les InRocKuptibles

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Théâtre-Sénart
Scène nationale
théâtre, danse, musique, cirque, opéra, rencontres,
rassemblement, éducation artistique
OUVERTURE DU NOUVEAU THÉÂTRE EN NOVEMBRE
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Dans les années 70, naissait la ville nouvelle
de Sénart, à 35 kilomètres au sud-est de Paris.
Aujourd’hui, c’est un nouveau théâtre qui voit le jour
dans l’agglomération. Plus exactement dans le Carré
Sénart, écrin paysager et lieu de centralité
pour la ville. Le Théâtre-Sénart, Scène nationale, sera
inauguré le 28 octobre. En attendant, rencontre avec
son directeur, Jean-Michel Puiffe.
U
n théâtre pour quoi faire ?
Jean-Michel Puiffe –
Un théâtre est avant tout un
bâtiment dans lequel on se
réunit… Si l’on accepte l’idée
que les gens ont encore et
toujours le besoin d’être ensemble pour
partager leurs passions, si l’on admet
le principe que d’autres personnes,
les artistes, les musiciens et les poètes,
ont un talent particulier pour faire
entendre la sensibilité du réel, pour
témoigner du monde en racontant
des histoires, alors il faut un endroit où
les uns peuvent se réunir et les autres
se produire face à cette assemblée.
Quelle est la situation spécifique
d’un théâtre en grande banlieue ?
On parle beaucoup du périurbain,
et il y a en effet une réalité géopolitique
de la périphérie des grandes villes…
Mais quarante ans après que l’Etat a
pris la décision de la création des villes
nouvelles, la question du bien-vivre
dans ces agglomérations constituées
de toutes pièces reste à l’ordre du jour.
Ce qui va de soi dans n’importe quelle
autre ville – avoir un théâtre et une
offre culturelle proches du lieu où l’on
habite – n’a aucune raison d’être remis
en cause parce que l’on vit à 45 minutes
en RER de la capitale. La revendication
de construire un nouveau théâtre au
Carré Sénart est fondée sur le fait que
les habitants de Sénart sont en droit
d’avoir une relation de proximité à l’art
et à la culture… Pour qu’ils puissent
s’enrichir de la rencontre avec l’autre
et mieux comprendre le monde dans
lequel ils vivent. Le rêve était de
banaliser la ville… Qu’elle devienne
comme toutes les autres.
Sénart est une ville très jeune. Le
théâtre est-il le signal de sa maturité ?
Sénart est la plus jeune des villes
nouvelles. Elle poursuit donc sa
construction, et la réalisation du
théâtre – par l’Agglo de Sénart – en est
le signe le plus flagrant. Elle rattrape
ainsi le niveau d’équipement culturel
de toute grande ville. Même si, en son
temps, La Coupole de Combs-la-Ville,
toute proche, avait été la preuve d’une
ambition spectaculaire et radicale
à travers le choix de l’œuvre réalisée
par l’architecte Jean Nouvel. Le Carré
est le repère de sa centralité, le lieu
du partage et de la mise en commun
des ressources, donc l’endroit idéal
pour construire un théâtre. L’acte
fondateur du Carré Sénart a été la mise
en place des principes d’un paysage
végétal remarquable. Mais, avec
ce très beau vaisseau, œuvre de
l’Atelier d’Architecture Chaix & Morel
et Associés, le théâtre est désormais
un repère symbolique dans la
composition du Carré… Tout autant
qu’un repère physique, car en
culminant à 29 mètres, la cage de
scène fait du bâtiment un signal qui
domine toutes les autres constructions.
Atelier d’Architecture Chaix & Moret et Associés
“première mission :
transmettre”
Vue de la
grande salle
Quelles sont les missions de
ce nouveau théâtre ?
Le Théâtre-Sénart est l’une des
soixante et onze scènes nationales,
un théâtre de service public et un lieu
pluridisciplinaire dans lequel
on pourra découvrir toutes les formes
artistiques : du théâtre, de la danse,
de la musique, de l’opéra et du cirque.
Notre bassin d’influence est
peuplé de 300 000 habitants, notre
programmation se doit d’être
éclectique pour atteindre son but
et parler à tout le monde. Cette
ambition se transforme en un joyeux
défi, car la relation au spectacle vivant
n’est pas de la première immédiateté
pour nos concitoyens. Nous sommes
prescripteurs et le rapport de confiance
à installer avec les spectateurs est
la principale garantie de voir croître
leur désir de découvrir. Le lieu a donc
pour première mission de transmettre,
de faire connaître.
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Le théâtre est une maison que vous
souhaitez voir habitée en permanence…
L’autre versant de notre mission
est d’accompagner des artistes dans
leurs projets en aidant à la naissance
de leurs créations. A Sénart, nous
avons voulu répondre réellement
à la question de la pluridisciplinarité
en accueillant le théâtre, la danse
et la musique dans un lieu conçu pour
répondre aux impératifs de travail
de chaque discipline… Permettre à
des artistes d’en faire un camp de base
en leur offrant le confort de pouvoir
répéter et imaginer leurs projets
tout en les aidant à produire et diffuser
leurs spectacles. Il est important
d’avoir aussi avec eux des relations sur
mesure. Nous avons réuni sous notre
toit trois équipes constituées chacune
autour d’un artiste associé. Il ne s’agit
pas d’un mariage pour toujours…
En imaginant ces partenariats sur
une période de trois ans, notre souhait
est que le plaisir et le désir d’être
ensemble soient un moteur à entretenir
pour nous faire avancer.
Pouvez-vous nous présenter chacun
des artistes en résidence ?
