, sa membrane plasmique, et
d’une gaine de tissu conjonctif nommée l’endomysium. Sous ces enveloppes la cellule renferme de
nombreux noyaux (jusqu’à 100) qui régissent la synthèse des protéines contractiles[5][10].
Chaque rhabdomyocyte comporte un grand nombre de myofibrilles parallèles et accolées
entre elles les unes aux autres parcourant toute la longueur de la cellule musculaire. Selon la taille
de la cellule, elle peut posséder plusieurs centaines voire plusieurs milliers de myofibrilles. Ces
myofibrilles ont un diamètre de 1 à 2 micromètres.
Par ailleurs, chaque myofibrille est composée d’une succession de sarcomères («segments
du muscle»). Le sarcomère est l’unité contractile de la fibre musculaire (figure 1). Les sarcomères
sont constitués d’alternance de bandes claires et de bandes sombres et s’étendent d’une ligne Z à la
suivante. Un sarcomère comprend une ligne Z- une strie I- une strie A interrompue en son milieu
par une zone H- une strie I- une ligne Z.
Les stries I (Isotrope) correspondent à des bandes claires tandis que les stries A (Anisotrope)
correspondent, elles, à des bandes sombres. Dans une bande claire, ou strie I, on ne retrouve que des
filaments fins d’actine, ce sont des filaments longs d’environ 1 micron et de 6 nanomètres de
diamètre. Dans une bande sombre, ou strie A, on retrouve les deux types de filaments, c’est ce qui
explique l’aspect foncé de la bande. Les filaments d’actine sont associés à des filaments de
myosine, longs d’environ 1,5 microns et de 15 nanomètres de diamètre. Au niveau de la zone H, on
n’a que des filaments de myosine, d’où un effet moins dense, plus clair. Cette zone H n’est visible
que sur une cellule au repos[5](figure 2).
II. 2. La jonction myo-conjonctive
La jonction myo-conjonctive fait le lien entre le tissu musculaire d'un coté, et le tissu
conjonctif représenté par les différentes aponévroses suivant la localisation (périphérique:
épimysium; centrale: endomysium)[5]. Cette jonction est constituée par des protéines de liaisons
permettant le soutien des filaments et leur orientation dans la fibre musculaire. Les principaux
auteurs sur ce sujet tels que FRIDEN, LIEBER ou encore PROSKE et MORGAN repèrent
principalement deux chaines protéiques de liaison[8][27]:
6
D
le complexe dystrophine-distroglycans-laminine (figure 3)
D
le groupement taline-vinculine-intégrine-laminine (figure 4)
Ces deux chaines permettent de raccrocher les filaments fins d'actine au collagène de la membrane
basale par l'intermédiaire de la laminine. En plus de cela, on retrouve la desmine qui va solidariser
les sarcomères entre eux au niveau de la strie Z par un réseau de filaments intermédiaires s'étalant
de la membrane plasmique à l'enveloppe nucléaire. Puis les costamères, des chaines de protéines
faisant le lien entre la matrice extracellulaire et la myofibrille, directement par la strie Z grâce,
entre autre, à l'alpha-actinine[26]. Une autre protéine importante dans la structure de myo-fibrilles,
c'est la titine. Elle s'attache au filament de myosine sur presque toute sa longueur et s'accroche à la
ligne Z ainsi qu'à la ligne M pour participer à l'élasticité de chaque demi-sarcomère (ligne Z-ligne
M). Ces quelques protéines présentées ici succintement ne sont qu'une partie de l'ensemble régissant
le système protéique intramusculaire.
II. 3. Physiologie de la contraction musculaire
Le processus de contraction musculaire est initié par un stimulus électrique, ou Potentiel
d’Action, provenant du cerveau ou de la moelle épinière vers le motoneurone. Quand la stimulation
arrive au niveau du bouton synaptique de la jonction neuro-musculaire, il y a sécrétion du
neurotransmetteur, l’Acétylcholine. Si la quantité d’Acétylcholine sécrétée et captée par les
récepteurs de la fibre musculaire est suffisante, un potentiel d’action post-synaptique apparaît et
peut se transmettre à l’ensemble de la fibre musculaire grâce à l’ouverture des canaux ioniques
permettant la pénétration du sodium dans la cellule. C’est la dépolarisation de la cellule[5][10].
Suite à la dépolarisation du sarcolemme, le potentiel d’action se propage à l’intérieur de la
cellule musculaire dans les tubules transverses et le réticulum sarcoplasmique. Le passage du
potentiel d'action entraîne la libération des ions Calcium Ca2+ stockés dans le réticulum
sarcoplasmique.
Au repos, les molécules de tropomyosine masquent les sites actifs des filaments d'actine,
empêchant ainsi la fixation des têtes de myosine (figure 5). Une fois les ions Ca2+ libérés, ils
viennent s'attacher sur la troponine. Celle-ci va alors initier le phénomène de contraction en faisant
basculer les molécules de tropomyosine pour découvrir les sites actifs, et du coup permettre aux
têtes de myosine de se fixer [5].
II. 4. La théorie du filament glissant
Lors de la contraction musculaire les fibres musculaires se raccourcissent, comment cela
7
arrive-t-il? On peut l'expliquer grâce à la théorie du filament glissant [5][10].
Lorsqu'une tête de myosine s'attache sur un site actif du filament d'actine, on appelle cela un
pont d'acto-myosine, les deux filaments glissent l'un sur l'autre. Les têtes de myosine et les ponts
alors formés subissent un changement de configuration spatiale. Le bras du pont d'acto-myosine et
la tête de myosine exercent une attraction moléculaire très forte qui provoque le basculement de la
tête de myosine vers le centre du sarcomère, entraînant ainsi le filament d'actine. Cette bascule est à
l'origine de la génération de puissance par le muscle.
Immédiatement après la bascule, la tête de myosine quitte le site actif, retourne à sa position
d'origine, et peut alors s'attacher au site actif suivant du filament d'actine.
Ces liaisons successives permettent le glissement des filaments les uns sur les autres d'où le
nom de théorie du filament glissant.
Ce phénomène continue jusqu'à ce que les extrémités distales des filaments de myosine
atteignent les stries Z. Pendant cette contraction, les filaments d'actines opposés, de chaque coté de
la ligne M, se rapprochent l'un de l'autre et pénètrent la zone H. Au stade ultime de la contraction,
ces filaments vont même jusqu'à se chevaucher, et la ligne H n'est plus visible.
