DOSSIER THÉMATIQUE Cancers du sein : chimiothérapie néo-adjuvante Chimiothérapie néo-adjuvante des cancers du sein Neoadjuvant chemotherapy in breast cancer C. Senechal 1, F. Reyal 1, C. Malhaire 2, V. Marchand 3, F.C. Bidard 4, B. Sigal 5, J.Y. Pierga 4 Objectifs de la chimiothérapie néo-adjuvante 1 Département de chirurgie, institut Curie, Paris. 2 Département de radiologie, institut Curie, Paris. 3 Département de RT, institut Curie, Paris. 4 Département d’oncologie médicale, institut Curie, Paris ; université Paris-Descartes. 5 Département de biologie des tumeurs, institut Curie, Paris. Plusieurs raisons justifient de proposer une chimiothérapie (CT) néo-adjuvante lors de la prise en charge initiale d’un cancer du sein opérable d’emblée. La seule indication consensuelle est que ce schéma thérapeutique permet d’envisager une réduction de la taille tumorale, ce qui augmente les possibilités de traitement chirurgical conservateur pour les formes relevant d’une mastectomie première (1). En théorie, il permet aussi d’étudier directement la sensibilité aux traitements et d’identifier les tumeurs dont la réponse complète au traitement serait associée à un bon pronostic ainsi que celles dont la réponse partielle au traitement serait associée à une résistance et à un pronostic médiocre. Ce schéma thérapeutique est en fait le seul modèle permettant d’observer véritablement la réponse au traitement (en comparaison des expérimentations in vitro [lignées cellulaires] ou in vivo [modèles murins]). Il offre la possibilité de déterminer de nouveaux marqueurs de sensibilité au traitement, de surveiller avec acuité cette réponse et d’envisager de nouveaux protocoles adjuvants selon le degré prévisible de réponse au traitement. De plus, le traitement néo-adjuvant repose sur l’hypothèse qu’une prise en charge précoce de la maladie micrométastatique modifie potentiellement l’évolution naturelle de la tumeur en prévenant l’émergence de clones résistants. Enfin, l’étude de la croissance de sites métastatiques après traitement du site primitif de différents modèles murins de cancer avait suggéré que l’acte chirurgical pouvait avoir, par les modifications immunitaires et vasculaires induites lors du processus de cicatrisation, un effet 428 | La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 7 - septembre 2011 potentiellement délétère sur l’évolution naturelle du cancer (2). L’objectif de notre travail, loin d’être exhaustif, est de mettre en avant les travaux majeurs portant sur ce schéma thérapeutique afin de permettre aux différents cliniciens participant à la prise en charge des patientes atteintes de cancer du sein d’appuyer leur pratique sur les données les plus robustes possibles. Nous limitons notre réflexion au cancer du sein opérable d’emblée, non localement avancé, non inflammatoire et non métastatique d’emblée. Chimiothérapie néo-adjuvante versus chimiothérapie adjuvante Afin de valider l’administration préopératoire de la CT, il a été nécessaire de vérifier sa non-infériorité par rapport au traitement de référence, le traitement local suivi de la CT adjuvante. La métaanalyse (niveau de preuve A) réalisée par D. Mauri et al. (3) valide cette pratique. Publiée en 2005, elle reprend 9 essais comparant CT néo-adjuvante à CT adjuvante selon le même schéma, incluant en tout 3 946 patientes. Aucune différence n’a été mise en évidence en termes de survie globale (SG), de survie sans récidive (SSR) et de SSR à distance. Toutefois, on note une augmentation significative du risque de récidive locorégionale dans le groupe des patientes traitées par CT néoadjuvante, particulièrement lorsque le traitement locorégional consistait en une radiothérapie (RT) sans chirurgie. Résumé La chimiothérapie néo-adjuvante dans le cancer du sein vise avant tout à favoriser le taux de traitement conservateur mammaire. Cet article, qui passe en revue les principales études publiées justifiant cette pratique, s’efforce de proposer au clinicien les principaux axes de réflexion sur les types de chimiothérapie, la réponse tumorale obtenue ainsi que son interprétation en termes de contrôle de la maladie systémique. Les principales études sont résumées dans le tableau, p. 430. En 1985, L. Mauriac et al. (4) ont étudié l’impact sur la SG d’un traitement par 3 cycles d’épirubicine, vincristine et méthotrexate, suivis de 3 cycles de mitomycine C, thiotépa et vindésine administrés soit en préopératoire soit en postopératoire. Au final, 272 patientes présentant une tumeur du sein de plus 3 cm de diamètre (T2-T3, N0-N1, M0) ont été randomisées entre ces 2 bras de traitement (138 versus 134 patientes). Le traitement locorégional a consisté en une chirurgie non conservatrice (mastectomie radicale modifiée) dans le bras adjuvant. Dans le bras néo-adjuvant, une RT