En musique, il s’agit de l’orchestre
Les Siècles, sous la direction de
François-Xavier Roth, l’un des premiers
ensembles à jouer sur des instruments
d’époque pour faire entendre
la musique dans les conditions de
sa création. Avec eux, nous allons
pouvoir parcourir une grande variété
d’esthétiques musicales radicalement
différentes les unes des autres. Pour
la danse, avec la compagnie Mad, c’est
le chorégraphe Sylvain Groud, dont le
travail se nourrit d’une relation sensible
au sociétal. Une générosité rare
qui, à travers un lien tactile à l’autre,
développe un rapport très beau et assez
unique à la danse. Enfin, en théâtre,
avec la compagnie Pipo, c’est un
homme d’une humanité sans pareil,
un chef de troupe que nous accueillons :
Patrick Pineau. Il va venir à Sénart avec
le plaisir et la nécessité de faire
ce qui le caractérise depuis toujours.
Ces trois artistes ont chacun le même
souci de partager leur art. Nous
avons besoin de ce type d’énergie pour
qu’au quotidien cette maison soit
aussi habitée et vivante qu’attractive1.
propos recueillis par Patrick Sourd
“notre programmation se doit d’être éclectique
pour atteindre son but et parler à tout le monde”
1. lire aussi le portrait des trois artistes
associés pp. 6 et 7
theatre-senart.com
théâtre-sénart les inrockuptibles 3
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Le créateur du Carré, François Tirot,
revient sur la genèse, au début des
années 2000, de ce projet de paysage apte
à fonder le nouveau centre-ville de Sénart.
C
Atelier d’Architecture Chaix & Moret et Associés
les racines
du Carré
omment penser un lieu de centralité pour
l’agglomération urbaine de Sénart ? C’est
en urbaniste féru d’art que François Tirot,
le créateur du Carré Sénart, nous en rappelle
la genèse : “Ma référence de départ était
Victory Boogie-Woogie, l’ultime tableau de Piet
Mondrian où, réinventant sa peinture constituée d’épais
traits noirs et de carrés de couleurs, le peintre trace les
principes de sa trame en couleur en laissant les carrés
en blanc.” Directeur de l’urbanisme et du paysage
à l’Etablissement public d’aménagement de la ville
nouvelle de Sénart, François Tirot poursuit : “Mon idée
était de démontrer qu’à l’intérieur de la forme symbolique
d’un carré, il était possible de stabiliser et de contenir le
développement d’une urbanité tout en créant un espace
fonctionnant comme un repère digne de l’art sur la
carte.” Ainsi est née l’utopie urbaine du Carré Sénart.
“Dans un premier temps, j’ai commencé par m’appuyer
sur une diagonale historique datant de Louis XV,
une allée royale tirée au cordeau reliant les forêts
“je m’attache à ce que
ce territoire grandisse
à la manière d’un plateau
qui s’équilibre”
de Rougeau et de Sénart. Pour transformer cette trace
du passé en un repère contemporain, mon premier geste
a été d’y faire planter sur toute sa longueur cinq cents
séquoias et de la désigner comme un monument végétal.”
François Tirot peut alors inscrire les 200 hectares
du Carré Sénart sur le territoire, en s’appuyant sur
le travail des archéologues missionnés pour procéder
à des recherches avant de lancer une intervention
d’une telle ampleur. “J’ai agrafé le Carré à cette allée
royale en l’orientant suivant les tracés historiques des
parcelles et fait planter sur chacun de ses côtés une
rangée de tilleuls. Un marquage du lieu par du végétal
pour dire ‘c’est là que ça se passe, là que nous allons
créer de la valeur’. Après, j’ai découpé l’espace intérieur
en allées, canaux, espaces boisés et voies de circulation
pour ensuite poursuivre avec la trame de petits carreaux
où, en fonction des programmes, peuvent se réaliser
toutes les hypothèses de construction.”
La souplesse des principes posés s’adapte aux
aléas de la politique et de l’économie en prônant
l’autonomie de chacun des projets. “Il faut bannir
le vieux réflexe d’une croissance à partir d’un centre de
gravité. Je m’attache à ce que ce territoire grandisse
à la manière d’un plateau qui s’équilibre. C’est pourquoi
le nouveau Théâtre-Sénart n’est pas en face du centre
commercial. Il m’a semblé plus riche d’éloigner le pôle
commercial et le pôle culturel, de permettre à d’autres
projets de créer des liens entre eux.” Patrick Sourd
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Vue du Théâtre-Sénart
“des ondulations de collines”
Architecte de l’Atelier d’Architecture Chaix & Morel et Associés en charge du projet,
Anabel Sergent dévoile les principes de conception du nouveau Théâtre-Sénart.
Comment inscrire le théâtre dans le site ?
Anabel Sergent – Le Carré Sénart
est un site très étonnant. Le terrain mis
à disposition est une marelle de quatre
carrés : un carré de parc boisé, un de
stationnement, un autre pour installer
un théâtre de plein air ou des chapiteaux et
un dernier pour poser le bâtiment du théâtre
lui-même. Construire sur cette grande
lande de plaine et répondre au principe
d’autonomie de chaque bâtiment
sur son territoire excluait dès le départ
les références à la ville. L’idée était alors
de créer un événement structurant
et participant du paysage.
Quelle image avez-vous voulu donner
au nouveau Théâtre-Sénart ?
