Le théorème des nombres premiers

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Le théorème des nombres premiers
A
Introduction
On sait depuis Euclide que l'ensemble P des nombres premiers est in ni .
En effet, si p est premier, le plus petit diviseur premier de 1 + p! dépasse p .
La répartition des nombres premiers a été étudiée par des générations de mathématiciens,
mais il a fallu attendre 1896 pour que le résultat asymptotique suivant soit en n démontré .
Théorème des nombre premiers (TNP)
Si on note
(x) le nombre d'éléments de P inférieurs ou égaux à x , alors
(x) s
x
.
ln x
Petite chronologie
On peut dresser une liste (non exhaustive) de mathématiciens célèbres ayant contribué à cette étude :
EUCLIDE (Grec 330-275 av JC) montre que P est in ni .
P 1
Leonhard EULER (Suisse 1707-1783) démontre que :
diverge .
p p
Adrien LEGENDRE (Français 1752-1833) consacre un ouvrage à la théorie des nombres .
Carl GAUSS (Allemand 1777-1855) est le premier à conjecturer le TNP .
August MÖBIUS (Allemand 1790-1868) introduit la fonction qui porte son nom .
(x) ln x
1; 2 .
30) 0; 9
x
+1
P 1
Bernhard RIEMANN (Allemand 1826-1866) introduit la fonction (z) =
.
z
n=1 n
Jacques HADAMARD (Français 1865-1963) et Charles de LA VALLEE-POUSSIN (Belge 1866-1962)
Pafnouti TCHEBYCHEV (Russe 1821-1894) prouve que : (8x
démontrent indépendamment l'un de l'autre le TNP en 1896 . Leurs démonstrations reposent en grande
partie sur la fonction
de Riemann .
Pavel ERDÖS (Hongrois 1913-1996) et Atle SELBERG (Norvégien 1917) publient en 1949, et à la
surprise générale, une démonstration dite «élémentaire» du TNP , qui n'utilise ni la fonction
, ni plus
généralement les fonctions d'une variable complexe .
C'est une démonstration de ce type qui est présentée ici . Elle est adaptée de l'excellent livre intitulé
Les nombres premiers de William John Ellison et Michel Mendès France publié chez Hermann .
Les notations utilisées ont été regroupées ci-après pour permettre au lecteur de s'y référer facilement .
[email protected]
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Département de Mathématiques
B
Notations
Conventions
x désignera toujours un nombre réel supérieur ou égal à 1, p un nombre premier, et k; l; m; n; :::
des nombres entiers naturels non nuls . On allègera les notations en ne précisant pas les ensembles .
Q
Q
Ainsi, par exemple, le produit des diviseurs premiers de l'entier n pourra être noté
p ou
p.
p=n
pk=n
Ensembles de référence
P est l'ensemble des nombres entiers premiers .
P0 est l'ensemble des entiers qui n'ont pas de diviseur carré supérieur à 1 .
(nombres de Möbius)
P00 = f p = p 2 P et
Remarque : P = P0 \ P00
2 N g est l'ensemble des nombres primaires .
Fonctions de la variable entière n
(n) = card f p = p divise n g
P
(n) =
0
( 1)
(n) =
(k)
0
ln (p)
(n) =
k=n
P
b (n) =
(k)
(l)
(n) ln (n) c (n) =
kl=n
P
(k)
(fonction de Möbius)
si n 2
= P00
si n = p
(fonction de von Mangoldt)
(l) +
(n) ln (n)
kl=n
1
+1
0
n
(n)
(n)
(n)
si n 2
= P0
si n 2 P0
2
1
ln 2
3
1
ln 3
4
0
ln 2
5
1
ln 5
6
+1
0
7
1
ln 7
8
0
ln 2
9
0
ln 3
10
+1
0
11
1
ln 11
12
0
0
13
1
ln 13
Fonctions de la variable réelle x
[x] =
P
(partie entière de x)
1
(x) = x
[x]
(partie fractionnaire de x)
k x
(x) = card f p 2 P = p
U (x) =
V (x) =
P x
k x k
P x
x
ln
k
k x k
(x) = sup
t x
(x) =
xg
P
M (t)
t
ln (p)
p x
[email protected]
(x) = card f p0 2 P0 = p0
0
M (x) =
P
(k)
xg
(fonction de Mertens)
k x
' (x) = jM (x)j ln2 x
p
(x) =
(x) =
ln (x)
=
ln (p)
P
p x
2 / 16
p
2x ln x
max f
(x) ln (p) =
P
0
=p
xg
si p > x
si p x
(n) (fonction de Tchebychev)
n x
Département de Mathématiques
C
Les fonctions
et
Erdös et Selberg ont utilisé
(x) =
P
ln p . Nous lui préfèrerons
(x) =
p x
La proposition suivante prouve que l'on peut remplacer l'étude de
P ln x
ln p .
p x ln p
(x) par celle (x) ou de
(x) .
