curriculum Diagnostics différentiels cliniques des dystrophies musculaires héréditaires Dirk Fischer Neurologische Klinik, Universitätsspital Basel, und Abteilung für Neuropädiatrie, Universitätskinderklinik beider Basel Quintessence P Dans la majorité des pathologies de la musculature squelettique, il s’agit de myopathies primaires, c’est­à­dire d’ordre génétique. P Les dystrophies musculaires, génétiquement très hétérogènes, sont prin­ cipalement caractérisées par une perte progressive de force musculaire, une élévation durable du taux d’enzymes musculaires (CPK) et des modifi­ cations dystrophiques histopathologiques accompagnées de modifications dégénératives et régénératives des fibres de la musculature concernée. P En présence de dystrophies musculaires, la détermination de la répar­ tition clinique de la faiblesse musculaire représente l’«examen complé­ mentaire» le plus important dans la suite de l’orientation diagnostique (biopsie musculaire, test génétique direct). P En règle générale, il est indiqué de procéder à une biopsie musculaire et à une analyse dans un laboratoire spécialisé (apte à effectuer une immu­ nohistochimie des principales protéines musculaires et équipé d’un micro­ scope électronique) dans les cas les plus fréquents où la perte de force mus­ culaire est exclusivement proximale (faiblesse des ceintures scapulaire et pelvienne), ou dans les cas bien plus rares, où la faiblesse distale est isolée. P Si la face est impliquée de façon prononcée, il faut absolument songer aux pathologies, très fréquentes à l’âge adulte, de la dystrophie myoto­ nique (Curschmann­Steinert) et de la dystrophie musculaire facio­sca­ pulo­humérale, dont le diagnostic peut être assuré uniquement par un examen génétique direct. Introduction Dirk Fischer L’auteur certifie qu’aucun conflit d’intérêt n’est lié à cet article. Les myopathies sont des maladies de la musculature squelettique dont les causes sont diverses. En général il s’agit de maladies héréditaires à agrégation familiale, ou apparaissant sporadiquement. On les désigne aussi comme des myopathies primaires. Les myopathies secondaires, ou acquises, se développent à partir de processus inflammatoires (tels qu’une polymyosite idio­ pathique), endocriniens (comme une hypothyréose, un traitement stéroïdien), toxiques (comme les myopahies induites par des statines) ou par des processus dégéné­ ratifs. Les myopathies secondaires ne font pas l’objet de cet article qui sera consacré exclusivement aux myo­ pathies héréditaires. Les signes cliniques particuliers communs à ce groupe très hétérogène de dystrophies musculaires sont l’atro­ phie musculaire progressive et la perte de force mus­ culaire progressive. Le taux d’enzymes musculaires sanguins (CPK) est fréquemment élevé, clairement et durablement. L’histopathologie révèle des dystrophies musculaires caractérisées par des modifications myo­ pathiques­dystrophiques (fibres musculaires dégénéra­ Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 396 ou sur Internet sous www.smf-cme.ch. tives et régénératives, reconstruction secondaire de tissu conjonctif et lipidique) dans les muscles en ques­ tion. La classification traditionnelle des myopathies congénitales a subi des bouleversements ces dernières années grâce aux progrès en diagnostic génétique. Ac­ tuellement on range les myopathies primaires d’après les anomalies génétiques qui en sont responsables, si possible en tenant compte des localisations génétiques. Ce n’est qu’un diagnostic génétique exact qui fournira l’accès à une thérapie causale éventuelle à l’avenir. Le diagnostic génétique exact est également indispensable en conseil génétique avant conception, raison pour laquelle il faudrait toujours viser un diagnostic géné­ tique. De nos jours, plus de 40 gènes responsables de dystrophies musculaires ont déjà été mis en évidence: ce grand nombre doit nous inciter à ne cibler la de­ mande d’analyse génétique, laborieuse et coûteuse, que sur la base de critères de suspicion judicieux. Le diagnostic de myopathie