ARTICLE ORIGINAL ORIGINAL ARTICLE J Pharm Clin 2007 ; 26 (2) : 123-30 Place et résultats de l’efficacité clinique du contenseur cardiaque CorCap® dans le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique Clinical evaluation of the CorCap® cardiac support device in patients with progressive heart failure C. BAUDET DROUILLARD1*, V. PHILIP1, L. LABROUSSE2 1 2 Pharmacie des dispositifs médicaux stériles, Hôpital Haut Lévèque, avenue de Magellan, 33604 Pessac <[email protected]> Bloc chirurgie cardiaque, Hôpital Haut Lévèque, avenue de Magellan, 33604 Pessac Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Résumé. Le dispositif CorCap® est un contenseur passif permanent placé autour du ventricule gauche, destiné à diminuer la tension pariétale et à redonner au cœur dilaté sa forme elliptique initiale chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque progressive. Il a pour but de limiter la dilatation ventriculaire gauche et de maintenir voire d’améliorer la fonction cardiaque du patient. C’est un filet biocompatible en polyester présentant un aspect tricoté et une conformabilité bidirectionnelle. Il est indiqué chez les patients adultes (18 ans ou plus) présentant une insuffisance cardiaque chronique de classe III ou IV (NYHA) associée à une dilatation ventriculaire gauche et sous traitement médical stable et optimal. Au CHU de Bordeaux, 43 patients ont bénéficié de la pose du contenseur CorCap® entre juin 2002 et mai 2006. Les patients opérés présentaient une moyenne d’âge de 56 ± 11 ans avec une insuffisance cardiaque datant de 4 ± 2 ans. La majorité des patients était en classe III (NYHA) et présentaient tous une diminution de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (24 ± 6 %). Au cours de la période de suivi (17 ± 5 mois), il a été recensé cinq décès précoces soit au cours de l’hospitalisation soit dans les 30 jours qui ont suivi l’intervention et quatre décès plus tardifs (> 3 mois). Chez tous les autres patients, il a été observé une amélioration des paramètres hémodynamiques, une amélioration de la classe NYHA et une amélioration de la qualité de vie des patients. Au vu de ces résultats, il apparaît que la mise en place du contenseur CorCap® présente un risque opératoire modéré et des bénéfices en terme de morbi-mortalité très encourageants. Les résultats à plus long terme permettront de positionner ce filet en thérapeutique complémentaire et/ou alternative aux traitements usuels de l’insuffisance cardiaque chronique. Mots clés : contenseur cardiaque, CorCap®, insuffisance cardiaque chronique, dilatation ventriculaire, fraction d’éjection ventriculaire gauche Abstract. The CorCap® Cardiac Support Device (CSD) is a passive permanent containment device placed around the heart in order to decrease the wall stress, and reshape the dilated heart from a spherical to a more ellipsoidal shape in patients with progressive heart failure. Its aim is to reduce the left ventricular dilatation, and optimize and/or improve cardiac function. This device is made of biocompatible mesh-like polyester fabric with a knit construction and a bidirectional compliance. Appropriate patients for CSD implantation are adults (18 years and over) with chronic systolic heart failure of ischemic or idiopathic cause, with left ventricular dilatation, NYHA Class III or IV, under permanent and optimal medical treatment. Between June 2002 and May 2006, 43 patients underwent implantations of a CSD at the Bordeaux Heart University Hospital. Mean age of these patients at the time of operation was 56 ± 11 years (yrs), with an history of heart failure dating from 4 ± 2 yrs. The majority of these patients were NYHA Class III, and all of them had a severely decreased left ventricular ejection fraction (mean 24 ± 4%). There were five early deaths attributed to operative mortality having taken place during the first 30 days after surgery, or during the initial hospitalization, and 4 late deaths over 3 months during the follow-up of 