Proposition 1
(x)
(x)
(x) ln x
, q2 (x) =
ou q3 (x) =
converge vers une
x
x
x
limite réelle quand x tend vers +1; alors les deux autres quotients convergent vers la même limite .
Si l'un des quotients q1 (x) =
Démonstration
P
(x) =
ln p
p x
On en déduit que q1 (x)
Alors u(x) =
d'où
(x)
P ln x
ln p =
p x ln p
ln x
ln x
=
ln x
P
ln p
x <p
x
On en déduit que q1 (x)
Finalement q1 (x)
(x)
P ln x
ln p =
p x ln p
q3 (x) . Soit maintenant x > e , et soit
q2 (x)
2 ln (ln x)
! 1 et "(x) =
x!+1
ln x
P
ln x = ( (x)
(
x <p
x
ln
x
x )) ln
x
=
x
=
x
2 ]1; x[ .
ln2 x
ln ln2 x
ln2 x
ln x
(x) u(x) ln x
x
! 0.
x!+1
x "(x) .
x
"(x) , ou encore q3 (x)
q3 (x) u(x)
q2 (x)
(x) ln x .
q3 (x)
q1 (x) + "(x)
u(x)
q1 (x) + "(x)
.
u(x)
q2 (x) + "(x)
u(x)
q3 (x) + "(x)
si x > e ,
u(x)
et le théorème d'encadrement permet de conclure .
D
Un lemme d'Abel
Le résultat suivant permet d'exprimer une somme nie à l'aide d'une intégrale .
Proposition 2
(Lemme d'Abel)
Soit ' une application complexe continûment dérivable sur [1; +1[ .
1. Si (ak )k
1 est une suite de nombres complexes, et si on pose A(x) =
Z x
X
ak ' (k) = A(x) ' (x)
A(t) '0 (t) dt .
ak pour tout réel x
1 , alors
k x
1
k x
2. En particulier
X
X
' (k) = [x] ' (x)
k x
[email protected]
Z
x
[ t ] '0 (t) dt .
1
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Département de Mathématiques
Démonstration
On pose n = [x] . Alors A(x) = A(n) et
Z x
Z
n 1 Z k+1
X
0
0
A(t) ' (t) dt =
A(k) ' (t) dt +
1
=
k=1
n 1
X
k
A(k) (' (k + 1)
x
A(n) '0 (t) dt
n
' (k)) + A(n) (' (x)
' (n))
k=1
=
n
X
A(k
1)' (k)
k=2
=
n
X
n
X
A(k)' (k) + A(x)' (x)
k=1
(A(k
k=2
= A(x)' (x)
1)
n
X
A(k)) ' (k)
A(1)' (1) + A(x)' (x)
ak ' (k) .
k=1
Notations
On véri e aisément que les fonctions suivantes sont des applications bornées de [1; +1[ dans [0; 1] .
Z x
1
(t)
(x) = x [x]
dt prolongée par continuité en posant 1 (1) = 0
1 (x) =
ln x 1 t
Z +1
Z +1
ln x
(t)
2 (t)
dt
dt
0 (x) = p
2 (x) = x
3 (x) = x
2
t
t2
x
x
x
!
n
X
1
On rappelle d'autre part que lim
ln n = = 0; 57721566::: (constante d'Euler)
n!1
k
k=1
Z n
Z n
n 1 Z k+1
n 1
n
X
X
X
(t)
t [t]
k
1
1
Or
dt =
dt = ln n
dt = ln n
= ln n
+1,
2
2
2
t
t
k+1
k
1 t
1
k
k=1
k=1
k=1
Z +1
Z n
(t)
(t)
dt = lim
dt = 1
.
donc 2 (1) =
2
2
n!1
t
1 t
1
On peut alors déduire du lemme d'Abel les développements asymptotiques suivants :
Proposition 3
Il existe trois fonctions bornées b1 ; b2 et b3 à valeurs dans [ 1; +1] véri ant
P
p
1. ln ([x]!) =
ln (k) = x ln x x + 2 b1 (x) x .
k x
2. U (x) =
P x
= x ln x + x + b2 (x) .
k x k
P x
x
1
ln
= x ln2 x + x ln x + x + b3 (x)
k
2
k x k
P x
x
4. W (x) =
pour tout 2 [0; 1[ .
