Chapitre 20

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Chapitre 20
Prise en charge
des pathologies fonctionnelles
et des états fibrokystiques
C. Lafont, J. Chopier
La pathologie du sein est fréquente. Une femme sur
deux au moins est amenée à consulter à ce sujet.
Pour cinq anomalies cliniques, il y en a environ deux
qui correspondent à une mastose fibrokystique, une
à un cancer, une à un fibroadénome et une à diverses
pathologies inflammatoires, traumatiques ou autres.
Devant des plaintes fonctionnelles et/ou une anomalie clinique, le plus souvent il n'est pas décelé de
cause organique, cliniquement ou en imagerie. La
majorité des découvertes seront de nature bénigne,
néanmoins l'objectif est de tenter d'expliquer le
symptôme et d'éliminer une lésion maligne [1].
La fréquence réelle de la pathologie bénigne ou
fonctionnelle est difficile à préciser car les patientes
ne sont pas toutes prélevées, ni opérées.
En pratique courante, la conduite à tenir devant une
tuméfaction mammaire ou une mastodynie diffuse
ou localisée est donc d'un intérêt quotidien : un
interrogatoire précis, un examen clinique rigoureux
et complet, et parfois la prescription d'examens
complémentaires parmi lesquels l'échographie mammaire, la mammographie voire la cytoponction ou
les biopsies percutanées sont les éléments essentiels.
Interrogatoire
Il rapporte ces éléments fondamentaux que sont :
• l'âge de la patiente et son statut ménopausique :
le risque de cancer du sein augmente avec l'âge ;
• l'ancienneté de la masse palpée, ses caractéristiques avec ses éventuelles variations de taille en
rapport avec le cycle menstruel, l'association à des
douleurs, un gonflement, une rougeur ou de la
fièvre ;
• la prise de médicaments (médicaments actuels,
hormonothérapie) ;
• les antécédents familiaux de cancer du sein ou des
ovaires ;
• les antécédents personnels médicaux et chirurgicaux : cancer du sein, antécédent de lésion mammaire à risque (hyperplasie atypique, carcinome
lobulaire in situ) qui augmentent la probabilité de
développer un cancer du sein ; traumatisme du
sein récent ou chirurgie ; radiothérapie ou chimiothérapie récente [2].
Examen clinique du sein (ECS)
Sensibilité de l'examen clinique
Prise en charge clinique
La prise en charge d'une patiente présentant une
masse palpable ou une mastodynie doit débuter par
un interrogatoire.
La sensibilité de l'examen clinique du sein est de 54 %
et sa spécificité de 94 %, un examen clinique positif est
plus informatif que ne l'est un examen négatif [3].
L'ECS est efficace et peut détecter jusqu'à 29 % de
cancers méconnus par la mammographie [3].
Imagerie du sein
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340
Pathologie mammaire non malignes et sein masculin
Technique de l'examen clinique du sein
Il s'effectue dans une pièce éclairée sur une patiente
en position orthostatique puis assise les bras relevés.
Le médecin examine visuellement les seins, en
notant une asymétrie, un méplat, une rétraction ou
une inversion unilatérale du mamelon, il recherche
un écoulement mamelonnaire, des signes inflammatoires (rougeur, chaleur) et à la palpation des signes
associés tels qu'un freinage cutané ou un œdème
[4]. Avant la ménopause, l'examen des seins est
optimal durant la semaine suivant les règles car l'engorgement glandulaire est moindre. En décubitus
dorsal avec le bras homolatéral relevé, le médecin
palpe soigneusement le tissu mammaire dans ses différents plans superficiel, intermédiaire et profond. Il
examine l'aisselle, la région sus-claviculaire, cervicale et la paroi thoracique. Puis il évalue la taille, la
texture et l'emplacement de la masse (quadrant
horaire et distance au mamelon).