17 ± 5 months. In all survivors, hemodynamical parameters improved, as well as the NYHA Class and the Quality of Life. Consequently, it appeared that the CSD implantation involved a moderate operative risk, and that the benefits in terms of morbi-mortality were promising. Longer-term results are needed which only will allow to define the interest of this device as a complementary or alternative therapy to the current usual methods of treatment of the chronic heart failure. doi: 10.1684/jpc.2007.0057 Key words: containment device, CorCap®, progressive heart failure, ventricular dilatation, left ventricular ejection fraction * Correspondance et tirés à part : C. Baudet Drouillard J Pharm Clin, vol. 26, n° 2, juin 2007 123 C. Baudet Drouillard, et al. L’ Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. insuffisance cardiaque est un problème majeur de santé publique. Malgré les nombreux progrès réalisés dans la prise en charge médicamenteuse, la morbidité et la mortalité restent encore élevées. On estime que cette pathologie touche actuellement 500 000 à 1 000 000 de personnes en France et est à l’origine de près de 30 000 décès chaque année. Les formes sévères de la maladie (stade III et IV de la classification de la NYHA) représenteraient environ 10 % de cette population, soit 50 000 à 100 000 patients dont les deux tiers sont âgés de plus de 70 ans. Grâce aux mesures de prévention hygiéno-diététiques et aux progrès thérapeutiques, le taux de mortalité par insuffisance cardiaque a continuellement diminué ces 30 dernières années dans les pays occidentaux ; cependant 50 à 75 % des patients à un stade avancé de la maladie décèdent dans les 5 ans qui suivent l’apparition des premiers signes d’insuffisance cardiaque soit du fait de son aggravation, soit par mort subite. L'insuffisance cardiaque L’insuffisance cardiaque [1-3] se définit comme l’incapacité du cœur à assurer le débit sanguin nécessaire aux besoins métaboliques et fonctionnels des différents organes (cerveau, reins et tissus musculaires périphériques). Pour adapter au mieux le traitement de l’insuffisance cardiaque et apprécier son efficacité, l’état fonctionnel des malades doit être évalué en fonction d’une classification, dont la plus utilisée est celle de la New York Heart Association (NYHA). Elle repose sur l’appréciation de la capacité du patient à assurer une activité physique par rapport à sa propre capacité physique avant le début de la maladie, ou à la capacité considérée comme habituelle pour un individu du même âge, du même sexe et de corpulence identique. Un interrogatoire précis permet en général d’apprécier le statut fonctionnel du malade par référence aux définitions des 4 classes de la NYHA (figure 1). Signes cliniques-diagnostic Le diagnostic d’insuffisance cardiaque [1-4] repose sur la mise en évidence de signes cardio-respiratoires et la mesure de paramètres échocardiographiques. L’auscultation cardiaque et respiratoire montre en général : – une dyspnée d’effort qui survient pour des efforts importants dans un premier temps puis pour des efforts de plus en plus réduits au fur et à mesure de l’évolution de la maladie avec un risque d’œdème aigu du poumon ; – une dyspnée de décubitus ; – des œdèmes au niveau des membres inférieurs ; – un bruit de galop à l’auscultation cardiaque. L’échocardiographie permet d’évaluer la taille, la fonction ventriculaire gauche, le niveau des pressions de remplissage et les pressions pulmonaires. Les principaux paramètres échocardiographiques évalués sont : – la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) : c’est un facteur pronostique majeur évalué de façon stable et répétitive en échocardiographie. La relation entre FEVG et mortalité est largement démontrée dans l’insuffisance cardiaque. En cas d’insuffisance cardiaque prononcée la FEVG est inférieure à la normale (67 ± 8 %) ; 124 – la mesure du volume télédiastolique ventriculaire gauche dont la valeur est largement supérieure à la normale en cas