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DOSSIER THÉMATIQUE
Cancers du sein :
chimiothérapie néo-adjuvante
Chimiothérapie néo-adjuvante
des cancers du sein
Neoadjuvant chemotherapy in breast cancer
C. Senechal 1, F. Reyal 1, C. Malhaire 2, V. Marchand 3, F.C. Bidard 4, B. Sigal 5, J.Y. Pierga 4
Objectifs de la chimiothérapie
néo-adjuvante
1
Département de chirurgie, institut
Curie, Paris.
2
Département de radiologie, institut Curie, Paris.
3 Département de RT, institut Curie,
Paris.
4 Département d’oncologie médicale, institut Curie, Paris ; université
Paris-Descartes.
5 Département de biologie des tumeurs, institut Curie, Paris.
Plusieurs raisons justifient de proposer une chimiothérapie (CT) néo-adjuvante lors de la prise en
charge initiale d’un cancer du sein opérable d’emblée. La seule indication consensuelle est que ce
schéma thérapeutique permet d’envisager une
réduction de la taille tumorale, ce qui augmente
les possibilités de traitement chirurgical conservateur pour les formes relevant d’une mastectomie
première (1). En théorie, il permet aussi d’étudier
directement la sensibilité aux traitements et d’identifier les tumeurs dont la réponse complète au traitement serait associée à un bon pronostic ainsi que
celles dont la réponse partielle au traitement serait
associée à une résistance et à un pronostic médiocre.
Ce schéma thérapeutique est en fait le seul modèle
permettant d’observer véritablement la réponse au
traitement (en comparaison des expérimentations
in vitro [lignées cellulaires] ou in vivo [modèles
murins]). Il offre la possibilité de déterminer de
nouveaux marqueurs de sensibilité au traitement,
de surveiller avec acuité cette réponse et d’envisager de nouveaux protocoles adjuvants selon le
degré prévisible de réponse au traitement. De plus,
le traitement néo-adjuvant repose sur l’hypothèse
qu’une prise en charge précoce de la maladie micrométastatique modifie potentiellement l’évolution
naturelle de la tumeur en prévenant l’émergence
de clones résistants. Enfin, l’étude de la croissance
de sites métastatiques après traitement du site
primitif de différents modèles murins de cancer
avait suggéré que l’acte chirurgical pouvait avoir,
par les modifications immunitaires et vasculaires
induites lors du processus de cicatrisation, un effet
428 | La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 7 - septembre 2011
potentiellement délétère sur l’évolution naturelle
du cancer (2).
L’objectif de notre travail, loin d’être exhaustif, est
de mettre en avant les travaux majeurs portant
sur ce schéma thérapeutique afin de permettre
aux différents cliniciens participant à la prise en
charge des patientes atteintes de cancer du sein
d’appuyer leur pratique sur les données les plus
robustes possibles. Nous limitons notre réflexion au
cancer du sein opérable d’emblée, non localement
avancé, non inflammatoire et non métastatique
d’emblée.
Chimiothérapie néo-adjuvante
versus chimiothérapie
adjuvante
Afin de valider l’administration préopératoire de
la CT, il a été nécessaire de vérifier sa non-infériorité par rapport au traitement de référence, le
traitement local suivi de la CT adjuvante. La métaanalyse (niveau de preuve A) réalisée par D. Mauri
et al. (3) valide cette pratique. Publiée en 2005,
elle reprend 9 essais comparant CT néo-adjuvante
à CT adjuvante selon le même schéma, incluant
en tout 3 946 patientes. Aucune différence n’a
été mise en évidence en termes de survie globale
(SG), de survie sans récidive (SSR) et de SSR à
distance. Toutefois, on note une augmentation
significative du risque de récidive locorégionale
dans le groupe des patientes traitées par CT néoadjuvante, particulièrement lorsque le traitement
locorégional consistait en une radiothérapie (RT)
sans chirurgie.
Résumé
La chimiothérapie néo-adjuvante dans le cancer du sein vise avant tout à favoriser le taux de traitement
conservateur mammaire. Cet article, qui passe en revue les principales études publiées justifiant cette
pratique, s’efforce de proposer au clinicien les principaux axes de réflexion sur les types de chimiothérapie,
la réponse tumorale obtenue ainsi que son interprétation en termes de contrôle de la maladie systémique.
Les principales études sont résumées dans le
tableau, p. 430.
En 1985, L. Mauriac et al. (4) ont étudié l’impact
sur la SG d’un traitement par 3 cycles d’épirubicine,
vincristine et méthotrexate, suivis de 3 cycles de
mitomycine C, thiotépa et vindésine administrés
soit en préopératoire soit en postopératoire. Au final,
272 patientes présentant une tumeur du sein de plus
3 cm de diamètre (T2-T3, N0-N1, M0) ont été randomisées entre ces 2 bras de traitement (138 versus
134 patientes). Le traitement locorégional a consisté
en une chirurgie non conservatrice (mastectomie
radicale modifiée) dans le bras adjuvant. Dans le
bras néo-adjuvant, une RT exclusive (sein et aires
ganglionnaires) était réalisée en cas de réponse
clinique complète ; si le résidu tumoral clinique
était inférieur à 2 cm, une chirurgie conservatrice
associée à une irradiation était effectuée ; enfin, si
le résidu tumoral clinique était supérieur à 2 cm,
une mastectomie radicale modifiée était pratiquée.
