Sommaire • Rôle infirmier • ANAES • Douleurs postopératoires • Chirurgie ambulatoire Bloc opératoire Un modèle d’organisation de l’interdisciplinarité • Hygiène • Dispositifs médicaux • Ergonomie participative • Conditions de travail © Alix-Phanie F Si l’on s’en tient à la définition d’un bloc, c’est “un ensemble d’éléments normalisés, groupés dans un espace restreint”. Espace voué à l’interdisciplinarité, le bloc opératoire est un théâtre où se joue une pièce en un acte, qui doit “finir bien”. Objectif obligatoirement partagé par des acteurs dont chaque rôle, parfaitement défini, s’exerce dans un implicite consensus. orteresse, îlot inaccessible pour certains, le bloc opératoire connaît depuis quelques années des évolutions qui ressemblent à des révolutions. Des évolutions qui ne sont pas étrangères aux divers soubresauts de l’hôpital public notamment. Le bloc était au cœur de l’établissement de soins, il devient maintenant un maillon de la chaîne de soins comme les autres. Il se partage. Il s’ouvre même à des “étrangers” non médicaux, comme des techniciens ou des informaticiens ! S’adapter ou mourir sera l’enjeu des prochaines années, pour le bloc comme pour l’hôpital. « Complètement bouleversé par les progrès de la médecine et les nouvelles techniques, le bloc se “lézarde”. Hier encore seulement accessible à un nombre restreint d’initiés, il n’est plus l’exclusivité d’un seul “patron”, il devient le “théâtre”, comme l’appellent les Anglo-Saxons, où se jouent des actes divers qui obéissent tous aux mêmes règles. Des actes chirurgicaux moins nombreux, mais demandant plus de technicité, parce que la pharmacologie a relégué aux oubliettes certains actes invasifs. Davantage d’explorations diagnostiques, exercées souvent par des médecins spécialistes mais dans des conditions de bloc opératoire », explique le Dr François Venutolo, anesthésiste-réanimateur, chef du service de soins ambulatoires à l’hôpital de jour de Gonesse (95). Le Dr Bernard Bayle, médecin anesthésiste de l’hôpital Croix-Rouge de Juvisy (94), souligne : « Depuis l’apparition des neuroleptiques, vers les années 50, les drogues ont permis de faire des pro- grès spectaculaires, réduisant les chocs anaphylactiques, les allergies, rendant possibles des interventions inespérées, dans des conditions de plus en plus sécurisées, même si les moyens manquent souvent ». Le Dr Pierre Desoutter, chirurgien vasculaire à la clinique chirurgicale d’Ivry (94), remarque quant à lui : « Ces dernières années ont été pour la chirurgie une période particulièrement innovante. Un matériel très sophistiqué change la pratique chirurgicale, qui devient de plus en plus spécialisée, et exige une perpétuelle formation. Ce qui a aussi beaucoup évolué, c’est la mentalité des patients qui ne veulent plus subir sans comprendre. Nous devons faire un effort de communication. Ce que l’on ressent également, c’est la pression médico-légale. Il ne faudrait pas aller vers les dérives américaines qui peuvent entraîner, a contrario, une dérobade devant les responsabilités. Cela se ressent déjà dans certaines équipes. Or le bloc est un endroit à risques. Et on a besoin de la confiance du malade ». Pluridisciplinarité Salles et matériels évoluent vers la pluridisciplinarité. Là où le chirurgien décidait seul, il fait maintenant équipe avec l’anesthésiste dans le souci d’une intervention sans risque pour le malade. « Le chirurgien s’occupe du malade, mais on lui demande surtout de la technicité, ou de résoudre un problème fonctionnel. C’est un “manuel” qui doit prendre aussi des décisions rapides, quelquefois dans le stress. Pour cela, l’étroite collaboration avec l’anesthésiste et une équipe soignante qui fait ●●● 15 ●●● preuve de compétences, de responsabilité et de sérénité est indispensable », souligne le chirurgien. L’anesthésiste est, d’une certaine façon, le promoteur de ce nouveau bloc. « Il prend en charge la personne, explique le Dr Bernard Bayle. Il doit rassurer un patient avant l’intervention, le surveiller pendant, faire en sorte qu’il se réveille dans les meilleures conditions, soulager la douleur... ». Il est bien souvent le modérateur dans une zone de tensions. « Il devient un organisateur avec un rôle de coordinateur, ajoute le Dr François Venutolo. Il y a l’écoute du malade et, sur le site, la surveillance d’un ensemble de paramètres, des actes très techniques avec des outils de haute technologie et des drogues qu’il faut savoir maîtriser. On ne peut oublier que, pendant un moment, un être humain s’en remet complètement à vous et qu’on doit le rendre à lui-même dans son intégrité. Alors