Il s’agissait de réunir l’ensemble des
éléments du programme en reliant les
contraintes de leurs différences de hauteur
par des plans inclinés, jusqu’au point
culminant à 29 mètres du volume de la cage
de scène de la grande salle. Et, ainsi, créer
un mouvement de terrain : un soulèvement
du sol avec des ondulations de collines
dans cet endroit où il n’y en a pas. Une peau
de caissons métalliques couvre l’ensemble,
s’adapte à son relief, habille le bâtiment
de façon continue, de son sommet jusqu’au
fruit des flancs, qui ouvrent l’espace de son
grand patio végétal vers le ciel. Une peau
dont les caissons de couleur grise déclinent,
à travers les motifs de leurs perforations et
embossages, l’idée d’une fractale du carré
jusqu’à la plus petite échelle et permettent,
la nuit, de donner des effets de nuées
luminescentes.
Et l’organisation intérieure ?
Le bâtiment donne l’impression de ne pas
prendre appui sur le sol : un soulèvement
qui invite le public à y entrer et correspond
à un hall se déclinant en séquences et se
déployant sur toute la longueur du côté
orienté sud-ouest. On y accède dans l’axe
du jardin du patio central… Au plus près de
l’escalier monumental qui mène à la grande
salle, de la billetterie, d’un coin librairie
et du bar. Le restaurant occupe l’angle
vers le parking. Les loges et les bureaux
disposent d’une terrasse à l’étage et d’un
vaste balcon donnant sur le grand patio.
Quels usages pour les trois salles ?
Habillée de caissons de hêtre sombre, la
grande salle a une capacité de 843 places.
La faible courbure des rangs de fauteuils
y autorise chacun à appréhender l’ensemble
du plateau. Sa fosse d’orchestre, pour
quarante musiciens, permet d’accueillir de
l’opéra et, s’agissant du théâtre, elle dispose
de cintres et de dessous, d’une arrièrescène et de dégagements à cour et jardin.
La petite salle est de type modulable,
une black box à usages multiples, avec
un gradin rétractable et la possibilité
d’un deuxième gradin en bifrontal qui porte
sa capacité à 403 places. ainsi qu’une
configuration debout pouvant accueillir
plus de 1 000 personnes. Donnant sur
le patio, la salle René Gonzalez a les
dimensions du plateau de la grande salle,
elle est dédiée aux répétitions et à l’action
culturelle. propos recueillis par P. S.
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3 artistes
dans les
murs
Un chorégraphe, un chef
d’orchestre et un metteur
en scène seront en résidence
à Sénart pendant les trois
prochaines saisons. Portraits.
Sylvain Groud à petits pas vers l’autre
“J’éprouve la nécessité depuis que je suis
chorégraphe de me questionner sur le territoire
où je travaille et les concitoyens qui l’habitent.
Je suis intimement persuadé que se connaître
soi, c’est avoir un peu compris les autres.
Je ne suis pas altruiste, mais j’aime l’altérité.”
Sylvain Groud a parcouru le monde pendant
une dizaine d’années lorsqu’il était danseur
dans la compagnie d’Angelin Preljocaj,
auprès duquel il a fait ses armes. Petit à
petit, la maturité venant, il s’est tourné vers
les autres, a porté un regard différent sur
le monde et son désir de chorégraphier est
né, non pas de l’envie d’évoluer sur les plus
grandes scènes internationales, mais d’aller
chercher chez l’autre le sel de son art.
En résidence au Théâtre-Sénart, Scène
nationale, il compte bien mener des actions
sur le territoire afin de nourrir sa prochaine
création, prévue en 2017, qui s’appellera
La Déclaration et où il sera question de
communication non-verbale. “La capacité du
corps dansant à rencontrer l’autre et à le faire
réagir est impressionnante. On peut même
aller parfois plus loin que certains soignants
avec des autistes ou des animateurs de centres
sociaux avec des primo-arrivants ou des
illettrés. C’est un pari poétique.”
Memento Vivere / Music for 18 musicians le 9 avril
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Patrick Pineau
le grand art
de la comédie
S’il est un art que Patrick Pineau
maîtrise à merveille, c’est bien celui
de la comédie. Membre de la troupe
de l’Odéon-Théâtre de l’Europe sous
la direction de Georges Lavaudant,
il a exploré toutes les ficelles de son art
en traversant, lors de son passage sous
les ors de la prestigieuse maison,
les œuvres de Michel Deutsch, Labiche,
Sophocle, Brecht, Eschyle, Feydeau,
Büchner, Tchekhov… Au cinéma,
on le voit chez Tonie Marshall,
Bruno Podalydès, Nicole Garcia,
Xavier Giannoli et dernièrement dans
Un Français, le film hautement
polémique de Diastème. S’il a déjà
prouvé ses talents de metteur en scène
en s’attaquant à des auteurs
contemporains, Patrick Pineau ne
manque pas de revenir régulièrement
aux auteurs dits classiques, auxquels
il sait donner un coup de fouet, sachant
toujours être au plus près de
la littérature. Alors, pouvait-il mieux
choisir que L’Art de la comédie d’Eduardo
de Filippo pour inaugurer sa résidence
au Théâtre-Sénart, Scène nationale ?
Cette grande comédie – un classique
du XXe siècle – révèle dans une langue
absolument savoureuse les rapports
complexes entre l’art et le pouvoir,
l’illusion de la représentation, la nature
trouble du comédien et la puissance
de l’inconscient.