Les auteurs n’ont mis en évidence aucune différence
significative de SG entre les 2 bras de traitement
après plus de 10 ans de suivi médian.
L’essai S6 de l’institut Curie mis en place en 1986
(5-7) visait à mettre en évidence l’absence de différence en termes de SG entre un traitement par CT
néo-adjuvante et un traitement identique appliqué
en phase adjuvante. Un total de 390 patientes non
ménopausées présentant un cancer du sein non
métastatique avec une tumeur entre 30 et 70 mm
de diamètre ont été randomisées entre 4 cycles d’une
association de 5-FU, adriamycine et cyclophosphamide (FAC) précédant le traitement locorégional
ou lui succédant. Ce traitement a essentiellement
consisté en une RT. La chirurgie n’a été utilisée que
dans les cas de persistance d’une masse tumorale
après RT. Une première publication, avec un suivi
médian de 54 mois, semblait démontrer un bénéfice
en termes de SG du traitement néo-adjuvant (5).
Une mise à jour après 66 mois de suivi médian,
puis 120 mois, n’a pas retrouvé de différence significative (6, 7). Ces données ont été récemment
confirmées (Senechal C et al., soumis), et cela indépendamment du statut des récepteurs hormonaux
de la tumeur.
L’essai NSABP-B18, débuté en 1988, visait à
comparer l’impact sur la SG et la SSR d’un trai-
tement par adriamycine et cyclophosphamide
(AC) administré soit en néo-adjuvant soit en
adjuvant (8). Au total, 1 523 patientes présentant
une tumeur du sein opérable d’emblée (T1-T3,
N0-N1, M0) ont été randomisées entre ces 2 bras
de traitement (763 versus 760 patientes). Le traitement locorégional a consisté en une chirurgie,
conservatrice ou non, dont le choix était initialement posé par le chirurgien (indépendamment
de la réduction tumorale éventuelle par le traitement néo-adjuvant). En cas de traitement
conservateur, une irradiation mammaire totale
était effectuée. Aucune différence significative n’a
été mise en évidence entre les 2 bras de traitement. Des mises à jour à 9 ans (9) puis à 18 ans de
suivi (10) ont été publiées, démontrant l’absence
de différence significative en termes de SG et de
SSR. De façon intéressante, l’analyse de la SG à
18 ans, met en évidence une nette tendance bénéfique mais non significative d’un traitement néoadjuvant chez les patientes de moins de 50 ans
(61 versus 55 %) et, inversement, d’un traitement
adjuvant chez les patientes de plus de 50 ans
(55 versus 50 %).
L’essai européen de l’EORTC (European Organization
for Research and Treatment of Cancer) [11], publié
en 2001, comparait l’administration de 4 cycles
de FEC 60 (5-FU, épirubicine, cyclophosphamide)
avant ou après prise en charge chirurgicale chez
698 patientes randomisées ; cette étude ne montrait
aucune différence de SG à 48 mois.
L. Gianni et al. (12) ont publié une étude comparant un traitement par 4 cycles de doxorubicine
(A) avec ou sans paclitaxel suivis de 4 cycles de
l’asso ciation CMF (cyclophosphamide, méthotrexate, 5-FU) administrés en néo-adjuvant ou en
adjuvant (European Cooperative Trial in Operable
Breast Cancer [ECTO]). L’étude comportait 3 bras
de traitement : chirurgie + 4 cycles d’A + 4 cycles
de CMF ; chirurgie + 4 cycles d’AT + 4 cycles de CMF ;
4 cycles d’AT + 4 cycles de CMF + chirurgie. Dans
cet essai, 1 348 patientes ont été randomisées. Il
n’y avait pas de différence significative en termes
de récidive, de récidive à distance ou de SG entre
les 2 bras de traitement systémique comportant
du paclitaxel, que la CT soit administrée en pré- ou
en postopératoire.
Mots-clés
Cancer du sein
Chimiothérapie néoadjuvante
Réponse histologique
complète
Thérapie ciblée néoadjuvante
Summary
The first aim of neoadjuvant chemotherapy in breast
cancer is to increase the rate
of conservatory surgical treatment. This article summarizes
the major published trials to
justify neoadjuvant chemotherapy and provides the
clinician with the main ideas
concerning the type of chemotherapy, the tumoral response
and its interpretation in terms
of systemic disease control.
Keywords
Breast cancer
Neoadjuvant chemotherapy
Pathological complete
response
Neoadjuvant targeted
therapy
La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 7 - septembre 2011 |
429
DOSSIER THÉMATIQUE
Cancers du sein :
chimiothérapie néo-adjuvante
Chimiothérapie néo-adjuvante des cancers du sein
Tableau. Principales études comparant chimiothérapies adjuvante et néo-adjuvante.
Études
D. Mauri et al.
(3)
Nombre
de
patientes
3 946
Type
d’essai
Période
d’inclusion
Méta-analyse 1983-1999
9 essais
randomisés
Chimiothérapie
Recul
(mois)
Variables
–
SG
Traitement
Réponse
Réponse
(néo-adjuvant/ conservateur clinique histologique
adjuvant) (néo-adjuvant/ complète complète
adjuvant)
SG, SSP, SSR sans différence.