rien ne compte plus que d’être un bon professionnel ». Dans cette enceinte et au-delà, les infirmières sont les aides indispensables à la réussite de l’intervention. Chirurgiens et anesthésistes sont d’accord. Même s’ils regrettent un peu que la formation initiale ne prépare pas suffisamment aux nouvelles exigences techniques, à une prise de responsabilités plus grande. Car le bloc présente des facteurs de risque particuliers. Le premier est lié aux équipements quant à l’hygiène et la maintenance sans faille des dispositifs médicaux et de l’environnement. Le second, c’est le risque infectieux véhiculé par le malade qui entre parfois au bloc avec ses virus et ses bactéries, toujours dans une situation de vulnérabilité face aux gestes invasifs auxquels il sera soumis. Aux infirmières de veiller au respect de tous les protocoles d’hygiène. Les infirmières ont aussi pour fonction de surveiller, de rassurer et de prévenir l’anxiété du patient. L’ensemble de ces risques est maîtrisé par des per- sonnes travaillant nécessairement en équipe. Celles-ci ont le devoir d’appliquer la démarche qualité qui comprend l’avant, le pendant et l’aprèsintervention avec, pour préoccupation, la lutte contre la douleur et contre les infections nosocomiales, éléments incontournables du soin. Andrée-Lucie Pissondes Douleur postopératoire L’acte chirurgical est un acte violent. Le corps se défend en exprimant sa douleur aiguë, conséquence de l’acte lui-même et de la pathologie en cause. La prise en charge de la douleur postopératoire nécessite une démarche cohérente de la part de tous les acteurs et une volonté de la direction qui doit y sensibiliser tout le personnel et lui donner les moyens d’action. Car si la douleur commence au bloc, son traitement s’effectue encore bien après. C’est d’ailleurs une obligation réglementaire contenue dans l’ordonnance du 26 avril 1996 relative à l’accréditation des établissements publics et privés. Les priorités d’action peuvent être définies après des études entreprises par l’établissement (enquêtes auprès des patients-clients, questionnaires, comparaisons des échelles d’évaluation, revues des dossiers médicaux, etc.), qui signalent les points forts et les points faibles et attribuent à chacun un rôle particulier. Les enjeux pour le malade sont essentiels. Dans l’optique d’un établissement transparent et ouvert à la concurrence, la prise en charge de la douleur postopératoire entre dans un aspect qualitatif qui entraîne la satisfaction des patients et revêt par conséquent un aspect économique. C’est une façon de se démarquer des autres établissements qui pratiquent le même type de spécialité médicale. C’est aussi fédérer le personnel autour d’un projet commun centré sur le confort du malade. Table d’opération 2000 Depuis plus de trois ans, le centre hospitalier universitaire du Québec dispose d’un équipement en imagerie par résonance magnétique d’intervention (IRMi). Cet équipement d’intervention permet d’installer le patient sur une table d’opération et de positionner celle-ci entre les anneaux intégrés de l’aimant de résonance magnétique. Cet aimant diffère de celui des systèmes d’IRM conventionnels, qui sont, eux, réservés à des fins diagnostiques. L’aimant de l’IRMi est composé de deux anneaux supraconducteurs verticaux entourant la table d’opération. L’espace libre entre les deux anneaux de l’aimant de résonance magnétique permet aux cliniciens d’intervenir directement sur le patient. L’intervention chirurgicale est guidée par les images de résonance magnétique qui sont diffusées par deux moniteurs installés sur les côtés de la salle d’opération tout au long de l’intervention. Ces images anatomiques et percutanées d’intervention sont obtenues toutes les cinq secondes en moyenne. Elles permettent une bonne différenciation des tissus. Cette nouvelle technologie offre déjà la possibilité d’intervenir sur une gamme étendue de pathologies. L’objectif est de remplacer des chirurgies encore lourdes par des interventions ambulatoires, moins invalidantes pour le patient. 