La contraction musculaire est un processus actif qui nécessite de l'énergie. La tête de
myosine possède un site de liaison à l'Adénosine Triphosphate (ATP). C'est cet ATP qui fournit
l'énergie nécessaire à cette contraction. La tête de myosine contient de l'ATPase, enzyme de catalyse
de l'ATP. Lors de la fixation de l'ATP sur son site de liaison au niveau de la tête de myosine, cette
ATPase catalyse la transformation de l'ATP en Adénosine Diphosphate {(ADP) + Pi (phosphate
inorganique)} ce qui libère de l'énergie. Cette énergie est utilisée pour lier la tête de myosine au
filament d'actine.
La contraction cesse lorsque le Ca2+ est activement repompé dans le réticulum
sarcoplasmique. Ce processus s'effectuant par transport actif et conduisant au relâchement, nécessite
lui aussi de l'ATP. Lorsque le calcium est libéré, la troponine et la tropomyosine sont désactivées, ce
qui inhibe l'accrochage des têtes de myosine sur les filaments d'actine. L'utilisation d'ATP est alors
stoppée. Les filaments d'actine et de myosine retournent à l'état de repos.
8
III. Le travail excentrique
III. 1. Définition du travail excentrique
Le travail excentrique est définit par l'association d'une contraction et de l'étirement du
complexe musculo-tendineux[1][7][22][23]. Du point de vue fonctionnel, on parle alors de travail
frénateur, à l'inverse du travail concentrique qui est lui effecteur du geste. Par exemple, à la
réception d'un saut, le quadriceps se contractera de façon à freiner la flexion du genou et non pour le
tendre, comme le voudrait son rôle d'extenseur de genou. Ou lors d'un shoot au football, les ischiojambiers, antagonistes du mouvement d'extension du genou, se contractent de manière réflexe pour
permettre la décélération du geste en fin de mouvement, on peut ici parler d'une action protectrice
du muscle antagoniste ainsi que de l'articulation.
III. 2. Différences entre le mode excentrique et le mode concentrique
Pour une même force développée, le travail excentrique recrute une quantité moindre
d'unités motrices que le travail concentrique, son rendement est nettement
concentrique
(Rendement
concentrique:15%;
Rendement
meilleur qu'en
excentrique:35%)[29].
Plusieurs
auteurs[1][15][23] s'accordent sur le fait que ce type de travail recrute préférentiellement des fibres
de type IIb et qu'il n'utilise que peu les phosphagènes ATP et CP (Créatine Phosphate).Des études
sur ergomètre ont montré qu'en effort en contraction excentrique ne nécessite qu'une faible
consommation d’oxygène, 4 à 5 fois moins qu'en concentrique[29]. Cela s’explique par le moindre
recrutement d’unités motrices, montré par des études électromyographiques[29][30], mais
également par la rupture dite mécanique des ponts d’acto-myosine, ici engendrée par la force
d’étirement, qui ne consomme alors pas d’ATP.
Selon la courbe de relation force/vitesse de contraction des fibres dans les conditions
excentrique et concentrique de KOMI, la force excentrique développée croit avec la vitesse tandis
que la force en concentrique est inversement proportionnel à la vitesse (courbe de HILL)[2]. C’est à
dire que sur un mode de contraction concentrique, le muscle va développer une force croissante
jusqu’à sa force maximale correspondant à la position en course moyenne, où il existe le plus grand
nombre de ponts d’acto-myosine au sein du muscle. Sur ce mode de contraction, la force décroît
avec l’augmentation de la vitesse du mouvement. Par contre, lors d’une contraction excentrique, la
force augmente jusqu’à l’étirement quasi maximal du muscle. Une fois le moment maximal atteint,
en course externe, il est décrit une sidération réflexe provoquant une chute brutale de la force du
muscle. C’est le «Clasp Knife Reflex»[7]. Contrairement au travail concentrique, la contraction
excentrique développe une force qui croît avec la vitesse du mouvement pour atteindre un plateau
9
assez rapidement. Lorsque la force est maximale, on peut expliquer le fait qu'elle soit supérieure à
la contraction concentrique, par le gain associé à la résistance à l'étirement des tissus élastiques en
parallèles (épimysium, endomysium, périmysium) et en série (tendon).
Le travail excentrique a pour inconvénient de ne pas augmenter la vascularistion locale,
voire de la diminuer ce qui induit une hypoxie tissulaire. Selon DAVIES, le mode excentrique est
toujours anaérobie[8]. Il est donc préférable de vasculariser le muscle ou le tendon avant tout travail
excentrique par des mouvements concentriques[32].
IV. Les effets du travail excentrique sur le muscle
IV. 1. Les douleurs post-effort
Les douleurs musculaires d’apparition retardée ou Delayed Onset Muscle Soreness
(D.O.M.S.), appelées communément courbatures. Elles sont fréquentes après la pratique du sport[1]
et apparaissent généralement à la suite d’un travail excentrique intense et/ou inhabituel, après un
délai variable de 12 à 48h. La symptomatologie est un muscle douloureux à la palpation, à
l’étirement passif et lors de tests isométriques. Cette douleur est vraisemblablement liée à
l’inflammation due à la résorption des microlésions occasionnées lors de l’effort. Ces DOMS sont
généralement accompagnés d'une diminution des qualités proprioceptives du muscle lésé, d'une
perte de mobilité articulaire (diminution des amplitudes) et d'une baisse de force qui persistent de
deux à dix jours de plus que les manifestations douloureuses[25]. Cette période est alors très
favorable aux survenues de blessures.
Elles se produisent le plus souvent lors de la reprise d'une activité sportive et à l'occasion
d'une intensification ou modification de l'entraînement du sportif. Quinze mouvements excentriques
suffisent pour provoquer des lésions de DOMS chez un sujet non entrainé[7][22].Ces douleurs
apparaissent habituellement dans les deux jours post-exercices et disparaissent progressivement au
bout de trois à cinq jours. La sensation de ces douleurs existe au repos mais s'accroît à la palpation,
à la contraction ou à l'étirement du muscle. La mise en évidence d'une hyperalgie, qui est une
augmentation de la sensation douloureuse suite à un stimulus ou à la perception d'une douleur pour
un stimulus habituellement non algique, met en jeu la stimulation de nocicepteurs de bas seuil. Ces
nocicepteurs appartiennent au groupe des terminaisons nerveuses libres qui se situent dans
l'ensemble des muscles et des tissus conjonctifs associés. Ces terminaisons
10
libres sont connues pour être sensibles aux variations chimiques, thermiques et mécaniques. Dans
notre cas, il s'agit des variations liées au phénomène inflammatoire nécessaire à la résorption des
microlésions musculaires. En particulier l'augmentation de pression et de température internes au
muscle ainsi que la sécrétion de bradykinine et de prostaglandine, deux médiateurs de
l'inflammation ayant un rôle dans la vasodilatation des vaisseaux sanguins[34].