Risque de décès :
0 à 92 %
7 à 65 %
4 à 29 %
36,9 %/0 %
NR
NR
68 %/60 %
(p = 0,001)
36 %
13 %
6,60 %
2%
RR = 1,00,
Surrisque de récidive
IC95 : 0,90-1,12
locorégionale 1,22 (IC95 : 1,041,43 ; p = 0,15) non significatif,
lié au traitement par RT exclusive
lorsque réponse clinique
complète
L. Mauriac et al.
(4)
272
B. Fisher et al.
(NSABP-18) [8]
1 523
Randomisé 1988-1993
4 cycles de AC
J.A. Van der Hage
et al. (EORTC)
[11]
698
Randomisé 1991-1999
4 cycles de FEC 60
48
G. Bonnadonna
et al.
165
Prospectif
1988-1989
3 cycles de CMF
4 cycles de CMF
3 cycles de FAC
4 cycles de FAC
3 cycles de FEC
–
S.M. Scholl et al.
(5-7)
390
Randomisé 1986-1990
4 cycles de FAC
54
1 355
Randomisé 1996-2002
4 cycles de AT +
76
4 cycles de CMF
en néo-adjuvant
et adjuvant
4 cycles de A + 4 cycles
de CMF en adjuvant
L. Gianni et al.
(12)
Résultats
Randomisé 1985-1989 3 cycles d’épirubicine, 124 Plus de récidives locorégionales
vincristine,
en néo-adjuvant, mais 33 %
méthotrexate
de RT exclusives, pas de
puis 3 cycles
différence à 120 mois sur SG, la
de mitomycine C,
survie sans métastases
thiotépa, vindésine
NR,
pas de
différence
192 Pas de différence significative à
HR = 0,99 ;
5 ans sur la SSR, et SG.
IC95 : 0,85-1,19,
Plus de traitements conservateurs
p = 0,90
dans le groupe néo-adjuvant
et meilleur pronostic si réponse
histologique complète
Pas de différence à 4 ans
en SSR et en SG, ni en récidive
locorégionale
HR = 1,16 ;
IC95 : 0,83-1,63 ;
p = 0,38
NR
88 %
17,00 %
4%
Bénéfice en SG pour le traitement
néo-adjuvant à 54 mois, non
retrouvé à 66 mois, puis 120 mois
86 % / 78 %
(p = 0,039)
82 % / 77 %
(p = 0,34)
30 %
NR
SSR si néo-adjuvant affectée par
récepteurs progestérone négatifs
et adénopathie axillaires positive.
Pas d’impact de la réponse
histologique complète
HR = 1,10 ;
p = 0,60
63 % / 34 %
(p < 0,001)
49 %
20 %
A : adriamycine ; AC : adriamycine, cyclophosphamide ; CMF : cyclophosphamide, méthotrexate, 5-FU ; FAC : 5-FU, doxorubicine, cyclophosphamide ; FEC : 5-FU, épirubicine, cyclophosphamide ;
NR : non rapporté ; RT : radiothérapie ; SG : survie globale ; SSP : survie sans progression ; SSR : survie sans récidive ; T : docétaxel.
Dans la plupart de ces études, la réponse histologique de la tumeur à la CT est apparue comme le
meilleur marqueur pronostique de la survie à long
terme, mettant en évidence les tumeurs chimiosensibles. Différents schémas de CT ont donc été
testés, visant à accroître la réponse histologique
au traitement.
En changeant l’ordre d’administration des traitements, l’analyse de la pièce opératoire après CT
première donne une nouvelle information. Les
résultats anatomopathologiques doivent évaluer
l’efficacité de la CT.
430 | La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 7 - septembre 2011
Réponse histologique
à la chimiothérapie
néo-adjuvante
Il existe actuellement plusieurs méthodes d’évaluation de la réponse histologique au traitement
néo-adjuvant. En France, les 2 principales classifications utilisées sont celles de B. Chevallier et de
D.M. Sataloff.
B. Chevallier et al. (13) ont publié, en 1993, un score
fondé sur une étude prospective évaluant la toxicité
DOSSIER THÉMATIQUE
du FEC 100 chez 45 patientes atteintes d’un cancer
du sein inflammatoire (T4d), recrutées entre 1988
et 1990. Une mastectomie avec curage axillaire
avait été réalisée chez 39 d’entre elles. La réponse
histologique était classée ainsi :
1. Disparition complète de la tumeur.
2. Persistance d’une composante in situ, sans reliquat
invasif et avec ganglions négatifs.
3. Composante infiltrante avec altération stromale
associée (sclérose ou fibrose).
4. Pas ou peu de modification de l’apparence tumorale.
Il n’y avait pas d’évaluation de la survie en fonction
de la réponse.
En 1995, D.M. Sataloff et al. (14) ont publié une
étude rétrospective sur 36 femmes traitées entre
1987 et 1992 pour un cancer du sein localement
avancé. Les patientes recevaient 3 cycles de CT néoadjuvante (23 FAC et 13 CMF). Les patientes avaient
ensuite toutes une mastectomie totale, suivie de
6 mois de CT adjuvante (1 an en cas de tumeur
inflammatoire) avec les mêmes agents que ceux
administrés en phase préopératoire, puis d’une RT
de la paroi avec boost (surimpression du lit tumoral).