d’insuffisance cardiaque (55 ± 10 mL/m2). Deux tests complémentaires peuvent confirmer le diagnostic d’insuffisance cardiaque : le test de marche pendant 6 minutes (distance parcourue < 500 m en cas d’insuffisance cardiaque) et l’épreuve d’effort avec mesure conjointe des gaz respiratoires (VO2 max < 75 % des valeurs théoriques rapportées au poids, au sexe et à l’âge en cas d’insuffisance cardiaque). Évolution et pronostic Le pronostic de l’insuffisance cardiaque [1-4] est étroitement lié au degré de sévérité de la maladie. Les patients en classe IV de la NYHA ont un très mauvais pronostic à court terme à l’opposé des patients asymptomatiques en classe I. La mortalité des patients en classe II à III de la NYHA est de l’ordre de 10 à 12 % par an, alors que celle des patients en classe III à IV de la NYHA est de l’ordre de 35 %. En cas d’insuffisance cardiaque aiguë, l’évolution tend vers un œdème aigu du poumon qui peut s’associer à un choc cardiogénique. L’évolution est le plus souvent rapidement mortelle si on n’utilise pas des techniques de suppléance (assistance circulatoire, transplantation ou correction chirurgicale de la fuite valvulaire). En cas d’insuffisance cardiaque chronique, l’évolution se fait par poussées, pouvant être signalées par une recrudescence de la dyspnée d’effort ou par des accidents de dyspnée de décubitus. Les complications pouvant survenir sont des infections pulmonaires pouvant provoquer un œdème pulmonaire, des accidents thrombo-emboliques veineux ou artériels, des troubles du rythme tels qu’une fibrillation auriculaire ou une mort subite par fibrillation ventriculaire. Le passage en insuffisance cardiaque globale est une modalité évolutive fréquente [5]. Traitements conventionnels de l'insuffisance cardiaque chronique La prise en charge thérapeutique de l’insuffisance cardiaque chronique [4, 6] s’est considérablement améliorée ces dernières décennies, notamment avec le développement de nouvelles techniques chirurgicales qui ont permis d’améliorer l’espérance de vie des patients. Cependant, un certain nombre de patients échappe aux traitements conventionnels ou n’y répond pas. Classification de la NYHA Classe I Classe II Classe III Classe IV Patient porteur d’une cardiopathie mais sans aucune réduction de l’activité physique. Légère limitation de l’activité physique. Aucune gêne au repos mais l’activité quotidienne ordinaire entraîne une fatigue, une dyspnée ou des palpitations. Limitation marquée des activités physiques. Il n’y a pas de gêne au repos mais une activité moins importante qu’à l’accoutumée provoque des symptômes. Impossibilité de poursuivre une activité sans gêne : les symptômes de l’insuffisance cardiaque sont présents, même au repos, et la gêne est accrue par toute activité physique. Figure 1. Classification de la NYHA. J Pharm Clin, vol. 26, n° 2, juin 2007 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Contenseur cardiaque CorCap® Le traitement médicamenteux représente la thérapeutique majeure au long cours de l’insuffisance cardiaque chronique. Il a pour but d’améliorer la symptomatologie et de limiter l’évolution de la maladie. Il est basé sur l’inactivation des systèmes de compensation neuro-hormonaux responsables de l’aggravation de l’insuffisance cardiaque. Actuellement, quatre grandes classes de médicaments ont leur place dans le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique : les diurétiques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), les bêtabloquants et les antialdostérones. Ils permettent de réduire le nombre d’hospitalisations et de réduire la mortalité. En cas d’échappement au traitement médicamenteux ou d’aggravation sous traitement, l’ultime recours reste la transplantation cardiaque. Bien qu’elle représente le meilleur traitement actuel (50 % de survie à 15 ans), elle présente cependant de nombreuses limites, liées au manque de greffons (300 par an en France) et aux effets indésirables qu’elle engendre. Les alternatives thérapeutiques