Quel avenir pour les sciences sociales ?

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Réseau thématique pluridisciplinaire « Société en évolution, science sociale en
mouvement »
Journée de débats
Quel avenir pour les sciences
sociales ?
Lundi 9 mars 2009 de 9h30 à 17h
ENS Campus Jourdan / Grande Salle
48 boulevard Jourdan – 75014 Paris
Entrée libre
Depuis sa création en janvier 2006, le RTP-CNRS « Société en évolution, Science Sociale en
Mouvement » a engagé une réflexion collective sur l’avenir de la sociologie en France. Les travaux
du RTP s’articulent autour de cinq thèmes : la place de la sociologie française dans le contexte
international ; la place de la sociologie par rapport aux autres disciplines ; la place de la théorie
en sociologie ; les relations de la sociologie au monde social ; l’enseignement de la sociologie.
Dans l’esprit qui l’anime depuis sa création, le RTP organise une journée de débats autour de ces
questions : dans le contexte actuel de réformes et de mobilisations, l’avenir des sciences sociales
suscite en effet des inquiétudes grandissantes, et engendre de nombreuses prises de positions,
dont nous proposons de débattre en deux temps : la matinée sera consacrée aux débats sur
l’avenir de la recherche en SHS et les transformations de ses formes de financement ; l’aprèsmidi sera consacrée à l’enseignement de la sociologie et des sciences sociales, du lycée au
supérieur.
Pour en étayer les discussions, le RTP a décidé de doter cette journée d’un « site compagnon », en
soutenant la création d’AGORA : l’objectif d’AGORA est de contribuer à la visibilité de ces
débats autour des sciences sociales, en effectuant un travail aussi complet que possible de
signalement des contributions existantes… AGORA a ainsi pour vocation de permettre à toutes et
à tous à la fois de suivre l’actualité des débats sur l’avenir des sciences sociales et d’accéder à
l’ensemble de la documentation disponible en la matière.
AGORA servira donc d’abord d’espace de rassemblement des documents pouvant alimenter les
débats au cours de cette journée, et ensuite de lieu de mise à disposition de ces débats (sous la
forme de transcriptions et d’enregistrement audio et vidéo consultables en ligne).
Contact :
Daniel Benamouzig
[email protected]
RTP « Société en évolution, science sociale en mouvement »
http://www.cnrs.fr/inshs/recherche/RTP-societes-evolution/presentation.htm
AGORA
http://agora.hypotheses.org
Programme de la journée
9h30 - 10h / accueil et café
10h - 12h30 / Passé et avenir
du financement de la recherche en sciences humaines et sociales
Session coordonnée par Sandrine Lefranc et Sophie Pochic
Les récentes réformes ont modifié en profondeur les formes de financement de la recherche en
France, notamment avec le rééquilibrage des fonds publics vers davantage de contrats à court
terme via l’Agence Nationale de la Recherche et les PCRD européens au détriment des crédits
récurrents de laboratoires des universités ou des organismes (CNRS, INSER M, IRD, INRA, etc.).
Cette réorientation a été soutenue par certains membres de la communauté en Sciences Humaines
et Sociales (SHS), pour lutter contre le sous-financement chronique de leurs disciplines en
expansion à l’université et/ou pour contrer l’émiettement des financements via de multiples
commanditaires (l’ANR comme « guichet unique »). Or ces réformes ont été lancées sans que l’on
sache quels allaient en être les effets induits sur ces disciplines, ni même sans qu’un bilan des
pratiques antérieures n’ait été réalisé.
Pour l’instant, la sociologie de la science s’est encore peu penchée sur les SHS et la sociohistoire
des disciplines s’est davantage focalisée sur les intellectuels et leurs controverses théoriques ou
méthodologiques que sur leurs conditions matérielles de production. A partir des rares travaux
existants et de témoins engagés, nous lancerons un débat sur l’évolution du financement de la
recherche en SHS en France, et la montée de la « culture du contrat » dans un contexte de recul
des crédits publics récurrents. Si la recherche académique s’est souvent servie de la commande
publique, voire privée, pour financer ses enquêtes (notamment en sociologie), elle réussissait par
certains stratagèmes à utiliser cet argent venant de diverses origines pour se développer selon ses
propres logiques scientifiques. Surtout, les hors-statuts qui ont fait fonctionner cette recherche
orientée à court terme se sont à la fin des années 1970 mobilisés collectivement pour leur
intégration.