L’Art de la comédie du 28 au 30 janvier,
puis en tournée en France
François-Xavier Roth virtuose de l’éclectisme
C’était le rêve d’un homme : créer un
orchestre dont le répertoire couvrirait plus
de cinq siècles de musique et dont les
musiciens interprèteraient les œuvres outillées
des instruments adéquats, c’est-à-dire
d’époque. C’est ce que le chef d’orchestre
français François-Xavier Roth réalisa en 2003
en inventant Les Siècles, qui réunit des
musiciens de tous horizons aussi virtuoses sur
des instruments anciens que modernes. Aussi
étonnant que cela puisse paraître, au moment
où, à peine âgé de 32 ans, il réalise son rêve, la
tendance n’était pas à l’éclectisme mais plutôt
au repli, les ensembles baroques florissant et
les formations de musique contemporaine
s’aiguisant. Depuis plus de dix ans désormais,
ayant pris une place prépondérante sur les
scènes européennes, l’orchestre poursuit ses
explorations multiples. Lors de cette résidence
au Théâtre-Sénart, Scène nationale, l’orchestre
accueillera notamment le violoniste Renaud
Capuçon pour le fameux Concerto à la mémoire
d’un ange, si rarement joué, commandé dans
les années 30 par le violoniste Louis Krasner à
Alban Berg. La rareté est l’une des plus belles
qualités à traverser les siècles… Hervé Pons
Memento
Vivere
de Sylvain
Groud
Les Siècles et Renaud Capuçon le 10 décembre
Les Siècles : Daphnis et Chloé / Ma mère l’Oye
le 27 mai
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Autour du climat et de la
main, deux temps forts
éthiques et ludiques
marqueront la première
saison du Théâtre-Sénart.
Surprises garanties.
E
n décembre prochain se tiendra
la conférence Paris Climat 2015,
une conférence “cruciale car
elle doit aboutir à un accord
international (…) qui permettra
de contenir le réchauffement
global en deçà de 2° C”, explique le site
du ministère des Affaires étrangères.
Alors, à Sénart, on s’est dit que c’était
le bon moment de s’interroger, mais
avec art, sur l’avenir de la planète et
de ses habitants…
“Nous avons une programmation assez
riche et diversifiée avec, tous les mois,
du théâtre, de la danse, de la musique…
Alors parfois, nous aimons bien
rassembler le public et les artistes
autour de thématiques qui peuvent être
artistiques ou bien des sujets de société.
Nous aurons plusieurs temps forts
la saison prochaine dont l’un autour
de la question du climat et l’autre autour
de la main.” Pour Caroline Simpson
Smith, directrice adjointe du
Théâtre-Sénart, Scène nationale,
ces temps forts sont aussi l’occasion
Claire Gras
la peau
de l’ours
“de programmer des formes dont
nous sommes tombés amoureux mais
qu’il serait difficile d’inscrire dans
le flux de la saison. Cela permet à ces
projets artistiques de trouver un sens
et une cohérence et au public de partir
à la découverte de formes plus
inattendues.”
Au programme de la conférence
climatique 2015 de Sénart, le
géographe reconverti en comédienconférencier, Frédéric Ferrer, qui s’était
déjà intéressé à la question des canards
perdus par la Nasa non loin du
Groenland ou à la relation entre les
Vikings et les satellites. “Nous
l’accueillons avec deux spectacles dont un
pour le jeune public, poursuit Caroline
Simpson Smith. Il crée un second opus
de son théâtre-conférence Kyoto Forever
et rassemble huit comédiens d’origines
différentes, chacun parlant deux ou
trois langues et représentant une cause.
Il sait montrer avec un côté drôle et
décalé les travers de ces grandes
conférences internationales où l’on passe
parfois plus de temps à se demander où
l’on met la virgule plutôt que de traiter du
problème de fond.”
Le conférencier-artiste sait également
s’adresser aux enfants et le fait dans la
langue du pôle Nord : Sunamik Pigialik ?
(“Que faire ?”). Sur scène, des savants,
des manchots, des cosmonautes
et des Inuits vadrouillent du zoo
à l’Antarctique et se penchent sur
la question de la – prochaine ? –
disparition totale de l’ours polaire.
“Nous allons profiter de ces
deux spectacles pour faire venir des
conférenciers et explorateurs de tout poil,
notamment l’écoexplorateur suisse
Raphaël Donjam. Cet été, avec la
par le truchement
de l’art, il s’agira
de réconcilier
l’utile et le beau
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Kiss and Cry
de Michèle Anne
De Mey et Jaco
Van Dormael,
pendantla
Week Hand
navigatrice bretonne Anne Quéméré,
ils ont expérimenté la toute première
navigation solaire polaire en Arctique,
sur deux kayaks, dont un spécialement
équipé de panneaux photovoltaïques et
d’un système de propulsion électrique.”
Une aventure à la force du poignet
qui aurait également pu trouver sa
place dans le second temps fort de la
saison, la Week Hand, qui aura lieu au
printemps 2016. Comme pour le climat
et par le truchement de l’art, il s’agira
de réconcilier l’utile et le beau. “L’idée
nous est venue en programmant Kiss
and Cry de Michèle Anne De Mey et Jaco
Van Dormael dont le projet danse-vidéo
est une chorégraphie poétique pour
cinq doigts évoquant le premier et
éphémère amour d’une femme dont
le seul souvenir restant de cette histoire
liminaire est une main. Et puis,
nous nous sommes rendu compte que
de nombreuses propositions d’artistes
très différents s’articulaient autour
de la symbolique de la main qui, outre
son utilité quotidienne, recèle bien
des surprises.” Ainsi, la performance
de Pierre Fourny, Main tenant
le passé, un tour demain, partant
du principe qu’avant le “langage”
il y avait le “main-âge” et que les gens
s’exprimaient plus par les mains
que par les mots.
L’ombromane et magicien Philippe
Beau présentera deux spectacles
dans le cadre de cette Week Hand.