au traitement médicamenteux et à la transplantation cardiaque ont pour but d’améliorer l’état clinique du patient et de retarder la transplantation voire même de la suppléer. L’insuffisance cardiaque est généralement le stade évolutif terminal d’une affection valvulaire, coronaire, myocardique voire congénitale ou acquise. Les interventions chirurgicales telles que la revascularisation (pontage coronarien), le remodelage ventriculaire ou les valvuloplasties (réparation ou remplacement valvulaire) permettent dans un premier temps de traiter la ou les lésions causales de l’insuffisance cardiaque et de ralentir son évolution. La resynchronisation atrio-biventriculaire (stimulateur triple chambre) est une technique assez complexe nécessitant une équipe médicale spécialisée et des locaux adaptés. L’une des voies d’avenir semble être l’association d’un stimulateur triple chambre à un défibrillateur automatique implantable pour pallier le risque de mort subite. Elle est indiquée pour les patients en classe III ou IV de la NYHA présentant un asynchronisme de contraction intraventriculaire ou une désynchronisation entre les deux ventricules [6-8]. L’assistance mono- ou biventriculaire trouve sa place pour les patients en stade terminal de l’insuffisance cardiaque (classe IV de la NYHA) en attente ou en remplacement d’une transplantation cardiaque. L’évolution tend vers des systèmes totalement implantables facilitant ainsi le retour à domicile et la reprise d’une activité quotidienne [8-10]. Nous avons ici choisi d’étudier une technique chirurgicale basée sur la mise en place d’un dispositif de contention passive : le contenseur cardiaque CorCap® et qui se pose en alternative thérapeutique chez les patients en classe II sévère, III ou IV de la NYHA, en association ou non à une resynchronisation cardiaque ou une chirurgie mitrale. Le contenseur cardiaque CorCap® est un implant permanent placé autour du ventricule destiné à limiter la dilatation ventriculaire associée à l’insuffisance cardiaque progressive. Cette action semble s’associer à une amélioration de la fonction cardiaque (figure 2) [8, 11] . Les traitements médicamenteux, tels que les bêtabloquants et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion agissent essentiellement sur cette voie neurohormonale, mais ne parviennent pas à stopper le processus de remodelage. Le but du contenseur cardiaque est d’exercer une contre pression sur la paroi ventriculaire en diastole, ce qui diminue la tension pariétale. Il se positionne donc en thérapeutique complémentaire des traitements médicamenteux. Les différentes études animales ont mis en évidence que : – il réduisait l’étirement myocardique et la tension pariétale ; – il fournissait un support diastolique ; – il stoppait le remodelage ventriculaire et améliorait l’index de sphéricité du ventricule. De manière plus ou moins attendue, à ces phénomènes s’associait une amélioration de la fonction cardiaque. Les études cliniques ont confirmé ces différents résultats en y associant une amélioration de la qualité de vie du patient. Le dispositif Acorn CorCap® est fabriqué par la société Acorn Cardiovascular Inc (Minnesota, États-Unis). C’est un dispositif médical de classe III (ses accessoires sont des dispositifs médicaux de classe IIa) et commercialisé en France au prix tarif de 5 600 euros HT. Il est constitué de fibres de polyester tricoté en panneaux rectilignes et de fils de suture non résorbables en polyester (figures 3 et 4). Les propriétés du tissage permettent à la maille de s’étirer plus facilement dans le sens de la longueur que dans celui de la largeur. Cette particularité de l’élasticité du tissage favorise un remodelage du cœur en forme elliptique plutôt qu’en forme sphérique. Le tissage a aussi été conçu pour résister au démaillage, à l’effilochage et à l’effrangement. Le dispositif est disponible en six tailles différentes afin de convenir au mieux à la taille du cœur des patients. Dégradation de la fonction