Le symptôme central de toute pathologie musculaire est généralement la faiblesse musculaire; dans les cas de dystrophies musculaires, elle est permanente et le plus souvent lentement progressive. Les myopathies méta­ boliques et les pathologies musculaires impliquant des canaux ioniques ne se manifestent par contre fréquem­ ment que par des symptômes tels que des douleurs musculaires (myalgies), des contractions musculaires (crampes), une faiblesse musculaire, une élévation tem­ poraire du taux de CPK ou rarement, des rhabdomyo­ lyses (nécroses musculaires) apparaissant pendant ou après une sollicitation physique. Dans les dystrophies musculaires, c’est le phénotype clinique qui est décisif pour l’orientation diagnostique ultérieure: la réparti­ tion et le degré de sévérité de la faiblesse musculaire (fig. 1 x) sont susceptibles de fournir des informations essentielles nécessaires au diagnostic différentiel [1, 2]. Nous allons en présenter ici les phénotypes cliniques les plus fréquents ainsi que les étapes diagnostiques à poursuivre en conséquence. Manifestations cliniques des dystrophies musculaires Dystrophies musculaires avec faiblesse musculaire distale et atteinte faciale Ce phénotype apparaît typiquement dans la dystrophie myotonique (dystrophia myotonica [DM1] ou maladie Forum Med Suisse 2010;10(23):398–402 398 curriculum Figure 1 Schémas de répartition les plus fréquents des zones de faiblesse musculaire et d’atrophie musculaire dans les myopathies. La faiblesse à prédominance proximale (A) se manifeste avant tout chez les patients atteints de dystrophie musculaire des ceintures (LGMD) ou de maladies inflammatoires comme la polymyosite et la dermatomyosite. Myopathie distale (B) et faiblesse à prédominance distale avec faiblesse faciale associée (C) dans les cas de dystrophie myotonique (Curschmann-Steinert). Faiblesse facio-scapulo-huméro-péronière (D) dans la FSHD. Faiblesse fréquemment asymétrique de la musculature distale des membres supérieurs et du quadriceps (E) dans la myosite sporadique à inclusions. D’après: Fischer D. Klinische und bildgebende Differenzialdiagnose von Gliedergürteldystrophie. Klin Neurophys. 2006;37:180–8, avec l’aimable autorisation de: Thieme-Verlag, Stuttgart. Figure 2 Patient présentant une dystrophie myotonique (Curschmann-Steinert) confirmée génétiquement, avec atrophie distale et parésie aux niveaux des avant-bras et des jambes. de Curschmann­Steinert), qui est une atteinte systé­ mique congénitale à transmission autosomique domi­ nante. Avec une prévalence d’environ 1:10 000, elle est en même temps la dystrophie musculaire la plus fré­ quente chez l’adulte et la maladie musculaire myoto­ nique la plus fréquente dans la population. Le phéno­ type s’accompagne d’un déficit musculaire facial (ptose bilatérale, atrophie des muscles orbiculaires, des flé­ chisseurs et des extenseurs du cou, creusement fré­ quent des golfes temporaux) et d’une faiblesse primaire des extenseurs distaux (mains et pieds): cette dernière manifestation est si caractéristique (fig. 1C x, fig. 2 x) qu’elle permet fréquemment un diagnostic visuel – en particulier si une confirmation complémentaire de myotonie (retard au relâchement musculaire), clinique ou électrophysiologique, a été apportée. Au cours de l’évolution de la maladie, des atteintes proximales peu­ vent survenir de façon moins prononcée. Il faut consi­ dérer la DM1 comme une maladie plurisystémique, car elle peut s’étendre non seulement à la musculature squelettique, mais aussi au système nerveux central (retard mental en cas de forme néonatale sévère), à l’œil (cataracte), à l’oreille (hypoacousie), au muscle cardiaque (arythmies ou insuffisance cardiaque), au système endocrinien (diabète sucré) ou aux gonades (atrophie testiculaire et insuffisance ovarienne). L’origine génétique de la DM1 se situe sur le chromo­ some 19q13, qui révèle une amplification anormale du triplet de nucléotides CTG dans la terminaison 3’ non translatée du gène codant la myotonine protéine kinase (DMPK). Les personnes