1
k x k
3. V (x) =
[email protected]
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où
=
3 (1)
2 (1)
.
Département de Mathématiques
1.
Démonstration
1.
P
Z
ln (k) = [x] ln x
k x
= x ln x
[t]
dt = (x
t
1
(x) ln x
1
p +
2 x
où b1 (x) =
x
Z
P 1
[x]
2.
=
+
x
k x k
x
1
2
= ln x +
Alors U (x) =
(x)
x
Z
2 (x)
(x)j
1 (x) ln x
x
1
(x)
x
P x
= x ln x +
k x k
+
Z
x
t
(t)
t2
1
(t)
dt = 1
t2
d'où V (x) =
avec
=
3 (1)
P x
x
ln
k
k x k
P 1
[x]
4.
=
+
x
k x k
d'où W (x) =
2 (1)
Z
P
k x
x
1
ln x +
x
t
=
[t]
x
k
dt
p
x + 2 b1 (x) x
= x ln x
dt
+1
= x
3 (x)
2 (x)
x
2 (1)
P 1
k x k
+
2 (x)
(x)
x
+
.
2 (x)
x
,
x ln x + x + b3 (x)
et b3 (x) =
1
(x) 2 [ 1; +1] .
2 (x)
1
.
k
2 (1)
x
1
x ln2 x +
2
x
dt
et ak =
3 (1)
2 [ 1; +1]
t
t
1
avec b2 (x) =
x + b2 (x)
P 1
1
et A (x) =
= ln x +
+
t
k x k
Z x
x
A (t)
= A (x) ln
+
dt
x
t
1
Z x
(t)
(t)
ln t
=
+
+ 22
dt
t
t
t
t2
1
1 2
ln x +
2
(t)
(x)
+ ln x +
x
Alors '0 (t) =
=
t
.
3. On applique le lemme d'Abel avec ' (t) = ln
P 1
x
ln
k
k x k
x
1
1
+
= 1.
2
2
0 (x)
2
x
[t]
dt =
2
t
+
1) +
1 (x)
(x)
+ ln x
x
= 1
(x)) ln x
(x) ln x
p
x
1 (x)
1
j
p +
2 x
et donc jb1 (x)j
(x
Z
Z
2 (x)
3 (x)
2 [ 1; +1] .
x
dt = x1
t
1
x
1
+
x1
1
1
x1
1
.
Dans cette quatrième partie, on s'est contenté d'une majoration qui servira plus loin . On aurait pu
chercher un développement asymptotique plus précis en s'inspirant des questions précédentes .
[email protected]
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Département de Mathématiques
E
La fonction de Möbius
Notations
On note P0s l'ensemble des nombres entiers qui sont le produit de s nombres premiers distincts et
par convention, on note P00 = f1g .
On appelle nombres de Möbius les éléments de P0 =
s
dé nie sur N par :
s2N
( 1) si k 2
0
si k 2
=P
(k) =
P0s
0
On note en n l'application dé nie sur N par :
S
P0s , et fonction de Möbius l'application
(n) =
P
(k) :
k=n
Etablissons d'abord un petit lemme technique .
Proposition 4
1
0
(n) =
si n = 1
si n > 1
Démonstration
Remarquons d'abord que
(1) =
(1) = ( 1)0 = 1 .
Supposons maintenant que n > 1 et notons r le nombre des diviseurs premiers de n .
n possède alors exactement
d'où
(n) =
P
k=n
(k) =
P
r
diviseurs dans P0s (0
s
0 s r
r
( 1)s = (1
s
s
r) ,
1)r = 0 . (Formule de Newton)
Découvrons maintenant la propriété fondamentale de la fonction de Möbius .
Proposition 5
(Théorème d'inversion)
Soit f une application dé nie sur [1; +1[ .