cardiaque et dilatation ventriculaire tension pariétale Activation neurohormonale (SRAA...) Remodelage ventriculaire Étude de l'efficacité clinique du CorCap® au CHU de Bordeaux Présentation du dispositif- base théorique L’insuffisance cardiaque est un phénomène progressif aboutissant à un remodelage ventriculaire qui inclut une dilatation du cœur qui d’une forme elliptique devient sphérique en s’élargissant. Il est associé à une augmentation de la tension pariétale. J Pharm Clin, vol. 26, n° 2, juin 2007 CorCap Aggravation des symptômes de l’insuffisance cardiaque (classification NYHA, hospitalisations) Mort Figure 2. Mécanisme d’action du contenseur cardiaque CorCap. 125 C. Baudet Drouillard, et al. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Les principales caractéristiques du filet CorCap® sont : – une biocompatibilité à long terme même si une réaction fibreuse doit être envisageable ; – une conformabilité optimale : il ne doit pas être trop serré afin de ne pas réduire la fonction cardiaque ni trop large afin de servir de soutien ; – une conformabilité bidirectionnelle : il s’étire de façon plus longitudinale que transversale afin de redonner au cœur sa forme ellipsoïde initiale ; – une nature multifilamentaire qui lui permet d’exercer sur l’épicarde une pression uniforme et de ne pas comprimer les vaisseaux sanguins. Les critères actuels d’indication de ce dispositif incluent les patients adultes (âgés de 18 ans ou plus) présentant une cardiomyopathie dilatée, d’origine ischémique ou non, en stade II avancé ; III ou IV de la NYHA. Les patients doivent présenter une dilatation ventriculaire (dimension télédiastolique ventriculaire gauche indexée ≥ 30 mm/m2 ou dimension télédiastolique ventriculaire gauche ≥ 60 mm) diagnostiquée par échocardiographie et une FEVG < 35 %. De plus, les patients doivent être sous traitement médical optimal et stable depuis au moins Figure 3. Le contenseur cardiaque Acorn CorCap™. Figure 4. Détail du tissage. 126 3 mois (IEC ou autre médiament si intolérance aux IEC, diurétique au moins à la demande) et présenter des fonctions rénale, hépatique et pulmonaire acceptables. Le filet peut être implanté seul ou associé à d’autres gestes chirurgicaux tels qu’une revascularisation coronarienne (pontage coronarien) ou une annuloplastie de la valve mitrale. Dans tous les cas, un consentement éclairé doit être signé par le patient. Les principales contre-indications ou critères d’exclusion retenus sont : – contre-indication à une intervention chirurgicale cardiaque évaluée par le chirurgien (par exemple : lésion corpusculaire importante ou réserve cardiaque insuffisante) ; – cardiomégalie importante (diamètre cardiaque externe > 14,6 cm) dépassant la plus grande taille disponible de CorCap® ; – présence d’adhérences péricardiques ou épicardiques préexistantes rendant impossible l’accès au cœur ; – pontages coronariens préexistants ; – état fonctionnel de fin de classe IV de la NYHA nécessitant l’administration intraveineuse de médicaments inotropes ou un dispositif d’assistance ventriculaire gauche ; – cardiomyopathie hypertrophique obstructive ; – infection active ; – dérèglement diastolique primaire. Le dispositif est implanté par sternotomie. Après avoir incisé le thorax, l’épicarde est exposé par péricardiotomie. Une technique mini-invasive qui permet de réduire l’ouverture du thorax et d’apporter un meilleur confort pour le patient est en cours de développement au CHU de Bordeaux. La sélection de la bonne taille du dispositif passe par la mesure de la taille du cœur pendant l’intervention en mesurant le périmètre au niveau du sillon auriculoventriculaire et la longueur apex artère pulmonaire à l’aide d’une cordelette graduée. Le dispositif est positionné autour du cœur et fixé par des sutures non résorbables le long du sillon auriculo-ventriculaire. Les sutures doivent être espacées de 2 à 4 cm et le tissu ne doit pas se froisser ni se plisser entre les sutures. Une fois les sutures