en bonne santé sont porteuses de moins de 50 triplets CTG, alors que les patients DM1 en portent un nombre bien supérieur, corrélé au degré de sévérité de la maladie de façon inversement propor­ tionnelle à l‘âge du patient en début de maladie. Dans les déroulements oligosymptomatiques à manifestation tardive, on trouve entre 50 et 100 répétitions du triplet CTG, alors que dans les cas congénitaux sévères, on peut en trouver plus de 1000. L’instabilité génétique des cellules germinales provoque un phénomène d’antici­ pation, faisant fréquemment augmenter la sévérité de la maladie dans les générations qui suivent. Lorsque le phénotype manifeste les caractéristiques cliniques d’une éventuelle dystrophie myotonique, la biopsie musculaire ne suffit pas à un diagnostic univoque; il faut procéder en première intention à un examen géné­ tique direct recherchant la présence d’une amplifica­ tion due à une répétition dans le gène DMPK [3]. Le déficit musculaire à prédominance facio-scapulo-humérale Le déficit musculaire affectant principalement la face, la ceinture scapulaire, les membres supérieurs et les membres inférieurs est une manifestation caractéris­ tique des dystrophies musculaires facio­scapulo­humé­ rales (FSHD), nommées également myopathies FSH (fig. 1D x, fig. 3 x), qui se transmettent sur le mode autosomique dominant. Avec une prévalence d’environ 1:20 000, la FSHD occupe le deuxième rang de fréquence des dystrophies musculaires chez l’adulte. L’expression et le début de la dystrophie FSH sont très variables. Cependant elle se manifeste habituellement à l’adoles­ Forum Med Suisse 2010;10(23):398–402 399 curriculum A C B Figure 3 Patients présentant un diagnostic de FSHD (souvent très asymétrique) confirmé génétiquement. Faiblesse musculaire marquée au niveau de la ceinture scapulaire, avec atrophie du muscle pectoral et deux plis axillaires caractéristiques (A); décollement des omoplates (scapula alata) prononcé à gauche (B); atrophie du mollet gauche (C). Figure 4 Patiente présentant une dystrophie musculaire des ceintures de type LGMD2D avec mutation identifiée dans le gène codant pour l’a-sarcoglycane. Phénotype d’atrophie généralisée avec scapula alata (A), atrophie des muscles de la cuisse (A, B) et hyperlordose lombaire destinée à stabiliser l’équilibre au niveau du bassin (C). La biopsie musculaire révèle un déficit de la réaction de l’a-sarcoglycane dans le sarcoplasme (D) par rapport au contrôle normal (E). Adapté selon: Fischer D, Aurino S, et al. On symptomatic heterozygous alpha-sarcoglycan gene mutation carriers. Am Neurol. 2003;54(5):674–8, avec l’aimable autorisation de: Wiley and Sons. Figure 5 Patient présentant une dystrophie musculaire des ceintures de type LGMD2I avec mutation identifiée dans le gène codant pour la FKRP. Parésie à prédominance distale nettement marquée, atrophie de la ceinture scapulaire avec scapula alata et atrophie des muscles (postérieurs) de la cuisse (A). La biopsie musculaire montre une structure en mosaïque indiquant une diminution pathologique de la réaction de l’a-dystroglycane (B), causée par le dysfonctionnement d’une glycosyltransférase (comme la FKRP). Illustration de l’a-dystroglycane dans une biopsie normale (C). Adapté selon: Fischer D, Walter MC, et al. Diagnostic value of muscle MRI in differentiating LGMD2I from other LGMDs. J Neurol. 2005;252(5):538–47, avec l’aimable autorisation de: Springer Science and Buisness Media. cence ou au début de l’âge adulte. En général, une fai­ blesse musculaire commence à se manifester dans les zones périoculaire et péribuccale, ce qui est confirmé clairement par une fermeture palpébrale incomplète et une incapacité à siffler ou à gonfler un ballon. L’étape suivante se caractérise par une faiblesse de la ceinture scapulaire avec difficulté à exécuter des travaux en le­ vant les bras, puis par un affaiblissement de la muscu­ lature paravertébrale (scoliose) et des muscles rele­ veurs des pieds, ce qui se traduit par des trébuchements fréquents. Le locus de la FHSD se situe