16 Rôle infirmier Une collaboration pluridisciplinaire La prise en charge d’un patient au bloc opératoire implique la collaboration de plusieurs personnes appartenant au secteur des soins infirmiers : aide-soignant, infirmier, infirmier de bloc opératoire DE, infirmier anesthésiste DE et, en pédiatrie, auxiliaire de puériculture et puéricultrice DE... pourrait présenter un risque de chute du fait de leur moindre vigilance due à la prémédication. Il doit veiller à être attentif sans pour cela majorer leur angoisse. L’aide-soignant peut aussi être le relais ultime des informations annexes de dernière minute qui ne figurent pas dans la fiche de liaison ou qui n’ont pas été transmises par téléphone entre le service et le bloc. Il devra ensuite installer le patient sur le chariot de transfert ou directement sur la table d’opération en suivant bien les recommandations de l’IBODE (infirmier de bloc opératoire DE) et de l’IADE (infirmier anesthésiste DE) afin de permettre la bonne réalisation de l’induction anesthésique et de l’intervention chirurgicale. La cheville ouvrière du bloc opératoire est constitué par le binôme IBODE/IADE qui sont les responsables de la prise en charge globale du patient dans un milieu hautement spécialisé où les autres acteurs (chirurgien, médecin, aide opératoire) sont concentrés sur une action très spécifique. L’accueil du patient est l’affaire d’une équipe afin que ce dernier puisse retrouver une ambiance aussi chaleureuse que celle qu’il a connue dans le service d’hospitalisation. C’est le moment idéal pour recueillir les informations ultimes concernant l’identité, une modification de l’état de santé qui n’aurait pas été signalée, ou pour confirmer un élément nécessaire à l’intervention (côté à opérer) ou à l’anesthésie (raideur d’un membre, douleur préexistante, problèmes dentaires). Ces informations doivent être présentées comme participant à la meilleure sécurité possible et non comme un doute de l’équipe quant aux actes à réaliser. Il faut également s’assurer que l’installation du patient ne risque pas de causer de lésions cutanées et nerveuses en raison de la position adop- © H. Raguet-Phanie aide-soignant qui assure le transfert du patient vers la salle d’opération doit aider phyL’ siquement les patients et leur éviter tout ce qui tée (décubitus latéral ou ventral), des éléments ajoutés (piquets, renforts, gouttières), de la dureté de la table d’opération, du positionnement des membres et de l’anesthésie (curarisation, hypothermie). Déroulement de l’intervention Pendant l’induction de l’anesthésie, phase à haut risque, l’IBODE reste en salle afin d’apporter son aide à l’IADE et au médecin anesthésiste. Elle veille notamment à réduire les allées et venues et les bruits tant que le patient n’est pas totalement anesthésié et équipé des matériels nécessaires à ses fonctions vitales. Ensuite, c’est l’IADE qui participe à l’installation en fonction des nécessités chirurgicales, dans la limite des tolérances permises par l’anesthésie. Cette collaboration continue pendant l’intervention : l’aide-soignant participe à l’acheminement des examens, l’IBODE renseigne l’IADE sur certains points le concernant (diurèse, pertes sanguines, etc.). Et ce dernier peut apporter des précisions concernant le dossier du malade et aider pour certaines manipulations (billot). En fin d’intervention, ce sont encore l’IADE et l’IBODE qui vont demeurer auprès du patient pendant le pansement et le démontage des équipements, pour surveiller les écoulements anormaux et les drainages, et pour vérifier ●●● 17 Bloc opératoire ●●● l’intégrité cutanée (recherche de marques ou de rougeurs anormales). Ils seront souvent amenés à coordonner les manœuvres permettant de remettre le patient sur son chariot de transfert ou sur le brancard de la salle de surveillance postinterventionnelle (SSPI). Enfin, ils auront à assurer la coordination entre le bloc opératoire et la SSPI tant en ce qui concerne les informations relatives aux actes effectués que celles concernant les différents matériels encore en place (drainages, intubation, etc.). La phase de réveil C’est alors qu’intervient un nouveau binôme, l’infirmier de SSPI et l’aide-soignant ou, en pédiatrie, l’infirmier ou la puéricultrice de SSPI et l’auxiliaire de puériculture. Outre les relations qu’entretiennent obligatoirement ces binômes de SSPI entre eux, il convient de noter la nécessité d’une étroite collaboration avec le binôme du bloc, tant en ce qui concerne les transmissions d’informations du bloc vers la SSPI qu’au niveau de l’installation dans le lit, de la mise en place de la surveillance et de la prise en charge des modifications, souvent brutales, de l’état du patient pendant cette phase à risque. Cette collaboration entre des acteurs aux fonctions par ailleurs très différentes obéit aussi à la nécessité de compenser la faiblesse des effectifs de chacune des professions concernées. Il est très rare qu’il y ait plus d’un IADE par salle d’opération et l’IBODE qui se trouve hors du champ stérile n’a que deux mains pour préparer son matériel et enfiler les tenues stériles des opérateurs. De même, en SSPI, il n’est pas