P
P
x
x
Si on note fe(x) =
; alors f (x) =
(n) fe
.
f
n
n
n x
n x
Démonstration
P
P P
P
P
P
x
x
x
x
f (x) =
(n) f
=
(k) f
=
(k)
f
=
(k) fe
.
n
kl
kl
k
n x
n x kl=n
k x
k x
l x=k
[email protected]
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Département de Mathématiques
F
Les -couples de fonctions
On appelle couple de Möbius, ou encore -couple de fonctions, tout couple f; fe de fonctions
P
x
dé nies sur [1; +1[ et liées par les relations fe(x) =
f
n
n x
et donc f (x) =
n x
Ainsi, les couples suivants sont des -couples de fonctions :
f1 (x) = 1
fe1 (x) = [x]
P x
fe2 (x) =
= U (x)
n x n
P x
x
fe3 (x) =
ln
= V (x)
n
n x n
f2 (x) = x
f3 (x) = x ln x
P
La proposition suivante présente un nouveau -couple reposant sur la fonction
x
(n) fe
.
n
dé nie page 2 .
Proposition 6
1. Si on pose
p
(x) =
P x
p
pour tout nombre premier p
[x]! =
Q
p
x; on a alors
(formule de Legendre)
p (x)
p x
2. Le couple
; e suivant est un -couple de fonctions :
P
e (x) = ln ([x]!)
(x) =
(n)
n x
Démonstration
1. Pour tout nombre premier p
et donc
p
(x) =
P
2. e (x) =
n x
=
P x
p
x
p
x;
est le nombre de multiples de p compris entre 1et x ,
est l'exposant de p dans la décomposition primaire de [x]! .
P P
x
=
n
n x m x=n
P
PP x
ln p =
p
p x
p x
(m) =
P
P
m x n x=m
p
(x) ln p = ln
Q
p
p x
P hxi
(m) =
m x m
!
p (x)
(m)
= ln ([x]!) .
La proposition suivante montre que le comportement asymptotique de f peut se déduire de celui de fe .
Proposition 7
Soient f; fe un -couple de Möbius , A, B, C trois nombres réels , et
un élément de [0; 1[ .
1. si fe(x) = O (x ) , alors f (x) = O (x) .
2. si fe(x) = Ax ln2 x + Bx ln x + Cx + O (x ) , alors f (x) = 2Ax ln x + O (x) .
[email protected]
7 / 16
Département de Mathématiques
Démonstration
fe(x)
1. Soit K une constante véri ant
jf (x)j =
P
(n) fe
n x
Kx : Alors, d'après la proposition 3,
P e x
f
n
n x
x
n
K
P
x
n
n x
= K W (x)
K
1
x.
2. Dans le cas général, on dé nit un nouveau -couple de Möbius (g; ge) en posant
g(x) = f (x)
ax ln x
bx
c
et
ge(x) = fe(x)
aV (x)
c [x] .
bU (x)
Alors, toujours d'après la proposition 3,
ge(x) =
1
a x ln2 x + (B
2
A
a
b) x ln x + (C
On choisit évidemment a = 2A; b = B
a
et c = C
a
b
c) x + O (x ) .
b .
a
Ainsi ge(x) = O (x ) ; donc d'après la première partie g(x) = O (x) ,
et donc f (x) = g(x) + ax ln x + bx + c = ax ln x + O (x) = 2Ax ln x + O (x) .
G
Intermède
Les résultats de cette partie ne seront pas utilisés par la suite . Néanmoins ils permettent au lecteur de
voir en quoi la fonction
de Riemann est liée à la théorie des nombres, et ils donnent l'occasion de se
familiariser avec les outils introduits dans les parties précédentes.
Proposition 8
Soit
> 1 . Si on note
( )=
+1
P
+1
P (n)
1
, alors
=
n=1 n
n=1 n
1
.
( )
Démonstration
+1
P
n=1
car
(n)
n
(n) =
( )=
+1
P
n=1
P
k=n
(k) =
(n)
n
1
0
+1
P
1
n=1 n
si n = 1
si n > 1
=
+1
P
n=1
(n)
=1
n
d'après la proposition 4 .
On en déduit le résultat suivant qui concerne l'ensemble P0 des nombres de Möbius .
Proposition 9
Le nombre
0
(x) d'éléments de P0 inférieurs ou égaux à x véri e
P
x
6x
0
(x) =
j (k)j
= 2 .
