dossier Évaluer l’état du foie en cas d’hépatite C : les méthodes non invasives Chez les patients atteints d’hépatite C et a fortiori chez ceux qui sont co-infectés VIH-VHC, la mesure de la fibrose du foie est capitale car elle permet d’évaluer le pronostic de la maladie hépatique et conditionne le traitement. Si la biopsie est longtemps restée l’examen de référence, diverses méthodes alternatives non invasives peuvent désormais être proposées aux patients, notamment à ceux qui sont atteints de troubles de la coagulation. Le Dr Jean-Charles Duclos-Vallée, hépatologue au centre hépato-biliaire de l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif et consultant pour le conseil scientifique de l’AFH, nous présente ces nouvelles techniques1. P our bien prendre en charge les patients atteints d’hépatite chronique C, il est essentiel d’évaluer l’atteinte hépatique en statuant à la fois sur le degré de fibrose du foie et sur l’activité inflammatoire. Chez les patients infectés par ailleurs par le VIH, la progression plus rapide de la fibrose exige une surveillance encore plus rapprochée. Les inconvénients de la biopsie Jusqu’à il y a moins de dix ans, la ponction biopsie hépatique (PBH) était la méthode de La biopsie peut donner une évaluation incorrecte selon l’endroit où on prélève à cause de la distribution hétérogène des lésions sur le foie. référence pour évaluer l’atteinte hépatique. Chez les patients atteints de troubles de la coagulation, elle est pratiquée avec anesthésie par voie transjugulaire, au niveau du cou2. Cela nécessite une hospitalisation d’au moins une journée et une substitution en facteurs antihémophiliques pendant plusieurs jours. Mais dans ces condi- tions, et si le patient ne présente pas d’inhibiteur, le risque d’apparition de complications hémorragiques reste faible, voire nul. Pourtant de nombreux centres refusent d’effectuer une biopsie chez les patients hémophiles. De plus, certains hôpitaux ne réalisent pas les PBH par voie transjugulaire. Par ailleurs, il faut savoir que la biopsie transjugulaire donne une évaluation incorrecte dans près d’1 cas sur 5. En effet, la distribution des lésions sur le foie étant hétérogène, on peut surévaluer ou sousévaluer l’activité inflammatoire et la fibrose selon l’endroit où on prélève (voir illustration ci-contre). Enfin, cette méthode est lourde pour les patients et très coûteuse. Aussi, la PBH reste aujourd’hui réservée à certains cas bien particuliers : par exemple lorsque l’efficacité du traitement est mise en doute (notamment chez les patients infectés par le génotype 1b), lorsqu’il existe des comorbidités (par exemple une consommation d’alcool importante), lorsqu’on soupçonne la trithérapie antirétrovirale d’être toxique pour le foie ou encore en suivi postgreffe hépatique. I Le développement de solutions alternatives Ces dernières années, de nouvelles méthodes non invasives ont été développées pour quantifier la fibrose et mesurer l’inflammation du foie. 䊳 Le Fibrotest/Actitest Le Fibrotest réalise un dosage de cinq marqueurs sériques simples (bilirubine totale, gGT, haptoglobine, a-2 macroglobine et apolipoprotéine A1). Il donne donc une indication sur le degré de fibrose (de F0 à F4). L’Actitest combine 1• Lire en complément « Le traitement de l’hépatite C chez les patients coinfectés », par le Dr J.-C. Duclos-Vallée, paru dans le n° 172 de la revue (décembre 2005). 2• Contrairement à la biopsie par voie transpariétale, pratiquée au niveau des côtes. Hémophilie 177 • Mars 2007 17 Science et médecine Dossier médical Mesurer la fibrose : de F0 à F4 La fibrose s’évalue sur une échelle allant de F0 (pas de fibrose) à F4 (cirrhose). L’évolution vers la cirrhose – affection grave du foie entraînant des anomalies de fonctionnement – peut se faire sur vingt à trente ans. On parle de cirrhose compensée lorsque le foie continue à assurer l’essentiel de ses fonctions. En cas de cirrhose décompensée, des complications importantes apparaissent (hémorragie digestive, troubles neurologiques…), et nécessitent une prise en charge médicale d’urgence. Le Fibrotest/Actitest permet d’évaluer le score METAVIR qui donne une indication sur l’activité virale dans le foie (A1, A2, A3) et sur l’état de fibrose du foie (F1, F2, F3, F4). lui les marqueurs du Fibrotest et les ALAT (transaminases) afin de donner un index d’activité (de A0 à A3). L’utilisation du Fibrotest permettrait d’éviter la biopsie hépatique dans près de 50 % des cas. Néanmoins, cette technique nécessite une analyse critique des résultats dans leur ensemble. L’existence d’une hémolyse (diminuant le taux d’haptoglobine), d’une maladie de Gilbert (augmentant le taux de bilirubine), d’une cholestase ou d’une inflammation aiguë peuvent être à l’origine de faux positifs. D’autres alternatives ont été proposées : par exemple le Forns, qui associe l’activité de la gGT, le taux de cholestérol, le taux de plaquettes et l’âge ; ou l’APRI, qui mesure le rapport entre l’activité sérique de l’aspartate aminotransferase et le taux de plaquettes. 3• Excès de liquide entre les deux membranes du péritoine (abdomen). 4• Pour un examen par Fibrotest, 50 euros sur 90 restent à la charge du patient. En revanche, FibroScan est intégralement pris en charge par l’hôpital. 䊳 Le FibroScan ou élastométrie Le FibroScan (Echosens TM) est une approche physique directe qui permet, à l’aide d’une sonde d’échographie modifiée, d’évaluer la fibrose hépatique en mesurant le degré d’élasticité du foie : plus le foie est dur, plus la fibrose est importante. Cette méthode peu coûteuse est prise en charge par l’hôpital. De plus, elle est indolore et rapide : le test dure cinq minutes et peut être réalisé par une infirmière. Une dizaine de mesures sont réalisées ; la moyenne de ces mesures donne le résultat. L’appareil A partir d’une onde de choc envoyée dans le foie, le FibroScan mesure son élasticité. C’est le principe de l’élastométrie. 18 Hémophilie 177 • Mars 2007 est désormais présent dans la plupart des centres hospitaliers. Quelques réserves cependant : 1 fois sur 30, le test échoue sans raison déterminée. De plus, le FibroScan n’est pas probant sur les patients maigres, obèses ou avec de l’ascite3. En revanche, ce test a un intérêt particulier pour poser l’indication d’un traitement. Et chez les patients qui suivent déjà un traitement antiviral C, il peut évaluer la régression de la fibrose même en l’absence de diminution de la charge virale. Par ailleurs, il permet d’évaluer la vitesse d’évolution de la fibrose, ce qui est particulièrement utile chez les patients co-infectés. Enfin, il a une excellente performance pour le diagnostic de fibrose sévère et de cirrhose. La combinaison des deux approches élastométrie et Fibrotest/Actitest est particulièrement interessante puisqu’elle offre les meilleures performances, non seulement pour le diagnostic de fibrose significative (F ≥ 2), mais aussi de fibrose sévère (F3 et F4)4. En conclusion Ces avancées extrêmement importantes réalisées dans la mesure non invasive de la fibrose hépatique, en particulier chez les patients atteints d’hépatite C, permettent, dans une très grande majorité des cas, d’éviter la biopsie hépatique. En outre, la pratique de ces tests est d’une grande utilité pour le suivi des patients, non seulement pour faire le pronostic de la maladie, mais aussi pour suivre l’impact d’un traitement sur la régression éventuelle de fibrose chez les patients sous thérapie antivirale.