Génétique et maladie de Parkinson S. Thobois* Formes autosomiques récessives PARK 2 Ces formes de maladie de Parkinson ont été décrites initialement au Japon, il y a plusieurs dizaines d’années mais ont, depuis, été rapportées de façon ubiquitaire (8, 9). Cliniquement, la maladie débute en général avant 30 ans, parfois avant 20 ans (formes juvéniles). La présentation clinique associe à la triade parkinsonienne classique des éléments sémiologiques plus caractéristiques tels qu’une dystonie focale, des réflexes ostéo-tendineux vifs, un bénéfice majeur du sommeil et une grande dopasensibilité avec apparition précoce de dyskinésies (10). La symptomatologie parkinsonienne est en général symétrique. L’évolution est très lente, pouvant se faire sur 40 ans, et le handicap, proportionnellement à une maladie de Parkinson idiopathique de durée d’évolution identique, est moins important. Histologiquement, il existe également des particularités par rapport à la maladie de Parkinson puisque, si on constate une dégénérescence nigrostriée massive, on ne note pas de corps de Lewy (11). Ce “ dogme ” de l’absence de corps de Lewy vient néanmoins d’être remis en cause par une publication récente (12). Sur le plan génétique, il a été démontré que ces formes autosomiques récessives sont en rapport avec des mutations * Hôpital neurologique P. Wertheimer, service de neurologie D, Lyon. Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 6, juin 2002 variables d’un gène situé sur le bras long du chromosome 6 et codant pour une protéine appelée Parkin (13). Une étude récente a montré que cette mutation concerne également des cas sporadiques à début précoce (d’autant plus que l’âge de début est inférieur à 30 ans), mais aussi des cas à début plus tardif dont le phénotype n’est pas différent de celui d’une maladie de Parkinson (14, 15). Sur le plan métabolique, on retrouve, en tomographie par émission de positons en utilisant un marqueur présynaptique de la voie dopaminergique nigrostriée, la 18F-dopa, que la réduction de capture striatale est superposable à celle observée dans la maladie de Parkinson et prédomine donc dans le putamen (16). L’action exacte de la protéine Parkin n’est actuellement pas connue, mais elle jouerait un rôle dans la dégradation de substrats spécifiques en les “ ubiquitinant ” mais aussi, peut-être, dans le transport de substances entre le cytoplasme et les synapses (17). Cette protéine est, par ailleurs, retrouvée de façon diffuse dans le cerveau et est localisée dans les neurones (18). PARK 6 Récemment, un nouveau locus pour les formes autosomiques récessives de maladie de Parkinson a été mis en évidence (en effet, 50 % environ de ces formes autosomiques récessives ne sont pas associées à des mutations du gène Parkin). Ce locus est situé sur le chromosome 1 et a été identifié dans une famille sicilienne (19). Cliniquement, ces formes débutent vers 35 ans et comportent une triade parkinsonienne asymétrique, des réflexes ostéo-tendineux L a maladie de Parkinson représente l’une des affections neurodégénératives les plus fréquentes, affectant 1 à 2 % de la population générale après 65 ans (1). Les mécanismes physiopathologiques qui conduisent à la mort neuronale par apoptose sont multiples et complexes (2). Du point de vue étiologique, deux grands types de facteurs sont incriminés et probablement associés dans la maladie de Parkinson (3). Il s’agit des facteurs environnementaux et des facteurs génétiques. Les facteurs génétiques ont été évoqués depuis de nombreuses années avec l’étude des cas familiaux de maladie de Parkinson et des jumeaux atteints de la maladie (4, 5). La compréhension des facteurs génétiques a récemment bénéficié de la mise en évidence en biologie moléculaire de plusieurs mutations responsables de formes familiales de maladie de Parkinson, dont le phénotype est plus ou moins proche de la maladie de Parkinson sporadique (6, 7). Nous détaillerons tout d’abord les formes autosomiques récessives et dominantes pour lesquelles un mode de transmission mendélien peut être clairement établi. Ensuite seront abordées les données concernant le polymorphisme de gènes codant pour des enzymes détoxifiants, qui peuvent être impliqués dans la physiopathologie des cas sporadiques de maladie de Parkinson. 