posées, le dispositif est ajusté en retirant l’excès de tissu. Il est alors entièrement en contact avec les parois ventriculaires pendant tout le cycle cardiaque. Cet ajustement final entraîne une légère diminution (au maximum 10 %) du diamètre ventriculaire gauche. L’échographie transœsophagienne (ETO) permet de vérifier que la diminution du volume télédiastolique ventriculaire gauche (VTDVG) reste inférieure à 10 % afin d’éviter un effet néfaste constrictif (figure 5). Pendant la pose du dispositif, les paramètres hémodynamiques du patient doivent être surveillés à l’aide d’une sonde de Swan Ganz. Les principaux évènements indésirables pouvant survenir suite à l’implantation du dispositif sont : des infections, une réduction du débit sanguin coronarien, une abrasion ou une érosion du dispositif, une réaction allergique au dispositif ou des complications arythmiques. Les différentes études précliniques et cliniques ont montré que l’implantation du CorCap® entraînait une réaction fibreuse très limitée du fait de la structure aérée du produit et qu’il n’y avait pas de relation directe entre l’implantation du CorCap® et la constriction physiologique observée. En effet, celle-ci peut être observée dès lors qu’un geste chirurgical est réalisé [11-17]. J Pharm Clin, vol. 26, n° 2, juin 2007 Contenseur cardiaque CorCap® Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Matériel et méthodes Au CHU de Bordeaux, 43 patients ont bénéficié de la pose d’un contenseur cardiaque CorCap® entre juin 2002 et mai 2006. Les critères d’inclusion et d’exclusion correspondaient aux indications et contre-indications définies plus haut. Le but de cette étude prospective a été d’évaluer les améliorations fonctionnelles et hémodynamiques ainsi que l’absence d’effets secondaires en postopératoire. Nous avons donc étudié les dossiers cliniques de ces patients et suivi les risques de morbi-mortalité. Les principaux paramètres étudiés sont ceux caractéristiques de l’insuffisance cardiaque : – évaluation des caractéristiques échographiques : volume télédiastolique ventriculaire gauche (VTDVG) et fraction d’éjection ventriculaire (FEV) gauche en pré et post opératoire ; – évolution de la classe NYHA ; – test de marche pendant 6 minutes ; – mesure de la VO2 max ; – morbidité et mortalité. Ces évaluations ont été réalisées avant et après l’intervention, puis à 3 mois, 6 mois, 12 mois, 18 mois et 24 mois. Résultats Patients La moyenne d’âge des patients était de 56 ± 11 ans (29-71 ans) et la majorité était de sexe masculin (34/9). La cause de l’insuffisance cardiaque était d’origine idiopathique (70 %) et ischémique (30 %). La durée moyenne de l’insuffisance cardiaque était d’environ 4 ans ± 2 ans avec entre 2 et 8 décompensations l’année précédente. En pré-opératoire, 70 % des patients étaient sous IEC et bêtabloquants et 44 % sous antialdostérone. Au niveau fonctionnel, la majorité des patients était en classe III de la NYHA (72 %) et les autres patients se répartissaient entre la classe II (13 %) et la classe IV (15 %), sachant que tous les patients en classe II étaient à un stade sévère susceptible de se dégrader rapidement. La VO2 max était de 13,3 mL/min/kg (8-22) et les résultats du test de marche à 6 minutes ont été de 422 ± 120 m (190-580 m). Six des patients souffraient d’une insuffisance rénale sévère et un patient était sous dialyse. La FEVG moyenne était de 24 ± 4 % (17-35 %) et l’évaluation échographique a montré un VTDVG moyen de 71 ± 8 mm (55-86 mm). Technique opératoire La durée moyenne de l’implantation du contenseur cardiaque a été de 43 ± 12 minutes (28-56 min) pour un temps total d’intervention de 192 ± 31 minutes (86-268 min). Les interventions ont eu lieu à cœur battant sans mise sous circulation extracorporelle (CEC) pour 40 % des patients. Pour les autres patients, la durée moyenne de la CEC a été de 74 ± 16 minutes (46-102 min). Le contenseur cardiaque a été posé seul sans geste associé chez 20 patients. Les 23 autres patients ont