Journal Jean Ziegler, il doit concéder que les conflits sont toujours, ou presque, néfastes, absurdes, marqués par des fausses oppositions, et accorder que le consensus reste préférable, en toutes circonstances, aux dissensions. aussi des aspirations nationales face aux capitaux étrangers qui contrôlaient notamment l’extraction du pétrole et du gaz. Propos recueillis par Olivier Mongin, Marc-Olivier Padis et Philip Valentini Un savoir inutile L’image de la sociologie et du rôle du sociologue véhiculée par ce pragmatisme gestionnaire est celle du médecin-thérapeute de la Société, du spécialiste de la rationalisation des rapports sociaux, du conseiller des politiciens et des chefs d’entreprise, du fabricateur de sondages. Sa fonction principale consiste à constituer des « bons » dossiers, à construire des « beaux » tableaux, à tracer des « véridiques » états de l’opinion publique, à proposer des solutions « positives », celles susceptibles d’aider à prévenir et puis à « bien » gérer les problèmes sociaux contemporains. En d’autres termes, la sociologie doit être « utile », « pratique », efficace, salutaire et le sociologue sustenter en priorité l’ordre social établi ou bien « l’ordre juste » à venir. En conséquence, il doit prendre garde à ne pas affaiblir les appareils d’obligations et d’interdits sociaux ordinairement camouflés, à ne pas trop « pinailler » à propos des écarts entre les valeurs professées (par exemple, l’égalité) et la réalité de la vie sociale (par exemple, les inégalités), entre les finalités affichées et les moyens employés, entre les exigences de notre vie de tous les jours et les asservissements charroyés par la mondialisation des marchés et par la globalisation des styles de vie. La sociologie d’aventure, strictement contrôlée, de la pensée, d’approche intellectuelle charnière entre la philosophie et l’histoire, voire entre toutes les humanités, s’est peu à peu LA SOCIOLOGIE : À BOUT DE SOUFFLE, À LA DÉRIVE OU EN DÉROUTE ? Inquiétante et bizarre situation que celle de la sociologie dans les universités et dans nos pays. Même le mot s’y est tellement métamorphosé, au fil de ces dernières années, qu’il a fini par devenir synonyme de travail social, d’action sociale, voire de politique sociale. Le sociologue, lui, y est perçu comme une sorte de médecin des organisations malades, de thérapeute des relations de groupe, d’analyste de tous les problèmes sociaux (la vieillesse, la famille, la pauvreté, le chômage, l’exclusion, la drogue, la démocratisation des études, les étrangers, etc.), voire comme l’assistant social de la société « en crise ». À lire la presse et à écouter les radios, le sociologue serait le conseiller, peu écouté, il est vrai, du Prince, l’assistant social de la « bonne » Société. Pour nos gouvernants le « véritable » sociologue est « constructif », il doit, grâce à ses recherches, favoriser la transformation « positive » de la société, l’adaptation des comportements des uns et des autres aux exigences de l’organisation sociale. Pour échapper aux gémonies réservées aux 159