É D I T O R I A L Tests non invasifs de fibrose : vive le printemps ! ● P. Sogni1, J.F. Cadranel2, P. Mathurin3 T elle la végétation qui, brutalement, se développe au printemps, les tests non invasifs de fibrose ont vu leur nombre se multiplier. De nombreuses publications se 1. Service d’hépato-gastroentérologie, hôpital Cochin et faculté de médecine Paris-V, Paris. 2. Service d’hépato-gastroentérologie, centre hospitalier Laennec, Creil. 3. Service d’hépato-gastroentérologie, hôpital Claude-Huriez, Lille. succèdent (tableau), ne dépassant parfois pas la durée d’un congrès, combinant différents dosages biochimiques ou d’autres méthodes en des algorithmes plus ou moins complexes. Ces congrès ne sont pas obligatoirement ceux de notre spécialité et, parfois, nos collègues internistes ou infectiologues, ou des patients informés par Internet, nous demandent un avis sur le dernier test présenté, par exemple au dernier congrès de la CROI, et qui serait le meilleur chez Tableau. Exemples de tests non invasifs de fibrose utilisés dans l’hépatite C. Tests Références n Score histologique Aire sous la courbe (histologie) Variables FibroTest (1) 339 Métavir 0,84-0,87 (F0-F1/F2-F3-F4) âge, sexe, γGT, bilirubine totale, haptoglobine, α2-macroglobuline, apolipoprotéine A1 FibroTest (2) 352 Métavir 0,73-0,76 (F0-F1/F2-F3-F4) 0,73-0,76 (F0-F1-F2/F3-F4) âge, sexe, γGT, bilirubine totale, haptoglobine, α2-macroglobuline, apolipoprotéine A1 FibroTest* (3) 130 Métavir 0,86 (F0-F1/F2-F3-F4) âge, sexe, γGT, bilirubine totale, haptoglobine, α2-macroglobuline, apolipoprotéine A1 Forns (4) 476 Métavir 0,81-0,86 (F0-F1/F2-F3-F4) âge, γGT, cholestérol, plaquettes, TP APRI (5) 270 Ishak 0,82-0,88 (0-2/3-6) plaquettes, ASAT, phosphatases alcalines FibroSpect (6) 294 Métavir 0,83 (F0-F1/F2-F3-F4) acide hyaluronique, TIMP-1, α2-macroglobuline SB-153 (7) 496 Sheuer 0,77 (0-2/3-4) âge, acide hyaluronique, PIIINP, TIMP-1 MP3 (8) 194 Métavir 0,82 (F0-F1/F2-F3-F4) MMP-1, PIIINP FIB-4* (9) 832 Ishak 0,76 (0-3/4-6) âge, ASAT, ALAT, plaquettes FibroScan (10) 327 Métavir 0,79 (F0-F1/F2-F3-F4) 0,91 (F0-F1-F2/F3-F4) Élastométrie FibroScan (11) 183 Métavir 0,88 (F0-F1/F2-F3-F4) 0,95 (F0-F1-F2/F3-F4) Élastométrie * Coïnfectés VIH-VHC. PIIINP : peptide N-terminal du procollagène de type 3 ; TIMP-1 : inhibiteur tissulaire des métalloprotéinases de type 1 (MMP-1). La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VIII - mai-juin 2005 95 É D I T O R les patients coïnfectés VIH-VHC. Bien malin celui qui s’y retrouve, bien malin celui qui peut avoir une expérience personnelle pour tous ces tests, autre que celle de l’analyse de la littérature. POURQUOI DES TESTS NON INVASIFS DE FIBROSE ? À de multiples reprises, les limites de la biopsie du foie ont été rappelées. Il s’agit d’un test invasif, donc à risque, coûteux, car il nécessite une hospitalisation, et entaché d’un certain nombre d’erreurs liées à l’échantillonnage, à la répartition hétérogène des lésions et aux différences interobservateurs. Ces limites sont maintenant bien connues et acceptées par les hépatogastroentérologues. Elles sont intégrées dans leur raisonnement diagnostique ou thérapeutique. De même, les tests biochimiques de fibrose ont des limites qui leur sont propres. Elles peuvent être liées soit aux fluctuations des techniques de dosage, soit à leur manque de spécificité quant à la pathologie du foie et à la fibrose. Les querelles entre “anciens” et “modernes” d’il y a 2 à 3 ans apparaissent maintenant comme d’une autre âge. Le problème n’est plus entre “toujours” et “jamais” mais entre “quand” et “pourquoi”. En effet, en dehors de l’hépatite C, la biopsie du foie reste indiquée habituellement pour faire le point au cours de la pathologie alcoolique du foie, du syndrome dysmétabolique ou de l’hépatite chronique B, par exemple. De même, au cours de l’hépatite