IV. 2. Les lésions musculaires graves
Elles se définissent par une atteinte du tissu conjonctif de soutien des fibres musculaires.
Pour induire ces lésions du tissu non contractile, le travail excentrique serait le modèle mécanique
idéal. GARRET décrit qu'il n'a jamais réussi à créer ce genre de lésion avec le mode concentrique in
vitro, seul l'étirement du complexe musculo-tendineux crée cette lésion[1]. L'architecture des
muscles lésés dans la pratique sportive les rendent sensibles à l'étirement. Un muscle bi-articulaire
subira des contraintes plus importantes d'étirement qu'un muscle mono-articulaire, de plus le même
étirement sera plus important sur une fibre courte et pennée que sur une fibre longue et axiale[7].
Par exemple, le tennis-leg, ou désinsertion du gastrocnémien médial, se produit lors d'une
association de flexion dorsale de cheville avec une extension de genou et une contraction du triceps
sural. Ou encore, le claquage du grand pectoral du judoka se produit lors d'une action frénatrice.
De nombreux auteurs se sont penchés sur le cas des ischio-jambiers. [1][7][22] WORREL
met en avant la raideur des ischio-jambiers. Pour PATTON il n'y aurait pas de différence de force
concentrique des ischio-jambiers chez une population de sprinters, claquée et chez une de sprinters,
saine. JOHNAGEN retrouve une différence notable au niveau de la force excentrique et de la force
concentrique à vitesse lente. Pour STANTON l'existence d'un déficit de force excentrique est le
facteur prépondérant de la lésion. CROISIER retrouve lui, un lien entre force maximale excentrique
et valeur de l'angle de force maximale mesurée. Quant à lui, PEIRAU, décrit une relation entre
valeur élevée de l'angle de force maximale excentrique des ischio-jambiers, déficit de force de ces
mêmes ischio-jambiers et déséquilibre musculaire entre la force concentrique du quadriceps et la
force excentrique des ischio-jambiers. Ce déséquilibre musculaire est source de lésion intrinsèque.
IV. 3. Le renforcement musculaire
Les recherches ne montrent pas de véritable consensus à propos de protocole de
renforcement musculaire. Ce qui ressort des thèses de tous les auteurs, c'est que l'amélioration serait
due à l'adaptation du système musculaire[1][7]. Pour ELLENBECKER le travail excentrique
améliore la force concentrique plus que le travail concentrique n'améliore la force excentrique.
GOLDEN et DUPLEY, eux, suggèrent que l'adaptation serait due à un recrutement plus important
11
des unités motrices. NEWHAM et al. expliquent que l'adaptation viendrait d'un renforcement du
tissu conjonctif. HARDY prétend que ce travail pourrait avoir une répercution sur la maturation du
collagène[23][29]. BABASH et al. ont montré que suite à un travail excentrique la quantité de
desmine augmentait au sein des sarcomères. Cette protéine joue un rôle dans la stabilité du
sarcomère et de la liaison myo-conjonctive, et de ce fait semble prévenir le phénomène
d'overstretching lorsqu'elle est présente en quantité suffisante. MIDDLETON estime que ce mode
permet une meilleure adaptation neuromusculaire et est le seul mode de travail permettant une
amélioration de la résistance à l'étirement du complexe myo-aponévrotique. PROSKE et
MORGAN, ont observé que suite à une série de contractions excentriques, on obtenait un
changement de la longueur optimale à la tension totale du muscle (en 1997 sur le muscle humain)
[8]. Une fibre musculaire ayant subie des contractions excentriques serait en mesure de supporter
des tensions maximales plus importantes qu'une fibre non habituée, l'excentrique repousse les
limites viscoélastiques de la fibre et par conséquent du muscle. PROSKE justifie cette augmentation
de longueur optimale non pas à l'augmentation de longueur du tendon ou de la fibre musculaire,
mais à l'augmentation du nombre de sarcomères au sein de cette fibre. Cette démonstration
confirme le principe de GOLDSPINK qui stipule: “le nombre de sarcomères en série d'un muscle se
modifie (en augmentant ou en diminuant) pour permettre au muscle de développer sa tension
maximale dans la position où il est le plus sollicité”[8].
IV. 4. Travail excentrique et lésions tendineuses
Sous le terme de lésion tendineuse on regroupe un ensemble de pathologies que sont:
D
les ruptures tendineuses (rupture d'Achille, rupture du tendon quadricipitale)
D
les luxations tendineuses (luxation des long et court fibulaires)
D
les tendinites ou tendinopathies
Le terme de tendinite est un terme communément utilisé pour décrire les symptômes
douloureux localisé sur un tendon ou ses environs[31]. Le nom de tendinopathie regroupe plusieurs
pathologies tendineuses:
D
Tendinose: atteinte du corps du tendon
D
Enthèsopathie: atteinte au niveau des insertions du tendon
D
Paraténonite: atteinte d'une des annexex du tendon (gaine synoviale: ténosynovite; gaine
conjonctive péritendineuse: péritendinite; bourse: bursite)
12
Les lésions tendineuses traumatiques (rupture et luxation) se produisent toujours lorsque le
mécanisme est intrinsèque, par une action frénatrice. Pour les tendinites, de nombreux facteurs sont
incrimés dans leur survenue: l'hyper sollicitation musculaire, le déséquilibre musculaire, problème
de matériel, mauvais entrainement, mauvaise hydratation, carie dentaire et bien d'autres. L'étude de
GIANGARRA[32] permet d'évoquer le rôle de la sollicitation en étirements des épicondyliens lors
du revers au tennis, une mauvaise technique favorise le tennis-elbow. Un autre exemple
couramment retrouvé est le knee-jumper, qui s'explique par la répétition des sauts et l'hyper
sollicitation en excentrique du quadriceps lors de la réception de ceux-ci. Ces tendinites sont
graduées selon la classification de BLAZINA (annexe 2), en 4 stades.
Le travail excentrique dans les rééducations de lésions tendineuses a plusieurs rôles. En
effet, il va stimuler les fibroblastes ce qui va augmenter la production de collagène, il permet une
synthèse des protéines de liaisons myotendineuse plus importante, il va induire un épaississement
du tendon ainsi que l'augmentation de la résistance du tendon[31].