L’un, Hommes aux mille mains, rend
hommage au magicien Cocteau et
s’inspire, en une dizaine de tableaux,
de ses films, de ses dessins, de ses
poésies et de sa passion pour la
mythologie ; l’autre, Magie d’ombres,
s’appuyant sur des extraits de films de
Woody Allen, Orson Welles ou encore
Maarten Vanden Abeele
Sunamik Pigialik ?
de Frédéric Ferrer,
dans le cycle Climat
Méliès, convoque lapins, oiseaux, cerfs,
poulets, loups et chats dans une
succession de saynètes poétiques
et drôles. Même si, de Michèle Anne
De Mey à Philippe Beau, les esthétiques
sont très éloignées, cet assemblage
thématique permet de saisir à quel
point la main est un outil de langage,
de communication et de rêverie. Alors,
n’en déplaise à Théophile Gautier, tout
ce qui est utile n’est pas forcément laid.
En clôture de cette Week Hand
virtuose – cela semblait plus que
nécessaire –, le pianiste François
Chaplin jouera Schubert, Chopin et
Brahms. Hervé Pons
Cycle Climat du 5 au 12 décembre
Week Hand du 17 au 22 mai
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fruits de saison
Une danseuse suspendue, un mariage agité, une virée
de vignerons… Le programme 2015-2016 s’annonce
éclectique. Quelques spectacles à ne pas rater.
Kaori Ito
& Aurélien Bory
fille de l’air
Plexus est la rencontre au sommet
entre la danseuse Kaori Ito et
le metteur en scène Aurélien Bory.
On peut voir Plexus comme un solo
multiple d’une rare beauté. Prise
entre des fils, Kaori Ito joue les
fantômes autant que l’étoile… filante
pour le coup. La danseuse, vue dans
les créations de James Thierrée ou
de Philippe Decouflé, s’offre à nous
le temps d’un autoportrait.
“Kaori possède une force de travail
exceptionnelle, témoigne d’un très large
registre et est à l’aise dans la recherche,
c’est-à-dire dans l’inconnu”, résume
Aurélien Bory, l’homme derrière la
Compagnie 111 et le metteur en scène
des Sept Planches de la ruse ou de Sans
objet, spectacles à géométrie variable.
“Je ne sais pas si Plexus représente ce
que Kaori est, mais je crois, en revanche,
qu’en assistant à ce solo, on rencontre
une personne. Il y a une grande
adéquation entre le dispositif que j’ai
imaginé pour elle et sa danse naturelle.
Elle m’a confié plus tard : ‘C’est comme
si j’avais toujours dansé dans ces fils”,
avoue Aurélien Bory. Rêve éveillé qui
entraîne le public dans un ailleurs
imagé, Plexus fait de son “inquiétante
étrangeté” le plus beau des ouvrages.
Philippe Noisette
Plexus les 9 et 10 février
Didier Bezace l’amour selon Feydeau
Créé à ciel ouvert pour les Fêtes nocturnes du château de Grignan
cet été, Quand le diable s’en mêle rassemble trois courtes pièces de
Feydeau : Léonie est en avance, Feu la mère de Madame et On purge
bébé. Didier Bezace invite le public, bon enfant, à rire des turpitudes
amoureuses et autres enfers conjugaux de ces couples de bourgeois
français que Feydeau a si cruellement et drôlement révélés dans
toute la noirceur de leurs âmes et de leurs actes.
S’adressant à tous sous couvert d’attaquer la petite bourgeoisie,
Feydeau écrit un théâtre populaire en ce qu’il déchire les cœurs
de salves violentes de rires intempestifs. Mais avant tout, le théâtre
de Feydeau est un théâtre d’acteurs, ici Ged Marlon, Océane Mozas,
Luc Tremblais, Clotilde Mollet… Hervé Pons
Quand le Diable s’en mêle les 14 et 15 avril
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Yoann Bourgeois à la renverse
A la lisière du cirque
et du mouvement
chorégraphié, Yoann
Bourgeois n’en finit pas
de séduire. Celui qui
tombe, nouvel ouvrage
cosigné avec Marie
Fonte, imagine des
artistes debout sur
un simple plancher
suspendu, mobilisé par
différents mécanismes.
“Les situations que
j’appelle sont d’un statut
tout particulier, disons :
polysémiques. Je cherche
à situer mon théâtre sur
cette crête aiguë où
la chose apparaît.”
Une heure durant,
c’est donc contre les
“éléments” – vitesse,
gravité, ralenti – que
la troupe virtuose
bataille. Mais dans ce
geste continu où l’un
(r)attrape l’autre et
où l’humour le dispute
à l’effroi, il y a surtout
l’affirmation d’un talent
inouï. Sans doute la plus
belle promesse de
la scène actuelle. Celui
qui tombe séduit par
photo Géraldine Arestéanu
Celui qui tombe
de Yoann
Bourgeois
l’intelligence de sa mise
en scène qui, plus d’une
fois, bascule dans un
savant désordre, tout
autant que par sa poésie
intrépide. Ajoutez-y une
bande-son qui connaît
ses classiques et vous
avez un opus majeur.
Celui qui tombe n’est pas
simplement renversant
– dans tous les sens du
terme –, il est aussi
généreux. P. N.
Celui qui tombe
les 6 et 7 novembre
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Sébastien Barrier
temps pour tout
Yohanne Lamoulère/Picturetank
Saltimbanque céleste, Sébastien
Barrier propose deux rendez-vous
cette saison. D’abord, une création,
Chunky Charcoal, où ce bavard
impénitent applique son art
de la digression à des histoires de
routes et de chemins de traverse qui
se perdent, se croisent et nous
entraînent, tandis qu’un guitariste
l’accompagne et qu’un troisième
acolyte trace sur une grande page
des mots dits, entendus ou rêvés.
