CHAPITRE XVI LE SYSTEME NERVEUX PERIPHERIQUE 16.1. Généralités Le système nerveux périphérique est constitué d'un réseau complexe de neurones qui s'étend à tous les organes de l'organisme. Il a pour rôles : 1) de véhiculer par ses voies afférentes vers le système nerveux central (SNC) l'ensemble des informations détectées par les divers récepteurs. 2) de véhiculer par ses voies efférentes les réponses du SNC vers les organes effecteurs (muscles lisses et striés). Le système nerveux périphérique est classiquement divisé en deux parties : le système nerveux SOMATIQUE et le système nerveux AUTONOME. 16.2. Le système nerveux somatique 16.2.1. Constitution Le système nerveux somatique se charge des relations de l'organisme avec son environnement. Ses fibres afférentes ou sensitives acheminent vers le SNC les stimuli conscients en provenance des récepteurs périphériques et des organes des sens. Ses fibres efférentes ou motrices se chargent du transport des influx moteurs vers les muscles volontaires (ou striés squelettiques). Le système nerveux somatique est essentiellement constitué de nerfs mixtes, c. à d. de nerfs comportant des fibres motrices, des fibres sensitives (ou/et sensorielles(1)) et souvent des fibres du système autonome. On distingue généralement deux types de nerfs somatiques : les 12 nerfs crâniens d'une part, et les nerfs rachidiens d'autre part. Les 12 nerfs crâniens comprennent des nerfs : a) sensoriels : I (olfaction), II (vue), VIII (audition/équilibre); b) moteurs : III (occulo-moteur commun), IV (pathétique), VI (occulo-moteur externe), XI (spinal) et XII (grand hypoglosse); c) mixtes : V (trijumeau), VII (facial), IX (glosso-pharyngien) et X (pneumogastrique). Les nerfs rachidiens sont tous mixtes. Ils comprennent des fibres motrices et sensitives du système somatique ainsi que des fibres du système autonome. (1) La fibre sensorielle se caractérise par son origine embryonnaire. Elle est constituée de l'axone d'une cellule neurosensorielle dérivée d'une placode otique (audition et équilibre), optique (vue) ou olfactive (odorat). Son corps cellulaire se trouve au niveau de l'organe. La fibre sensitive dérive des crêtes neurales et son corps cellulaire est situé au niveau d'un ganglion rachidien ou crânien. Les fibres sensitives transmettent les influx des sensibilités cutanée (tact, température, pression), gustative (sens du goût), douloureuse (nociception), musculotendineuse (proprioception) 16.2.2. Origine et développement du système nerveux somatique 16.2.2.1. Les voies sensitives et sensorielles (figures 16.1 et 16.2) Chaque voie sensitive, qu’elle soit crâniale ou rachidienne, est formée par des neurones provenant des crêtes neurales. Pour les nerfs rachidiens, ces neurones forment des ganglions à proximité de la racine dorsale de la moelle épinière. Ces ganglions rachidiens sont constitués de neurones dont le corps envoie son axone vers la racine dorsale de la moelle pour y faire synapse et un second prolongement vers la périphérie, à destination de l’organe-cible. L’ensemble forme la racine dorsale du nerf mixte. Leur disposition est le reflet de la métamérisation de l’embryon. Chaque racine dorsale innerve une zone cutanée dérivée du dermatome correspondant. La racine dorsale de chaque nerf rachidien rejoint la racine ventrale motrice. A hauteur de C5-T2 et L3-S3, les nerfs rachidiens destinés aux membres se réunissent en deux plexus brachiaux (droit et gauche) et deux plexus lombo-sacrés. Au niveau de la tête, la métamérisation est moins accusée, mais chaque nerf crânien sensitif pur ou mixte possède soit un ganglion qui lui est propre soit un ganglion qu’il partage avec un autre nerf crânien. Ces ganglions crâniens sont constitués de neurones dont le corps envoie son axone vers le cerveau pour y faire synapse et un second prolongement vers la périphérie, à destination de l’organe-cible. Ce second prolongement rejoint la racine motrice correspondante pour former un nerf crânien mixte. 