STANISH a proposé il y a environ vingt ans un programme de rééducation basé sur le travail
excentrique. Il a alors constaté que les tractions permettent d'orienter la cicatrisation tissulaire et de
stimuler les fibroblastes. Le travail excentrique commencera dès que les douleurs en étirements et
en contraction concentrique auront disparus. Le protocole de STANISH se déroule en 5 temps:
ĸ Echauffement
ĸ Etirement passif
ĸ Travail excentrique: 3 séries de 10 ou 2 séries de 15
D
vitesse lente les 2 premiers jours
D
vitesse moyenne de J3 à J5
D
vitesse rapide de J6 à J7
ĸ Etirement statique
ĸ Glaçage: 15 à 20 minutes
Après J7 on augmente la résistance et on recommence le même cycle.
Le travail excentrique a comme inconvénient, on l'a vu précédemment, de ne pas augmenter
la vascularisation locale. Il est donc préférable, avant tout travail de vasculariser par des
contractions en concentriques. Du coup il faut l'intégrer au protocole de STANISH pour éviter d'être
traumatisant: Concentrique, étirements passifs, excentrique, concentrique, étirements, glaçage.
13
Une étude a montré que sur 9 patients rééduqués à l'aide d'un protocole incluant le travail
excentrique en isocinétisme, 8 ont présentés une amélioration clinique, 7 ont repris leur activité
sportive et seulement un a présenté une récidive[28].
V. La lésion myo-aponévrotique
La classification des lésions musculaires n'a pas cessée d'évoluer depuis sa mise en place.
De ANDRIVET (contracture, élongation, claquage, déchirure, rupture totale), à RODINEAU,
dernière en date, (qui a 5 stades et qui porte sur la quantité de fibres lésées, l'atteinte du tissu
conjonctif et la présence d'un hématome ainsi que son volume), en passant par DUREY (lésions
anatomiques, non anatomiques), BENEZIS (hémorragiques, non hémorragiques) et PREZIOLI
(déchirures à 3 stades, ruptures). Cependant, il n'y a pas aujourd'hui de classification idéale qui
prendrait en compte une corrélation histo-clinique stricte. Les différentes classifications ont toutes
été remises en cause peu de temps après leur établissement. Si une classification était parfaitement
corrélée, il n'y aurait que très peu de rechutes et d'erreurs diagnostic aujourd'hui.
V. 1. Définition de la lésion myo-aponévrotique
D'après Arnaud BRUCHARD[8], la lésion myo-aponévrotique intrinsèque est une atteinte
du composite muscle-aponévrose par un mouvement excentrique ou d’overstretching,
correspondant à une atteinte par désinsertion. Sa gravité dépend de son étendue et de sa localisation.
La lésion myo-aponévrotique comprend une atteinte de la structure musculaire, une atteinte de la
structure conjonctive ainsi qu’une atteinte de l’intimité myo-conjonctive.
V. 2. Les sièges de la lésion myo-aponévrotique
L’échographie, facilement disponible, peu onéreuse et présentant une spécificité dynamique,
est la technique de première intention pour déterminer exactement la localisation d’une lésion
musculaire. Jean-Louis BRASSEUR est le premier à évoquer le terme de désinsertion. Il décrit 3
sièges à ces lésions (figure 6):
D
les lésions myo-tendineuses
D
les lésions myo-aponévrotique centro musculaire, avec une rupture de l’intimité
14
myo-conjonctive entre le faisceau et sa cloison conjonctive centrale, le périmysium
D
les lésions myo-aponévrotique périphérique, avec une rupture de l’intimité myoconjonctive entre le faisceau et son aponévrose, l’épimysium
V. 3. Pathomécanique de survenue d’une lésion musculaire
La plus part des spécialistes admet que les lésions intrinsèques apparaissent suite à un
étirement plus ou moins brusque d’un nombre variable de fibres musculaires. On peut en tirer les 2
modes d’apparition mécanique décrits:
D l’overstretching
D
le mouvement excentrique (intense ou quelques fois anodin)
V. 3. 1) Le mouvement excentrique
Suite à plusieurs études, FRIEDEN et LIEBER dénoncent l’impact incontestable du travail
excentrique dans la genèse des lésions myo-aponévrotiques. Ils suggèrent que la desmine, une
protéine de liaison, subit des contraintes ainsi que des remaniements susceptibles de l’endommager.
D’après une expérience sur le rat et le lapin, ils démontrent que dès les 15 premières minutes d’un
travail excentrique, il y a une diminution conséquente de la desmine. Pour COMETTI, BABASH et
coll. la destruction de desmine est maximale 12 heures après le travail excentrique, chez le rat.
Entre autre que cette destruction de desmine, plusieurs atteintes sont répertoriées:
D
des ruptures au niveau du sarcolemme et du système sacotubulaire
D
une désorganisation des composantes contractiles des myofibrilles
D
des lésions du cytosquelette et des perturbations de la matrice extra-cellulaire
D
une déstructuration des lignes Z
D
des dommages préférentiellement sur des fibres de type II
Par conséquent, le travail va « casser » les protéines de liaison responsables de l’intimité
myo-conjonctive. Tous ces remaniements permettraient une fuite des liquides interstitiels, d’où
l’oedème des courbatures qui s’accumule par appel osmotique.
V. 3. 2)L’overstretching
Les matériaux musculaires et conjonctifs sont deux tissus mécaniquement liés mais
15
différents du point de vue de leur coefficient de viscoélasticité, de résistance et d’élasticité. Le
coefficient de viscoélasticité utilisé dans les études musculaires est le coefficient de MAXWELL.
Celui-ci définit entre autre la possibilité qu’a un tissu à s’allonger selon ses capacités
viscoélastiques. Ce coefficient repris dans le schéma de HILL permet d’expliquer les concepts
d’étirement et d’élongation. Il ne permet pas d’allongement si les capacités viscoélastiques sont
dépassées, mais entraîne la rupture des biomatériaux. Ainsi, un muscle ne peut s’allonger au-delà de
ses dispositions mais ne peut que rompre. Si cette contrainte, dans le sens de l’allongement, survient
avec une composante à haute vitesse le seuil de plancher de rupture interviendra plus précocement
selon la loi de la courbe strain/stress. Lors de l’étirement rapide (overstretching) du complexe
composite muscle/tissu conjonctif, le point de fragilité se trouve à la jonction des deux
biomatériaux. Un mouvement alors suffisamment étirant et rapide provoquera la rupture de
l’intimité myo-conjonctive.
V. 4. La cicatrisation de la jonction myo-conjonctive
La cicatrisation des lésions tissulaires est un phénomène biologique naturel normal [18]. Les
tissus humains (et animaliers) sont capables de réparer et de régénérer les structures lésées, mais
cette capacité est cependant soumise à de nombreuses variations. En effet, la rapidité et la qualité de
la cicatrisation dépendent de l'état général de l'organisme atteint, de l'étiologie de la plaie, de l'état,
de la localisation et de l'étendue de la lésion, et aussi de la survenue ou de l'absence d'une infection.