A quelles conditions le financement via des contrats de recherche peut-il soutenir l’avancée de la
recherche dans l’ensemble des disciplines regroupées sous le sigle SHS et non pas aller à
l’encontre de leur développement ? Comment empêcher que cette tendance ne profite qu’aux
disciplines considérées comme les plus appliquées et proches de l’expertise (publique ou privée)
?
10h-11h30 / Interventions
« La genèse de la sociologie française : les contrats au service de la
recherche académique »
Philippe Masson, sociologue, CESTA, Nantes
« La recherche comme prestation intellectuelle : l'exemple des sciences de
gestion »
Fabie n ne Pavis, sociologue, CSE, Nantes
« La production de la recherche sur contrats : les hors-statuts et leur
mobilisation, retour sur les années 1970 »
Christian Topalov, sociologue, EHESS, Paris
« Les effets des contrats sur les façons de faire, et de faire faire, de la
recherche en Angleterre aujourd’hui »
Julie n Demade, historien, LA MOP, CNRS, Villejuif
« Retour sur les propositions des Etats-Généraux de la Recherche de 2004 »
Sandrine Lefranc, politiste, ISP, CNRS, Nanterre
Sophie Pochic, sociologue, CMH, CNRS, Paris
11h30-12h30 / Débat
14h - 16h30 / Quelles menaces
sur l’enseignement de la sociologie et des sciences sociales ?
Session coordonnée par Pierre François et Pierre Mercklé
Une première façon de procéder consiste à tenter de formuler le problème fondamental qui
semble se poser à travers les différentes « menaces » qui semblent continuer de peser, peut-être
même de plus en plus fort aujourd’hui, sur l’enseignement des sciences sociales. Ce problème
pourrait être : comment former des citoyens aujourd’hui ? Ou de façon plus polémique : qui veut
la mort des enseignements critiques à la citoyenneté ?
Dans cette perspective, on peut trouver particulièrement précieux le rappel aux fondamentaux
des instructions officielles relatives à la création des SES en 1967, fait par Stéphane Beaud et al.
dans un texte récent intitulé « Les SES par temps de crise » : la nouvelle discipline de
l’enseignement secondaire y recevait pour mission de « conduire à la connaissance et à
l’intelligence des économies et des sociétés d’aujourd’hui et intégrer cette acquisition à la
formation générale des élèves, à leur culture. »
Et on peut prendre comme point de départ de la discussion autour de la question posée (qui veut
la mort des enseignements critiques à la citoyenneté économique et sociale ?) la réponse apportée
par Beaud et al. dans le même texte, où ils désignent expressément « la frange la plus
réactionnaire du patronat ». Il est vrai que l’implication de Pébereau dans la critique des
enseignements et des manuels de sciences économiques et sociales, après une longue série
d’attaques similaires dans la presse proche des intérêts patronaux, autorise pleinement à
formuler ce type de réponses.
Cela dit, il est peu probable en réalité que ce genre d’attaques, et surtout les intentions et les
finalités qui les motivent, soient imputables à une seule cause ou à un seul acteur, même si celui
qui est ainsi désigné est le plus visible, et peut-être le moins adroit. « La frange la plu s
réactionnaire du patronat » est peut-être en l’occurrence l’arbre qui cache la forêt. Il serait donc
sans doute fécond d’examiner dans quelle mesure elle n’est qu’un acteur parmi d’autre d’une
remise en cause assez systématique. L’hypothèse qu’on peut alors formuler pourrait alors
consister à se demander dans quelle mesure la place des sciences sociales au sein des outils
légitimement mobilisables pour « conduire à la connaissance et à l’intelligence des économies et
des sociétés d’aujourd’hui » n’est pas de plus en plus réduite à la portion congrue par une forme
politico-administrative de production de la connais sance qui marche sur les mêmes platesbandes et propose un savoir concurrent, plus appliqué, moins critique (et a priori
épistémologiquement moins bien fondé), et dont l’ENA, les instituts d’études politiques et
d’administration économiques seraient les lieux privilégiés de diffusion.