toujours facile de libérer plusieurs personnes pour accueillir un nouveau patient. Cette collaboration constitue aussi un lien privilégié entre des personnels ayant la même culture professionnelle et soucieux d’une prise en charge efficace de leurs patients. La grande technicité de certaines spécialités infirmières n’est en rien un frein à cette culture du “prendre soin”. Éric Delmas infirmier anesthésiste DE Président d’Infiweb, http://www.infiweb.org ANAES Le bloc est un élément de la qualité de la prise en charge La dynamique de l’accréditation intègre le bloc qui, avec ses spécificités, en est l’un des maillons. Entretien avec Maryse Boulongne, infirmière générale et chef du département experts-visiteurs de l’ANAES. Professions Santé Infirmier-Infirmière - Quelles sont les recommandations de l’ANAES en ce qui concerne le bloc opératoire ? Maryse Boulongne - Le bloc est en fait un élément de l’un des dix référentiels de l’ANAES : celui que l’on appelle OPC, ou organisation de la prise en charge des patients. Ce référentiel est d’ailleurs l’un des plus importants puisqu’il comporte quinze références. Il est aussi certainement le plus transversal, car il porte sur le circuit patient dans sa globalité : il concerne en effet l’accueil, les urgences, la continuité et la planification des soins pendant le séjour, ainsi que la sortie et l’évaluation. La partie bloc opératoire est donc l’une des références de ce réferentiel, l’un des éléments de cette prise en charge du patient. 18 PSII - Peut-on néanmoins l’isoler ? M.B. - C’est difficile, d’autant que l’on est dans un domaine qui comporte des translations en termes de continuité et de coordination vers d’autres référentiels du type dossier patient, qualité et prévention des risques, etc. En fait, de nombreuses références s’entrecroisent sur plusieurs référentiels. Il s’agit d’une architecture extrêmement liée, qui correspond à une volonté de transversalité. PSII - Existe-t-il tout de même des critères propres au bloc ? M.B. - Si on le considère de façon artificielle, il en existe deux essentiels. Le premier concerne la prise en charge stricto sensu du patient au bloc : l’organisation du bloc, les tableaux opératoires, les règles de fonctionnement, la charte s’il y en a une, l’information, l’évaluation... Le bloc a ceci de particulier qu’il rassemble de nombreux métiers différents, avec des passages relativement courts : les anesthésistes, les chirurgiens, les infirmières de bloc, les infirmières anesthésistes, les brancardiers, etc. Il faut donc savoir comment est structurée une telle organisation, qui l’a validée, quelles ont été les implications des uns et des autres, si la charte a été suivie, évaluée, remise à jour, comment les protocoles ont été mis en place, avec quels acteurs, etc. Voilà le questionnement que doit faire un établissement dans sa dynamique de qualité. Il devra d’ailleurs se poser ces questions avec toute l’acuité nécessaire au moment de son autoévaluation, qui est une étape primordiale, car elle permet de mettre en évidence les éventuels dysfonctionnements et de travailler sur les mesures correctrices à mettre en place. Le deuxième critère porte, lui, sur la continuité des soins. C’est là que l’on rejoint le dossier patient, qui est un élément de fusion de l’ensemble des informations : il faut que le chirurgien et l’anesthésiste, l’infirmier de bloc opératoire, les infirmiers d’anesthésie-réanimation, à l’entrée du bloc d’une part, et les unités cliniques qui assurent le suivi à la sortie, d’autre part, disposent des éléments concernant la prise en charge du patient. Nous sommes là au cœur du système d’information, de sa validation, de la non-rupture, afin que la sécurité du patient soit prise en compte. Vous pouvez donc mesurer l’intrication des référentiels entre eux : le dossier patient comporte des éléments qui émanent du bloc opératoire ; je pense au dossier d’anesthésie, au compte-rendu opératoire, ou même au compterendu d’accouchement car on parle de bloc opératoire, mais on peut aussi bien parler de salle d’accouchement, ou de salle de sismographie dans les hôpitaux psychiatriques. PSII - Le suivi du patient va-t-il au-delà de l’hôpital ? Par exemple, un suivi avec le médecin traitant est-il recommandé ? M.B. - On sort du cadre bloc. Ce type de soins est essentiel, il est évalué dans les référentiels DPA et OPC, c’est-à-dire les comptes-rendus d’hospitalisation et la lettre au médecin traitant ou à l’établissement dans lequel est allé le patient à sa sortie. qu’il y ait une participation active du plus grand nombre d’acteurs possible. Si nous