La cicatrisation musculaire dépend de 3 processus qui permettent de remédier aux dégâts de la
lésion:
D la régénération musculaire
D la cicatrisation conjonctive
D la cicatrisation de l'intimité myo-conjonctive
V. 4. 1)La régénération musculaire
Les travaux de STUDINSKY et de CARLSON ont montrés que « l'émincé d'un muscle
replacé dans sa loge peut donner naissance à un nouveau muscle, à condition d'apporter une
vascularisation, une innervation et une traction longitudinale ». Les cellules complexes que sont les
cellules musculaires régénèrent grâce aux cellules périphériques découvertes par MAURO en 1961.
Ces cellules satellites sont situées entre la membrane basale et le sarcolemme des rhabdomyocytes.
SCHULTZ [17] a montré qu'en réponse à un traumatisme musculaire, il existe une prolifération des
16
cellules de MAURO au niveau de la lésion mais aussi au niveau des myocytes distants, avec une
migration de celles-ci vers la zone lésée. Suite à la prolifération, ces cellules se différencient en
myoblastes puis s'alignent pour fusionner et donner une grande cellule, le myotube. C'est ce
myotube qui va exprimer les protéines caractéristiques et évoluer en une fibre musculaire striée
squelettique.
V. 4. 2) La cicatrisation conjonctive
Classiquement, cette cicatrisation qui intéresse les aponévroses est décrite en trois phases
[21]:
D
une phase précoce, avec afflux des éléments sanguins et inflammatoires
D
une phase de remodelage, où la structure réapparait
D
une phase tardive qui correspond au renforcement et à la récupération des propriétés
conjonctives
V. 4. 3) La cicatrisation de l'interface myo-conjonctive
Dans les lésions myo-aponévrotiques, les liaisons myo-conjonctives sont également
touchées. De ce fait leur cicatrisation est alors nécessaire pour recréer l'interface muscleaponévrose. Dépendant des cicatrisations conjonctive et musculaires, recoller ces deux tissus est
possible si ces deux tissus sont eux-mêmes fonctionnellement viables[8]. Il est alors nécessaire de
faciliter leur resynthèse pour obtenir une bonne cicatrisation de l'ensemble du composite.
V. 5.Les phases de la cicatrisation
Les phases de la cicatrisation sont au nombre de trois. Chacune de ces trois phases est
caractérisée par une activité cellulaire spécifique mais en même temps, entrecroisée avec les autres.
Tout ceci va permettre la bonne progression du point de vue chronologique de ce processus de
réparation tissulaire. Le but du traitement thérapeutique mis en place lors d'une lésion musculaire
sera de gérer ces trois phases tout en les stimulant ou en les régulant, selon la phase, pour ainsi
optenir une guérison optimale d'un point de vue qualitatif.
V. 5. 1) La phase inflammatoire
D'après le Docteur CHARLOTTE [14], « toute lésion tissulaire induit une réaction
17
inflammatoire ayant pour but d'éliminer l'agent agresseur et les tissus nécrotiques, et de permettre la
réparation des tissus lésés ». Pour chaque plaie la cicatrisation commence par l'apparition de
phénomènes inflammatoires précoces [20], c'est alors que débute une sécrétion des vaisseaux
sanguins et lymphatiques. L'inflammation est un processus dynamique, constitué par un ensemble
de réactions vasculaires, cellulaires et humorales. Après 10 minutes environ suite au traumatisme,
commence l'exsudation qui va assurer la défense contre l'infection de la plaie ainsi que la détersion.
Durant cette période, il y a migration de cellules de l'inflammation telles que les macrophages et les
leucocytes, vers la zone lésée. Ces cellules vont détruire les débris nécrotiques, les corps étrangers
et les microbes par phagocytoses et protéolyse. La détersion du foyer lésionnel intéresse les trois
éléments du composite myo-aponévrotique. Il convient donc de bien respecter cette étape pour
obtenir un bon début de cicatrisation. Les anti-inflammatoires non stéroidiens (AINS) n'ont donc
pas leur place durant cette phase. A la fin de cette phase est créé un fin filet réticulé sur lequel
viendront s'attacher les fibroblastes.
V. 5. 2) La phase proliférative avec développement du tissu cicatriciel
Après environ 4 jours, l'organisme commence à combler la perte de substance par un
nouveau
tissu.
Pour
cela,
les
fibroblastes
produisent
dans
un
premier
temps
des
mucopolysaccharides qui servent de matrice à l'élaboration de fibres de collagène du tissu
conjonctif. Au début isolées, ces néo-fibres vont se regroupées en faisceaux, à l'extérieur des
fibroblastes, pour répondre dans le future aux contraintes de traction. Le fin filet réticulé est pauvre
en collagène et en vaisseaux, mais riche en fibroblastes et en cellules inflammatoires,
“progressivement il s'appauvrit en cellules et s'enrichit en collagène et en vaisseaux”[14]. Des
néocapillaires vont s'infiltrer dans la matrice pour assurer la nutrition du tissu néoformé [20]. Ce
nouveau tissu conjonctif est formé en grande partie par:
D
les fibroblastes sécrétant la fibronectine et le collagène I et III
D
les myo-fibroblastes aux propriétés contractiles car leur cytoplasme contient des
myofilaments d'actine
D
les vaisseaux capillaires néoformés de la manière suivante: des bourgeons pleins naissent
des anses capillaires du tissu non lésé en bordure du granulome inflammatoire. Ces
bourgeons colonisent le granulome et se creusent pour donner des tubes capillaires pour
former un réseau vasculaire qui s'organisera progressivement
C'est durant cette phase que les cellules de MAURO prolifèrent, se différencient en
myoblastes, puis s'alignent et fusionnent en une grande cellule, le myotube. Ces myotubes
18
permettent l'apparition du collagène de type IV et V. On peut signaler ici l'apparition des protéines
membranaires telle que la distroglycane sécrétée par les fibroblastes ou encore la laminine et
l'intégrine. Toutes trois faisant partie des liaisons glycoprotéiques des jonctions myo-conjonctives.