L'augmentation de la durée de l'examen clinique
améliore sa sensibilité (plus de 3 minutes par sein)
tout comme une technique rigoureuse (par exemple,
en pratiquant un modèle systématique d'exploration,
en faisant varier la pression à la palpation et en utilisant trois doigts qui effectuent des mouvements circulaires) [2]. L'efficacité de l'examen clinique pour
distinguer des signes de bénignité ou de malignité
dépend de l'expertise et de l'expérience de l'examinateur [5]. Une anomalie du sein est définie comme
une modification localisée de la texture mammaire
qui apparaît très différente du reste du tissu environnant et cela comparativement à la zone correspondante dans le sein controlatéral. L'utilisation de gel
d'échographie facilite le glissement des doigts lors de
la palpation et optimise le recueil des informations
sur la consistance et les limites de la lésion. Les masses
dures, fixées à la peau et aux tissus mous avec des
marges mal définies sont suspectes.
Mastodynies chroniques
Étiologie des douleurs d'origine
mammaire
Mastopathie cyclique
C'est la forme la plus fréquente. La douleur est le
plus souvent continue avec une recrudescence
prémenstruelle.
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Le phénomène douloureux pourrait être lié à
l'œdème, résultant de la stimulation œstrogénique.
Cela fait apparaître le lien fréquent mais non constant
entre mastodynie et mastopathie fibrokystique.
Les douleurs sont plus volontiers bilatérales et marquées dans le prolongement axillaire. Qualifiées assez
souvent de fonctionnelles, ces mastodynies pourraient
s'expliquer par des réactions tissulaires locales hormonales plutôt que par la concentration plasmatique de
ces mêmes hormones. L'élément déclenchant serait
plus l'hyperestrogénie que le déficit lutéal.
Les patientes souffrant de cette pathologie présentent un certain profil : tabagisme (OR 1,53),
consommation de caféine (OR 1,53) et stress (OR
1,7) [6]. Chez les femmes âgées de moins de
35 ans, le recours à la mammographie diagnostique est plus fréquent que chez les patientes
témoins (20,2 % versus 9,9 %) [1]. La principale
question est le lien avec la pathologie cancéreuse,
particulièrement dans le contexte de traitements
hormonaux. Cette notion déjà ancienne faisait
soupçonner ce risque : RR 2,12 ; 95 % IC : 1,31–
3,43 [6]. Cette donnée n'est cependant pas unanimement reconnue.
Le phénomène douloureux, associé à la densité plus
élevée du parenchyme mammaire pourrait être à
l'origine d'une diminution des performances de la
mammographie : sensibilité chez les patientes présentant une mastodynie 60 % (48–72 %) versus 75,6 %
(72–79 %) [7].
Leur traitement est souvent à base de progestatifs,
soit sous une forme percutanée du 16e au 25e jour,
soit associé à un traitement général. Il vaut mieux
alors utiliser une séquence antigonadotrope en l'administrant du 5e au 25e jour. Certains auteurs [8]
n'ont pas montré de relation significative entre utilisation de progestatifs seuls avant la ménopause et
risque de cancer du sein, néanmoins une augmentation du risque a été mise en évidence en cas d'utilisation prolongée supérieure à 4,5 ans après l'âge de
40 ans (RR 1,44 : 95 % IC : 1,03–2,00) [9].
Diverses thérapeutiques ont été utilisées pour traiter les mastodynies, aucune à l'heure actuelle n'a
fait ses preuves, la grande majorité des mastodynies
vont disparaître spontanément grâce à un discours
explicatif, des examens rassurants, des conseils
hygiéno-diétiques et le port de sous-vêtements
exerçant un soutien efficace mais non contendant.
Parfois l'application locale sur la zone douloureuse
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Chapitre 20. Prise en charge des pathologies fonctionnelles et des états fibrokystiques
d'anti-inflammatoires non stéroïdiens sous forme
de gel ou l'adaptation d'un éventuel traitement
hormonal substitutif assurent un soulagement. Des
thérapeutiques hormonales ou autres ne sont
entreprises qu'en cas d'insuffisance des mesures précitées et de gêne douloureuse invalidante [9].