exclusive (sein et aires ganglionnaires) était réalisée en cas de réponse clinique complète ; si le résidu tumoral clinique était inférieur à 2 cm, une chirurgie conservatrice associée à une irradiation était effectuée ; enfin, si le résidu tumoral clinique était supérieur à 2 cm, une mastectomie radicale modifiée était pratiquée. Les auteurs n’ont mis en évidence aucune différence significative de SG entre les 2 bras de traitement après plus de 10 ans de suivi médian. L’essai S6 de l’institut Curie mis en place en 1986 (5-7) visait à mettre en évidence l’absence de différence en termes de SG entre un traitement par CT néo-adjuvante et un traitement identique appliqué en phase adjuvante. Un total de 390 patientes non ménopausées présentant un cancer du sein non métastatique avec une tumeur entre 30 et 70 mm de diamètre ont été randomisées entre 4 cycles d’une association de 5-FU, adriamycine et cyclophosphamide (FAC) précédant le traitement locorégional ou lui succédant. Ce traitement a essentiellement consisté en une RT. La chirurgie n’a été utilisée que dans les cas de persistance d’une masse tumorale après RT. Une première publication, avec un suivi médian de 54 mois, semblait démontrer un bénéfice en termes de SG du traitement néo-adjuvant (5). Une mise à jour après 66 mois de suivi médian, puis 120 mois, n’a pas retrouvé de différence significative (6, 7). Ces données ont été récemment confirmées (Senechal C et al., soumis), et cela indépendamment du statut des récepteurs hormonaux de la tumeur. L’essai NSABP-B18, débuté en 1988, visait à comparer l’impact sur la SG et la SSR d’un trai- tement par adriamycine et cyclophosphamide (AC) administré soit en néo-adjuvant soit en adjuvant (8). Au total, 1 523 patientes présentant une tumeur du sein opérable d’emblée (T1-T3, N0-N1, M0) ont été randomisées entre ces 2 bras de traitement (763 versus 760 patientes). Le traitement locorégional a consisté en une chirurgie, conservatrice ou non, dont le choix était initialement posé par le chirurgien (indépendamment de la réduction tumorale éventuelle par le traitement néo-adjuvant). En cas de traitement conservateur, une irradiation mammaire totale était effectuée. Aucune différence significative n’a été mise en évidence entre les 2 bras de traitement. Des mises à jour à 9 ans (9) puis à 18 ans de suivi (10) ont été publiées, démontrant l’absence de différence significative en termes de SG et de SSR. De façon intéressante, l’analyse de la SG à 18 ans, met en évidence une nette tendance bénéfique mais non significative d’un traitement néoadjuvant chez les patientes de moins de 50 ans (61 versus 55 %) et, inversement, d’un traitement adjuvant chez les patientes de plus de 50 ans (55 versus 50 %). L’essai européen de l’EORTC (European Organization for Research and Treatment of Cancer) [11], publié en 2001, comparait l’administration de 4 cycles de FEC 60 (5-FU, épirubicine, cyclophosphamide) avant ou après prise en charge chirurgicale chez 698 patientes randomisées ; cette étude ne montrait aucune différence de SG à 48 mois. L. Gianni et al. (12) ont publié une étude comparant un traitement par 4 cycles de doxorubicine (A) avec ou sans paclitaxel suivis de 4 cycles de l’asso ciation CMF (cyclophosphamide, méthotrexate, 5-FU) administrés en néo-adjuvant ou en adjuvant (European Cooperative Trial in Operable Breast Cancer [ECTO]). L’étude comportait 3 bras de traitement : chirurgie + 4 cycles d’A + 4 cycles de CMF ; chirurgie + 4 cycles d’AT + 4 cycles de CMF ; 4 cycles d’AT + 4 cycles de CMF + chirurgie. Dans cet essai, 1 348 patientes ont été randomisées. Il n’y avait pas de différence significative en termes de récidive, de récidive à distance ou de SG entre les 2 bras de traitement systémique comportant du paclitaxel, que la CT soit administrée en pré- ou en postopératoire. Mots-clés Cancer du sein Chimiothérapie néoadjuvante Réponse histologique complète Thérapie ciblée néoadjuvante Summary The first aim of neoadjuvant chemotherapy in breast cancer is to increase the rate of conservatory surgical treatment. This article summarizes the major published trials to justify neoadjuvant chemotherapy and provides the clinician with the main ideas concerning the type of chemotherapy, the tumoral response and its interpretation in terms of systemic disease control. Keywords Breast cancer Neoadjuvant chemotherapy Pathological complete response Neoadjuvant targeted therapy La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 7 - septembre 2011 | 429 DOSSIER THÉMATIQUE Cancers du sein : chimiothérapie néo-adjuvante Chimiothérapie néo-adjuvante des cancers du sein Tableau. Principales études comparant chimiothérapies adjuvante et néo-adjuvante. Études D. Mauri et al. (3) Nombre de patientes 3 946 Type d’essai Période d’inclusion