subi un geste chirurgical associé : 36 % ont subi une annuloplastie mitrale, 8 % une annuloplastie tricuspidienne, 5 % un remplacement valvulaire aortique, 27 % un pontage coronarien et 24 % la pose d’un stimulateur triple chambre (figure 6). Morbi-mortalité Pendant la période de suivi des patients 17 ± 5 mois [6-38] neuf décès ont été rapportés (soit 20,9 %) (tableau 1). Trois décès sont survenus précocement pendant le séjour à l’hôpital (choc hémorragique, choc cardiogénique et insuffisance surrénalienne). Deux patients sont décédés après l’hospitalisation initiale (< 30 J) d’un choc septique pour l’un et d’un bas débit cardiaque pour l’autre. Enfin, quatre décès tardifs sont survenus après trois mois (bas débit cardiaque), quatre mois (syndrome 1. Positionnement du filet 2. Ajustement 4. Résection du matériel en excès 5. Coupure longitudinale de renforcement 3. Coupure longitudinale 6. Implantation terminée Figure 5. Technique d’implantation. J Pharm Clin, vol. 26, n° 2, juin 2007 127 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. C. Baudet Drouillard, et al. de glissement) douze mois et quarante-deux mois (mort subite). En terme de morbidité, 40 % des patients ont dû recevoir des inotropes intraveineux en postopératoire, 26 % ont nécessité la pose d’un ballon de contre pulsion aortique, 8 % ont présenté des troubles du rythme et 4 % ont eu besoin d’une assistance ventriculaire droite-gauche suite à une décompensation cardiaque. La durée moyenne du séjour hospitalier a été de 26 ± 5 J [12-96] dont 8 ± 2 J [2-29] en unité de soins postopératoire. Discussion Paramètres hémodynamiques et fonctionnels L’évaluation des paramètres échographiques a montré une amélioration du VTDVG (71 ± 8 mm en préopératoire et 64 ± 8 mm en postopératoire) et de la FEVG (24 ± 6 % en préopératoire et 29 ± 7 % en postopératoire ; p < 0,05) ainsi qu’un reverse remodeling (retour à la forme initiale du cœur). Enfin, il a été observé une amélioration de la sévérité de l’insuffisance cardiaque avec un passage à un niveau Notre étude clinique a montré des résultats très encourageants puisque nous avons observé pour tous les patients survivants une amélioration des paramètres hémodynamiques (diminution du VTDVG et augmentation de la FEVG), des paramètres fonctionnels (stabilité de la classe NYHA ou passage à une classe inférieure) et une amélioration de la qualité de vie des patients. Le suivi à long terme des patients survivants continue à se faire dans la mesure où ils continuent à être suivis au CHU de Bordeaux. moins sévère de la classification NYHA pour une majorité des patients : douze patients sont passés de la classe III à la classe II ; trois patients de la classe III à la classe I ; deux patients de la classe IV à la classe II, un patient de la classe IV à la classe I et enfin un patient de la classe II à la classe I. Les douze autres patients sont restés dans la même classe : huit patients en classe III et quatre en classe II. Aucun patient n’est passé à un niveau plus sévère de la classification (figure 7). annuloplastie mitrale 24 % annuloplastie tricuspidienne 36 % remplacement valvulaire aortique pontage coronarien 27 % pose de sonde de pace maker (stimulateur triple chambre) 8% 5% Figure 6. Gestes chirurgicaux associés. Stade I Stade I N=1 N=4 Stade II Stade II N=3 N = 12 N=8 Stade III Stade III N=1 N=2 Stade IV Stade IV Figure 7. Évolution des patients en post-opératoire. 