à l’extrémité du bras long du chromosome 4 (4q35). Chez les patients FSHD, l’ex­ trémité du bras long de ce chromosome montre un fragment écourté, mais le gène responsable de la mala­ die n’est pas encore connu. Cette section d’ADN com­ porte une longueur de 50 à 300 paires de kilobases (kBp) sur chacun des chromosomes homologues 4 chez les personnes en bonne santé. Les patients FSHD n’en portent que 10 à 35 kBp. Pour parvenir à ce diagnostic, la biopsie musculaire est insuffisante et seul un examen génétique direct, prouvant que la section d’ADN sur 4q35 est raccourcie, permet un diagnostic précis de la FSHD [4]. Les dystrophies musculaires avec prédominance proximale du déficit musculaire Dans l’ensemble, les dystrophies musculaires avec dé­ ficit musculaire à prédominance proximale sont les plus fréquentes, c’est pourquoi ce phénotype (fig. 1A x, fig. 4 x, fig. 5 x) est très caractéristique des dystro­ phies musculaires. Toutefois il est aussi le moins spéci­ fique, car il peut se présenter par une grande variété de formes génétiques. Le déficit musculaire proximal concerne par exemple la dystrophie musculaire la plus fréquente de toutes, la dystrophinopathie à transmis­ sion par chromosome X (de type dystrophie de Du­ chenne resp. de Becker). Autres maladies à déficit musculaire proximal: les dystrophies musculaires des ceintures ou limb girdle muscular dystrophies (LGMD) à transmission autosomique dominante ou récessive, un groupe de myopathies génétiquement très hétéro­ gène allant de pair avec des valeurs de CPK souvent très élevées. Cliniquement la maladie se déroule très diffé­ remment d’un cas à l’autre. Il en existe des formes très sévères se manifestant dès les premières années de vie; elles peuvent entraîner un lourd handicap et une dimi­ nution de l’espérance de vie. Il en existe également des formes moins sévères qui n’entravent pas la vie quoti­ dienne et qui sont sans conséquence sur l’espérance de vie. On a identifié jusqu’ici plus de vingt locus diffé­ rents, dont 7 à transmission autosomique dominante et 13 à transmission récessive. Dans une publication ré­ cente, des analyses de liaison montrant que de nom­ breuses familles et patients sont atteints de LGMD sans qu’il n’y ait de liaison avec les gènes connus, témoi­ gnent d’une hétérogénéité génétique encore bien plus large. Les formes dominantes (LGMD1) sont générale­ ment atténuées et moins fréquentes: il s’agit de moins de 10% de toutes les LGMD. Les formes récessives (LGMD2) sont nettement plus présentes, et leur préva­ lence se monte à environ 1:15 000. Forum Med Suisse 2010;10(23):398–402 400 curriculum En cas de dystrophies musculaires à déficit proximal ou lors d’une accentuation proximale de la déficience, il est indispensable de procéder en outre à une biopsie mus­ culaire afin d’affiner le diagnostic par cette méthode in­ vasive incontournable. Cependant, lors de dystrophies musculaires des ceintures, on peut détecter le déficit de A B protéines d’origine génétique par immunohistochimie ou par western blot (fig. 4 et 5). Il faut absolument pro­ céder à ces biopsies dans un laboratoire offrant une ex­ périence spéciale dans l’évaluation de biopsies muscu­ laires et éventuellement pourvu d’un équipement pour analyses spéciales (immunohistochimie, western blot, C D Figure 6 Jeune patiente adulte présentant un début de myopathie distale de type Miyoshi au niveau de la loge postérieure de la jambe, ainsi que des valeurs de CPK 10 fois trop élevées et une mutation identifiée dans le gène codant pour la dysferline. Atrophie asymétrique des mollets (A) et incapacité à se mettre sur la pointe des pieds (B). La biopsie musculaire révèle un déficit de réaction de la dysferline dans le sarcoplasme (C) par rapport au contrôle normal (D). Figure 7 Patient adulte d’âge avancé présentant un début de parésie distale des muscles fléchisseurs au niveau de la loge antérieure de la jambe, des valeurs de CPK 2 fois trop élevées et une mutation identifiée dans le gène codant pour la myotiline. Impossibilité d’étendre la main et les doigts (B) et de relever le pied en s’opposant à la pesanteur (C). La biopsie musculaire révèle des agrégats de protéines (flèche dans D) et des vacuoles bordées (flèche dans E) dans le cytoplasme. Selon: Fischer D, Clemer CS, et al. Different early pathogenesis in myotilinopathy compared to primary desminopathy. Neuromuscul Disord. 