16.2.2.2. Les voies motrices (figures 16.1 à 16.4) Les cellules nerveuses de la racine ventrale de la moelle épinière fournissent les motoneurones. Leurs axones quittent la moelle épinière sous la forme de nerfs dont la disposition répond à la métamérisation de l’embryon. Ces axones suivent le développement des myotomes associés au dermatome innervé par la racine dorsale correspondante et finissent par rejoindre leur organe-cible en formation (muscle strié). Entre T1 et L3, les axones moteurs du système somatique sont rejoints par les axones moteurs du système sympathique (ou fibres préganglionnaires) pour former ensemble les racines ventrales des nerfs spinaux. Les fibres sympathiques quittent la racine ventrale pour rejoindre le ganglion paravertébral correspondant par le rameau communicant blanc. Les motoneurones somatiques sont alors rejoints par les fibres postganglionnaires sympathiques via le rameau communicant gris. Au niveau du crâne, plusieurs racines motrices sont mises en place à destination des muscles de la face, de la tête, de la mandibule, des voies respiratoires et digestives supérieures et d’une partie du cou. 16.3. Le système nerveux autonome 16.3.1. Constitution (figure 16.9) Le système nerveux autonome ou végétatif est essentiellement moteur et contrôle les activités inconscientes, végétatives de l'organisme. Ce système autonome se charge de l'équilibre fonctionnel de l'organisme (respiration, digestion, sécrétions, équilibre hydrique, température corporelle, ...). Ses fibres sont toujours interrompues une fois au moins par une synapse entre le centre nerveux du SCN et l'organe cible. Ce système moteur réagit à certaines informations afférentes du système périphérique somatique ainsi qu'aux stimuli de la sensibilité viscérale transmis par les fibres végétatives afférentes(1). Ce système nerveux autonome se divise en deux systèmes parallèles aux actions généralement antagonistes : - le système orthosympathique (ou sympathique) qui intervient dans les activités involontaires des situations de stress et d'éveil. Il est prépondérant dans les conflits de l'organisme avec son milieu extérieur, lorsque la vie est menacée. Le sympathique stimule l'ensemble des organes qui jouent un rôle dans la défense. Des quantités importantes d'adrénaline sont déchargées; le rythme cardiaque est accéléré; la pression sanguine augmente; les vaisseaux du cœur et des muscles squelettiques sont dilatés; ceux de la peau et des viscères sont contractés; la respiration est plus ample; les pupilles sont dilatées (mydriase) ; les poils sont hérissés et la motricité gastro-intestinale est arrêtée. - le système parasympathique qui se charge des activités involontaires des situations de paix et de repos. Les activités du processus général de la digestion sont stimulées (sécrétions salivaire, stomacale, intestinale, hépatique, pancréatique; motricité et péristaltisme); le rythme cardiaque est ralenti; la pression sanguine diminue; les pupilles sont rétrécies (myose) et la respiration est plus calme. (1) L'existence de fibres végétatives afférentes est acceptée par certains auteurs et rejetée par d'autres. Les premiers admettent que les stimuli de la sensibilité viscérale (ou intéroceptive) sont transmis par des fibres végétatives qui remontent le long des vaisseaux pour atteindre les racines dorsales des nerfs rachidiens. Les seconds pensent que les fibres de la sensibilité intéroceptive font partie du système somatique. Cette sensibilité viscérale ne devient consciente que lorsqu'elle est douloureuse. Les influx végétatifs qui arrivent au SCN se trouvent alors plus ou moins confondus avec ceux de la sensibilité du système somatique. Ces interrelations entre les sensibilités viscérale et somatique expliqueraient les douleurs rapportées ou qu'une souffrance viscérale peut être interprétée par les centres supérieurs comme une douleur somatique. Ainsi, l'angine de poitrine (souffrance cardiaque) engendre une douleur brachiale gauche et une affection des ovaires ou des testicules une douleur lombaire. Le système nerveux autonome ou végétatif est composé de plusieurs niveaux : a) des centres nerveux localisés au sein du SNC, b) des ganglions périphériques situés à trois étages : Le premier étage ganglionnaire comprend la chaîne sympathique paravertébrale. Cette chaîne se situe latéralement à la colonne vertébrale et s'étend de la fin du segment cervical au segment