(2)
k x
[email protected]
8 / 16
Département de Mathématiques
Démonstration
Pour tout entier k
1; on note (k) = max f n / n2 divise k g
P
x g = p card f k / k x et (k) = n g
[x] = cardf k / k
=
n
n
x
P
card f p0 n2 / p0 n2
p
x
p
k : Alors,
x et p0 2 P0 g =
n
P
p
0
x
x
.
n2
On dé nit un nouveau -couple de fonctions f; fe en posant f (x) = 0 (x2 ) .
p
P
P
p
x
x
e
= p 0 2 = [x] ; donc fe(x) = [x2 ] ; et donc
Alors f ( x) = p f
n
n
n
n
x
x
0
(x2 ) = f (x) =
P
k x
=
+1
P
P
P
x2
x2
x
(k) 2 =
(k) 2
(k) fe
=
k
k
k
k x
k x
(k)
k=1
P
k>x
P 1
2
k>x k
(k)
k2
On en déduit que
H
0
P
x2
k2
k>x
P
(k)
k>x
Z
k
k 1
dt
=
t2
Z
x2
k2
+1
[x]
P
(k)
k x
dt
1
=
2
t
[x]
et
(k)
k x
+1
P
x2
k=1
P
2
(2) =
x2
k2
(k)
x2
=
car
k2
(2)
x2
k2
(k)
k x
x
, et on rappelle en n que
(2)
(x)
x2
k2
P
P
1 = [x] .
k x
.
6
Les -couples arithmétiques
Soit f; fe un -couple de fonctions .
On véri e aisément que si f est nulle en dehors de N ; il en va de même de fe; et réciproquement .
On ne s'intéresse alors qu'aux suites (f (k)) et fe(k) : Elles véri ent
P
f
fe(k) =
m=k
k
m
=
P
f (n)
et
f (k) =
mn=k
P
mn=k
(m) fe(n) .
On dira alors que la suite f (k) ; fe(k) constitue un -couple arithmétique .
Proposition 10 : Les couples suivants sont des -couples arithmétiques
1. ( (k) ; (k))
2. ( (k) ; ln (k))
3. ( (k) ln (k) ;
4.
(k))
(k) ln2 (k) ; b (k)
où b (k) =
P
(m)
(n)
(k) ln (k)
(m)
(n) +
(k) ln (k)
mn=k
5. c (k) ; ln2 (k)
où c (k) =
P
mn=k
[email protected]
9 / 16
Département de Mathématiques
Démonstration
1. Vrai par dé nition de (k) .
On rappelle que
(1) = 1 ; et que pour tout k
(k) = 0 : (Proposition 4)
2;
2. Si on note p l'exposant de p dans la décomposition primaire de k; alors
P
P P
P
Q p
(n) =
(p ) =
p = ln (k) .
p ln (p) = ln
mn=k
3.
P
p=k
(m) ln (m) =
mn=k
4.
P
P
p=k
(m) (ln (k)
P
ln (n)) = ln (k) (k)
mn=k
(m) ln2 (m) =
mn=k
Or
p=k
p
P
(m) ln (n) = 0
(m) ln (m) (ln (k)
ln (n)) =
(k) ln (k)
P
(m) ln (m) ln (n) =
mn=k
(m) ln (m)
=
P
(s)
ts=k
P
(m) ln2 (n) =
mn=k
P
(s) =
rs=n
mn=k
5. De même
P
(m) ln (m) ln (n) .
mn=k
mn=k
P
(k) .
mn=k
P
P
P
(m) ln (m)
(s)
mrs=k
(m) ln (m) =
mr=t
P
(s)
(t) .
ts=k
(m) ln (n) (ln (k)
ln (m))
mn=k
=
P
(k) ln (k)
(m) ln (m) ln (n) = c (k) .
mn=k
Voyons maintenant comment dé nir un -couple de fonctions à partir d'un -couple arithmétique .
Proposition 11
Si f (k) ; fe(k) est un -couple arithmétique , alors
de fonctions .
P
k x
!
P e
f (k) ;
f (k) est un -couple
k x
Démonstration
Notons g (x) =
P
f (k) . Alors
k x
ge (x) =
P
n x
g
P e
P P
P
P P
x
=
f (k) =
f (k) =
f (k) =
f (k) :
x
n
m x kn=m
m x
n xk n
kn x
Etudions maintenant le comportement asymptotique de la suite (c (k)) dé nie proposition 8 .
Proposition 12
P c (k)
1.
= ln2 (x)
k
k x
2.
P c (k)
= ln
y<k x k
2 ln (x) + O (1)
x
y
(ln (xy)
[email protected]
où
désigne la constante d'Euler .
2 ) + O (1) .
10 / 16
Département de Mathématiques
Démonstration
1. Soit g (x) =
P x
c (k) et f (x) = g (x)
k x k
Alors ge (x) =
=
P
x ln2 (x) .