On peut, plus généralement, distinguer plusieurs mises en tension dans l’enseignement des
sciences sociales. La première tension concerne la place réservée à la dimension critique du savoir
produit par les sciences sociales : les sciences sociales ont-elles vocation (exclusive) à former des
citoyens, ou doivent-elles au contraire se cantonner à la transmission de connaissances objectives
sur le monde social ? A cette première tension critique/acritique s’ajoute la tension savoir
savant/savant expert : l’enseignement des sciences sociales n’a-t-il d’autres fins que de
permettre la récapitulation et l’accroissement des connaissances sur le monde historique, ou
vise-t-il de plus en plus à proposer des diagnostics et des remèdes rapprochant l’enseignement
des sciences sociales de la transmission d’un savoir expert construit et mobilisé à des fins
d’ingénierie sociale, jusqu’à parler d’un « tournant praticien » de la sociologie depuis une dizaine
d’année (Piriou, 2008) ?
Ces deux lignes de tension – d’autres, sans doute, pourraient s’y ajouter – définissent un
ensemble d’options pour l’enseignement des sciences sociales – et il est clair, par ailleurs, que
pour chacune de ces options la concurrence auxquelles elles doivent faire face n’est pas la même.
On peut ainsi s’interroger sur le point de savoir si les mobilisations contre l’enseignement des
sciences sociales auxquelles nous assistons aujourd’hui ne consistent pas à rabattre ces
différentes options sur l’une d’entre elles – celle d’un savoir expert acritique, positionnement qui
place les sciences sociales, qui plus est, face à la concurrence directe et frontale, de l’expertise
des consultants, des hauts-fonctionnaires et des journalistes. Ramener ainsi l’enseignement des
sciences sociales à cette seule option risque de faire perdre de vue ce qui distingue leurs
propositions de l’ensemble des discours tenus sur le monde social : comme le rappelle Passeron,
c’est parce qu’elles articulent des propositions analytiquement contrôlées sur des faits
historiques qu’elles établissent à l’aide de méthodes contraignantes et fécondes que les sciences
sociales sont en mesure d’articuler un savoir qui se distingue d’autres propositions sur le cours
du monde historique.
On pourra partir de là pour poser le problème dans ses différentes dimensions particulières (quoi
enseigner, comment, pourquoi faire, par qui) et à tous les niveaux de l’enseignement des
sciences sociales (en particulier au lycée et dans le supérieur) ? Mais ce faisant, il pourra bien
vite apparaître que l’une des difficultés majeures, alors, est de parvenir à identifier de quoi (et
notamment de quel niveau) nous souhaitons précisément parler. Il y a des difficultés et des
menaces à tous les niveaux, il y a des liens entre ces difficultés et ces menaces aux différents
niveaux, mais il reste malgré tout que les enjeux de l’enseignement au lycée et ceux de la
formation doctorale sont partiellement disjoints.
Ce constat oblige en réalité, du coup, à spécifier les questions posées, et peut-être à en
sélectionner quelques unes qui peuvent sembler aujourd’hui plus cruciales ou plus urgentes. La
question des menaces récurrentes sur l’enseignement des sciences sociales au lycée en est une,
bien identifiée ; mais il convient certainement aus si de poser de façon spécifique un certain
nombre de questions portant sur la construction des parcours de formation en sociologie et en
sciences sociales à l’Université d’une part, et dans les IEP et les IAE d’autre part : quelles
approches de la sociologie et des sciences sociales (construction des filières, nature des
enseignements, enjeux de la mise en place des masters professionnalisants), quels effectifs
(comment expliquer la baisse des effectifs en sociologie à l’université, comment y remédier),
quels débouchés (offre de formation doctorale, effectifs, moyens, perspectives professionnelles),
quelles finalités ?
14h - 15h30 / Interventions
« Quelqu’un veut-il la mort de l’enseignement des sciences sociales ? »
Pierre François, sociologue, CSO, CNRS, Paris
Pierre Mercklé, sociologue, GRS, ENS-LSH, Lyon
« L’enseignement des sciences sociales par temps de crise : qui dérangeonsnous ? »
Stép hane Beaud, sociologue, CMH, ENS Ulm, Paris
« Les sciences sociales au lycée : faut-il une réforme ? »
Rémi Jean ni n, professeur de SES, APSES, Paris
« La sociologie et son enseignement à l’université : où en est-on ? »
Sylvia Faure, sociologue, GRS, Lyon-2, Lyon
« De la sociologie critique à la sociologie d’expertise : y a-t-il plusieurs
façons d’enseigner la sociologie ? »
Domi nique Desjeux, sociologue, CERLIS, Paris Descartes, Paris
15h30 - 16h30 / Débat
16h30 - 17h / Conclusion : « Quel avenir pour les sciences sociales ? »
Christian Baudelot, CMH, ENS Ulm, Paris
17h / Fin et cocktail
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