2006;16(6):361–7, avec l’aimable autorisation d’Elsevier. Forum Med Suisse 2010;10(23):398–402 401 curriculum analyse biochimique des voies métaboliques muscu­ laires, microscopie électronique). Si par exemple l’im­ munohistochimie d’un patient atteint d’une dystrophie musculaire révèle la déficience d’une protéine de struc­ ture musculaire (telle que la dystrophine, la dysferline, la calpaïne­3, la cavéoline­3 ou une sarcoglycane), on peut directement continuer l’investigation par une ana­ lyse génétique ciblée du gène codant [7]. Dystrophie musculaire avec faiblesse musculaire à prédominance distale Les myopathies distales «classiques» (fig. 1B x) pré­ sentent également une grande hétérogénéité sur le plan génétique. Les myopathies de Nonaka (qui débutent dans les muscles releveurs du pied) et de Miyoshi (qui débutent dans les muscles fléchisseurs du pied), se ma­ nifestent pendant la 2e ou la 3e décade de vie et sont transmises sur le mode autosomique récessif. La myo­ pathie de Nonaka est due à des mutations dans le gène GNE. La myopathie de Miyoshi s’accompagne d’une forte élévation des valeurs de CPK et présente les signes histologiques caractéristiques d’une dystrophie muscu­ laire (fig. 6 x); elle provient de certaines mutations dans le gène codant pour la dysferline. La myopathie de Welander est une maladie autosomique dominante dont le gène est encore inconnu et qui débute dans les muscles extenseurs de la main; elle ne se manifeste qu’à l’âge mûr (entre la quarantaine et la soixantaine) et affecte presque exclusivement la population sué­ doise. La myopathie de Markesbery­Griggs­Udd (due à certaines mutations dans le gène codant pour la titine ou dans le gène ZASP) débute quant à elle dans les muscles releveurs du pied (fig. 7 x). Ces myopathies distales tardives ont souvent des valeurs de CPK sé­ rique normales ou seulement légèrement augmentées. Du point de vue pathologique, on les classe parmi les myopathies héréditaires à inclusions en raison des va­ cuoles bordées («rimmed») caractérisant leur substrat histopathologique [8]. Toutefois, lors de l’histopatholo­ gie, il arrive souvent que l’immunohistochimie mette en évidence d’autres agrégats de protéines intracellu­ laires, comme c’est le cas dans les myopathies myofi­ brillaires (MMF) suscitées par certaines mutations dans le gène ZASP ou dans les gènes codant pour la desmine ou la myotiline (fig. 7). Des points de vue clinique et pa­ thologique, les MMF (à début le plus fréquemment dis­ tal également) se recoupent considérablement avec les myopathies distales [9] classiques. Dans les myopathies distales, l’indication diagnostique primordiale repose en général sur une biopsie musculaire avec mise en évidence d’un déficit en dysferline, de vacuoles bordées ou encore d’agrégats de protéines desmine­positives. A partir de cette biopsie musculaire et du phénotype clinique, on pourra cibler les gènes qu’il faut analyser. Manière de procéder dans l’examen génétique de la dystrophie musculaire Pour pouvoir mettre en œuvre un diagnostic génétique précis de façon efficace, il faut absolument effectuer en premier un examen clinique très minutieux du patient et classer la maladie selon son phénotype clinique. Avant de procéder à la biopsie, et malgré le fait qu’elle s’avère nécessaire en général, il faudrait identifier les phéno­ types pour lesquels il est impossible de poser un diagnos­ tic génétique indirect par biopsie musculaire, et pour les­ quels il faut avoir recours à un test génétique direct. En présence de faciès myopathique, de faiblesse distale des membres et de myotonie à l’examen clinique ou électro­ physiologique, il devrait être relativement aisé