P P x
P x
P P x
x
=
c (k) =
c (k) =
c (k)
x nk
n
n xk n
m x nk=m m
nk x nk
g
n x
P x 2
P x P
c (k) =
ln (m) car c (k) ; ln2 k est un -couple arithmétique .
m
m
m x
m x
nk=m
P x 2
D'où fe(x) =
ln (m)
m xm
= ln2 (x) U (x)
P x 2 x
P x
ln
=
ln2 (x)
m
m x m
m x m
x ln2 (x)
On en déduit que f (x) =
2.
P c (k)
P c (k)
=
y<k x k
k x k
= ln
I
2 ln (x)
1
x ln2 (x) + x ln (x) + x + b3 (x)
2
p
2 x ln (x) + O ( x) .
2 x ln (x) + O (x) d'après la proposition 7,
P c (k)
g (x)
f (x)
=
= ln2 (x) +
= ln2 (x)
k
x
x
k x
et que donc
x
y
x
m
(voir proposition 3)
2 ln (x) V (x)
= ln2 (x) (x ln (x) + x + b2 (x))
=
2 ln (x) ln
P c (k)
= ln2 (x)
k
k y
(ln (xy)
2 ln (x)
2 ln (x) + O (1) .
ln2 (y) + 2 ln (y) + O (1) .
2 ) + O (1) .
Le comportement asymptotique de M (x)
Commençons par établir quelques majorations concernant la fonction de Mertens M (x) =
P
(k) .
k x
Proposition 13
1. jM (x)j
2. jM (y)
3.
P
k x
x.
jy
M (x)j
(k)
k
xj + 1 .
1.
4. Si x < y, alors
Z
5. ' (x) = jM (x)j ln2 x
y
x
M (t)
dt
t2
2x ln x
[email protected]
4.
P
k x
c (k) M
x
k
.
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Département de Mathématiques
Démonstration
P
1. jM (x)j
k x
P
j (k)j
2. Supposons x < y . jM (y)
3.
(1) = 1;
(2) =
x.
1 = [x]
k x
P
M (x)j
x<k y
1;
(3) =
P
j (k)j
1 = [y]
[x]
x+1.
y
x<k y
(4) = 0 .
1,
La majoration est évidente pour x < 4 . On suppose donc x
4.
(1; [x]) étant un -couple de fonctions, on a, d'après la proposition 5,
1=
P
(k)
k x
hxi
P
donc x
k
=
P
P
x
k
(k)
k x
k x
P
(k)
= 1+
(k)
k
k x
k x
x
;
k
(k)
x
k
1+
k x
P
4. D'après la proposition 2 (lemme d'Abel) ,
donc
et donc
x
1
P
M (t)
dt
=
t2
k x
Z
y
x
M (t)
dt =
t2
Z
(k)
k
y
1
M (x)
x
Z
M (t)
dt
t2
5. D'après la proposition 2 (lemme d'Abel) ,
j (k)j
1 + [x]
Z
M (x)
(k)
=
+
k
x
k x
Z
P
x
1
M (t)
dt;
t2
1 + 1 = 2;
x
1
P
M (t)
dt
t2
2+2=4.
2
2
(k) ln (k) = M (x) ln (x)
k x
2
donc jM (x)j ln (x)
Or, d'une part,
Z
P
2
(k) ln (k) + 2
k x
x
ln (t)
jM (t)j
dt
t
1
Z
d'autre part, d'après la proposition 11,
x.
1
Z
x
1
jM (t)j
2
Z
x
M (t)
1
ln (t)
dt;
t
ln (t)
dt:
t
x
ln (t) dt = x ln (x)
x+1
x ln (x) ;
1
P
(k) ln2 (k) ;
k x
P
!
b (k)
k x
est un -couple de
fonctions, donc d'après la formule d'inversion (proposition 5),
P
(k) ln2 (k) =
n xk
k x
et donc
P P
P
k x
(n) b (k) =
x
n
P
(n) b (k) =
nk x
(k) ln2 (k)
P
k x
[email protected]
jb (k)j M
P P
k xn
x
k
P
k x
12 / 16
c (k) M
(n) b (k) =
x
k
P
k x
x
k
b (k) M
x
k
.
Département de Mathématiques
M (x)
prend des petites valeurs .
x
On va démontrer l'existence d'intervalles sur lesquels
Proposition 14
Soit
3 et soit =
intervalle a; ae
1
. Alors, pour tout nombre réel A
M (x)
x
sur lequel
; l'intervalle A; Ae
contient un
7 .