V. 5. 3) La phase de différenciation avec maturation cellulaire
Cette phase est l'aboutissement des phases débutées précédemment. La plaie se rétracte sous
l'influence des myo-fibroblastes et la maturation des fibres collagènes commence. Cela va donner
naissance à une matrice extracellulaire totalement reconstituée. Suite à ce processus on aura un tissu
fibreux, dense, cicatriciel nouvellement formé, dont une orientation des fibres collagènes sera
nécessaire. Durant cette phase, on a également le passage du stade de myotube au stade de fibre
musculaire, avec toujours la sécrétion de collagène IV et V. Le rapprochement des tissus facilitent
les liaisons myo-conjonctives grâce aux protéines de liaisons sécrétées tout au long de la phase
précedente (distroglycane, intégrine, laminine, desmine et fibres collagènes).
V. 6. Les facteurs indispensables à la cicatrisation
V. 6. 1) La vascularisation
«De nombreuses études ont montré que la prolifération myoblastique et fibroblastique
réclame un apport important d'oxygène [19][13]. Une importante prolifération de capillaires est
toujours constatée dans la zone musculaire lésée. Elle se fait par bourgeonnement à partir des
vaisseaux à la bordure de la lésion». Il est donc utile de vasculariser précocément pour obtenir une
prolifération myoblastique correcte. Ainsi, une compression trop importante, voire ischémiante est
néfaste à la cicatrisation des fibres musculaires et à leur régénération. L'ischémie tue les cellules
satellites de MAURO.
V. 6. 2) L'innervation
L'innervation n'est pas nécessaire dans les premiers stades, de la régénération musculaire
jusqu'à la formation de la jeune fibre musculaire. Par contre elle est indispensable lors de la
maturation de la jeune fibre musculaire et pour la différenciation en fibre lente ou rapide. Précisons
que la nouvelle fibre musculaire non innervée, s'atrophie et régresse en myotube. Cette
réinnervation nécessite deux phases [13]:
D
Une recolonisation nerveuse de la zone lésée par repousse des fibres nerveuses atteintes ou à
partir des fibres adjacentes intactes.
19
D
L'établissement de jonctions neuro-musculaires avec les nouvelles fibres musculaires. Il
semblerait que cette jonction se fasse préférentiellement au niveau de l'ancienne plaque
motrice.
V. 6. 3) La traction
Différents auteurs ont montré à travers leur expérience de greffes d'émincés de muscle, que
pour obtenir une unité musculaire complète et fonctionnelle, la traction longitudinale est
indispensable. Cette traction permet l'orientation des fibres musculaires et des fibres conjonctives
nouvellement formées[19][13].
JARVINEN et LETHO se sont intéressés aux effets de la mobilisation et de l'immobilisation
précoce sur les lésions musculaires et leur cicatrisation. Selon JARVINEN, la mobilisation précoce:
D
aggrave l'hématome initial
D
augmente le nombre de cellules inflammatoires
D
provoque une régénération musculaire plus précoce et plus importante
D
permet une meilleure orientation des fibres
D
entraine une prolifération des capillaires plus précoce et plus intense
Toujours selon JARVINEN, l'immobilisation:
D
augmente dans les premiers jours le nombre de fibres musculaires nécrotiques ou dégénérées
D
retarde la maturation et la résorption de la cicatrice fibreuse
D
favorise la pénétration des fibres musculaires nouvelles dans la zone de cicatrisation du tissu
conjonctif, mais avec une orientation anarchique
D
entraine une atrophie musculaire
Pour conclure sur la cicatrisation musculaire, on peut dire que la cicatrisation musculaire nécessite
la triade vascularisation/innervation/traction, et que dans un but thérapeutique il nous faut faciliter
ces trois principes lors de la rééducation. Il est également nécessaire de solliciter le muscle pendant
la cicatrisation pour éviter une cicatrice fibreuse et des fibres anarchiquement orientées, ce qui
diminuerait les qualités du muscle. On peut rappeler que la vitesse et l'intensité de la réparation
musculaire sont corrélées avec le développement capillaire, en particulier lors de la première
semaine.
20
VI. Discussion
Pour pouvoir comparer le résultat de mes recherches documentaires avec la pratique
kinésithérapique dans le milieu sportif de haut niveau, j'ai élaboré et envoyé un questionnaire à
plusieurs kinés de clubs. Huit kinés dans sept clubs différents: six clubs de football professionnel et
un club de tennis de table professionnel. Ce questionnaire contient vingt questions sur les
connaissances qu'ont les kinés des clubs professionnels sur le travail excentrique, les protocoles mis
en place et l'origine de ces protocoles. J'ai rencontré plusieurs difficultés pour envoyer les
questionnaires et recueillir des informations sur lesquelles il est possible de s'appuyer. La première a
été de joindre les kinés des clubs, obtenir leurs coordonnées et les contacter. La seconde a été que
sur les huit questionnaires envoyés, je n'ai reçu que quatre réponses. Du coup, cela me donne une
idée de ce qui se fait dans les clubs mais sur un échantillon très restreint. Il faut donc le prendre en
considération lors de l'analyse entre la pratique et la théorie faite à travers ce questionnaire. N'avoir
eu que la moitié des retours possibles peut être dû au fait que les clubs professionnels n'ont pas
forcément envie de communiquer leur protocole et ce qu'ils font en interne.
Suite aux recherches effectuées dans la littérature scientifique sur le travail excentrique, on
peut en déduire que ce type de contraction musculaire a tout à fait sa place dans une rééducation
d'une lésion myo-aponévrotique chez un sportif. De même, ce travail peut être mis en place chez un
non sportif, dans un but de renforcement musculaire ou bien sur des tendinites avec le protocole de
STANISH, par exemple.
Malgré des effets indésirables qui se manifestent de manière plus ou moins bruyante, que ce
soit la destruction de la desmine ou les douleurs post efforts (D.O.M.S.), le travail excentrique
présente indéniablement de nombreux intérêts au niveau de la structure du muscle. Il améliore la
cicatrisation et le renforcement musculaire. Dans les revues scientifiques, les effets thérapeutiques
de cette pratique sont mis en évidence. Dans mon questionnaire, je demande aux kinésithérapeutes
si ils ont des notions des effets du travail excentrique sur le muscle. Sur les quatre réponses
obtenues, il s'avère que les kinésithérapeutes des clubs sportifs connaissent effectivement les effets
de ce travail et l'utilisent dans leur pratique professionnelle. Ils le pratiquent pour orienter les fibres
par la traction de la mobilisation excentrique et assurer une meilleure cicatrisation par activation des
cellules satellites.
J'ai obtenu également comme réponse que la multiplication des protéines de liaisons
engendrait une résistance plus importante aux futures contraintes et donc une résistance améliorée
aux éventuelles tensions myo-aponévrotiques. Une autre réponse obtenue est que cela améliorerait
la résistance à l'étirement grâce à l'action sur les ponts protéiques myo-aponévrotiques. Cette action
21
se traduisant par un recollage en quantité et en qualité de la jonction myo-conjonctive. Ensuite, la
consommation d'O2 serait faible et les fibres de type II seraient celles recrutées en majorité.