Méta-analyse 1983-1999 9 essais randomisés Chimiothérapie Recul (mois) Variables – SG Traitement Réponse Réponse (néo-adjuvant/ conservateur clinique histologique adjuvant) (néo-adjuvant/ complète complète adjuvant) SG, SSP, SSR sans différence. Risque de décès : 0 à 92 % 7 à 65 % 4 à 29 % 36,9 %/0 % NR NR 68 %/60 % (p = 0,001) 36 % 13 % 6,60 % 2% RR = 1,00, Surrisque de récidive IC95 : 0,90-1,12 locorégionale 1,22 (IC95 : 1,041,43 ; p = 0,15) non significatif, lié au traitement par RT exclusive lorsque réponse clinique complète L. Mauriac et al. (4) 272 B. Fisher et al. (NSABP-18) [8] 1 523 Randomisé 1988-1993 4 cycles de AC J.A. Van der Hage et al. (EORTC) [11] 698 Randomisé 1991-1999 4 cycles de FEC 60 48 G. Bonnadonna et al. 165 Prospectif 1988-1989 3 cycles de CMF 4 cycles de CMF 3 cycles de FAC 4 cycles de FAC 3 cycles de FEC – S.M. Scholl et al. (5-7) 390 Randomisé 1986-1990 4 cycles de FAC 54 1 355 Randomisé 1996-2002 4 cycles de AT + 76 4 cycles de CMF en néo-adjuvant et adjuvant 4 cycles de A + 4 cycles de CMF en adjuvant L. Gianni et al. (12) Résultats Randomisé 1985-1989 3 cycles d’épirubicine, 124 Plus de récidives locorégionales vincristine, en néo-adjuvant, mais 33 % méthotrexate de RT exclusives, pas de puis 3 cycles différence à 120 mois sur SG, la de mitomycine C, survie sans métastases thiotépa, vindésine NR, pas de différence 192 Pas de différence significative à HR = 0,99 ; 5 ans sur la SSR, et SG. IC95 : 0,85-1,19, Plus de traitements conservateurs p = 0,90 dans le groupe néo-adjuvant et meilleur pronostic si réponse histologique complète Pas de différence à 4 ans en SSR et en SG, ni en récidive locorégionale HR = 1,16 ; IC95 : 0,83-1,63 ; p = 0,38 NR 88 % 17,00 % 4% Bénéfice en SG pour le traitement néo-adjuvant à 54 mois, non retrouvé à 66 mois, puis 120 mois 86 % / 78 % (p = 0,039) 82 % / 77 % (p = 0,34) 30 % NR SSR si néo-adjuvant affectée par récepteurs progestérone négatifs et adénopathie axillaires positive. Pas d’impact de la réponse histologique complète HR = 1,10 ; p = 0,60 63 % / 34 % (p < 0,001) 49 % 20 % A : adriamycine ; AC : adriamycine, cyclophosphamide ; CMF : cyclophosphamide, méthotrexate, 5-FU ; FAC : 5-FU, doxorubicine, cyclophosphamide ; FEC : 5-FU, épirubicine, cyclophosphamide ; NR : non rapporté ; RT : radiothérapie ; SG : survie globale ; SSP : survie sans progression ; SSR : survie sans récidive ; T : docétaxel. Dans la plupart de ces études, la réponse histologique de la tumeur à la CT est apparue comme le meilleur marqueur pronostique de la survie à long terme, mettant en évidence les tumeurs chimiosensibles. Différents schémas de CT ont donc été testés, visant à accroître la réponse histologique au traitement. En changeant l’ordre d’administration des traitements, l’analyse de la pièce opératoire après CT première donne une nouvelle information. Les résultats anatomopathologiques doivent évaluer l’efficacité de la CT. 430 | La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 7 - septembre 2011 Réponse histologique à la chimiothérapie néo-adjuvante Il existe actuellement plusieurs méthodes d’évaluation de la réponse histologique au traitement néo-adjuvant. En France, les 2 principales classifications utilisées sont celles de B. Chevallier et de D.M. Sataloff. B. Chevallier et al. (13) ont publié, en 1993, un score fondé sur une étude prospective évaluant la toxicité DOSSIER THÉMATIQUE du FEC 100 chez 45 patientes atteintes d’un cancer du sein inflammatoire (T4d), recrutées entre 1988 et 1990. Une mastectomie avec curage axillaire avait été réalisée chez 39 d’entre elles. La réponse histologique était classée ainsi : 1. Disparition complète de la tumeur. 2. Persistance d’une composante in situ, sans reliquat invasif et avec ganglions négatifs. 3. Composante infiltrante avec altération stromale associée (sclérose ou fibrose). 4. Pas ou peu de modification de l’apparence tumorale. Il n’y avait pas d’évaluation de la survie en fonction de la réponse. En 1995, D.M. Sataloff et al. (14) ont publié une étude rétrospective sur 36 femmes traitées entre 1987 et 1992 pour un cancer du sein localement avancé. Les patientes recevaient 3 cycles de CT néoadjuvante (23 FAC et 13 CMF). Les patientes avaient ensuite toutes une mastectomie totale, suivie de 6 mois de CT adjuvante (1 an en cas de tumeur inflammatoire) avec les mêmes agents que ceux administrés en phase préopératoire, puis d’une RT de la paroi avec boost (surimpression du lit tumoral). La réponse histologique de la tumeur était : ➤ TA : réponse histologique complète (RHC) ou “presque complète” ; ➤ TB : plus de 50 % de régression ; ➤ TC : moins de 50 % de régression ; ➤ TD : pas d’effet. De même avec les ganglions : ➤ NA : pas de maladie résiduelle ; ➤ NB : pas d’atteinte axillaire ou d’effet thérapeutique ; ➤ NC : ganglion(s) positif(s) avec effet thérapeutique ; ➤ ND : ganglions métastatiques et pas d’effet thérapeutique. Après un suivi moyen de 49 mois (19 à 86 mois), la survie et la survenue de métastases étaient corrélées à cette classification. Les résultats montraient une survie statistiquement meilleure pour les TA que pour les TB-TD (p = 0,055) et l’absence de métastases à 1 an et à 3 ans, elle aussi significative (p = 0,007 et 0,04 respectivement). La réponse ganglionnaire était elle aussi corrélée à la survie et à la survenue de métastases. En 2007, le MD Anderson Cancer Center (Houston, États-Unis), a présenté un outil intéressant pour évaluer la réponse histologique, publié par W.F. Symmans et al. (15) : il s’agit d’un index de maladie résiduelle appelé RCB index (Residual Cancer Burden), destiné à évaluer la maladie résiduelle et permettant une mesure plus précise de l’efficacité histologique de la CT. Cet index a été développé à partir de l’analyse histologique de 342 tumeurs. Les patientes appartenaient à 2 cohortes : l’une (n = 241) recevait du paclitaxel suivi de FAC en néo-adjuvant, l’autre (n = 141) recevait du FAC. La maladie résiduelle après traitement était classée, à partir de critères objectifs, en RCB 0 (RHC), RCB 1, RCB 2 et RCB 3. Cet index est significativement corrélé à la survie et à la survenue de métastases. Facilement disponible sur Internet (16), il pourrait permettre une harmonisation des résultats anatomopathologiques et une meilleure analyse des résultats publiés. La réponse histologique complète comme nouvel élément pronostique Cette nouvelle donnée apportée par le résidu tumoral après CT nous informe sur l’agressivité de la maladie, sa chimiosensibilité et donc, logiquement, son pronostic. En 1998, l’étude NSABP B-18 (8-10) décrite plus haut montrait que, sur les 763 patientes randomisées dans le groupe néo-adjuvant, 13 % présentaient une RHC (absence de maladie infiltrante résiduelle), versus 36 % de réponse clinique complète. Ces patientes bénéficiaient d’une meilleure SG (HR = 0,32 ; p = 0,0001) et d’une meilleure SSR (HR = 0,47 ; p = 0,0001), toujours présentes à 16 ans de suivi. L’essai NSABP B-27 (17, 18), qui a inclus 2 411 patientes atteintes d’un cancer du sein opérable d’emblée, avait pour objectif de déterminer l’impact de l’introduction de 4 cycles de docétaxel (T) après 4 cycles d’AC sur la réponse clinique, la réponse histologique, la SG et la SSR. L’essai a inclus 2 411 patientes. La RHC ainsi que le nombre de ganglions axillaires envahis au moment de la chirurgie étaient des facteurs pronostiques significatifs en termes de SG et de SSR. Dans la mise à jour des résultats publiée par P. Rastogi et al. (10) à 8 ans, la RHC restait un marqueur prédictif significatif de meilleure SG (HR = 0,36 ; p = 0,0001) et de meilleure SSR (HR = 0,49 ; p = 0,0001). H.M. Kuerer et al. (19) ont analysé 372 patientes ayant reçu une CT néo-adjuvante à base d’anthracyclines. Parmi elles, 12 % ont présenté une RHC (axillaire et tumeur primitive). Le grade nucléaire (Black), la taille tumorale initiale et le statut des récepteurs aux estrogènes sont des facteurs signiLa Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 7 - septembre 2011 | 431 DOSSIER THÉMATIQUE Cancers du sein : chimiothérapie néo-adjuvante Chimiothérapie néo-adjuvante des cancers du sein ficativement corrélés à la réponse histologique. Les auteurs ont analysé la SSR et la SG en fonction de la réponse histologique axillaire et au niveau de la tumeur primitive : le sous-groupe de patientes avec RHC axillaire et tumorale a un pronostic significativement meilleur. S.C. Abrial et al. (20) ont publié en 2005 une étude complémentaire portant sur 710 patientes ayant reçu un traitement par CT néo-adjuvante. Le taux de réponse clinique complète (RCC) se situait entre 15 et 17 %, et le taux de RHC entre 9 et 20 %. En analyse multivariée, l’atteinte ganglionnaire axillaire, le grade histologique post-CT MSBR (Modified Scarff-BloomRichardson) ainsi que le MNPI (Modified Nottingham Prognostic Index) et la RHC sont les facteurs corrélés à la SG. (L’atteinte ganglionnaire axillaire, le statut des récepteurs aux estrogènes et le grade post-CT [MSBR] sont corrélés à la SSR.) Néanmoins, P. Chollet et al. (21) avaient publié en 2002 une analyse portant sur 451 patientes ayant reçu un traitement par CT néo-adjuvante. Cinq types de séquences thérapeutiques avaient été utilisés, correspondant à 5 essais thérapeutiques de phase II (AVCF/M, NEM, TXT, TNCF, NET). Les taux de RCC dans ces 5 essais se situaient entre 12 et 35 %, et les taux de RHC entre 5,5 et 33 %. En analyse multivariée, la RHC n’était pas un facteur significatif de SSR, contrairement à l’atteinte axillaire, au grade histologique et au type histologique. Ainsi, la RHC n’est pas forcément