La réponse histologique de la tumeur était :
➤ TA : réponse histologique complète (RHC) ou
“presque complète” ;
➤ TB : plus de 50 % de régression ;
➤ TC : moins de 50 % de régression ;
➤ TD : pas d’effet.
De même avec les ganglions :
➤ NA : pas de maladie résiduelle ;
➤ NB : pas d’atteinte axillaire ou d’effet thérapeutique ;
➤ NC : ganglion(s) positif(s) avec effet thérapeutique ;
➤ ND : ganglions métastatiques et pas d’effet
thérapeutique.
Après un suivi moyen de 49 mois (19 à 86 mois), la
survie et la survenue de métastases étaient corrélées à cette classification. Les résultats montraient
une survie statistiquement meilleure pour les TA
que pour les TB-TD (p = 0,055) et l’absence de
métastases à 1 an et à 3 ans, elle aussi significative
(p = 0,007 et 0,04 respectivement). La réponse
ganglionnaire était elle aussi corrélée à la survie et
à la survenue de métastases.
En 2007, le MD Anderson Cancer Center (Houston,
États-Unis), a présenté un outil intéressant
pour évaluer la réponse histologique, publié par
W.F. Symmans et al. (15) : il s’agit d’un index de
maladie résiduelle appelé RCB index (Residual Cancer
Burden), destiné à évaluer la maladie résiduelle et
permettant une mesure plus précise de l’efficacité
histologique de la CT. Cet index a été développé à
partir de l’analyse histologique de 342 tumeurs. Les
patientes appartenaient à 2 cohortes : l’une (n = 241)
recevait du paclitaxel suivi de FAC en néo-adjuvant,
l’autre (n = 141) recevait du FAC. La maladie résiduelle après traitement était classée, à partir de
critères objectifs, en RCB 0 (RHC), RCB 1, RCB 2 et
RCB 3. Cet index est significativement corrélé à la
survie et à la survenue de métastases. Facilement
disponible sur Internet (16), il pourrait permettre une
harmonisation des résultats anatomopathologiques
et une meilleure analyse des résultats publiés.
La réponse histologique
complète comme nouvel
élément pronostique
Cette nouvelle donnée apportée par le résidu
tumoral après CT nous informe sur l’agressivité de
la maladie, sa chimiosensibilité et donc, logiquement, son pronostic.
En 1998, l’étude NSABP B-18 (8-10) décrite plus haut
montrait que, sur les 763 patientes randomisées
dans le groupe néo-adjuvant, 13 % présentaient
une RHC (absence de maladie infiltrante résiduelle), versus 36 % de réponse clinique complète.
Ces patientes bénéficiaient d’une meilleure SG
(HR = 0,32 ; p = 0,0001) et d’une meilleure SSR
(HR = 0,47 ; p = 0,0001), toujours présentes à 16 ans
de suivi.
L’essai NSABP B-27 (17, 18), qui a inclus
2 411 patientes atteintes d’un cancer du sein
opérable d’emblée, avait pour objectif de déterminer l’impact de l’introduction de 4 cycles de
docétaxel (T) après 4 cycles d’AC sur la réponse
clinique, la réponse histologique, la SG et la SSR.
L’essai a inclus 2 411 patientes. La RHC ainsi que le
nombre de ganglions axillaires envahis au moment
de la chirurgie étaient des facteurs pronostiques
significatifs en termes de SG et de SSR. Dans la mise
à jour des résultats publiée par P. Rastogi et al. (10)
à 8 ans, la RHC restait un marqueur prédictif significatif de meilleure SG (HR = 0,36 ; p = 0,0001) et
de meilleure SSR (HR = 0,49 ; p = 0,0001).
H.M. Kuerer et al. (19) ont analysé 372 patientes
ayant reçu une CT néo-adjuvante à base d’anthracyclines. Parmi elles, 12 % ont présenté une RHC
(axillaire et tumeur primitive). Le grade nucléaire
(Black), la taille tumorale initiale et le statut des
récepteurs aux estrogènes sont des facteurs signiLa Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 7 - septembre 2011 |
431
DOSSIER THÉMATIQUE
Cancers du sein :
chimiothérapie néo-adjuvante
Chimiothérapie néo-adjuvante des cancers du sein
ficativement corrélés à la réponse histologique. Les
auteurs ont analysé la SSR et la SG en fonction de
la réponse histologique axillaire et au niveau de la
tumeur primitive : le sous-groupe de patientes avec
RHC axillaire et tumorale a un pronostic significativement meilleur.
S.C. Abrial et al. (20) ont publié en 2005 une étude
complémentaire portant sur 710 patientes ayant
reçu un traitement par CT néo-adjuvante. Le taux de
réponse clinique complète (RCC) se situait entre 15
et 17 %, et le taux de RHC entre 9 et 20 %. En analyse
multivariée, l’atteinte ganglionnaire axillaire, le grade
histologique post-CT MSBR (Modified Scarff-BloomRichardson) ainsi que le MNPI (Modified Nottingham
Prognostic Index) et la RHC sont les facteurs corrélés
à la SG. (L’atteinte ganglionnaire axillaire, le statut
des récepteurs aux estrogènes et le grade post-CT
[MSBR] sont corrélés à la SSR.)