Un autre praticien m'a répondu qu'il le faisait dans le but d'une meilleure orientation
cicatricielle et par la suite dans se rééducation, pour le renforcement musculaire.
Toutes ces réponses concordent avec ce qu'il est possible de trouver dans la littérature.
Comme on l'a vu précédemment, le travail excentrique va casser les protéines de liaisons et par la
même occasion permettre la multiplication de celles-ci. Cela se traduit par une augmentation de
résistance aux contraintes. On a également vu que le travail excentrique a bien une composante de
renforcement musculaire. On peut ajouter que l'orientation des fibres est dirigée par une traction, ici
effectuée par le travail excentrique, ce qui va éviter une orientation anarchique des rhabdomyocites.
Ensuite, à la question sur le protocole qu'ils employaient, les réponses divergent. Deux sur
quatre appliquent le protocole de STANISH, mais de façon modifiée. L'un de ces deux
professionnels applique 2 séries de 10 répétitions en concentrique, puis 3x10 en excentrique, suivi
de 1x10 en concentrique, tout ceci avec des étirements entre chaque série, et il termine par du
glaçage. Le deuxième effectue 3 séries de 10 répétitions à 10°/seconde puis 3x10 à 30°/seconde,
contre résistance infradouloureuse.
Les deux autres, quant à eux, adaptent individuellement le protocole et s'appuient sur le
ressenti du patient pour déterminer la course musculaire et le nombre de séries. Dans la littérature,
je n'ai pas retrouvé de protocole sur le travail excentrique, validé et appliqué, mis à part le protocole
de STANISH.
Dans mon questionnaire, j'ai cherché à savoir d'où provenaient les protocoles de rééducation
des lésions musculaires mis en place par les kinésithérapeutes du milieu sportif. Est-ce un protocole
empirique? Est-ce à partir d'une étude scientifique prouvée? Est-ce par enseignement d'un confrère
ou bien une formation sur le sport? Les quatres ont suivi une formation sur le sport. L'un d'entre eux
a eu en plus l'enseignement d'un confrère (P. MIDDLETON), il s'appuie aussi sur une étude, et ils se
basent tous sur leurs expériences professionnelles .
Dans une étude sur le travail excentrique des fibulaires après entorse de cheville[34]
effectuée sur 18 sujets et 10 témoins, on retrouve un résultat probant à propos du travail excentrique
et son efficacité sur le renforcement musculaire. L'étude portait sur la comparaison entre un
renforcement uniquement concentrique et un uniquement excentrique. Ces deux renforcements ont
démarré à la 7ème séance, tous les deux associés à de la rééducation proprioceptive. L'échantillon
de sujets choisi était 18 jeunes adultes, garçons et filles, d'une moyenne d'âge de 24 ans, tous
étudiants en Faculté des Sciences du Sport. L'analyse des résultats s'est faite sur le ratio
concentrique sur excentrique, le déficit de force par rapport au côté sain et les pics de couples
22
concentrique et excentrique. Après 12 séances de rééducation, il a été réalisé une analyse
isocinétique de la force des fibulaires en comparant la cheville saine et la cheville lésée. Concernant
les résultats de cette étude, on retrouve une nette différence entre le renforcement concentrique et
excentrique. En effet, pour le groupe rééduqué en concentrique, on obtient un déficit de -29% de la
force concentrique par rapport au côté sain, et un déficit de -41% pour la force excentrique. La
rééducation n'a pas permis de compenser le déficit de force des fibulaires ni en concentrique, ni en
excentrique. Dans le groupe en excentrique on trouve une augmentation de la force concentrique de
+19% et de la force excentrique de +1,6%, du côté lésé par rapport au côté atteint. On peut en
conclure que le travail excentrique a permis de récupérer le déficit de force des fibulaires, et même
de les rendre plus fort du côté lésé par rapport au côté sain. Les résultats semblent donc bien
meilleurs avec la rééducation en excentrique plutôt que celle en concentrique.
Une deuxième étude[28], cette fois-ci sur le travail isocinétique excentrique dans le
traitement des tendinopathies calcanéennes et des lésions musculaires de la cuisse, a montré des
résultats probants également sur ce type de travail. Nous parlerons ici uniquement des résultats sur
les lésions musculaires, car c'est le sujet qui nous intéresse et que le cas des tendinopathies a été
abordé dans un chapitre précédent. Les sujets choisis présentaient une lésion musculaire évoluant
depuis moins de 6 mois. Quatre patients pour une lésion du quadriceps (trois lésions au stade 3 et
une au stade 4), huit pour une lésion des ischio-jambiers (déchirures de stade 3). Tous les patients
sont des sportifs non professionnels. Il faut noter que la prise en charge s'est faite tardivement à
cause de l'échec des thérapies antérieures. À chaque séance, le travail isocinétique excentrique est
associé à de la kinésithérapie classique pour ces pathologies: cryothérapie, physiothérapie antiinflammatoire, étirements musculo-tendineux passifs progressifs, travail excentrique manuel,
proprioception. L'analyse se fait sur la quantification du moment de force excentrique maximum du
côté lésé par rapport à la valeur initiale mesurée au début sur le côté sain, pour respecter la douleur
et les réparations myo-tendineuses du côté lésé. Au niveau des résultats, on note que sur les douze
patients, neuf ont présenté une normalisation clinique, c'est à dire une disparition complète des
douleurs dans la vie courante avec examen clinique sans anomalie. Trois patients ont montré une
amélioration clinique avec absence de douleur dans la vie courante sans signe objectif à l'examen
clinique mais une sensation de tension dans la loge musculaire. Tout cela au bout de 10 séances (5
semaines). En moyenne après la quatorzième séance, un moment de force maximum du muscle égal
à 95% de la valeur du côté sain est acquis et la compétition est reprise. Sur les douze patients, neuf
ont repris une activité sportive identique voire avec une perception d'amélioration des performances
par le sujet. Deux ont repris avec appréhension mais sans douleur, et un seul patient a présenté une
pathologie intercurrente pendant la rééducation et n'a pas pu reprendre son activité sportive. D'un
23
point de vue musculaire, l'augmentation du moment de force maximum mesurée a été en moyenne
de +196% par rapport à la valeur initiale, soit 95% de la valeur du côté sain. Il n'y a donc plus de
différence significative entre les deux groupes musculaires homologues au terme de la rééducation,
ce qui limite le risque de récidive lésionnelle (chapitre lésions musculaires graves).