C, l’indication de la biopsie du foie n’a pas disparu en cas de test non invasif non concluant ou de circonstances particulières (coïnfection, alcool associé, post-transplantation, etc.), finalement fréquentes. I A L ments pour ne pas traiter maintenant ? Ce test s’inscrit-il dans le bilan initial de la maladie de ce patient ou vient-il dans le suivi après plusieurs biopsies du foie ? Toutes ces questions procèdent d’un raisonnement différent. La biopsie du foie pouvait apporter une réponse pour l’ensemble de ces questions. Un test non invasif de fibrose devrait pouvoir également le faire. Ces différents tests non invasifs ont des aires sous la courbe assez comparables entre elles et pour différents degrés d’évolution de la maladie hépatique, même si la concordance est souvent meilleure aux deux extrêmes de la maladie, fibrose minime et cirrhose. Une des difficultés est que ces données, validées sur des populations plus ou moins nombreuses et homogènes, sont utilisées pour des prises de décisions à l’échelle individuelle. QUEL EST LE RISQUE D’UN TEST NON INVASIF DE FIBROSE ? Un test non invasif de fibrose est également à risque. Le risque n’est pas du même ordre que celui de la biopsie du foie. En effet, la réalisation d’une biopsie du foie nécessite d’abord un point complet de la pathologie, un examen clinique et la réalisation d’un certain nombre d’examens biochimiques ou d’imagerie préalables, analysés ensuite par un médecin qui en a l’expérience et qui en fera la synthèse pour pouvoir proposer la biopsie du foie. Cette biopsie, il en a la pratique, il en connaît les risques et, parfois, il a eu à en gérer les complications. Le risque du test non invasif de fibrose est que sa simplicité le ramène au rang de test de débrouillage et qu’il est regardé d’un œil peu exercé et pressé. Finalement, ce risque n’est pas lié au test, mais au médecin qui l’utilise. NAISSANCE, VIE (ET MORT) D’UN TEST NON INVASIF DE FIBROSE À L’AVENIR Le point de départ est une population homogène de patients atteints d’hépatite C dont les résultats de biopsies sont connus et chez qui a été recherché un certain nombre de données biochimiques correspondant à des marqueurs de la matrice extracellulaire soit directs (acide hyaluronique, MMPS et TIMPS, PIIINP, collagène IV, laminine, etc.), soit indirects (plaquettes, TP, etc.). La suite passe par la sélection des variables d’intérêt et par la constitution d’un algorithme correspondant (régression logistique). En ayant obtenu ce test à partir de données rétrospectives, le but est de le valider par des données prospectives, puis d’en obtenir la consécration par une validation externe. À partir de là, les aléas de la postérité vont dépendre, certes, de la qualité du test, de sa simplicité et de l’abondance des publications, mais aussi de la force de conviction de ses promoteurs. QUEL TEST POUR QUELLE QUESTION ? À quelle question veut-on répondre en proposant un test non invasif de fibrose à ce patient atteint d’hépatite chronique C ? S’agit-il de rechercher une maladie évoluée (F2, F3, F4), voire une cirrhose (F4), et donc de poser une indication thérapeutique, ou au contraire de rechercher une hépatite minime (F0, F1) et d’avoir des argu96 L’avenir des tests non invasifs de fibrose doit s’orienter dans quatre directions : – premièrement, après une phase de multiplication du nombre des tests, une phase d’internationalisation de quelques-uns des survivants, comme pour les scores histologiques, qui, bien qu’imparfaits, ont permis de parler une langue commune aux quatre coins de la planète hépatologique ; – deuxièmement, la validation d’algorithmes décisionnels intégrant ces tests non invasifs passe non seulement par leur comparaison mais également par leur association. À cet égard, l’association de deux types de tests, comme les tests biochimiques directs et indirects, ou