le seul élément pronostique majeur. La question se pose donc de savoir quels sont les autres éléments à prendre en compte parmi les réponses histologiques complètes ? En 2005, A.M. Gonzalez-Angulo et al. (22) ont analysé une série de 226 patientes ayant présenté une RHC après CT néo-adjuvante (95 % anthracyclines, 5 % taxanes) afin d’identifier les facteurs de mauvais pronostic en termes de SSR et de SG. Trente et une patientes ont présenté une évolution métastatique à distance. Le taux actuariel à 10 ans est ici de 83 %. Après un suivi médian de 63 mois, et en excluant les patientes présentant une forme inflammatoire de cancer du sein, les auteurs ont identifié les facteurs suivants comme significativement corrélés à un risque augmenté de développer une récidive à distance : ➤ le statut préménopausique ; ➤ les formes localement avancées ; ➤ moins de 10 ganglions axillaires analysés ; ➤ présence d’emboles lymphovasculaires. Dans ce sous-groupe particulier (résidus tumoraux avec emboles vasculaires, le taux de récidive à distance est de 69 %. 432 | La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 7 - septembre 2011 Ainsi, l’absence de RHC ainsi que la réponse axillaire apparaissent comme 2 des principaux facteurs pronostiques. Atteinte axillaire après chimiothérapie néo-adjuvante Une réponse complète au niveau du site tumoral n’implique pas forcément une réponse complète axillaire. H.M. Kuerer et al. (19) ont montré une corrélation entre RHC tumorale et RHC axillaire. Douze pour cent des patientes ont présenté une RHC au niveau des 2 sites. Les auteurs ont observé que, parmi les patientes présentant une RHC au niveau de la tumeur primitive, 72 % avaient une RHC au niveau axillaire et 10 % une atteinte de plus de 3 ganglions. A contrario, lorsqu’il existait une réponse histologique incomplète au niveau de la tumeur primitive, 26 % des patientes avaient une RHC au niveau axillaire et 39 % présentaient une atteinte de plus de 3 ganglions. La CT néo-adjuvante est capable de convertir une atteinte axillaire clinique en une réponse axillaire histologique complète. Ainsi, P. Chollet et al. (21) ont mis en évidence une RHC mammaire et axillaire dans 15 % des cas. Et rappelons que, en analyse multivariée, l’absence d’atteinte axillaire, le grade histologique et le type histologique sont des facteurs significatifs de SSR, contrairement à la RHC. L. Gianni et al. (ECTO) [12] ont montré que l’administration d’une CT néo-adjuvante est associée à un taux de curage axillaire sans envahissement métastatique supérieur à celui mis en évidence lors d’une chirurgie première (60 versus 39 % ; p < 0,001). De même, l’essai NSABP B-18 (8-10) a mis en évidence une réduction significative de l’atteinte ganglionnaire axillaire (58 versus 42 % ; p < 0,0001). H. Curé et al. (23) ont montré un taux de 54 % d’atteinte ganglionnaire axillaire après CT néo-adjuvante. Dans cette étude, 33 % des patientes avaient entre 1 et 3 ganglions atteints, 16 % entre 4 et 9, et 5 % plus de 10 ganglions envahis. La valeur pronostique de la réponse complète axillaire, si elle évite la dissémination précoce des cellules tumorales, semble une notion intéressante. B.T. Hennessy et al. (24) ont étudié l’évolution après CT néo-adjuvante de 404 patientes présentant un cancer du sein associé à une atteinte axillaire prouvée par cytologie. Vingt-deux pour cent ont présenté une RHC au niveau axillaire, associée à une réponse complète au niveau de la tumeur primaire DOSSIER THÉMATIQUE dans 69 % des cas. La SSR et la SG étaient significativement meilleures dans le groupe présentant une réponse axillaire complète (93 et 87 % versus 72 et 60 % ; p < 0,0001). La CT néo-adjuvante permet ainsi de stériliser la chaîne ganglionnaire axillaire. Actuellement, la technique du ganglion sentinelle post-CT néo-adjuvante est en cours de validation à l’institut Curie (essai Ganéa 2). Amélioration de la réponse histologique complète après chimiothérapie néo-adjuvante La survie paraissant corrélée à la RHC, les études sont conçues afin d’utiliser la réponse clinique comme marqueur précoce de changement de traitement cytotoxique. La question du choix des molécules cytotoxiques à utiliser pour obtenir une réponse histologique optimale se pose. adjuvante séquentielle par anthracyclines puis taxanes. Cent cinquante-neuf patientes recevaient 4 cycles de CVAP (cyclophosphamide, vincristine, adriamycine, prednisolone) ; les 104 patientes ayant obtenu une réponse clinique (partielle ou complète) ont été randomisées pour recevoir soit 4 cures supplémentaires de CVAP, soit 4 cures de docétaxel. Les 55 patientes dont la tumeur ne répondait pas ou progressait ont reçu 4 cycles de docétaxel. Le traitement séquentiel était associé à un taux de RHC significativement supérieur (CVAP : 15,4 % versus