Galactophorite ectasiante
Les douleurs sont erratiques, moins rythmées par le
cycle que dans la situation précédente.
Leur siège est plus central intéressant particulièrement le mamelon et elles s'accompagnent parfois
d'un écoulement pluri-orificiel. La prise d'un traitement par les neuroleptiques doit être recherchée car
ces derniers favorisent les écoulements mamelonnaires avec développement de galactocèles parfois
associées à des réactions inflammatoires.
Cancer
Il est exceptionnellement révélé par un phénomène
douloureux chronique [10]. Par contre, la douleur
serait de survenue précoce dans 40 à 59 % des cancers du sein [2].
Douleurs d'origine
extramammaire
Syndrome de Tietze
Syndrome de Tietze (inflammation chondrosternale)
affectant plus souvent les 2e, 3e, 4e jonctions chondrosternales. La douleur est réveillée ou aggravée par
la mobilisation de l'épaule et la pression de la jonction chondrosternale avec, dans la forme originale de
la description, une tuméfaction douloureuse d'une
ou de plusieurs articulations chondrosternales.
341
États fibrokystiques
Définition
Kyste
Il correspond à une dilatation segmentaire des acini
des lobules avec accumulation de sécrétion non
réabsorbée.
L'âge moyen de survenue est de 35 à 55 ans. Ils
disparaissent spontanément après la ménopause.
À l'examen clinique, on repère un nodule d'apparition rapide, mobile ou non, unique ou multiple,
régulier, sensible à la palpation dont la taille peut
varier de quelques millimètres à plusieurs centimètres de diamètre. L'évacuation du liquide par
ponction entraîne l'affaissement du kyste.
Le diagnostic de kyste est le triomphe de l'échographie. Les ultrasons permettent également de réaliser
la ponction avec précision, que le kyste soit palpable
ou non.
Anatomopathologie : la cytologie, lorsqu'elle est
faite, ramène un liquide qui peut être totalement
acellulaire ou contenir des macrophages et/ou des
cellules de la paroi du kyste. Parfois leur contenu est
épais ou huileux comprenant des cristaux de cholestérol (fig. 20.1). Le liquide de kyste peut être
inflammatoire ou hématique.
Les kystes simples sont bénins. Le terme de kyste
compliqué (ou atypique fait) référence à des kystes ou
agglomérats de kystes modifiés par une inflammation,
un saignement ou bien encore par le développement
Autres pathologies pariétales
Elles peuvent être à l'origine de douleurs thoraciques antérieures :
• les douleurs myofasciales ou myalgies pectorales :
le phénomène douloureux est déclenché électivement par la pression de certaines zones ;
• le syndrome de Cyriax par subluxation de l'articulation antérieure des 8e, 9e et 10e côtes est souvent
post-traumatique ;
• l'irradiation mammaire de névralgies cervicobrachiales d'origine arthrosique.
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Fig. 20.1 Étalement cytologique d'un liquide de kyste contenant des cristaux de cholestérol typiquement bénins (observation directe en contraste de phase).
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342
Pathologie mammaire non malignes et sein masculin
Fig. 20.2 Étalement cytologique d'un liquide de kyste atypique en échographie. Métaplasie idrosadénoïde en rapport
avec une lésion papillaire (coloration MGG).
d'une lésion maligne dans leur paroi ou leur lumière.
Dans ce dernier cas, ils peuvent être à contenu hémorragique, mais ce type de lésion peut également correspondre à un cancer nécrotique. Des lésions papillaires
bénignes ou malignes peuvent également se présenter
de façon kystique (fig. 20.2).