revenons au bloc, chaque intervenant est impliqué selon le stade de l’organisation : le transport par exemple concernera les brancardiers ; lorsque l’on va travailler sur la lutte contre les infections nosocomiales, tout le personnel chargé du nettoyage et de la désinfection sera impliqué, chacun à son niveau, à la fois dans la connaissance et l’élaboration de ces tâches, mais aussi dans la formation, et dans le contrôle et le suivi des connaissances. Tout cela relève bien de la dynamique d’un établissement par rapport à un projet qui est celui du moindre risque. PSII - Quels sont les dysfonctionnements les plus souvent constatés au niveau du bloc ? M.B. - Je ne peux pas vous livrer ce que l’on observe dans les procédures, ni le contenu des dossiers qui sont en cours de traitement. Cela dit, il y a effectivement des points sur lesquels il faut veiller particulièrement : il faut notamment éviter les ruptures de continuité et, par rapport à des endroits aussi sensibles que les blocs, veiller à tout ce qui est prévention des risques. J’ajoute qu’un certain nombre de textes accompagnent le fonctionnement de ce secteur : ceux concernant les procédures d’ouverture des salles, par exemple. Cela signifie que les professionnels sont forcément très sensibilisés à la sécurité des soins et à leur qualité. PSII - En somme, l’accréditation a une conséquence particulièrement bénéfique : celle d’investir et de responsabiliser tous les acteurs. M.B. - Absolument, et c’est l’un de ses objectifs. L’accréditation n’est pas une fin en soi. Elle appartient à une dynamique qui ne peut être mise en place que par l’implication de tous les acteurs, quels que soient leurs places et leurs rôles. Vous savez aussi qu’au niveau de la procédure, il est certain que l’établissement doit veiller à ce que les groupes d’autoévaluation dont nous avons parlé précédemment soient multidisciplinaires. Dans les groupes OPC, qui sont les plus larges et les plus nombreux, nous retrouvons justement toutes les catégories de personnels, du médecin au brancardier, en passant par les employés assurant les prestations de ménage. PSII - On parlait de l’équipe du bloc, qui est très nombreuse. Tous les acteurs doivent-ils être impliqués de la même façon dans la démarche qualité, quels que soient leurs niveaux de responsabilité ? PSII - Le bloc opératoire, qui est quand même une activité spécifique au sein d’un hôpital, dotée d’une culture très enracinée, a-t-il complètement intégré aujourd’hui la démarche de l’accréditation ou montre-t-il encore des réticences ? M.B. - Il faut reprendre ici la philosophie globale de la démarche, le bloc, encore une fois, n’étant qu’un des éléments. Ce qui est clairement demandé, c’est M.B. - A titre personnel et professionnel – mais je crois que tout le monde le ressent à l’ANAES –, j’ai vu évoluer depuis une bonne quinzaine ●●● 19 Bloc opératoire ●●● d’années cette notion de qualité et d’évaluation. Au niveau des soins, on a certes commencé un peu plus tôt qu’ailleurs, mais on note quand même aujourd’hui une réelle prise de conscience, due probablement, pour partie en tout cas, aux ordonnances de 1996 rendant l’accréditation obligatoire. Je l’observe lorsque j’interviens devant des groupes professionnels : les questions, qui, au départ, relevaient davantage de la curiosité, ne se posent plus en termes de réticence ou de crainte. On sent une grande ouverture, y compris vis-à-vis de l’évaluation globale de la qualité et de la prestation. PSII - C’est un incontestable pas en avant... M.B. - ... et une grande richesse. Bien sûr, il y aura toujours des réticences et des formes d’incompréhension, mais l’état d’esprit est globalement posi- tif. Ma pratique professionnelle m’avait montré que le corps médical était parfois un peu réticent, il ne l’est plus. PSII - Vers quoi doit tendre le bloc désormais ? M.B. - Le bloc, à l’instar des salles d’interventions lourdes, était un peu une “boîte noire” dans laquelle on ne savait pas toujours ce qui se passait. Ce qui est important, c’est de le considérer aujourd’hui, tout en respectant ses spécificités, ses contraintes, sa rigueur, ses complexités, comme un élément de la prise en charge du patient tout au long de son parcours. Le bloc, comme tous les autres services, concourt à la qualité de cette prise en charge. Il est un maillon du système. Propos recueillis par Stéphane Henri Les recommandations de l’ANAES Dans son dernier manuel d’accréditation, daté de février 1999, l’ANAES, dans son référentiel “Le patient et sa prise en charge”, fait notamment les recommandations suivantes : 1. Le dossier du patient (DPA) “Le dossier du patient comporte, lorsque sa prise en charge l’exige, des éléments d’informations spécialisées qui sont : – le dossier anesthésique ; – le compte-rendu opératoire ; – le compte-rendu d’accouchement ; – le dossier transfusionnel ; – la fiche de traçabilité des médicaments dérivés du sang ; – le consentement écrit du patient pour les situations qui l’exigent”. (DPA, référence 5, DPA.5.d) 2. L’organisation de la prise en charge des patients (OPC) “Les professionnels intervenant dans les blocs opératoires, les autres secteurs interventionnels et les secteurs d’activité cliniques déterminent en commun leurs règles de fonctionnement”. (OPC, référence 8) S.H. Douleurs postopératoires Des solutions... pas assez utilisées Vaincre la douleur est heureusement devenu une priorité. Grâce à l’effort entrepris, la France est ainsi passée en dix ans de la 39e à la 8e place des pays traitant la douleur, devant les États-Unis. Mais des efforts restent nécessaires dans la connaissance, la reconnaissance et le traitement des douleurs, notamment postopératoires, encore trop considérées comme « normales ». de déclenchement de la douest mal connu. Or on traite mal ce que Ll’oneleurnemécanisme comprend pas bien. C’est le cas pour certaines neuropathies fort handicapantes comme la douleur suivant une amputation dite douleur du “membre fantôme”. 20 Par analogie, certains chercheurs rapportent la cause d’apparition de manifestations douloureuses à un gène existant chez l’animal et qui serait présent chez l’homme ; il créerait une susceptibilité à la douleur. De même, certains récepteurs sensibles à la morphine, présents chez certaines personnes et pas chez d’autres, expliqueraient les réactions différentes, voire opposées face aux antalgiques morphiniques. Sans en connaître les tenants (pourquoi a-t-il mal ?), le patient en subit les aboutissants. Il a bien mal, mais lui seul peut dire qu’il souffre. C’est au personnel soignant d’entendre sa plainte, de l’analyser au mieux. Dans cette analyse, un moyen de quantification est en voie de généralisation : la réglette mobile. À ce jour, plus d’un million d’exemplaires avec curseur mobile a été distribué. Pet scan et IRM : pour en savoir plus Les progrès de l’imagerie médicale, comme l’utilisation du Pet scan ou de l’IRM, ont permis de démontrer l’implication de certaines zones corticales dans le déclenchement des douleurs. Le cortex somatosensitif S1 et S2 et le cortex singulaire antérieur sont notamment en cause, mais il existe encore bien des voies de recherche à découvrir et explorer. (Vienne, août 1999, 9e congrès sur la douleur.) Évaluer la douleur L’infirmière demande au patient qui souffre de déplacer le curseur sur une échelle allant de 0 à 10 signant l’intensité de sa douleur. Répété dans le temps, cet exercice permet, chez un même malade, de suivre l’évolution de ses douleurs. On peut déterminer l’intensité des douleurs paroxystiques comme celles qui sont plutôt lancinantes. En revanche, les comparaisons ne sont pas possibles d’un patient à l’autre, ni sur l’intensité propre des symptômes ni sur les effets d’un traitement : les résultats ne sont en effet pas superposables entre les personnes, chacune ayant sa propre perception du phénomène. Pourquoi évaluer une douleur ? Il faut évaluer pour déterminer les patients qui souffrent. En effet, un certain nombre de personnes ne signalent pas spontanément leur douleur, la considérant comme normale après une intervention chirurgicale. D’autres ont tendance à majorer des sensations désagréables qui ne sont en fait pas douloureuses. L’évaluation de l’intensité de la douleur donne davantage de facilité pour choisir le traitement et l’adapter au mieux. Les antalgiques (classification de l’OMS) 1. AINS 2. Paracétamol 3. Associations : paracétamol + codéine (niveaux I et II) paracétamol + X... 4. Chlorhydrate de tramadol 5. Morphiniques avec AINS ou non ou paracétamol (niveau III) Pour dialoguer sur le Net : antalnet.astamedica.fr Enfin, cette réglette toute simple est un élément de communication supplémentaire entre soigné et soignants : « Vous voyez bien que j’écoute votre plainte puisque je l’analyse avec vous et en suis l’évolution précisément ». Cette prise en compte influe elle-même sur l’efficacité des traitements : se sachant entendu, le patient participera plus efficacement à sa guérison. Surtout, on peut ainsi mieux apprécier l’efficacité des traitements engagés, voire en changer si nécessaire. Chez les enfants, des échelles adaptées à leur âge existent, fonctionnant selon un mode identique mais ludique et illustré. Chez la