les tests biochimiques et les tests physiques (élastométrie), semble ouvrir des voies prometteuses ; – troisièmement, ces tests devraient être suffisamment sensibles pour permettre d’apprécier l’évolution de la maladie mais aussi, au vu des progrès thérapeutiques, la régression de la fibrose, notamment lorsque le malade en est au stade de cirrhose ; – quatrièmement, l’un des buts de ces tests non invasifs pourrait être également d’apporter une réponse plus en amont, au niveau du dépistage de l’atteinte hépatique d’une maladie du foie, dépassant l’hépatite C et englobant le problème majeur de santé publique que représente l’alcool en France. La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VIII - mai-juin 2005 É D I T O R I Finalement, un test non invasif de fibrose pour tout faire dans tous les cas et pour toutes les maladies du foie, n’est-ce pas utopiste ? Même Albert Einstein n’a jamais pu aboutir à une théorie globale tenant compte de toutes les lois de la physique. En 2005, cent ans après l’élaboration de la théorie de la relativité, nous n’y sommes pas encore. Est-ce vraiment souhaitable pour l’hépatologie ? ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Imbert-Bismut F, Ratziu V, Pieroni L et al. Biochemical markers of liver fibrosis in patients with hepatitis C virus infection: a prospective study. Lancet 2001;357:1069-75. 2. Poynard T, McHutchison J, Manns M et al. Biochemical surrogate markers of liver fibrosis and activity in a randomized trial of peginterferon alfa-2b and ribavirin. Hepatology 2003;38:481-92. 3. Myers RP, Benhamou Y, Imbert-Bismut F et al. Serum biochemical markers accurately predict liver fibrosis in HIV and hepatitis C virus co-infected patients. AIDS 2003;17:721-5. 4. Forns X, Ampurdanes S, Llovet JM et al. Identification of chronic hepatitis C patients without hepatic fibrosis by a simple predictive model. Hepatology 2002; 36:986-92. 2005 A L 5. Wai CT, Greenson JK, Fontana RJ et al. A simple noninvasive index can predict both significant fibrosis and cirrhosis in patients with chronic hepatitis C. Hepatology 2003;38:518-26. 6. Patel K, Gordon SC, Jacobson I et al. Evaluation of a panel of non-invasive serum markers to differenciate mild from moderate-to-advanced liver fibrosis in chronic hepatitis C patients. J Hepatol 2004;41:935-42. 7. Rosenberg WMC, Voelker M, Thiel R et al. Serum markers detect the presence of liver fibrosis: a cohort study. Gastroenterology 2004;127:1704-13. 8. Leroy V, Monier F, Bottari S et al. Circulating matrix metalloproteinases 1, 2, 9 and their inhibitors TIMP-1 and TIMP-2 as serum markers of liver fibrosis in patients with chronic hepatitis C: comparison with PIIINP and hyaluronic acid. Am J Gastroenterol 2004;99:271-9. 9. Sterling R, Lissen E, Clumeck N et al. Can routine non-invasive tests predict liver histology in HIV/HCV co-infection? Analysis of patients entering the AIDS PEGASYS Ribavirin International Co-infection Trial (APRICOT). 12th CROI, Feb 22-25, Boston ;A120. 10. Ziol M, Handra-Luca A, Kettaneh A et al. Noninvasive assessment of liver fibrosis by measurement of stiffness in patients with chronic hepatitis C. Hepatology 2005;41:48-54. 11. Castera L, Vergniol J, Foucher J et al. Prospective comparison of transient elastography, Fibrotest, APRI, and liver biopsy for the assessment of fibrosis in chronic hepatitis C. Gastroenterology 2005;128:343-50. CESSIM 2005 CESSIM : La Lettre de l’hépato-gastroentérologue sur le podium ! Les résultats annuels du CESSIM, organisme de mesure d’audience auprès des médecins spécialistes libéraux des revues médicales viennent d’être publiés. La Lettre de l’hépato-gastroentérologue 1re (sur 13 revues)* * Revue qui remplit les conditions minimum de classement édictées par le CESSIM La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VIII - mai-juin 2005 97