de diag­ nostiquer une dystrophie myotonique (Curschmann­ Steinert) (fig. 1C et 2), qui est la dystrophie musculaire la plus fréquente chez l’adulte. Il est plus difficile d’identi­ fier les patients avec une dystrophie musculaire facio­ scapulo­humérale (FSHD) car cette maladie, qui est au deuxième rang des dystrophies musculaires chez l’adulte, est souvent confondue en pratique avec la dys­ trophie musculaire des ceintures. En cas de myopathie faciale prononcée et de faiblesse musculaire marquée au niveau de la ceinture scapulaire, des bras et des muscles releveurs du pied, il faut penser à une FSHD (fig. 1D et 3). Lorsqu’un patient présente une faiblesse musculaire dont le phénotype rappelle la LGMD et que le caractère proximal est manifeste, une biopsie musculaire est géné­ ralement inévitable. Les biopsies musculaires doivent absolument être interprétées dans un laboratoire spécia­ lisé dans le diagnostic des biopsies musculaires, dispo­ sant de l’infrastructure nécessaire pour effectuer, le cas échéant, d’autres examens spécialisés comme l’immu­ nohistochimie ou le western blot. Si l’immunohistochi­ mie révèle, chez les patients avec dystrophie musculaire, le déficit d’une protéine de structure du muscle comme par exemple la dystrophine ou les sarcoglycanes, on peut la compléter ensuite par une analyse génétique ciblée du gène codant. La biopsie musculaire est en général égale­ ment l’examen intermédiaire décisif chez les patients dont la faiblesse musculaire présente une prédominance primaire distale. En cas de déficience en dysferline, ou en présence de vacuoles bordées ou d’agrégats de pro­ téines desmine­positives, cet examen permet de tirer certaines conclusions concernant l’anomalie génétique responsable de la maladie de base, en tenant compte de l‘âge auquel la maladie s’est déclarée et des principaux groupes musculaires impliqués sur le plan clinique. Correspondance: PD Dr Dirk Fischer Neurologische Klinik Universitätsspital Basel Petersgraben 4 CH-4031 Basel et Abteilung für Neuropädiatrie Universitätskinderklinik beider Basel CH-4005 Basel fi[email protected] Références recommandées – Fischer D. Klinische und bildgebende Differenzialdiagnose von Glieder­ gürteldystrophien. Klin Neurophys. 2006;37:180–8. – Emery AE. The muscular dystrophies. BMJ. 1998;317(7164):991–5. – Thornton C. The myotonic dystrophies. Semin Neurol. 1999;19(1): 25–33. – Tawil R, van der Maarel SM. Facioscapulohumeral muscular dystro­ phy. Muscle Nerve. 2006;34(1):1–15. Vous trouverez la liste complète et numérotée des références dans la version en ligne de cet article sous www.medicalforum.ch. Forum Med Suisse 2010;10(23):398–402 402 Klinische Differentialdiagnostik hereditärer Muskeldystrophien / Diagnostics différentiels cliniques des dystrophies musculaires congénitales Weiterführende Literatur (Online-Version) / Références complémentaires (online version) 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Fischer D. Klinische und bildgebende Differenzialdiagnose von Gliedergürteldystrophien. Klin Neurophys. 2006;37:180–8. Emery AE. The muscular dystrophies. BMJ. 1998;317(7164):991–5. Thornton C. The myotonic dystrophies. Semin Neurol. 1999;19(1):25–33. Tawil R, van der Maarel SM. Facioscapulohumeral muscular dystrophy. Muscle Nerve. 2006;34(1):1–15. Fischer D, Aurino S et al. On symptomatic heterozygous alpha-sarcoglycan gene mutation carriers. Ann Neurol. 2003;54(5):674–8. Fischer D, Walter MC, et al. Diagnostic value of muscle MRI in differentiating LGMD2I from other LGMDs. J Neurol. 2005;252(5):538–47. Guglieri M, Magri F, et al. Clinical, molecular, and protein correlations in a large sample of genetically diagnosed Italian limb girdle muscular dystrophy patients. Hum Mutat. 2008;29(2):258–66. Malicdan MC, Nonaka I. Distal myopathies a review: Highlights on distal myopathies with rimmed vacuoles. Neurol India. 2008;56(3):314–24. Fischer D, Clemen CS, et al. Different early pathogenesis in myotilinopathy compared to primary desminopathy. Neuromuscul Disord. 2006;16(6):361–7.