Envoyez vos propositions de problèmes à Loïc TERRIER, 42B rue du Maréchal Foch, 57130 ARS-SUR-MOSELLE ou [email protected] PROBLÈME « DU TRIMESTRE » n° 76 (DÉCEMBRE 2003) Énoncé : n n-1 ... 3 2 1 On considère la pile de n étages ci dessus. On procède à l’expérience aléatoire suivante : on tire au hasard un nombre p1 entre 1 et n, et on supprime les cases p1 à n. La pile comporte donc désormais p1-1 étages. On recommence l’opération : on tire au hasard un nombre p2 compris entre 1 et p1-1 et on retire les étages p2 à p1-1, et ainsi de suite… Soit X le nombre de tirages nécessaires pour faire disparaître la pile. Déterminer l’espérance de la variable aléatoire X. Énoncé proposé par Philippe FÉVOTTE Voir la solution Page 1 sur 5 Solution : Une solution très, très, complète de Joël Kieffer, trois autres, plus sobres, de Renaud Dehaye, Loïc Terrier et Jacques Choné. Ces deux dernières solutions établissent par récurrence sur n que l’espérance de la variable pour une pile de n étages est égale au nème terme de la série harmonique : 1+1/2+1/3+...+1/n. Loïc Terrier fait remarquer que cette espérance est donc du même ordre de grandeur que ln n. Il indique par ailleurs que « un raisonnement heuristique donne le bon ordre de grandeur : si on suppose que, grosso modo, la pile diminue de moitié à chaque coup, on obtient un temps de ln(k)/ ln(2)... » Joël Kieffer étudie la loi de probabilité de la variable, il établit ainsi que la variance en est la différence (1+1/2/+...+1/n)-(1+1/4+...+1/n²). Il propose par ailleurs un fichier Excel de simulation de l’expérience. Voir sa solution. Jacques Choné donne un programme sous Mathematica : « On effectue m expériences, on obtient m variables aléatoires indépendantes de même loi ; d’après la loi faible des grands nombres la moyenne de ces m variables tend vers leur espérance commune. » p[n_,m_] := Block[{s = 0,x,y}, For[i = 1, i<=m, i++, x = 0; y = n; While[Not[y == 0], x++; y = Random[Integer,{1,y}] – 1]; s += x]; {s/m, HarmonicNumber[n]} // N} In[2]:= Table[p[2,1000 k],{k,1,4}] Out[2]= {{1.475,1.5},{1.498,1.5},{1.513,1.5},{1.4965,1.5}} In[3]:= Table[p[4,10000 k],{k,1,4}] Out[3] {{2.0896,2.08333},{2.08505,2.08333},{2.08813,2.08333},{2.08338,2.08333}} Page 2 sur 5 La solution de Joël Kieffer : Pour une hauteur initiale de pile égale à n, je considère l'arbre An correspondant (où il y a équiprobabilité à chaque embranchement) et je lui associe un polynôme Fn(x) de la manière suivante (illustrée sur A4) : 1 1 2 1 3 2 1 1 4 2 1 3 1 2 1 A chaque branche, on associe un monôme p.xk, où p est le produit des probabilités sur cette branche et k la longueur de la branche ; ainsi, de haut en bas sur la figure : 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 x ; x2 ; × x2 ; × x3 ; × x2 ; × x3 ; × × x3 ; × × x4 ; 4 4 4 2 4 2 4 3 4 3 4 3 2 4 3 2 puis on additionne tous ces monômes . 1 11 1 1 Ainsi F4(x) = x + x2 + x3 + x4 4 24 4 24 1 2 1 1 1 1 De même F1(x) = x ; F2(x) = x + x et F3(x) = x3 + x2 + x 2 2 6 2 3 On note Xn la variable aléatoire qui donne le nombre de tirs nécessaires pour araser la pile n On obtient la loi de probabilité de Xn grâce à Fn(x) = ∑ P(Xn = k) x k ; 1 n en outre E(Xn) = ∑ k × P(Xn = k) = Fn'(1) ; reste à calculer Fn (x) . 1 Comment passe-t-on de An à An+1 ? A l'embranchement initial de An, il suffit de greffer une (n+1)ème branche , au bout de laquelle on greffera un arbre identique à An . Cette opération a pour effet : Page 3 sur 5 - 1 1 à . n n+1 d'incrémenter d'une unité le nombre de ramifications sur la partie rapportée . de faire passer la probabilité sur les branches initiales de n 1 (x + n) ×F (x) + ×x×Fn(x) = ×Fn(x) n+1 n n+1 n+1 1 D'où Fn(x) = x(x + 1)( x + 2)…(x + n – 1) n! Ainsi Fn +1(x) = n-1 F '(x) En prenant la dérivée logarithmique, n = Fn(x) ∑ x +1 k ; et comme F (1) = 1, on obtient : n 0 n E(Xn) = Fn'(1) = ∑ 1 k 1 Tant qu'on y est, calculons la variance : var(Xn) = Fn''(1) + Fn'(1) – Fn'2(1). F '' (x) . Fn (x) – Fn'2 (x) =– En prenant la dérivée du quotient ci-dessus : n Fn 2(x) n-1 ∑ (x +1 k) ; 2 0 n Et en faisant x = 1, il vient Fn'' (1) – Fn'2 (1) = – ∑ k1 . 