128 J Pharm Clin, vol. 26, n° 2, juin 2007 Contenseur cardiaque CorCap® Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Tableau 1. Causes des décès. Patient Délai avant décès Cause du décès 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Pendant séjour hôpital Pendant séjour hôpital Pendant séjour hôpital < 30 j < 30 j 3 mois 4 mois 12 mois 42 mois Choc hémorragique + ischémie Choc cardiogénique + ischémie Insuffisance surrénalienne + ischémie Bas débit en post-opératoire Choc septique Bas débit cardiaque Syndrome de glissement Mort subite Mort subite De plus, notre étude a montré que l’implantation du CorCap rend la chirurgie mitrale plus efficace le cas échéant, ce qui confirme les données de la littérature. Ces résultats sont tout à fait comparables à ceux des autres études cliniques réalisées et notamment l’étude Sécurité menée à l’Austin Repatriation Medical Center de Melbourne en Australie et à la Charity Universitätsklinikum de Berlin en Allemagne. Cette dernière étude avait pour but de définir les critères d’indication, d’évaluer l’amélioration fonctionnelle et hémodynamique et de vérifier l’absence d’effets secondaires. Cette étude a inclus 48 patients et il a été relevé 17 décès dont aucun n’était directement lié à l’implantation du dispositif : 8 décès peropératoires (dont 7 patients hors des critères actuels de sélection) et 9 décès à distance (mort subite, infarctus, pneumonie, cancer...). Chez tous les autres patients, il a été observé une amélioration de la FEVG (23,6 ± 8,0 à 29,9 ± 12,2 %), une diminution du VTDVG (72,8 ± 7,1 à 64,1 ± 10,6) et une amélioration du score NYHA (2,7 ± 0,5 à 1,7 ± 0,7) avec une amélioration de la qualité de vie. Ces résultats ont été observés aussi bien chez les patients n’ayant subi que l’implantation du CorCap® que chez les patients ayant subi une chirurgie concomitante à l’implantation du dispositif [18]. Les résultats des études Acorn européenne, australienne et américaine en cours de publication montrent des résultats équivalents [19-22]. L’étude Sécurité a réalisé une comparaison du nombre et de la durée des hospitalisations et de la prise en charge en unité de soins intensifs, avant l’intervention et un an après l’implantation. Elle a permis de constater que le dispositif Acorn CorCap® engendre une économie de 8,9 millions de dollars sur une durée de trois ans après son implantation chez 1 000 patients. De plus, l’implantation du CorCap® était moins risquée, moins invasive et plus économique que la chirurgie d’assistance ventriculaire gauche [23]. Conclusion L’insuffisance cardiaque chronique est un enjeu majeur de santé publique car elle atteint essentiellement les personnes âgées, population de plus en plus nombreuse. Elle nécessite un traitement de longue durée particulièrement onéreux pour les stades les plus graves de la maladie. Il est donc indispensable de limiter le passage des patients souffrant d’insuffisance cardiaque chronique J Pharm Clin, vol. 26, n° 2, juin 2007 vers les stades les plus sévères et notamment que les patients atteignent la fin du stade IV de la maladie. Ainsi, il est nécessaire de mettre à disposition des patients des moyens qui évitent la progression de la pathologie et qui améliorent sa symptomatologie. L’implantation du contenseur cardiaque CorCap® est une thérapeutique prometteuse dont les résultats ne cessent d’être confirmés par les différentes études cliniques en cours. En effet, il prévient la progression et favorise la régression vers les stades modérés et légers de cette maladie. Il améliore ainsi la qualité de vie des patients en leur permettant de retrouver une activité quotidienne proche de la normale. Pour cela, il est indispensable de respecter les critères de sélection afin d’éviter le recrutement de patients atteints d’insuffisance cardiaque au stade terminal pour lesquels le risque chirurgical est important. ■ Références 1. Cohen Solal A. Encyclopédie pratique du cœur-Insuffisance cardiaque. Clichy : Pfizer, 2001 : vol 1-2. 2. Schlant RC, Sonnenblick EH. Physiopathologie de l’insuffisance cardiaque. Le cœur. Paris : Masson, 2000, section B : 364-83. 3. Richard D, Dusouchet T, Fiot J. Insuffisance cardiaque : la pathologie de demain. Le Moniteur Hospitalier 2000 ; 124 : 16-22. 4. Juilliere Y. Recommandations de la Société européenne de cardiologie et spécificités françaises concernant le diagnostic et le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique. Arch Mal Coeur Vaiss 2002 ; 95 : 54-9. 5. Miller L. 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