L'étude anatomopathologique est inutile dans l'exploration des kystes simples. Si elle est réalisée, elle
met en évidence la paroi du kyste tapissée tantôt par
un revêtement cylindrocubique aplati sans anomalie
cytologique, tantôt par un revêtement en métaplasie
apocrine. La lumière contient un liquide de couleur
et de consistance variable sans signification pathologique. La paroi du kyste est d'épaisseur variable et
peut être le siège de remaniements inflammatoires
périkystiques lorsqu'il est rompu.
États fibrokystiques
La maladie fibrokystique est de loin l'affection la plus
fréquente du sein chez la femme. Les kystes sont alors le
plus souvent multiples. Ils se développent à partir de
l'âge 30 à 40 ans et cela chez au moins 30 % des femmes.
Leur taille varie de quelques millimètres à plusieurs centimètres. Ils peuvent donner lieu à des manifestations
cliniques (douleurs, écoulements mamelonnaires,
masses palpables) mais c'est souvent une découverte
fortuite en imagerie mammaire alors que la patiente n'a
aucun signe fonctionnel ou physique.
Leur diagnostic est le plus souvent facile en imagerie. Il peut être confirmé très simplement par ponction. Parfois des remaniements fibreux fréquemment
associés aux kystes peuvent être source d'interrogations diagnostiques en imagerie.
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Si l'on découvre dans la paroi du kyste ou dans son
environnement des lésions d'hyperplasie atypique,
le risque devient celui de l'anomalie histologique
correspondante. Par contre, il est admis qu'à elles
seules, les affections fibrokystiques n'augmentent
pas le risque de cancer du sein [11].
Avec le temps, les kystes diminuent de taille, leur
contenu s'épaissit et leur paroi peut se calcifier bien
qu'il s'agisse là d'une évolution rarement observée.
En principe, en l'absence de traitement hormonal
substitutif, les lésions fibrokystiques régressent après
la ménopause. La mise en route d'une substitution
hormonale peut par contre réactiver la symptomatologie. De ce fait, l'apparition de kystes après la ménopause doit toujours être considérée comme suspecte
et faire rechercher une lésion papillaire, mucineuse,
voire un cancer nécrosé.
La chirurgie n'a pas sa place dans les maladies fibrokystiques du sein.
Anatomopathologie : la maladie fibrokystique du
sein associe à des degrés divers, kystes, fibrose et
lésion canalaire ou lobulaire d'hyperplasie épithéliale simple (canalaire) ou globale (lobulaire : adénose de types très variés). Les kystes se développent
dans les unités ductulolobulaires terminales et
résultent de la dilatation des canalicules des lobules.
Méthodes d'exploration d'imagerie
Indications
Avant 35 ans, si l'examen clinique est normal la mammographie n'a pas d'indications (en dehors des
patientes à haut risque familial et génétique) car le
risque de cancer est très faible [12]. On peut discuter
de l'intérêt d'une échographie en fonction des antécédents personnels ou familiaux de la patiente. Très souvent, en cas de mastodynie isolée sans anomalie
clinique, l'échographie sera réalisée pour tenter d'expliquer le symptôme et afin de rassurer la patiente
lorsque l'examen est normal ou que des lésions typiquement bénignes sont repérées. Le temps d'explication des résultats de l'examen clinique et échographique
est important afin que la patiente soit sûre que sa
plainte fonctionnelle a été prise en considération.
En cas d'anomalie clinique, l'échographie est l'examen
de première intention. Le moindre signe de suspicion
clinique et/ou échographique doit conduire à la
réalisation d'une mammographie diagnostique comportant trois incidences. Si le sein est très dense au
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Chapitre 20. Prise en charge des pathologies fonctionnelles et des états fibrokystiques
minimum un cliché en incidence oblique axillaire est
pratiqué à la recherche de microcalcifications en foyer.
Après 35 ans, une mammographie diagnostique et
une échographie sont réalisées. Elles peuvent révéler
des pathologies localisées du sein, le plus souvent
des kystes ou des pathologies plus diffuses, comme
les états fibrokystiques [13].
