La sociologie est un sport de plein air

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La sociologie est un sport de plein air
Remarques sur l’avenir d’une discipline
Pierre Veltz*
L
A connaissance de la société par elle-même est encore possible ?
Ou faut-il se borner à constater l’infini chatoiement des trajectoires
individuelles, des coalitions mouvantes d’intérêts et d’affects ? La
question n’est pas technique. Elle touche au cœur du projet démocratique, sauf à admettre que celui-ci se borne désormais à allonger
la liste des droits des personnes et des groupes, mais reste muet sur
la manière de les composer, de les organiser, de les réguler en vue
du bien commun. Comment en effet imaginer une telle régulation
sans connaissance partagée ? Mais quelle connaissance ? La
position de la sociologie, en particulier, interroge. Le projet cognitif
et politique extraordinairement ambitieux et englobant porté par ses
pères fondateurs, lors des intenses bouleversements de la fin du XIXe
et du début du XXe siècle, est-il encore crédible ? Les catégories
forgées pour rendre compte de l’émergence de la société industrielle
sont-elles pertinentes pour expliquer cette autre immense mutation
que nous vivons ? Je n’ai pas la prétention ici de répondre à ces
questions grandioses ! Mais elles sont la toile de fond des réflexions
qui suivent, sur la situation de la sociologie, de ses paradigmes et
* Sociologue et économiste, il dirige l’établissement public de Paris-Saclay. Il est notamment l’auteur du Nouveau Monde industriel, Paris, Gallimard, 2008 (rééd. 2014). Ce texte
reprend, pour l’essentiel, une contribution présentée lors d’un colloque qui s’est tenu les 4, 5 et
6 juin 2013 à Sciences Po, sous le titre : « Transmissions. Une communauté en héritage.
40 ans de sociologie française », sous l’égide de l’Ifris. Ce colloque avait pour objet de créer
un dialogue entre chercheurs seniors et juniors, d’où la dimension de témoignage gardée dans
cette reprise.
Janvier 2015
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