Démonstration
Supposons que :
On aurait alors
8x 2 A; Ae
5 x.
jM (x)j
8x 2 A; Ae
jM (x)j
5 A
=5.
5
La fonction M garderait donc un signe constant sur A; Ae
Z
Ae
A
M (x)
dx =
x2
Z
Ae
A
jM (x)j
dx
x2
Z
Ae
A
; et on aurait donc
5 x
dx = 5 (
x2
)=5
5
2
5
5
> 4;
9
ce qui est impossible d'après la proposition 13 .
Il existe donc au moins un élément a de A; Ae
Alors a; ae
jM (x)j
A; Ae
jM (x)
x
1
, et pout tout élément x de a; ae ;
M (a)j + jM (a)j
e
véri ant jM (a)j < 5 a .
+6
x
a+1+5 a
x
xe
+ x+5 x
7 x.
On peut maintenant établir le théorème fondamental suivant :
Proposition 15
(x) = sup
t x
M (t)
t
!0
x!1
et donc
M (x)
x
! 0.
x!1
Démonstration
La justi cation étant longue et technique, nous allons opérer par étapes .
La fonction
Cette fonction est décroissante et, d'après la proposition 13, à valeurs dans [0; 1] .
Elle converge donc vers une limite
On aura alors lim sup
2 [0; 1] . Il nous faut démontrer que
=0.
M (x)
M (x)
= lim (x) = 0 , et donc lim
=0.
x!1
x!1
x
x
[email protected]
13 / 16
Département de Mathématiques
Les intervalles Im
On xe
> 3 et on pose =
Pour tout entier m
1
:
1; on note Im = e
m
M (t)
:
t
et sm = sup
(m+1)
;e
t2Im
Alors lim sup sm = lim sup sm = lim
n!1 m n
n
e
n!1
.
=
D'autre part, d'après la proposition 14, l'intervalle Im contient un intervalle am ; am e
sur lequel
7 x.
jM (x)j
x
k
Choix des majorations de M
On xe un entier n
2 et un réel x 2 In . On pose l = [
l
;x ;
Pour tout entier k 2 J = 1; xe
De plus
nS1
nS1
am ; am e
m=l
l
n] .
x
2 am ; am e
k
Pour tout entier k 2 Km = xam1 e ; xam1 ,
Pour tout entier k 2 I = xe
p
x
2 1; e
k
et M
l
x
k
x
k
Im = e l ; e
m=l
x
.
k
l
e
e l ; x , donc K =
n
7 x
.
k
(proposition 13) .
x
x
2 e l ; x et M
k
k
;
x
k
et M
nS1
Km
J.
m=l
Majoration de ' (x) = jM (x)j ln2 x
2x ln x
D'après la dernière majoration de la proposition 13,
' (x)
P
k x
x
' (x)
x
P
x
k
c (k) M
P c (k)
+
k2I k
k2I
l
e
P c (k)
+
k2I k
e
x
k
c (k) M
l
x
+
P
c (k) M
k2JnK
P c (k)
P c (k)
+7 x
k2K k
k2JnK k
P c (k)
+ 7
k
k2J
e
Comportement asymptotique du majorant
l
(x)
x
k
+
P
c (k) M
k2K
x
k
et donc
P c (k)
=
k2K k
(x) .
(n + 1) ; d'où ln x = n + O (1) . De même ln am = m + O (1) .
p
p
D'autre part l = [ n ] = n + O (1) = o (n) . On a donc d'après la proposition 12,
n
ln x <
P c (k)
x
= ln
xe
k2I k
P c (k)
= ln xe
k
k2J
= (ln x
l
l
l
ln x2 e
ln xe
l) (ln x
[email protected]
l
l
2
2
+ O (1) =
l (2 ln x
l
2 ) + O (1) = o (n2 ) .