Aspect à la mammographie
La visibilité des kystes dépend de leur environnement.
Bien discernables au sein d'une glande de densité
graisseuse prédominante, ils peuvent par contre être
invisibles si le sein est dense.
Le kyste typique correspond à une masse, ronde ou
ovale, dense à contours lisses et nets (si l'environnement
a
343
est graisseux). Souvent, le contour est partiellement
masqué par la glande environnante. Un halo périphérique radio-transparent partiel ou complet peut apparaître par compression de la graisse avoisinante. Le
contraste de la lésion est variable, de densité élevée si le
kyste est sous tension, plus faible s'il ne l'est pas.
Habituellement, la densité d'un kyste est inférieure à
celle d'une masse tissulaire car moins facilement comprimée. Des calcifications peuvent être détectées. Si elles
sont intrakystiques et correspondent à du lait calcique,
elles sont de type sédimentaire ; si elles sont pariétales,
elles apparaissent périphériques et arciformes (fig. 20.3).
Le développement d'une lésion maligne au contact
de la paroi d'un kyste va dans ce cas modifier l'aspect
de son contour. Une désorganisation architecturale, des calcifications irrégulières centrales seront
b
Fig. 20.3 Mammographie de profil.
Mastopathie fibrokystique avec de multiples formations arrondies de contours partiellement masqués correspondant à des formations
kystiques et calcifications sédimentaires diffuses.
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344
Pathologie mammaire non malignes et sein masculin
Fig. 20.4 Mammographie agrandissement : apparition d'un
foyer de microcalcifications suspect dans un contexte de
mastopathie fibrokystique (flèche).
suspectes (fig. 20.4). Si par contre une lésion proliférante se développe de manière exclusive en intrakystique, elle n'aura aucune traduction mammographique
sauf si des calcifications y sont associées.
En cas de sein dense, il est très fréquent que la mammographie sous-estime le nombre de kystes.
En cas de kyste palpable, il faut impérativement établir une corrélation de siège et de taille entre la lésion
palpée et l'anomalie mammographique. L'utilisation
d'un repère cutané radio-opaque peut être utile.
Le kyste simple (BI-RADS 2). Le kyste typique est
une masse ronde ou ovale anéchogène (vide d'écho
interne). Les parois sont fines et régulières. Il y a un
renforcement postérieur et des ombres latérales liées
à la bonne limitation de la lésion.
La séméiologie est cependant plus difficile à établir
pour les petits kystes et a fortiori pour les microkystes surtout s'ils sont profonds.
Si on dispose d'un échographe avec imagerie d'harmoniques, le diagnostic peut être facilité.
En cas de doute concernant les petits kystes, c'est la
ponction évacuatrice ou la surveillance rapprochée
qui peut être proposée.
Les amas de microkystes groupés sont classés
BI-RADS 3 et nécessitent une surveillance à court
terme (contrôle échographique à 4–6 mois). Les
causes incluent la mastopathie fibrokystique, la
métaplasie apocrine et la papillomatose juvénile.
Les kystes compliqués. Ils présentent une ou plusieurs anomalies : contenu échogène avec ou sans
sédimentation (classé BI-RADS 3) ou épaississement circonférentiel de la paroi évocateur d'une
inflammation (classé BI-RADS 3).
Les kystes complexes. Lorsqu'il existe une portion
tissulaire pariétale ou intrakystique, les kystes sont
apparentés à des masses complexes et sont classés
BI-RADS 4 (fig. 20.5 et 20.6). L'étude en doppler
énergie peut aider à repérer un flux vasculaire en rapport avec un processus tissulaire. Ce signe n'a de
valeur que positif, sa négativité ne peut exclure un
processus expansif devant une lésion atypique.
Échographie
C'est la méthode de référence pour le diagnostic des
kystes.