docétaxel : 30,8 % ; p = 0,04). Il n’y avait pas de différence significative concernant l’atteinte ganglionnaire axillaire après 8 cycles de CVAP ou après traitement séquentiel (33 versus 38 %). Parmi les patientes sans réponse clinique initiale après 4 cures de CVAP, 55 % présenteront une réponse clinique et/ou 44 % une réponse histologique à l’issue des 4 cycles de docétaxel. Seulement 2 % de ces patientes présenteront une RHC, et 44 % d’entres elles conserveront une atteinte axillaire. Cette étude conforte le concept d’administration de CT par anthracyclines et taxanes en néo-adjuvant. Évaluation des taxanes L’essai NSABP B-27 (17) visait à déterminer l’impact de 4 cycles de docétaxel après 4 cycles d’AC. Les 2 411 patientes étaient randomisées en 3 bras de traitement : 4 cycles d’AC puis chirurgie ; 4 cycles d’AC suivis de 4 cycles de docétaxel puis chirurgie ; 4 cycles d’AC puis chirurgie puis 4 cycles de docétaxel. L’addition du docétaxel en néo-adjuvant a augmenté significativement le taux de RCC (63 versus 40 % ; p < 0,001), le taux de RHC (26 versus 13,7 % ; p < 0,001) et le pourcentage de patientes sans atteinte ganglionnaire axillaire résiduelle (58 versus 51 % ; p < 0,001). Une mise à jour des résultats (10, 18) montre que l’incidence cumulée des récidives mammaires homolatérales était significativement augmentée dans le bras 4 cycles d’AC puis chirurgie comparativement aux 2 autres bras de traitement comportant du docétaxel. Aucune différence n’a été retrouvée en termes de récidive locorégionale ou à distance. L’addition en préopératoire (et non en postopératoire) d’un traitement par 4 cycles de docétaxel dans le sousgroupe des patientes présentant une réponse clinique partielle après 4 cycles d’AC améliore significativement la SSR (HR = 0,71 ; IC95 : 0,550,91 ; p = 0,007). L’étude réalisée par l’université d’Aberdeen (Écosse) [25] portait sur le bénéfice d’une CT néo- Évaluation d’autres molécules cytotoxiques Les molécules telles que les vinca-alcaloïdes (vinorelbine) ou la capécitabine (forme orale du 5-FU) ont été testées afin d’améliorer la réponse au traitement et de trouver le schéma optimal d’administration. Dans l’essai GeparTrio (26), 622 patientes dont la tumeur n’avait pas répondu après 2 cycles de TAC (diminution échographique de la tumeur de moins de 50 %) ont été randomisées entre 4 cycles de TAC et 4 cycles de NX (vinorelbine, capécitabine). Cet essai a montré l’absence de différence significative entre ces 2 types de CT en termes de RCC (19 versus 16 %) et de RHC (5 versus 6 %). L’essai GeparQuattro (27) avait pour objectif d’analyser l’intégration de la capécitabine de manière concomitante ou séquentielle à un traitement néoadjuvant comprenant des anthracyclines et des taxanes. Un total de 1 509 patientes a été randomisé après 4 cycles de CT néo-adjuvante (épirubicine, cyclophosphamide [EC]) entre 4 cycles de docétaxel (EC-T), 4 cycles de docétaxel + capécitabine (EC-TX), et 4 cycles de docétaxel suivis de 4 cycles de capécitabine (EC-T-X). Les patientes dont la tumeur surexprimait HER2 ont reçu du trastuzumab simultanément à chaque cycle de CT. Le taux de RHC était similaire dans les différents bras La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 7 - septembre 2011 | 435 DOSSIER THÉMATIQUE Cancers du sein : chimiothérapie néo-adjuvante Chimiothérapie néo-adjuvante des cancers du sein de traitement (22, 19 et 22 %), mettant en évidence l’absence de bénéfice à l’addition de capécitabine dans cet essai. L’étude FinXX confirme ce résultat, sauf peut-être dans le sous-groupe des patientes avec une tumeur triple-négative (28). Ces études ont exploré la question de l’adaptation des protocoles de CT néo-adjuvante en cours de traitement devant une réponse nulle ou une progression à la phase initiale des cycles de CT (2-4 cycles). Les faibles taux de réponse soulignent ici de manière assez similaire que les patientes ne présentant pas de réponse précoce à la CT néo-adjuvante sont porteuses de tumeurs particulièrement chimiorésistantes. Les anthracyclines associées aux taxanes restent donc les cytotoxiques de référence pour le cancer du sein, que ce soit en adjuvant ou en néo-adjuvant. Cependant, une analyse combinée de toutes les études en néo-adjuvant menée par le groupe allemand AGO (ensemble des essais Gepar) montre qu’une dose cumulée d’anthracyclines et de taxanes plus élevée, qu’un traitement plus long et que l’addition de capécitabine et de trastuzumab seraient associés à une meilleure réponse tumorale. Une adaptation du traitement au phénotype serait envisageable : traitement plus long pour les tumeur RH+, traitement plus court mais avec des doses cumulées plus élevées pour les tumeurs triple-négatives, et introduction précoce du trastuzumab en néo-adjuvant pour les tumeurs HER2+ (29). Introduction des thérapies ciblées en néo-adjuvant Ainsi se pose la question de l’administration du trastuzumab, mais aussi des autres thérapies ciblées, pour enrichir l’arsenal thérapeutique précocement dans la prise en charge afin d’obtenir un meilleur taux de RHC. L’adjonction de trastuzumab en néoadjuvant améliore considérablement la réponse des tumeurs HER2 au traitement. A.U. Buzdar et al. (30, 31) ont étudié l’effet d’une CT néo-adjuvante comportant une association de trastuzumab et de paclitaxel suivie d’un traitement par trastuzumab, 5-FU, épirubicine et cyclophosphamide chez 42 patientes présentant une tumeur surexprimant HER2. Le taux de RHC dans la population des patientes traitées par trastuzumab était de 60 versus 26 % (pour les patientes sans trastuzumab). La SSR à 3 ans était significativement supérieure dans le groupe trastuzumab. 436 | La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 7 - septembre 2011 L’essai NOAH (32) comparait, chez des femmes présentant une tumeur du sein localement avancée ou inflammatoire, une CT néo-adjuvante (adriamycine, paclitaxel, CMF) avec ou sans trastuzumab, le trastuzumab étant donné pour une durée de 1 an. Le trastuzumab augmente de façon significative le taux de RHC (38 versus 19 % ; p = 0,001) et le taux de SSR à 3 ans (71 versus 56 % ; p = 0,013 ; HR = 0,59). Dans l’essai GeparQuattro (27), les patientes atteintes d’une tumeur du sein HER2+ présentaient un taux de RHC élevé avec l’association CT et trastuzumab (31,7 %), versus 15,7 % dans le groupe de référence dont la tumeur ne surexprimait pas HER2. L’essai multicentrique allemand GeparQuinto (GBG 44) [33] comparait le lapatinib au trastuzumab donné de façon concomitante avec une chimiothérapie néo-adjuvante par épirubicine, cyclophosphamide et docétaxel. Les taux de pCR étaient respectivement de 31,3 % dans le bras trastuzumab et de 21,7 % dans le bras lapatinib (p < 0,05). L’observance du traitement était moins bonne avec le lapatinib, en particulier à cause de diarrhées qui ne permettent pas d’utiliser le lapatinib à pleines doses (réduites de 1 500 à 1 000 mg/j). L’étude de phase II randomisée NeoSphere (34) comparait, avant chirurgie, 4 groupes de traitement : TH (n = 107) associant docétaxel + trastuzumab ; THP (n = 107) associant docétaxel + trastuzumab + pertuzumab ; HP (n = 107) associant trastuzumab + pertuzumab ; TP (n = 96) associant docétaxel + pertuzumab. Les résultats en termes de pCR en intention de traiter (ITT) sont respectivement, pour ces 4 groupes, de 29 %, 45,8 %, 16,8 % et 24 %. Les différences sont statistiquement significatives entre THP et TH (p = 0,0198), entre THP et TP (p = 0,003) et entre TH et HP (p = 0,0198). Les conclusions de cette étude sont que le taux de pCR est significativement supérieur avec le double blocage trastuzumab et pertuzumab, que la tolérance est excellente avec le pertuzumab, sans risque cardiaque surajouté, et qu’un certain nombre de tumeurs peuvent être éradiquées sans recours à la CT. L’essai Neo-ALTTO (BIG 01-06/EGF 106903) [35] est une étude de phase III, randomisée, ouverte, comparant paclitaxel + lapatinib, paclitaxel + trastuzumab, paclitaxel + lapatinib + trastuzumab. Au total, 450 patientes ont été randomisées. Les résultats en termes de pCR ont été respectivement, pour les groupes lapatinib, trastuzumab DOSSIER THÉMATIQUE et lapatinib + trastuzumab, de 24,7 %, 29,5 % et 51,3 %. Les différences ne sont pas statistiquement significatives entre les bras trastuzumab et lapatinib seuls. En revanche, la différence est significative entre trastuzumab et trastuzumab + lapatinib (p = 0,0001). Les taux de conservation mammaire sont comparables dans les 3 groupes. La triple association entraînant le double blocage d’HER2, il existe une augmentation de la toxicité, mais celle-ci est parfaitement contrôlable (que ce soient les diarrhées ou l’élévation des enzymes hépatiques). Par ailleurs, pour les tumeurs HER2–, d’autres thérapies ciblées sont en cours de développement. Dans l’essai GeparQuinto (33) décrit plus haut, 210 patientes HER2– ont été randomisées pour recevoir 4 cycles d’EC avec ou sans bévacizumab. En cas de réponse partielle ou complète (n = 138), elles recevaient alors 4 cycles de docétaxel, avec ou sans bévacizumab. En cas de non-réponse (n = 60), elles étaient à nouveau randomisées pour recevoir 12 cycles de paclitaxel, avec ou sans évérolimus. L’adjonction de bévacizumab à la CT n’a pas augmenté le taux de RHC (36). Prise en charge mammaire après chimiothérapie néo-adjuvante Une conséquence majeure de l’application des protocoles de CT néo-adjuvante est la possibilité d’augmenter le taux de traitement chirurgical conservateur du fait de la réduction tumorale induite par le traitement. Une réponse, y compris partielle, peut parfaitement