+ O (1)
2 ) + O (1) =
14 / 16
2 2
n + o (n2 )
Département de Mathématiques
P c (k)
= ln
k2Km k
=
xam1
xam1 e
(2 n
ln x2 am2 e
2 m) + O (1) = 2 (n
P c (k) nP1 P c (k) nP1
(2 (n
=
=
k2K k
m=l k2Km k
m=l
= (n
D'où
2
l) (n
l + 1) + (n
(x) = o (n2 ) +
l
e
= 7 n2 +
e
l
2 ln am
2 ) + O (1)
m) + O (1))
l) O (1) = n2 + o (n2 ) .
n + o (n2 )) + 7
2
(2 ln x
m) + O (1)
2 2
(
(
+ O (1) =
l
e
(n2 + o (n2 ))
1) n2 + o (n2 )
Conclusion
M (x)
' (x)
2
=
+
2
x
x ln x ln x
7
2
+
e
l
(x)
+
2 n2
1
1
2
n
+ o (1) = 7
2
3
+
l
e
Cette majoration étant valable pour tout x 2 In ; on a aussi
et en faisant tendre n vers +1 ;
= lim sup sn
Or peut être choisi aussi petit que l'on veut, d'où
J
3
7
+
2
1
+ o (1) .
sn
7
3
1
2
; d'où
+
e
l
1
2
2
+ o (1) ;
7 3 , puis
7 .
=0.
Le théorème des nombres premiers
Proposition 16
Soit (an ) une suite décroissante de nombres réels positifs .
Pour tout couple d'entiers (m; n) véri ant 1
n
P
m < n; on a
ak (k)
2n (m) am+1 .
k=m+1
Démonstration
n
P
ak (k)
=
k=m+1
n
P
ak (M (k)
M (k
1)) =
k=m+1
=
n
P
ak M (k)
k=m+1
nP1
am+1 M (m) +
nP1
ak+1 M (k)
k=m
(ak
ak+1 ) M (k) + an M (n) ; d'où
(ak
ak+1 ) jM (k)j + an jM (n)j
(ak
ak+1 ) k (m) + an n (m)
k=m+1
n
P
k=m+1
ak (k)
am+1 jM (m)j +
nP1
k=m+1
am+1 m (m) +
nP1
k=m+1
n (m) am+1 +
nP1
(ak
ak+1 ) + an
= 2n (m) am+1 .
k=m+1
[email protected]
15 / 16
Département de Mathématiques
On peut en n en n achever la démonstration du théorème des nombres premiers .
Proposition 17
lim
x!+1
(x) ln x
(x)
= lim
= lim
x!+1 x
x!+1
x
(x)
=1.
x
Démonstration
D'après la proposition 1, il suf t de montrer que
(x)
=1.
x
lim
x!+1
On considère les trois -couples de fonctions (g1 ; ge1 ) ; (g2 ; ge2 ) et (g; ge) suivants
g1 (x) =
ge1 (x) = ln [x]! + (1 + ) [x]
(x) + 1 +
ge2 (x) =
g2 (x) = x
g (x) = g1 (x)
P x
= U (x)
n x n
ge (x) = ge1 (x)
g2 (x)
ge2 (x)
On remarquera que les applications ge1 et ge2 sont positives et croissantes . D'autre part (proposition 3)
p
ge (x) = x ln x x + 2b1 (x) x + (1 + ) (x
(x)) (x ln x + x + b2 (x))
p
= 2b1 (x) x (1 + ) (x) b2 (x)
p
p
p
d'où je
g (x)j (2 jb1 (x)j + (1 + ) (x) + jb2 (x)j) x (4 + ) x 5 x .
Alors, pour
P
g (x) =
n x
P
Or
n
xé dans ]0; 1[ ; on a, pour tout x >
(n) ge
x
(n) ge
n
x
P
x
x
=
(n) ge
+
n
n
n x
P
n
x
x
ge
n
5
;
P
(n) ge1
x<n x
P
n
1
x
r
x<n x
De même
(n) ge1
P
x<n x
et donc jg (x)j
Or
lim
x!+1
Le choix de
En n
x
n
=
[x]
P
n=[ x]+1
(n) ge2
x
n
(n) ge1
x
n
2 [x] ([ x]) ge1
2x ([ x]) ge2
10 x + 2x ([ x]) ge1
1
1
+ ge2
1
[email protected]
lim
x!+1
x
n
10 x (proposition 3)
x
[ x] + 1
2x ([ x]) ge1
1
.
g (x)
x
étant arbitraire dans ]0; 1[ ; on a donc lim sup
(1 + ) ; donc
(n) ge2
;
([ x]) = 0 (proposition 15), donc lim sup
(x) = g (x) + x
x<n x
x
= 5W1=2 ( x)
n
D'autre part, d'après la proposition 16 et la croissance de ge1 ,
P
P
x
n
10 .
g (x)
g (x)
= 0; et donc lim
=0.
x!+1 x
x
(x)
=1.
x
16 / 16
Département de Mathématiques
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