personne âgée, la façon d’expliquer est importante, car elle n’interprète pas toujours le langage comme on pourrait s’y attendre. Comment traiter ? En fonction du type de la douleur, on emploie l’antalgique du palier correspondant. Pour les douleurs peu importantes de niveau I, pour celles plus invalidantes du niveau II, et ainsi de suite. On s’attache toujours, lorsque c’est possible, à laisser les personnes qui souffrent maîtresses des doses de médicaments à utiliser. Pour ce faire, il peut être utile d’employer les gouttes, plus faciles à doser, et dont la posologie à géométrie variable est simple à augmenter. Une seule précaution : toujours bien indiquer les doses maximales journalières. Lorsque la médication orale s’avère insuffisante, on doit passer à la voie sous-cutanée ou intramusculaire : dans ces deux cas, l’anesthésie est difficile à contrôler, la diffusion tissulaire fait qu’elle peut être insuffisante ou peu durable. Ainsi, en intramusculaire, l’effet maximal peut n’apparaître qu’après 30 à 40 minutes suivant l’injection. On préfère donc désormais la voie intraveineuse. Lorsque, en postopératoire, on utilise les morphiniques, il faut savoir que la buprénorphine ●●● 21 Bloc opératoire ●●● est contre-indiquée dès lors qu’une nouvelle anesthésie générale est programmée. Sinon, l’utilisation de morphiniques se fait souvent sous forme de pompe PCA (analgésie sous le contrôle du patient). La dose de charge est souvent de 5 à 10 mg ; ensuite sont délivrés 5 à 10 mg toutes les 3 ou 4 heures selon les besoins, la surveillance soignante se faisant alors sur le degré de vigilance du malade, sur son état hémodynamique, et sur sa fréquence respiratoire. Si celle-ci est inférieure à 9/mn, ou si la sédation est importante, il peut s’avérer nécessaire de le mettre sous oxygène et d’injecter 0,2 mg de naloxone IV (Narcan©). Si l’analgésie à base de morphiniques est elle aussi insuffisante, un bloc périphérique tronculaire ou plexique peut être tenté de manière locorégionale. Il est parfois nécessaire d’utiliser cette technique pour les neuropathies périphériques. En dernier recours, lorsque tous les moyens essayés n’ont pas donné les résultats escomptés, on peut être amené à pratiquer la neurostimulation transcutanée à basse fréquence. Des électrodes sont placées le plus souvent en zone médullaire, au niveau des cordons postérieurs. Elles délivrent des stimulations de basses fréquences antalgiques. Un essai est fait sur deux à trois mois et, si la douleur cesse, on peut alors décider l’implantation définitive d’un stimulateur intracorporel. Un seul petit problème, son coût : 70 000 francs en moyenne... Dr Jacques Bidart Chirurgie ambulatoire Intégrer un projet dans l’espace temps L’hôpital bascule vers la production de soins où le repère devient l’activité produite en temps réel. La contrainte essentielle existe en tant que groupe dont les individualités devraient avoir le même intérêt : le malade. montage de ce système crée des problémaindividuelles qui doivent se résoudre Laussietiques dans des contraintes budgétaires. « Dans ce nouveau contexte, le calcul en lits n’a plus trop d’intérêt, explique le Dr François Venutolo, chef de service à l’hôpital de jour de Gonesse (95). L’activité se mesure en nombre d’actes et le challenge, pour l’hôpital, est de conserver l’activité pour survivre. Ce qui suppose de satisfaire tous les impératifs de qualité de prestations auxquels un patient a le droit de prétendre. Il existe désormais une dynamique de compétitivité qui pousse à aller vers le mieux ». Un concept qui bouscule L’économie est l’un des atouts de la chirurgie ambulatoire. Mais il n’est pas le seul, loin s’en faut. Les bénéfices de ce type de prise en charge ont été largement démontrés. Pourtant, en France, seuls 27 % des actes chirurgicaux sont pratiqués en ambulatoire. Les patients pensent souvent qu’elle n’existe pas dans les hôpitaux publics où elle ne représente que 5 % du volume d’activité, alors qu’elle est de 30 % dans le secteur privé. « C’est une question de mentalité des soignants, des patients et des responsables administratifs ». Certes, les contraintes peuvent constituer un frein. Or, « il est 22 Chirurgie ambulatoire et textes de loi Jusqu’en 1991, la pratique de l’ambulatoire n’était codifié dans aucun texte juridique. • La loi n° 91748 du 31 juillet 1991 introduit la notion de soins alternatifs à l’hospitalisation. • Les trois décrets du 2 octobre 1992 donnent la définition des structures, les conditions de leur création, les normes techniques de fonctionnement, et fixent également le taux de conversion entre