Néanmoins, P. Chollet et al. (21) avaient publié
en 2002 une analyse portant sur 451 patientes
ayant reçu un traitement par CT néo-adjuvante.
Cinq types de séquences thérapeutiques avaient été
utilisés, correspondant à 5 essais thérapeutiques de
phase II (AVCF/M, NEM, TXT, TNCF, NET). Les taux de
RCC dans ces 5 essais se situaient entre 12 et 35 %,
et les taux de RHC entre 5,5 et 33 %. En analyse
multivariée, la RHC n’était pas un facteur significatif
de SSR, contrairement à l’atteinte axillaire, au grade
histologique et au type histologique.
Ainsi, la RHC n’est pas forcément le seul élément
pronostique majeur. La question se pose donc de
savoir quels sont les autres éléments à prendre en
compte parmi les réponses histologiques complètes ?
En 2005, A.M. Gonzalez-Angulo et al. (22) ont
analysé une série de 226 patientes ayant présenté
une RHC après CT néo-adjuvante (95 % anthracyclines, 5 % taxanes) afin d’identifier les facteurs
de mauvais pronostic en termes de SSR et de SG.
Trente et une patientes ont présenté une évolution
métastatique à distance. Le taux actuariel à 10 ans
est ici de 83 %. Après un suivi médian de 63 mois,
et en excluant les patientes présentant une forme
inflammatoire de cancer du sein, les auteurs ont
identifié les facteurs suivants comme significativement corrélés à un risque augmenté de développer
une récidive à distance :
➤ le statut préménopausique ;
➤ les formes localement avancées ;
➤ moins de 10 ganglions axillaires analysés ;
➤ présence d’emboles lymphovasculaires. Dans
ce sous-groupe particulier (résidus tumoraux avec
emboles vasculaires, le taux de récidive à distance
est de 69 %.
432 | La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 7 - septembre 2011
Ainsi, l’absence de RHC ainsi que la réponse axillaire apparaissent comme 2 des principaux facteurs
pronostiques.
Atteinte axillaire après
chimiothérapie néo-adjuvante
Une réponse complète au niveau du site tumoral n’implique pas forcément une réponse complète axillaire.
H.M. Kuerer et al. (19) ont montré une corrélation
entre RHC tumorale et RHC axillaire. Douze pour
cent des patientes ont présenté une RHC au niveau
des 2 sites. Les auteurs ont observé que, parmi les
patientes présentant une RHC au niveau de la
tumeur primitive, 72 % avaient une RHC au niveau
axillaire et 10 % une atteinte de plus de 3 ganglions.
A contrario, lorsqu’il existait une réponse histologique incomplète au niveau de la tumeur primitive,
26 % des patientes avaient une RHC au niveau axillaire et 39 % présentaient une atteinte de plus de
3 ganglions.
La CT néo-adjuvante est capable de convertir une
atteinte axillaire clinique en une réponse axillaire
histologique complète.
Ainsi, P. Chollet et al. (21) ont mis en évidence une
RHC mammaire et axillaire dans 15 % des cas. Et
rappelons que, en analyse multivariée, l’absence
d’atteinte axillaire, le grade histologique et le type
histologique sont des facteurs significatifs de SSR,
contrairement à la RHC.
L. Gianni et al. (ECTO) [12] ont montré que l’administration d’une CT néo-adjuvante est associée à un
taux de curage axillaire sans envahissement métastatique supérieur à celui mis en évidence lors d’une
chirurgie première (60 versus 39 % ; p < 0,001).
De même, l’essai NSABP B-18 (8-10) a mis en
évidence une réduction significative de l’atteinte
ganglionnaire axillaire (58 versus 42 % ; p < 0,0001).
H. Curé et al. (23) ont montré un taux de 54 %
d’atteinte ganglionnaire axillaire après CT néo-adjuvante. Dans cette étude, 33 % des patientes avaient
entre 1 et 3 ganglions atteints, 16 % entre 4 et 9, et
5 % plus de 10 ganglions envahis.
La valeur pronostique de la réponse complète
axillaire, si elle évite la dissémination précoce des
cellules tumorales, semble une notion intéressante.
B.T. Hennessy et al. (24) ont étudié l’évolution après
CT néo-adjuvante de 404 patientes présentant
un cancer du sein associé à une atteinte axillaire
prouvée par cytologie. Vingt-deux pour cent ont
présenté une RHC au niveau axillaire, associée à une
réponse complète au niveau de la tumeur primaire
DOSSIER THÉMATIQUE
dans 69 % des cas. La SSR et la SG étaient significativement meilleures dans le groupe présentant une
réponse axillaire complète (93 et 87 % versus 72 et
60 % ; p < 0,0001).
La CT néo-adjuvante permet ainsi de stériliser la
chaîne ganglionnaire axillaire. Actuellement, la technique du ganglion sentinelle post-CT néo-adjuvante
est en cours de validation à l’institut Curie (essai
Ganéa 2).