Le principe est facile, il faut faire la distinction entre
les kystes simples (qui ne nécessitent aucune investigation ou traitement), les kystes compliqués et complexes ou associés à un contingent tissulaire et les
masses solides bénignes ou malignes [14].
Il faut utiliser un échographe équipé d'une sonde de
haute fréquence. Le réglage du gain doit être optimal ainsi que la focalisation pour éviter qu'une
masse solide n'apparaisse faussement anéchogène et
inversement qu'un kyste liquidien pur ne devienne
échogène. On distingue, d'après la définition du
lexique BI-RADS [15] :
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Fig. 20.5 Échographie : kyste compliqué avec contenu échogène.
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Chapitre 20. Prise en charge des pathologies fonctionnelles et des états fibrokystiques
345
Fig. 20.7 IRM séquence T2, mastopathie fibrokystique avec
de multiples kystes en hypersignal T2.
Fig. 20.6 Échographie : kyste complexe avec épaississement
pariétal correspondant à un carcinome papillaire (flèche).
Les diagnostics différentiels sont nombreux pour les
kystes compliqués et les kystes complexes :
• hémorragie intrakystique ;
• inflammation ;
• abcès ;
• tumeurs solides très hypoéchogènes bénignes
(fibroadénome) ou malignes (cancer médullaire).
Certaines masses peuvent contenir des zones kystiques
mais seront décrites comme des masses.
Dans tous ces cas, ces lésions feront l'objet d'un prélèvement soit cytologique, soit anatomopathologique.
IRM
Le diagnostic de kyste n'est bien entendu pas une
indication d'examen IRM du sein.
Cependant, les kystes du sein sont si fréquents qu'ils
apparaissent comme des variantes du normal en
IRM mammaire.
Si une séquence T2 a été réalisée, les kystes apparaissent comme des masses rondes homogènes, bien
limitées en hypersignal T2 (fig. 20.7), mais d'autres
lésions à contenu hydrique élevé peuvent avoir le
même aspect en particulier les cancers mucineux et
les tumeurs phyllodes.
Les kystes simples ont en général un hyposignal en
T1 avant injection. Leur paroi ne se rehausse pas
après injection sauf s'il y a une inflammation.
Le contenu du kyste peut avoir un signal variable s'il
contient de l'hémoglobine, il est hypersignal T1 ; en
cas de contenu épais, un niveau liquide–liquide peut
être repéré.
En cas de prolifération intra- ou périkystique, la
portion solide peut se rehausser, mais aucun signe
n'est spécifique de pathologie bénigne ou maligne.
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Fig. 20.8 IRM T1 gado-soustraction ; carcinome canalaire
invasif étendu du sein droit dans un contexte de mastopathie
fibrokystique, bilan d'extension en IRM.
Les états fibrokystiques sont souvent responsables
de rehaussement glandulaire masquant, rendant difficile l'interprétation de l'IRM et diminuant nettement sa sensibilité [16].
En cas de lésion maligne associée, l'IRM peut être
utile pour réaliser le bilan d'extension de la tumeur,
car souvent l'imagerie échographique et mammographique peut être en défaut lorsque les lésions de
mastopathie fibrokystique sont très étendues
(fig. 20.8).
Indication des prélèvements
Avant 35 ans, l'échographie seule est suffisante pour
confirmer le diagnostic de kyste simple, on peut
arrêter les investigations.
Si la patiente est plus âgée et si le kyste est douloureux ou de contenu échogène, il faut le ponctionner. Même palpable, il est préférable de réaliser
l'examen sous contrôle échographique.
S'il y a une ambiguïté diagnostique (examen clinique suspect, discordance radio-clinique ou avec le
résultat de la cytoponction), la poursuite des investigations s'impose avec la réalisation de biopsies percutanées voire d'une exploration chirurgicale [17].