Puis on le retrouve avec Savoir
enfin qui nous buvons, spectacle
d’environ six heures, le temps qu’il
faut pour nous conter ses aventures
en pays ligérien en compagnie
de ces vigneron(ne)s qui jalonnent
la géographie de sa mémoire et
étalonnent son amour du vin à coups
de sentences fleuries. Une longue
veillée avec dégustation de vins
en accord avec la sentence du
vigneron Jacques Carroget : “On n’est
pas à tuer les vipères.” Autrement dit,
on a le temps. Fabienne Arvers
Chunky Charcoal le 22 mars (hors
les murs, au Théâtre de l’Agora,
Scène nationale d’Evry)
Savoir enfin qui nous buvons le 28 mai
Candide de Voltaire est un conte philosophique et
un parcours initiatique. Avec sa troisième mise en
scène, Maëlle Poésy se livre à l’exercice de style
d’adapter le classique de la littérature pour en faire
le champ d’expérimentation ludique de son savoirfaire en matière de théâtre. Voltaire lance son héros
dans une série de tribulations toutes plus délirantes
les unes que les autres. En attrapant la balle au bond,
Maëlle Poésy transforme avec brio cette saga en une
course folle ne nous laissant pas un instant de répit.
C’est la somme de toutes ses aventures qui permet
finalement à Candide d’atteindre une forme
d’autonomie de pensée… Comment se construire
une personnalité en interaction avec des événements
vécus dans sa jeunesse ? Voler de ses propres ailes,
abandonner la grille de lecture apprise, tirer profit de
ses expériences pour sortir de la jeunesse : c’est cela
que raconte Candide… Dans un jeu de miroir, c’est
ce même désir de grandir qui anime Drôle de bizarre,
la jeune troupe de Maëlle Poésy. Patrick Sourd
Candide les 15 et 16 décembre
Vincent Arbelet
Maëlle Poésy
Candide sur les planches
12 les inrockuptibles théâtre-sénart
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Fer de lance de la
nouvelle génération des
chorégraphes israéliens,
Hofesh Shechter s’est
installé à Londres où
il a créé sa compagnie
en 2008. Ses études
de musique, à Paris
notamment, et de danse
à la Batsheva à Tel-Aviv,
sa collaboration avec
la compagnie Jasmin
Vardimon en Angleterre,
font de Shechter un
artiste complet. Uprising
sera son premier succès
international. Suivra
Political Mother sur fond
de rock. Concentré
d’images fortes,
ce ballet pour une
quinzaine de danseurs
interroge les
dérèglements de notre
monde. Shechter puise
dans les danses
folkloriques, entre
autres, la matière de
cette transe sans fin.
Le groupe, plus sûrement
que l’individu, y joue sa
survie dans un univers
anxiogène des plus
saisissants. Pas de
facilité pour autant,
mais une approche
chorégraphique mature
qui revisite l’unisson
ou les portés.
Hofesh Shechter parle
d’une réflexion sur la
relation entre l’homme
et la structure sociale
“censée le protéger, et
qui maintenant le menace”.
Il y ajoute un habillage
sonore – qu’il signe en
partie – à la complexité
qui n’a d’égale que
l’émotion provoquée.
Political Mother est
un acte de résistance.
Et une leçon de danse.
P. N.
Political Mother
les 24 et 25 novembre
Mickaël Phelippeau choré en chœur
Mickaël Phelippeau est à part dans
le paysage chorégraphique français
et pas seulement à cause de son goût
prononcé pour la couleur jaune.
En quelques réalisations, il a imposé
une petite “musique” en mouvement.
Ainsi, dans Bi-portrait Jean-Yves, il
invitait un curé pour un duo et, dans
Numéro d’objet, quatre danseuses en
vue de la scène contemporaine. “Il y a
autant de parcours que de portraits”,
aime à dire Mickaël Phelippeau.
Dans Chorus, c’est un chœur
classique qu’il met en danse. Vingtquatre choristes, donc, pour illustrer
une cantate de Bach, dessiner
des parcours sur le plateau, penser
ce vivre (et chanter) ensemble si en
vogue dans notre monde actuel.
Il s’agit pour Mickaël Phelippeau de
les faire entrer dans le chant tout autant
que de les faire sortir, d’imaginer un
groupe qui s’unit et se désunit le temps
d’un concert. Bouleversant la
représentation habituelle d’un chœur
en scène, le chorégraphe et plasticien
porte la voix à un niveau d’intensité
renouvelé. Car ici, c’est encore et
toujours le rapport au public qui est
en jeu. Chorus est une échappée belle,
une fuite en avant et en musique. Un
chœur qui a du cœur… en résumé. P. N.
Chorus le 31 janvier
Carmine Maringola
Hofesh Shechter
la transe de
la résistance
Emma Dante sept sœurs en fusion
Emma Dante affirme d’emblée
la volonté d’ancrer la modernité de
son théâtre dans la perspective
d’une filiation avec l’Opera dei Pupi
et la tradition d’un théâtre de
marionnettes sicilien qui met en
scène des pantins pour honorer
la geste légendaire des chevaliers
du Moyen Age. Le Sorelle Macaluso
(“Les sœurs Macaluso”) se consacre
à la chronique intimiste d’une famille
contemporaine où, comme dans les
contes, on peut compter pas moins
de sept filles dans la maison.