Amélioration de la réponse
histologique complète après
chimiothérapie néo-adjuvante
La survie paraissant corrélée à la RHC, les études sont
conçues afin d’utiliser la réponse clinique comme
marqueur précoce de changement de traitement
cytotoxique. La question du choix des molécules
cytotoxiques à utiliser pour obtenir une réponse
histologique optimale se pose.
adjuvante séquentielle par anthracyclines puis
taxanes. Cent cinquante-neuf patientes recevaient
4 cycles de CVAP (cyclophosphamide, vincristine,
adriamycine, prednisolone) ; les 104 patientes
ayant obtenu une réponse clinique (partielle ou
complète) ont été randomisées pour recevoir soit
4 cures supplémentaires de CVAP, soit 4 cures de
docétaxel. Les 55 patientes dont la tumeur ne
répondait pas ou progressait ont reçu 4 cycles de
docétaxel. Le traitement séquentiel était associé à
un taux de RHC significativement supérieur (CVAP :
15,4 % versus docétaxel : 30,8 % ; p = 0,04). Il n’y
avait pas de différence significative concernant
l’atteinte ganglionnaire axillaire après 8 cycles de
CVAP ou après traitement séquentiel (33 versus
38 %). Parmi les patientes sans réponse clinique
initiale après 4 cures de CVAP, 55 % présenteront
une réponse clinique et/ou 44 % une réponse histologique à l’issue des 4 cycles de docétaxel. Seulement
2 % de ces patientes présenteront une RHC, et 44 %
d’entres elles conserveront une atteinte axillaire.
Cette étude conforte le concept d’administration de
CT par anthracyclines et taxanes en néo-adjuvant.
Évaluation des taxanes
L’essai NSABP B-27 (17) visait à déterminer l’impact
de 4 cycles de docétaxel après 4 cycles d’AC. Les
2 411 patientes étaient randomisées en 3 bras de
traitement : 4 cycles d’AC puis chirurgie ; 4 cycles
d’AC suivis de 4 cycles de docétaxel puis chirurgie ;
4 cycles d’AC puis chirurgie puis 4 cycles de docétaxel. L’addition du docétaxel en néo-adjuvant
a augmenté significativement le taux de RCC
(63 versus 40 % ; p < 0,001), le taux de RHC
(26 versus 13,7 % ; p < 0,001) et le pourcentage
de patientes sans atteinte ganglionnaire axillaire
résiduelle (58 versus 51 % ; p < 0,001). Une mise à
jour des résultats (10, 18) montre que l’incidence
cumulée des récidives mammaires homolatérales
était significativement augmentée dans le bras
4 cycles d’AC puis chirurgie comparativement aux
2 autres bras de traitement comportant du docétaxel. Aucune différence n’a été retrouvée en termes
de récidive locorégionale ou à distance. L’addition
en préopératoire (et non en postopératoire) d’un
traitement par 4 cycles de docétaxel dans le sousgroupe des patientes présentant une réponse
clinique partielle après 4 cycles d’AC améliore
significativement la SSR (HR = 0,71 ; IC95 : 0,550,91 ; p = 0,007).
L’étude réalisée par l’université d’Aberdeen
(Écosse) [25] portait sur le bénéfice d’une CT néo-
Évaluation d’autres molécules
cytotoxiques
Les molécules telles que les vinca-alcaloïdes (vinorelbine) ou la capécitabine (forme orale du 5-FU) ont
été testées afin d’améliorer la réponse au traitement
et de trouver le schéma optimal d’administration.
Dans l’essai GeparTrio (26), 622 patientes dont la
tumeur n’avait pas répondu après 2 cycles de TAC
(diminution échographique de la tumeur de moins
de 50 %) ont été randomisées entre 4 cycles de TAC
et 4 cycles de NX (vinorelbine, capécitabine). Cet
essai a montré l’absence de différence significative
entre ces 2 types de CT en termes de RCC (19 versus
16 %) et de RHC (5 versus 6 %).
L’essai GeparQuattro (27) avait pour objectif d’analyser l’intégration de la capécitabine de manière
concomitante ou séquentielle à un traitement néoadjuvant comprenant des anthracyclines et des
taxanes. Un total de 1 509 patientes a été randomisé après 4 cycles de CT néo-adjuvante (épirubicine, cyclophosphamide [EC]) entre 4 cycles de
docétaxel (EC-T), 4 cycles de docétaxel + capécitabine (EC-TX), et 4 cycles de docétaxel suivis de
4 cycles de capécitabine (EC-T-X). Les patientes
dont la tumeur surexprimait HER2 ont reçu du trastuzumab simultanément à chaque cycle de CT. Le
taux de RHC était similaire dans les différents bras
La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 7 - septembre 2011 |
435
DOSSIER THÉMATIQUE
Cancers du sein :
chimiothérapie néo-adjuvante
Chimiothérapie néo-adjuvante des cancers du sein
de traitement (22, 19 et 22 %), mettant en évidence
l’absence de bénéfice à l’addition de capécitabine
dans cet essai.
L’étude FinXX confirme ce résultat, sauf peut-être
dans le sous-groupe des patientes avec une tumeur
triple-négative (28).
Ces études ont exploré la question de l’adaptation
des protocoles de CT néo-adjuvante en cours de traitement devant une réponse nulle ou une progression
à la phase initiale des cycles de CT (2-4 cycles). Les
faibles taux de réponse soulignent ici de manière
assez similaire que les patientes ne présentant pas
de réponse précoce à la CT néo-adjuvante sont
porteuses de tumeurs particulièrement chimiorésistantes.