8/22/2012 9:22:19 AM
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Pathologie mammaire non malignes et sein masculin
Rappelons qu'une masse palpable persistante non
associée à une mastodynie rythmée par les cycles
doit être prélevée sous contrôle clinique même si
l'imagerie est négative. Les prélèvements peuvent
s'avérer difficiles voire non contributifs, alors une
exploration chirurgicale est recommandée.
Aspiration des kystes
Elle est le plus souvent facile, réservée au kyste
simple douloureux ou de contenu échogène.
Le liquide est de couleur variable (du jaune au marron
foncé ou presque noir en passant par le verdâtre).
Il n'y a pas d'indications à demander un examen
cytologique qui sera d'une manière constante négatif, sauf en cas de liquide hémorragique ou de signe
de suspicion échographique.
En cas de prolifération intrakystique, le kyste se
reconstituera permettant de retrouver la lésion si de
nouveaux prélèvements doivent être réalisés.
Biopsie percutanée
Elle est indiquée systématiquement et de première
intention en cas de lésion tissulaire suspecte associée ou intriquée au kyste (classification BI-RADS 4
ou 5 échographique), elle est discutée en cas de
résultats cytologiques atypique ou malin.
Actuellement, les macrobiopsies échoguidées sont
privilégiées dans cette indication plutôt que les
microbiopsies échoguidées 14 gauge. Dans tous les
cas, la mise en place secondaire d'un clip en fin de
procédure est indispensable. Ces prélèvements ont
un intérêt dans la prise en charge thérapeutique
chirurgicale de la patiente car en cas de lésion carcinomateuse diagnostiquée, une exploration chirurgicale axillaire est requise (ganglion sentinelle ou
curage).
tion du risque relatif de cancer (multiplié par 2,81)
chez les femmes présentant des kystes mammaires
palpables, notamment si elles sont âgées de moins
de 45 ans [18]. Mais cette étude est contestée sur le
plan méthodologique, et on ne peut en tirer d'arguments pour surveiller de façon plus rapprochée les
très jeunes femmes présentant une mastopathie
fibrokystique.
Les lésions prolifératives (adénose sclérosante, cicatrice radiaire, mastopathies complexes) augmentent
modérément le RR qui est multiplié par 2 [19], et ne
nécessitent pas de suivi plus rapproché. Les lésions à
risque histologique (hyperplasie atypique et néoplasie
lobulaire) bénéficient d'une surveillance mammographique plus ou moins échographique annuelle.
Cas particulier de la papillomatose
juvénile
La papillomatose juvénile survient chez les femmes
âgées de moins de 30 ans. Il s'agit d'une dystrophie
fibrokystique localisée.
Les rapports entre papillomatose et cancer ne sont
pas établis, car il n'existe pas de suivi à long terme
des cas recensés. Rosen considère que les patientes
n'ont pas de risque particulier de développer un
cancer du sein avant 30 ans [20]. Le rôle du clinicien restera difficile tant que le potentiel évolutif de
cette lésion ne sera pas établi.
L'histologie retrouve l'association de fibrose, de
kystes et d'une hyperplasie épithéliale canalaire
floride parfois atypique – Swiss cheese disease
(fig. 20.9).
Prise en charge des kystes
et des états fibrokystiques
Surveillance
Les lésions non prolifératives (kystes et adénoses
simples, épithéliose modérée, lésions adénofibromateuses associées) n'augmentent pas le risque relatif
(RR) de développer ultérieurement un cancer, et ne
justifient pas de suivi particulier, en dehors d'un
examen gynécologique régulier. Une étude prospective récente a cependant montré une augmenta-
0001550743.INDD 346
Fig. 20.9 Coupe anatomopathologique d'une papillomatose
juvénile.
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Chapitre 20. Prise en charge des pathologies fonctionnelles et des états fibrokystiques
L'expression clinique peut être celle soit :
• d'une masse palpable ;
• d'un placard irrégulier et sensible de 3 cm en
moyenne.