Dans la fusion réussie d’un
spectacle se revendiquant autant de
la danse que du théâtre, Emma Dante
tisse la trame douce-amère d’une
épopée au grand cœur qui bat au
rythme des morts à pleurer et
des naissances redonnant espoir
en l’avenir. Elle témoigne d’abord de
l’irrésistible désir de vivre des petites
gens. Un généreux hommage à ces
batailles pour vivre qui se livrent au
quotidien et qui méritent autant
d’entrer dans la légende du théâtre
que celles des chevaliers d’antan.
P. S.
Le Sorelle Macaluso
du 16 au 18 février
théâtre-sénart les inrockuptibles 13
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Sénart à l’heure
vietnamienne
Le spectacle de cirque À O Làng Phô dynamite les formes
pour raconter un Viêtnam en pleine mutation.
O
n se souvient
avoir croisé
la route de ce
cirque
vietnamien
en 2009 à Hanoï :
déjà sous la direction des
frères Nguyen, Lan
Maurice et Nhat Ly, et
de Tuan Le, ce premier
spectacle, Làng Tôi, avait
enchanté le public
européen. Pourtant,
après une générale dans
le cadre désuet du cirque
national du Viêtnam, il
avait fallu pour la troupe
affronter les
commentaires du comité
de censure. L’équipe
avait peu lâché sur la
forme : bien lui en a pris,
Làng Tôi ne ressemblait
à rien d’existant dans
l’univers circassien en
voie de mondialisation.
Evocation sensible
d’un village d’autrefois,
le spectacle charmait par
cette distance entre hier
et aujourd’hui. Les
fondamentaux du cirque
étaient là : jonglage,
équilibre sur une main,
sauts en tout genre. Mais
ici, tout prenait un autre
rythme : on se lançait
des paniers en osier, on
escaladait des tiges de
bambou de plusieurs
mètres de haut, on se
laissait tomber d’un
tissu. Peu d’éléments de
décor pourtant :
l’évocation n’en était que
plus belle. Il était temps
de donner une suite à ce
Làng Tôi : rendez-vous fut
pris le printemps dernier
à Saigon, cette fois-ci,
dans la bonbonnière très
élégante qu’est l’opéra
de la ville.
Le développement du
pays tout entier semble
s’être accéléré. “Le pays
a spectaculairement
changé. En vingt ans,
on est passé réellement
du cyclo-pousse, au xe ôm
– le fameux motopousse –, du moto-pousse
aux compagnies de taxis.
Ce pays bouge à toute
vitesse. Le spectacle en
est le reflet. Làng Tôi
racontait une journée de la
vie quotidienne d’un village
de paysans, À O Làng Phô
conte de façon poétique
le passage, le pont entre
cette culture paysanne et
celle de la ville, ce ‘voyage’
d’un monde à l’autre. Des
barques traditionnelles en
forme d’immenses paniers
ronds aux battles de
hip-hop, pour en faire le
résumé le plus succinct”,
déclare Jean-Michel
Puiffe, le directeur du
Théâtre-Sénart.
Tuan Le, le metteur en
scène, précise : “Pour
Làng Tôi, on était partis
sur le bambou. Ici, c’est
plutôt ces barques de
pêcheur. Après avoir
raconté un village, nous
montrons un pays en
mutation. Je ne crois pas
qu’il y ait tant de
différences entre les deux
spectacles, c’est plutôt
une vision que l’on
développe. L’idée n’est pas
de faire du cirque
universel mais vrai”,
conclut Tuan Le, revenu
s’installer au Viêtnam
en 2012, après des
années passées en
Allemagne. À O Làng Phô
a été joué une année
entière à Saigon devant
une audience avant tout
touristique, parfois
surprise par les audaces
formelles du spectacle
où la chorégraphie de
Tan Loc Nguyen canalise
l’énergie sur scène.
“Peut-être que le public
s’attendait à voir un ersatz
du Cirque du Soleil”,
plaisante à peine Tuan Le.
Après quelques dates
françaises cet été
(Les Nuits de Fourvière
à Lyon, Le Printemps
des comédiens à
Montpellier), l’équipe
d’acrobates et
de musiciens a retrouvé
la quiétude toute relative
de Saigon. Ils ont pu,
surtout, savourer
l’enthousiasme d’un
public occidental qui,
visiblement, a gardé Làng
Tôi dans le cœur. La
distribution a bel et bien
changé – le turn-over
dans le monde du cirque
est une réalité plus
qu’une fatalité – mais
le charme opère plus
que jamais.
“Ce succès vient du
fait que les formes
proposées sont des
formes hybrides,
échappant à une
classification de genre. Il
est bien difficile de ranger
strictement ce spectacle
en cirque, comme c’est
d’ailleurs tout aussi
impossible de lui accoler
l’étiquette de théâtre,
de danse ou de concert
(la musique étant toujours
interprétée en direct).
De façon naturelle,
devrait-on dire, ils ont
inventé le spectacle
‘cross-over’. L’autre point
est peut-être la vitalité
de ses interprètes et leur
présence collective sur le
14 les inrockuptibles théâtre-sénart
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Nguyen The Duong
plateau. Un travail choral
qui, à l’image du peuple
vietnamien, fait hommage
à la jeunesse, à sa
capacité de ‘jouer
collectif’, de ‘faire
ensemble”, ponctue
Jean-Michel Puiffe.
La culture de l’équipe
de direction artistique,
à cheval sur plusieurs
continents, ajoute
au particularisme de ces
créations. Lan Maurice
Nguyen a fréquenté le
Cirque Plume, Tuan Le,
après une carrière de
jongleur à Berlin, a été
le seul artiste vietnamien
à intégrer le Cirque
du Soleil, le chorégraphe
Tan Loc Nguyen
est diplômé en danse
contemporaine au Japon
et en Allemagne. Enfin, le
directeur musical Nhat Ly
Nguyen, Français
d’origine vietnamienne
formé à l’école du cirque
national de Hanoï, est
également titulaire
d’une licence de musique
à l’université Paris-VIII.