favoriser un geste conservateur, et cela d’autant plus aisément que le chirurgien maîtrise les multiples techniques de chirurgie plastique mammaire. Ainsi, dans l’essai NSABP B-18, une réponse clinique est identifiée chez 79 % des patientes traitées (partielle : 43 % ; complète : 36 %). L. Gianni et al. (12) mettent en évidence, dans le bras de traitement néo-adjuvant, un taux de RCC de 49 % et un taux de réponse clinique partielle de 29 %. L’administration d’une CT néo-adjuvante est associée à un taux de traitement chirurgical conservateur significativement supérieur (63 versus 34 % ; p < 0,001). Il est nécessaire de rappeler que les taux de RHC diffèrent des taux de réponse clinique complète et partielle dans l’ensemble des études. Le choix de proposer une CT néo-adjuvante dans le but d’obtenir une réduction du volume tumoral puis d’effectuer un geste chirurgical conservateur ne doit donc certainement pas se fonder sur les seuls chiffres (bas) de RHC. Chimiothérapie adjuvante en cas de maladie résiduelle En dehors des essais thérapeutiques, la prescription d’une CT adjuvante après un traitement néoadjuvant n’est pas recommandée, car il n’existe pas de démonstration claire du bénéfice d’une CT “de rattrapage” en cas de mauvaise réponse initiale (1). Abonnezvous en ligne ! Bulletin d’abonnement disponible page 475 www.edimark.fr Traitement chimiothérapie + radiothérapie après chirurgie et chimiothérapie néoadjuvante La présence d’un reliquat tumoral axillaire après CT première est un facteur pronostique majeur (24) qui conduit certaines institutions à administrer une CT adjuvante à base de 5-FU + vinorelbine, concomitante à la RT externe. La vinorelbine est un vincaalcaloïde semi-synthétique, un puissant inhibiteur de la polymérisation mitotique des microtubules et un radiosensibilisant in vitro et in vivo (37). Des taux de conservation mammaire de 74 % ont été obtenus avec une association radio-chimiothérapie (RCT) néo-adjuvante fondée sur l’association vinorelbine + 5-FU (38). La RCT concomitante augmenterait le contrôle locorégional après chirurgie conservatrice chez des patientes sélectionnées présentant un envahissement ganglionnaire, mais au prix d’une augmentation des toxicités tardives. Le ratio efficacité/tolérance de la RCT concomitante n’a cependant jamais été évalué chez des patientes ayant initialement reçu une CT néo-adjuvante. L’évaluation, sur une série récente de patientes traitées à l’institut Curie, de la toxicité de la RCT concomitante adjuvante comparée à une RT externe seule après CT néo-adjuvante a montré une augmentation significative de la toxicité aiguë. Ces résultats sont concordants avec ceux de plusieurs essais de RCT concomitante (39, 40). L’évaluation prospective de la toxicité tardive avec un recul médian de 10 ans n’a cependant retrouvé aucune différence significative, comme dans d’autres séries de RCT concomitante (41, 42). Les 2 autres essais randoLa Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 7 - septembre 2011 | 437 DOSSIER THÉMATIQUE Cancers du sein : chimiothérapie néo-adjuvante Chimiothérapie néo-adjuvante des cancers du sein misés comparant une administration concomitante de la CT et de la RT à une administration séquentielle ont, eux, montré une majoration de la toxicité tardive (39, 43), mais les techniques d’irradiation de ces études plus anciennes, pourvoyeuses d’une plus grande hétérogénéité, pourraient être responsables de la majoration de la toxicité tardive, notamment cardiaque (24, 44). L’efficacité thérapeutique de l’association d’une CT à la RT adjuvante après CT néo-adjuvante reste toutefois à démontrer dans le cadre d’essais randomisés. Conclusion La prise en charge par CT néo-adjuvante paraît largement justifiée. Non délétère sur la survie, elle permet non seulement d’augmenter les traitements conservateurs (qui reste la seule indication consensuelle), mais aussi d’identifier précocement (avant récidive) les tumeurs chimiorésistantes à fort risque de récidive. Fondées sur ce modèle, d’autres stratégies préopératoires, en particulier l’hormonothérapie néo-adjuvante, se développent. ■ Références bibliographiques 1. Kaufmann M, von Minckwitz G, Bear HD et al. Recommendations from an international expert panel on the use of neoadjuvant (primary) systemic treatment of operable breast cancer: new perspectives 2006. Ann Oncol 2007; 18(12):1927-34. 2. Coffey JC, Wang JH, Smith MJ, Bouchier-Hayes D, Cotter TG, Redmond HP. Excisional surgery for cancer cure: therapy at a cost. Lancet Oncol 2003;4(12):760-8. 3. Mauri D, Pavlidis N, Ioannidis JP. Neoadjuvant versus adjuvant systemic treatment in breast cancer: a meta-analysis. J Natl Cancer Inst 2005;97(3):188-94. 4. Mauriac L, MacGrogan G, Avril A et al. 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