Elle est fréquemment douloureuse. Il peut s'y
associer un écoulement le plus souvent lactescent,
parfois sanglant. Le plus souvent, elle se situe au
niveau des quadrants externes.
L'échographie est évocatrice en montrant de petits
kystes en périphérie d'une plage hypoéchogène sans
renforcement postérieur ni atténuation (fig. 20.10).
La mammographie peut objectiver des microcalcifications (dans trois cas sur quatre), au sein d'une surdensité mal limitée ou polylobée, et des nodules
confluents (fig. 20.11). Elle peut être normale en
cas de densité mammaire élevée.
347
Fig. 20.10 Échographie mammaire : regroupement de microkystes dans une zone focale hyperéchogène (papillomatose
juvénile).
Fig. 20.11 Mammographie de profil : asymétrie de densité à l'union des quadrants externes du sein gauche associée à des
microcalcifications sédimentées (papillomatose juvénile).
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348
Pathologie mammaire non malignes et sein masculin
La cytologie est inutile. La confirmation diagnostique peut être obtenue par prélèvements percutanés
(macrobiopsie recommandée ou microbiopsie). Le
résultat anatomopathologique aide à la prise en
charge de la patiente, en particulier la découverte
d'atypies cellulaires conduirait à une chirurgie. Cette
dernière est habituellement discutée dans le contexte
d'une papillomatose juvénile si la lésion est localisée
en raison d'un risque évolutif incertain ; en cas de
lésion étendue, elle peut être délicate et délabrante
chez des femmes jeunes, la surveillance est alors privilégiée. Après exérèse, des récidives sont possibles.
Stratégie globale [15] (fig. 20. 12)
Kystes
Kyste simple
Bi-Rads2
STOP
Sauf si douloureux
Cytoponction
Agglomérat demicrokystes
Bi-Rads 3
Surveillance
Discussion
papillomatose juvénile
(siège,calcifications
associées)
Kyste”atypique”
Kystecompliqué
Bi-Rads 3
Ponction ou
Surveillance4-6mois
Masse complexe
Bi-Rads4
Macrobiopsiesous écho
ou Microbiop.
Résultat Cytoponction
Malin ou atypie
Macrobiopsie sous écho
Fig. 20.12 Stratégie de prise en charge des kystes du sein.
Conclusion
Les mastodynies et masses palpables sont des causes
fréquentes de consultation. Elles génèrent beaucoup d'anxiété chez les patientes.
La prise en charge doit être adaptée en fonction de
l'âge et des antécédents. Elle doit dans tous les cas
comprendre de façon systématique un examen clinique soigneux.
Les prélèvements échoguidées sont néanmoins
indispensables dès le moindre signe de suspicion clinique et/ou en imagerie et en cas de résultat de
cytoponction non contributif ou non spécifique. La
mammographie est réalisée chez la femme âgée de
plus de 35 ans.
Les états fibrokystiques sont très fréquents et
doivent donc être bien connus. L'écoute des symptômes et un discours explicatif sur les éventuelles
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images décrites, leur potentiel évolutif permettront
le plus souvent de rassurer la patiente et éviteront la
répétition d'examens inutiles.
Points clés
• La pathologie fonctionnelle du sein est un motif fréquent
de consultation chez la femme jeune.
• Les principes de base de leur prise en charge reposent
sur une écoute attentive, un interrogatoire et un examen
clinique rigoureux.
• L'échographie est l'examen clé du diagnostic car la
mastopathie fibrokystique est fréquemment responsable
des signes fonctionnels décrits.
• La mammographie est systématique chez la femme
âgée de plus de 35 ans, même si la clinique et l'échographie sont négatives, dans le but de ne pas méconnaître un
cancer du sein sous-jacent.
• La prise en charge des lésions décrites en imagerie suit
les règles de leur classement BI-RADS avec une surveillance adaptée au classement final des anomalies.
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Chapitre 20. Prise en charge des pathologies fonctionnelles et des états fibrokystiques
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