chirurgie traditionnelle et chirurgie ambulatoire, en fonction de l’excédent ou non du SROS. • L’arrêté du 12 novembre 1992 précise les modalités et le contenu de la déclaration que doivent faire les établissements qui comporteraient de telles structures à la date de publication de la loi du 31 juillet 1991. • Arrêté du 7 janvier 1993 relatif aux caractéristiques du secteur opératoire des structures pratiquant l’anesthésie ou la chirurgie ambulatoire. • La circulaire DGS du 16 décembre 1997 aux ARH promeut la chirurgie ambulatoire au rang de priorité. © P. Voisin-Phanie évident que la diminution du risque d’infections nosocomiales de l’opéré, celle des contraintes liées à l’hospitalisation sur le plan professionnel et familial, sont autant de facteurs qui appellent à son développement pour le bien du patient, ajoute le médecin. Dans un monde hospitalier qui entre dans le circuit de la concurrence, l’hôpital de jour qui allie la satisfaction du patient et le bénéfice économique pour la société est le concept d’avenir. » La chirurgie ambulatoire n’est pas une simple hospitalisation raccourcie. C’est un concept sur le plan clinique, architectural, organisationnel et économique. C’est une chirurgie qualifiée, substitutive et multidisciplinaire. La première clinique ambulatoire fut créée en 1916 aux ÉtatsUnis par le Dr Waters, anesthésiste. Grâce aux progrès de l’anesthésie moderne, le concept est Traitement de la cataracte En France, la cataracte est une des interventions chirurgicales les plus fréquentes. Elle touche plus de 20 % de la population à partir de l’âge de 65 ans, plus de 35 % à partir de 75 ans et plus de 60 % à partir de 85 ans. La cataracte se définit comme une opacification du cristallin, la lentille intra-oculaire étant normalement transparente. Cette opacification du cristallin entraîne une dégradation de l’acuité visuelle. Elle se signale d’abord par des phénomènes d’éblouissement, une diminution de la sensibilité aux contrastes, des difficultés à percevoir le relief et les couleurs. Les facteurs de risque sont l’exposition aux ultraviolets B, le diabète, le tabac, l’alcool, l’absorption de certains médicaments, etc. Le seul traitement est chirurgical. L’intervention se pratique essentiellement en ambulatoire et sous anesthésie locale. officialisé en 1970. Sont appelés ambulatoires les actes chirurgicaux programmés et réalisés dans les conditions techniques nécessitant impérativement la sécurité d’un bloc opératoire. L’anesthésie est de mode variable, suivie d’une surveillance postopératoire en salle de réveil. Le patient doit sortir sans risque le jour même. « Cette notion de temps est au cœur de la pratique ambulatoire », explique le Dr François Venutolo. Que pratique-t-on le plus en ambulatoire ? On peut citer la chirurgie ophtalmologique (chirurgie de la cataracte), la chirurgie orthopédique (chirurgie de la main), l’odontologie, la chirurgie maxillofaciale et l’ORL, la chirurgie gynécologique, la cœliochirurgie digestive et l’urologie... Et, bien sûr, la chirurgie de l’enfant est très concernée. Conditions à réunir pour une chirurgie ambulatoire • L’intervention doit être programmée. • L’indication du caractère ambulatoire de l’acte doit faire l’objet d’un consensus entre l’opérateur, l’anesthésiste et la famille. • L’acte doit être a priori court (moins d’une heure) et à faible risque respiratoire ou hémorragique. • Les suites doivent a priori être simples, peu douloureuses, et permettre une reprise rapide des activités. Il n’y a pas d’anesthésie spécifique à l’hôpital de jour. Le choix des produits est dicté par leur pharmacocinétique. Au-delà de la justification d’une intervention en ambulatoire, c’est l’éligibilité du patient pour ce mode d’intervention par rapport à une intervention classique qui doit être considérée, la préférence individuelle du patient demeurant toujours un élément d’arbitrage. Pour le Dr Venutolo, ce n’est pas seulement un effet de mode. « Il existe un besoin réel de simplification. C’est un mode de travail particulier dans lequel chacun doit tenir sa place exacte. Mais il faut apprendre à connaître le travail de l’autre. Car si on en revient au facteur temps, essentiel dans ce type d’organisation, chaque action doit être exécutée dans le moment programmé, ceci dans le souci du malade, de la qualité des soins et du respect que l’on doit à ses collègues. C’est un domaine où il existe une potentialité d’ouverture importante. Chacun doit être responsable et autonome parce que les décisions doivent se prendre vite et dans une parfaite coordination des rôles de chacun. » A.-L.P. 23