Les anthracyclines associées aux taxanes restent
donc les cytotoxiques de référence pour le cancer
du sein, que ce soit en adjuvant ou en néo-adjuvant. Cependant, une analyse combinée de toutes
les études en néo-adjuvant menée par le groupe
allemand AGO (ensemble des essais Gepar) montre
qu’une dose cumulée d’anthracyclines et de taxanes
plus élevée, qu’un traitement plus long et que l’addition de capécitabine et de trastuzumab seraient
associés à une meilleure réponse tumorale. Une
adaptation du traitement au phénotype serait envisageable : traitement plus long pour les tumeur RH+,
traitement plus court mais avec des doses cumulées
plus élevées pour les tumeurs triple-négatives, et
introduction précoce du trastuzumab en néo-adjuvant pour les tumeurs HER2+ (29).
Introduction des thérapies
ciblées en néo-adjuvant
Ainsi se pose la question de l’administration du trastuzumab, mais aussi des autres thérapies ciblées,
pour enrichir l’arsenal thérapeutique précocement
dans la prise en charge afin d’obtenir un meilleur
taux de RHC. L’adjonction de trastuzumab en néoadjuvant améliore considérablement la réponse des
tumeurs HER2 au traitement.
A.U. Buzdar et al. (30, 31) ont étudié l’effet d’une CT
néo-adjuvante comportant une association de trastuzumab et de paclitaxel suivie d’un traitement par
trastuzumab, 5-FU, épirubicine et cyclophosphamide
chez 42 patientes présentant une tumeur surexprimant HER2. Le taux de RHC dans la population des
patientes traitées par trastuzumab était de 60 versus
26 % (pour les patientes sans trastuzumab). La SSR
à 3 ans était significativement supérieure dans le
groupe trastuzumab.
436 | La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 7 - septembre 2011
L’essai NOAH (32) comparait, chez des femmes
présentant une tumeur du sein localement avancée
ou inflammatoire, une CT néo-adjuvante (adriamycine, paclitaxel, CMF) avec ou sans trastuzumab, le
trastuzumab étant donné pour une durée de 1 an.
Le trastuzumab augmente de façon significative
le taux de RHC (38 versus 19 % ; p = 0,001) et le
taux de SSR à 3 ans (71 versus 56 % ; p = 0,013 ;
HR = 0,59).
Dans l’essai GeparQuattro (27), les patientes
atteintes d’une tumeur du sein HER2+ présentaient un taux de RHC élevé avec l’association CT et
trastuzumab (31,7 %), versus 15,7 % dans le groupe
de référence dont la tumeur ne surexprimait pas
HER2.
L’essai multicentrique allemand GeparQuinto
(GBG 44) [33] comparait le lapatinib au trastuzumab donné de façon concomitante avec une
chimiothérapie néo-adjuvante par épirubicine,
cyclophosphamide et docétaxel. Les taux de pCR
étaient respectivement de 31,3 % dans le bras
trastuzumab et de 21,7 % dans le bras lapatinib
(p < 0,05). L’observance du traitement était moins
bonne avec le lapatinib, en particulier à cause
de diarrhées qui ne permettent pas d’utiliser le
lapatinib à pleines doses (réduites de 1 500 à
1 000 mg/j).
L’étude de phase II randomisée NeoSphere (34)
comparait, avant chirurgie, 4 groupes de traitement : TH (n = 107) associant docétaxel + trastuzumab ; THP (n = 107) associant docétaxel +
trastuzumab + pertuzumab ; HP (n = 107) associant
trastuzumab + pertuzumab ; TP (n = 96) associant
docétaxel + pertuzumab. Les résultats en termes de
pCR en intention de traiter (ITT) sont respectivement, pour ces 4 groupes, de 29 %, 45,8 %, 16,8 %
et 24 %. Les différences sont statistiquement significatives entre THP et TH (p = 0,0198), entre THP
et TP (p = 0,003) et entre TH et HP (p = 0,0198).
Les conclusions de cette étude sont que le taux
de pCR est significativement supérieur avec le
double blocage trastuzumab et pertuzumab, que
la tolérance est excellente avec le pertuzumab,
sans risque cardiaque surajouté, et qu’un certain
nombre de tumeurs peuvent être éradiquées sans
recours à la CT.
L’essai Neo-ALTTO (BIG 01-06/EGF 106903) [35]
est une étude de phase III, randomisée, ouverte,
comparant paclitaxel + lapatinib, paclitaxel +
trastuzumab, paclitaxel + lapatinib + trastuzumab.
Au total, 450 patientes ont été randomisées. Les
résultats en termes de pCR ont été respectivement, pour les groupes lapatinib, trastuzumab
DOSSIER THÉMATIQUE
et lapatinib + trastuzumab, de 24,7 %, 29,5 % et
51,3 %. Les différences ne sont pas statistiquement significatives entre les bras trastuzumab
et lapatinib seuls. En revanche, la différence est
significative entre trastuzumab et trastuzumab +
lapatinib (p = 0,0001). Les taux de conservation
mammaire sont comparables dans les 3 groupes.
La triple association entraînant le double blocage
d’HER2, il existe une augmentation de la toxicité,
mais celle-ci est parfaitement contrôlable (que
ce soient les diarrhées ou l’élévation des enzymes
hépatiques).
Par ailleurs, pour les tumeurs HER2–, d’autres
thérapies ciblées sont en cours de développement.