coccygien. Crânialement, elle comprend deux ou trois ganglions (cervical supérieur, moyen et inférieur) par lesquels passent les fibres sympathiques du segment cervical. Un second étage ganglionnaire est constitué des ganglions ou plexus préviscéraux. Ils sont moins nombreux que les ganglions paravertébraux. Ce sont davantage des plexus ganglionnés que des ganglions. Ils sont pairs et latéraux dans le cou (plexus carotidiens, pharyngiens,..) et le bassin mais impairs et médians dans le thorax (plexus cardiaque, pulmonaire) et l'abdomen (plexus solaire, lombo-aortique). Au niveau cervical, ce second étage est associé au premier étage. Un troisième étage ganglionnaire comprend les ganglions viscéraux ou terminaux situés à la surface ou dans l'épaisseur de l'organe cible. c) des fibres qui relient ces niveaux entre eux et aux viscères. Entre le centre nerveux et l'organe cible, la voie nerveuse autonome est toujours interrompue par au moins une synapse située dans un ganglion. Une voie nerveuse autonome est donc constituée d'au minimum deux fibres : la fibre préganglionnaire et la fibre postganglionnaire. Les fibres nerveuses du système autonome cheminent soit en compagnie des fibres du système somatique (nerfs mixtes) soit indépendamment, le long des vaisseaux sanguins. Ce système autonome comprend deux parties fonctionnellement et, en grande partie, morphologiquement distinctes : 1) le système sympathique (ou orthosympathique ou grand sympathique). Ses centres nerveux sont strictement médullaires et leur organisation est segmentaire. Les fibres préganglionnaires sortent par la racine ventrale du nerf rachidien correspondant. Elles s'en séparent pour former le rameau communicant blanc qui rejoint le ganglion paravertébral correspondant. Ces ganglions paravertébraux sont réunis en une chaîne par des fibres interganglionnaires. Les fibres qui sortent des ganglions paravertébraux rejoignent le nerf rachidien correspondant par le rameau communicant gris pour se diriger vers l'organe cible. 2) le système parasympathique. Ses centres nerveux sont situés au niveau du tronc cérébral et de la moelle sacrée. Les fibres préganglionnaires suivent le trajet des nerfs correspondants. Elles font synapse dans un ganglion préviscéral ou intraviscéral. Le parasympathique ne présente donc pas de structure équivalente à la chaîne des ganglions paravertébraux sympathiques. 16.3.2. Origine et développement du système nerveux autonome 16.3.2.1. Le système nerveux sympathique (figures 16.5 à 16.7) Les cellules du système sympathique (ortho- et para-) dérivent des crêtes neurales. Elles ont donc une origine ectodermique. Pour l’orthosympathique, les cellules sympathiques ou sympathogonies migrent pour former la chaîne sympathique paravertébrale. Certaines sympathogonies migrent plus loin pour mettre en place les plexus préviscéraux (ex. plexus solaire) et intraviscéraux (ex. plexus de Meissner et d’Auerbach). Ces sympathogonies forment les fibres postganglionnaires. Elles ne sont pas myélinisées et forment le rameau communicant gris. D’autres cellules nerveuses dont le corps se trouve au niveau latéral de la moelle épinière envoient leur axone myélinisé pour faire synapse sur les sympathogonies de l’un des trois étages ganglionnaires (ganglions paravertébral, préviscéral ou intraviscéral) : ce sont les fibres préganglionnaires qui forment le rameau communicant blanc. 16.3.2.2. Le système nerveux parasympathique (figure 16.8) Les cellules postganglionnaires du système parasympathique proviennent des crêtes neurales des régions cervicale et lombaire. Leur migration jusqu’au voisinage ou au sein de l’organe-cible est parfois très longue (ex. nerf vague). Elles y forment les ganglions préviscéraux et intraviscéraux. Les fibres préganglionnaires parasympathiques naissent des mêmes régions du tube neural et envoient leur axone myélinisé faire synapse sur des fibres postganglionnaires soit au niveau du ganglion préviscéral, soit du ganglion intraviscéral. Le système parasympathique est donc constitué de fibres préganglionnaires qui possèdent un très long axone et de fibres postganglionnaires qui possèdent un axone court mais qui ont effectué une très longue migration.