Autant de voyages
la culture de l’équipe de direction
artistique, à cheval sur plusieurs
continents, ajoute au
particularisme de ces créations
culturels ont forgé un
esprit ouvert sur
le monde que perpétue
à sa façon la troupe de
À O Làng Phô.
Coproduit par le
Théâtre-Sénart, Scène
nationale et soutenu par
le Cirque-Théâtre
d’Elbeuf – avec un
partenaire privé, Lune
Entertainment au
Viêtnam –, À O Làng Phô
reprend aujourd’hui la
route. Et dans son sillage
pourrait entraîner
d’autres créateurs : “Si
l’on observe ‘l’histoire’ du
spectacle vivant à partir
du Doi Moi (littéralement
‘le renouveau’ au
Viêtnam en 1986 – ndlr),
la seule proposition qui
pouvait correspondre à
nos critères occidentaux,
c’était les spectacles des
marionnettes sur l’eau.
En 1995, Ea Sola créait
la première version de
Sécheresse et pluie avec
ses douze formidables
grands-mères. Présenté à
l’Opéra-Théâtre de Saigon,
le spectacle fut fustigé par
la critique et les autorités.
Vingt ans plus tard, on voit
apparaître quelques très
(trop) rares nouveaux
projets qui commencent à
exister et à se multiplier”,
affirme Jean-Michel
Puiffe. Làng Tôi comme
À O Làng Phô n’en
finissent pas de montrer
qu’un autre cirque est
aujourd’hui possible.
Philippe Noisette
À O Làng Phô
du 21 au 23 décembre
et en tournée en France
d’octobre à juin
théâtre-sénart les inrockuptibles 15
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Political
Mother
de Hofesh
Shechter
Gabriele Zucca
Théâtre-Sénart
THEATRE-SENART.COM
4
N10
Aéroport de Roissy
Charles de Gaulle
RD
RE
RER
Gare
du Nord
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Chatelet
RER
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Ma
La
MARNE-LA-VALLÉE
RER
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vers Metz
Nancy
Fra
ncili
enne
- N10
4
eine
La S
A6
PARIS
Paris
Gare
de Lyon
A86
N6
N19
Quelques rendez-vous à noter
ìblecture de textes de l’auteur franco-congolais Alain Mabanckou
par Patrick Pineau
ìbconférences par Serge Orru, Christophe Dejours et Hubert Reeves
ìbdébat philosophique entre les enfants et l’écoexplorateur Raphaël Domjan
ìbmarché vietnamien, brocante musicale…
La
Aéroport
d'Orly
Combs-la-Ville
Tigery
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EVRY
4
Le Théâtre-Sénart, Scène nationale se veut un lieu de rencontres,
de rassemblement et d’éducation artistique.
Une programmation “Bis”, comme les itinéraires routiers, permet au public
de prendre les petites routes à son rythme. Ainsi, le théâtre propose toute l’année
conférences, débats, cafés-philo, expositions, rendez-vous littéraires…
Chaque saison, ce sont aussi plus de 2 800 heures consacrées à l’action culturelle,
notamment auprès des jeunes.
RER
Lieusaint
carrért
séna
Réau
A5
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CORBEIL
MoissyCramayel
RER
St-Pierredu-Perray
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RER
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vers Troyes
RER
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vers Fontainebleau
MELUN
POUR VENIR
9/11, allée de la fête Carré-Sénart
77127 Lieusaint-Sénart
POUR RÉSERVER
theatre-senart.com
tél. 01 60 34 53 60
Et dans le cadre de l’action culturelle pour tous les publics
ìbla troupe des amateurs du Théâtre-Sénart
ìbles ateliers intergénérationnels adultes-enfants
ìbl’atelier Music for 18 Musicians avec le chorégraphe Sylvain Groud
ìbl’atelier des 200 qui réunit durant un week-end près de 200 amateurs pour
un stage intensif dirigé par plusieurs artistes de renom
ìbun accompagnement des élèves et des étudiants à travers divers dispositifs
d’envergure comme les options théâtre, les ateliers artistiques, les classes
à projet artistique et culturel, les projets interétablissements, la résidence
d’artistes en milieu scolaire, le cirque à l’école…
en couverture Memento Vivere de Sylvain Groud chef de projet Benjamin Cachot coordination éditoriale Fabienne Arvers, Sophie Ciaccafava rédaction Fabienne Arvers, Philippe Noisette, Hervé Pons, Patrick Sourd
directeur de création Laurent Barbarand maquette Nicolas Jan édition/secrétariat de rédaction Vincent Richard, Anne-Sophie Le Goff iconographie Maria Bojikian publicité culturelle Benjamin Cachot fabrication
Virgile Dalier, avec Gilles Courtois impression, gravure, brochage Roto Aisne SN directeur de la rédaction Frédéric Bonnaud directeur de la publication Frédéric Roblot dépôt légal 3e trimestre 2015. Les Inrockuptibles
est édité par Les Editions indépendantes, société anonyme au capital de 326 757,51 €, 24, rue Saint-Sabin, 75011 Paris, n° siret 428 787 188 000 21 © Les Inrockuptibles 2015. Tous droits de reproduction réservés.
Supplément au n° 1033 du 16 septembre des Inrockuptibles. Ne peut être vendu. Ne pas jeter sur la voie publique
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