Dans l’essai GeparQuinto (33) décrit plus haut,
210 patientes HER2– ont été randomisées pour
recevoir 4 cycles d’EC avec ou sans bévacizumab.
En cas de réponse partielle ou complète (n = 138),
elles recevaient alors 4 cycles de docétaxel, avec ou
sans bévacizumab. En cas de non-réponse (n = 60),
elles étaient à nouveau randomisées pour recevoir
12 cycles de paclitaxel, avec ou sans évérolimus. L’adjonction de bévacizumab à la CT n’a pas augmenté
le taux de RHC (36).
Prise en charge mammaire
après chimiothérapie
néo-adjuvante
Une conséquence majeure de l’application des
protocoles de CT néo-adjuvante est la possibilité
d’augmenter le taux de traitement chirurgical
conservateur du fait de la réduction tumorale
induite par le traitement. Une réponse, y compris
partielle, peut parfaitement favoriser un geste
conservateur, et cela d’autant plus aisément que
le chirurgien maîtrise les multiples techniques de
chirurgie plastique mammaire. Ainsi, dans l’essai
NSABP B-18, une réponse clinique est identifiée
chez 79 % des patientes traitées (partielle : 43 % ;
complète : 36 %).
L. Gianni et al. (12) mettent en évidence, dans le
bras de traitement néo-adjuvant, un taux de RCC
de 49 % et un taux de réponse clinique partielle
de 29 %. L’administration d’une CT néo-adjuvante
est associée à un taux de traitement chirurgical
conservateur significativement supérieur (63 versus
34 % ; p < 0,001). Il est nécessaire de rappeler que les
taux de RHC diffèrent des taux de réponse clinique
complète et partielle dans l’ensemble des études.
Le choix de proposer une CT néo-adjuvante dans
le but d’obtenir une réduction du volume tumoral
puis d’effectuer un geste chirurgical conservateur ne
doit donc certainement pas se fonder sur les seuls
chiffres (bas) de RHC.
Chimiothérapie adjuvante
en cas de maladie résiduelle
En dehors des essais thérapeutiques, la prescription d’une CT adjuvante après un traitement néoadjuvant n’est pas recommandée, car il n’existe
pas de démonstration claire du bénéfice d’une
CT “de rattrapage” en cas de mauvaise réponse
initiale (1).
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Traitement chimiothérapie +
radiothérapie après chirurgie
et chimiothérapie néoadjuvante
La présence d’un reliquat tumoral axillaire après CT
première est un facteur pronostique majeur (24) qui
conduit certaines institutions à administrer une CT
adjuvante à base de 5-FU + vinorelbine, concomitante à la RT externe. La vinorelbine est un vincaalcaloïde semi-synthétique, un puissant inhibiteur
de la polymérisation mitotique des microtubules et
un radiosensibilisant in vitro et in vivo (37). Des taux
de conservation mammaire de 74 % ont été obtenus
avec une association radio-chimiothérapie (RCT)
néo-adjuvante fondée sur l’association vinorelbine +
5-FU (38). La RCT concomitante augmenterait le
contrôle locorégional après chirurgie conservatrice
chez des patientes sélectionnées présentant un
envahissement ganglionnaire, mais au prix d’une
augmentation des toxicités tardives. Le ratio efficacité/tolérance de la RCT concomitante n’a cependant jamais été évalué chez des patientes ayant
initialement reçu une CT néo-adjuvante. L’évaluation, sur une série récente de patientes traitées à
l’institut Curie, de la toxicité de la RCT concomitante adjuvante comparée à une RT externe seule
après CT néo-adjuvante a montré une augmentation significative de la toxicité aiguë. Ces résultats
sont concordants avec ceux de plusieurs essais de
RCT concomitante (39, 40). L’évaluation prospective de la toxicité tardive avec un recul médian de
10 ans n’a cependant retrouvé aucune différence
significative, comme dans d’autres séries de RCT
concomitante (41, 42). Les 2 autres essais randoLa Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 7 - septembre 2011 |
437
DOSSIER THÉMATIQUE
Cancers du sein :
chimiothérapie néo-adjuvante
Chimiothérapie néo-adjuvante des cancers du sein
misés comparant une administration concomitante
de la CT et de la RT à une administration séquentielle ont, eux, montré une majoration de la toxicité
tardive (39, 43), mais les techniques d’irradiation de
ces études plus anciennes, pourvoyeuses d’une plus
grande hétérogénéité, pourraient être responsables
de la majoration de la toxicité tardive, notamment
cardiaque (24, 44). L’efficacité thérapeutique de
l’association d’une CT à la RT adjuvante après CT
néo-adjuvante reste toutefois à démontrer dans le
cadre d’essais randomisés.
Conclusion
La prise en charge par CT néo-adjuvante paraît
largement justifiée. Non délétère sur la survie, elle
permet non seulement d’augmenter les traitements
conservateurs (qui reste la seule indication consensuelle), mais aussi d’identifier précocement (avant
récidive) les tumeurs chimiorésistantes à fort risque
de récidive. Fondées sur ce modèle, d’autres stratégies préopératoires, en particulier l’hormonothérapie
néo-adjuvante, se développent.
■
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DOSSIER THÉMATIQUE
Cancers du sein :
chimiothérapie néo-adjuvante
Chimiothérapie néo-adjuvante des cancers du sein
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