Pour conclure, on note que sur les douze, seulement un n'a pas repris son activité sportive,
cela à cause d'une pathologie intercurrente. Malgré cela, on peut dire que le protocole mis en place
avec du travail excentrique isocinétique a permis aux patients d'obtenir une cicatrisation complète
avec disparition des douleurs et un moment de force maximum égal au côté controlatéral à la fin de
cette rééducation.
Ce travail m'a permis de découvrir ce qu'était le travail excentrique ainsi que tous ses effets,
bénéfiques ou non, au sein du muscle. Je comprends maintenant pourquoi il est effectué dans les
rééducations musculaires et tendineuses, même si les protocoles mis en place dans la pratique ne
proviennent pas d'études validées. Sauf bien entendu le protocole de STANISH pour les lésions
tendineuses. D'après moi, il est donc possible d'inclure le travail excentrique tant que l'on respecte
le principe de non-douleur et que l'on vascularise par des contractions concentriques avant et après
les contractions excentriques. Je suis maintenant convaincu des résultats positifs du travail
excentrique et de son utilité. Je pense que dans ma pratique professionnelle, je le mettrai en
application. Bien sûr, il me sera nécessaire de faire une formation pour continuer ma réflexion sur le
sujet et approfondir ma connaissance des modalités techniques afin d'appliquer ce type de travail
dans les traitements des lésions myo-aponévrotiques.
24
VII. Conclusion
De nombreuses études se sont intéressées au travail excentrique et à ses effets au niveau de
l'ultrastructure du muscle. Les exemples de mécanismes lésionnels décrits ont permis de
comprendre le rôle du travail excentrique dans la genèse de lésion myo-aponévrotique. Les études
réalisées ont confirmé l'importance d'intégrer la cicatrisation et même de faciliter cette cicatrisation
dans les traitements des lésions musculaires afin de recoller l'interface entre le tissu musculaire et le
tissu conjonctif. Le travail excentrique, qui est responsable de la lésion myo-aponévrotique, est
garant d'une bonne qualité de cicatrisation permettant un retour à l'activité sportive avec un moindre
risque de récidive lésionnelle. Malgré tout, il est nécessaire de toujours rester prudent et de
contrôler ce type de travail dans la rééducation pour ne pas provoquer de nouvelles lésions pouvant
retarder la reprise du sport.
25
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Annexe 4
Le Processus de Cicatrisation
Vasoconstriction suivie d'une vasodilatation autour du tissu endommagé
Augmentation de la perméabilité capillaire
Migration des leucocytes vers la lésion par chimiotactisme
Des monocytes, se comportant comme des macrophages et granulocytes, apparaissent dans la plaie
La ré épithélialisation commence depuis les berges de la plaie
Des fibroblastes pénètrent dans la plaie
Une nouvelle matrice apparaît dans la plaie
La faible pression d'oxygène (pO2) stimule la néoangiogénèse
Au fur et à mesure que la pO2 augmente, la synthèse de collagène s'accentue
Apparition du tissu de granulation
Accélération de la migration des cellules épithéliales favorisées par l'augmentation de la pO2
Des myofibroblastes contenant des protéines contractiles provoquent la contraction de la plaie
La plaie est remodelée, elle acquiert de la résistance, la couleur change et la structure des fibres se modifie
Les évènements de la cicatrisation
Annexe 1
La classification de RODINEAU:
Stade 0:
Atteinte réversible avec restituion ad integrum en quelques heures ou quelques jours. Il n'y a
pas d'incident traumatique. C'est une myalgie modérée d'effort avec ou sans contracture.
On note une modification ultra-structurale de la fibre musculaire avec:
Ļ modification métabolique intracytoplasmique
Ļ une atteinte des mitochondries et des myofibrilles
Ļ une structure de soutien intacte
Ļ une absence d'hématome
Stade 1:
Atteint irréversible d'un petit nombre de fibres musculaires. La gêne est fonctionnelle
pendant quelques jours. On relève une contracture et une diminution de la force musculaire. Il y a
régénération musculaire par les cellules satellites et restitution ad integrum en quelques jours
(4jours).
Les structures conjonctives sont intactes, pas d'hématome et il y a augmentation des
protéines et des enzymes musculaires. Les stades 0 et 1 sont d'installation progressive alors que les
autres ont une installation aigue.
Stade 2:
Atteinte irréversible d'un contingent réduit de fibres musculaires et une atteinte modérée du
tissu conjonctif sans désorganisation exagérée. Il n'y a pas d'hématome.
Traduit par une douleur vive décrite au cours du geste sportif mais n'imposant pas l'arrêt
immédiat. Le retentissement fonctionnel varie selon la localisation.
D'évolution rapidement favorable, sa cicatrisation est obtenue en 10 à 15 jours sans
restitution ad integrum. La reprise du sport est fondée sur les tests cliniques.
Stade 3:
Atteinte irréversible de nombreuses fibres musculaires avec atteinte marquée du tissu
conjonctif de soutien qui se trouve désorganisé avec formation d'un hématome intra-musculaire
localisé.
Cliniquement, douleur aigue au cours de l'activité sportive et imposant l'arrêt de cette
dernière. L'impotence fonctionnelle est marquée. L'évolution se fait en 4, 6 voire 12 semaines;
dépendant de l'importance des lésions anatomiques initiales en particulier du nombre de fibres
atteintes, du volume de l'hématome et de l'état de l'aponévrose.
Stade 4:
Rupture partielle d'un muscle avec atteinte massive du tissu conjonctif de soutien et
formation d'un hématome volumineux et diffus.
Annexe 2
La classification de BLAZINA:
Stade 1:
Douleur tendineuse après effort sans retentissement sur l'activité sportive.
Stade 2:
Douleur en début d'activité et réapparaissant à la fatigue. Pas ou peu de répercussions sur la
pratique sportive.
Stade 3:
Douleur en début et pendant l'activité et pouvant déboucher sur l'arrêt de l'activité sportive.
A un stade évolué les douleurs existent même en dehors de la pratique sportive.
Stade 4:
Rupture tendineuse
Annexe 3
Echelle Visuelle Analogique pour l'évaluation de la douleur
Figure 5:
Filament d'actine associé au complexe de troponine et tropomysosine
Figure 3:
Le complexe Dystrophine-Distroglycans-Laminine
Figure 4:
Le complexe Taline-Vinculine-Intégrine-Laminine
Figure 6:
Les trois sièges possibles de désinsertion
Figure 1:
Anatomie d'un cellule musculaire
Figure 2:
La zone H d'un sarcomère
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