2 1 n Var(Xn) = n 1 – k ∑ ∑ 1 1 k2 1 Autre méthode On peut considérer que l'ensemble des manières est d'araser la pile est décrit comme ensemble des suites strictement décroissantes d'entiers, le premier terme étant inférieur ou égal à n et le dernier nécessairement égal à 1. Sur cet ensemble, on considère, pour 1≤ k ≤ n, les variables aléatoires Yk. Yk = 1 si la suite comporte le nombre k et 0 sinon. (J’omets pour plus de clarté l'indice n qui serait nécessaire pour chacune de ces variables) 1 k–1 P (Yk = 1 ) = et P (Yk = 0) = . k k (C’est évident si on pense que le fait que le nombre k soit choisi pour former une suite, ne dépend en rien des choix des termes qui le précèdent). Les variables Yk sont mutuellement indépendantes : C’est fastidieux à rédiger, mais se comprend bien sur un exemple : Page 4 sur 5 Si n = 6 , considérons la suite (5,3,1) ; sa probabilité est égale à celle de viser successivement 1 1 1 le 5ème, puis le 3ème, puis le 1er jeton de la pile (en comptant à partir du bas ), soit × × ; ainsi 6 4 2 1 1 1 P(Y6=0 et Y5 = 1 et Y4 = 0 et Y3 = 1 et Y2= 0 et Y1= 1) = × × 6 4 2 5 1 3 1 1 Mais P(Y6 = 0)×P(Y5 = 1)×P(Y4 = 0)×P(Y3 = 1)×P(Y2= 0)×P(Y1=1) = ( × ).( × × ×1) 6 5 4 3 2 donne le même résultat, ce qui est la définition de l'indépendance mutuelle. k – 1 0 1 1 (x + k – 1) La fonction génératrice de Yk est Gk(x) = ×x + ×x = k k k X = Y1 + Y2 + Y3 + …. + Yn est la variable aléatoire "longueur de la suite". L'indépendance mutuelle des Yk nous assure que la fonction génératrice de X est le produit de celles des Yk. Simulation Un fichier Excel était joint, qui comprenait un programme VBA nommé "déquiller" Lancer la macro : La première boite info demande la hauteur de la pile (= n ). La seconde le nombre de fois ou l'on veut répéter l'expérience du déquillage (=a). Pour chacune de ces expériences, le nombre de tir nécessaire à abattre la pile est enregistré , on en fait ensuite la moyenne, qui est affichée et comparée à la moyenne théorique, c'est-àdire E(Xn). On peut imaginer plus sophistiqué : afficher les a résultats dans une colonne, colorier en rouge et compter ceux qui sortent de l’intervalle ] Xn – 2σ ; Xn + 2σ[, ou plus simplement montrer la pile en train de baisser chaque fois qu'on fait " entrée". Plus tard peut être. Amicalement, Joël Kieffer, lycée Hélène Boucher, Thionville • La solution complète de Joël Kieffer (archive zip contenant la solution et les simulations). Retour au début des solutions Complément paru dans le Petit Vert n°78 de juin 2004 Joël Kieffer revient sur le problème des piles proposé par Philippe Févotte avec une jolie solution basée sur la théorie des jeux : On pose X0 = 1 + N , N étant la hauteur de la pile . X1 le résultat du premier tir , etc. Avant le premier tir , un joueur parie une unité et répartit sa mise de manière égale sur les N événements " X1 ≤ k ". L' événement " X1 ≤ k " ayant la probabilité k/N, il doit rapporter N/k fois sa mise, c'est à dire (1/N).(N/k)= 1/k , pour que le jeu soit équitable . Si on se place du point de vue de la banque, G1 = 1 – somme (1/k ; X1 ≤ k < X0) est la variable aléatoire "gain sur le premier jeu ". Son espérance est nulle , puisque le jeu est équitable . Avant le second tir , le joueur parie à nouveau une unité , de la même manière . G2 = 1 – somme (1/k ; X2 ≤ k < X1) et E(G2) = 0 ; etc., etc., le jeu continue jusqu'au temps T , où XT = 1 ; la variable aléatoire "gain total de la banque" est ST = G1 + G2 + … + GT. Il est clair que ST = T – somme(1/k ; XT ≤ k < X0) = T – somme(1/k ; 1 ≤ k ≤N) . Or E ( ST) = 0. Cqfd Retour à l’énoncé Page 5 sur 5