125 Actualités Actualités parfois vifs, une bonne dopasensibilité, des dyskinésies précoces et une évolution lente. Il n’y a pas de déclin cognitif, ni d’atteinte cérébelleuse ou pyramidale (20). La présentation est donc intermédiaire entre une maladie de Parkinson idiopathique et les formes Parkin. PARK 7 Cliniquement, les patients sont proches de ceux porteurs de la mutation Parkin ou PARK 6 (21). L’âge moyen de début est de 32 ans. La réponse à la dopa est bonne et prolongée et la progression est lente. Une dystonie focale, ou des troubles psychiatriques et comportementaux initiaux ont été rapportés. La mutation se situe sur le chromosome 1p36, mais le gène n’est pas connu. Aucune donnée anatomopathologique n’est disponible. Formes autosomiques dominantes Elles ont été les premières à bénéficier de la mise en évidence de mutations. Elles sont, en revanche, beaucoup plus rares que les formes Parkin. On en distingue plusieurs types. PARK 1 Une grande famille italo-américaine, originaire de la ville de Contursi en Italie, a été décrite il y a douze ans (22, 23). Par la suite, douze autres familles ont été rapportées mais cette mutation est rare et n’a été retrouvée que dans une famille sur 230 (24). Cliniquement, l’âge de début se situe autour de 45 ans, l’évolution est assez rapide vers le décès (9 ans), le tremblement est plus rare et les cas de démence plus fréquents que dans la maladie de Parkinson. La réponse à la dopa est bonne initialement (22). Néanmoins, la présentation clinique peut être polymorphe et inclure des myoclonies, une hypotension, une incontinence urinaire et une hypoventilation d’origine centrale (25). Sur le plan histologique, les lésions sont proches de celles de la maladie de Parkinson avec présence de corps de Lewy (22). Les lésions peuvent également être plus étendues avec gliose et perte neuronale au niveau des noyaux gris centraux (25). Sur le plan génétique, la transmission est autosomique dominante et la mutation a été trouvée au niveau du chromosome 4. Le gène appelé PARK 1 code pour une protéine : l’α-synucléine (26, 27). Plusieurs mutations différentes ont été individualisées (27, 28). Le rôle de cette protéine, fortement représentée dans les corps de Lewy, est mal connu. L’α-synucléine est également retrouvée dans d’autres affections neurodégénératives (maladie de Parkinson idiopathique, maladie d’Alzheimer, atrophies multisystématisées, sclérose latérale amyotrophique…) mais avec une topographie lésionnelle différente. PARK 3 Un nouveau locus a été mis en évidence dans plusieurs familles européennes. Ce locus est situé sur le chromosome 2 et est appelé PARK 3 (29). Le phénotype est superposable à celui de la maladie de Parkinson avec un début vers 60 ans. Dans certains cas, on note une démence associée au syndrome parkinsonien. Le gène n’est pas connu, la protéine en cause non plus. Histologiquement, on retrouve des corps de Lewy mais également la présence de plaques neurofibrillaires et de plaques amyloïdes (29). La pénétrance n’étant que de 40 %, cette mutation pourrait jouer un rôle dans des formes sporadiques. PARK 4 La présentation clinique de ces patients est proche de celle de la maladie de Parkinson, notamment la bonne réponse à la dopa. Toutefois, l’âge de début est plus précoce (34 ans en moyenne), il existe une perte de poids, une dysautonomie, une démence précoce et une évolution rapide (30). Certains membres de ces familles peuvent avoir uniquement un tremblement d’attitude. Sur le plan histologique, on retrouve une dégénérescence nigrale, des corps de Lewy mais également des vacuoles dans l’hippocampe et d’autres régions cérébrales. Sur le plan génétique, la mutation a été localisée sur le chromosome 4 en position 4p15, mais le gène n’est pas connu (31). Parkinson associé à une mutation du gène de l’ubiquitin hydrolase L1 (UCH-L1) La mutation est localisée sur le chromosome 4 en position 4p14-15.1 (en dehors du site décrit pour les formes PARK 4) (32). Cette mutation réduit l’activité enzymatique de l’ubiquitin hydrolase in vitro. Un déficit de l’“ ubiquitination ” des protéines devrait aboutir à la formation d’inclusions intracellulaires pathogènes. Le début des troubles apparaît vers 50 ans. Nous ne disposons pas de données histologiques concernant cette famille. Le tableau ci-dessous rassemble toutes les données génétiques mentionnées précédemment. Tableau. Gènes responsables des formes familiales de maladie de Parkinson. Gène α-synucléine (PARK 1) ? (PARK 3) ? (PARK 4) UCH-L1 ? (PARK 8) Parkin (PARK 2) ? (PARK 6) ? (PARK 7) Locus Transmission Corps de Lewy 4q21-q23 2p13 4p15 4p14-15.1 12p11.2-q13.1 6q25.2-q27 1p35-p36 1p36 AD AD AD AD AD AR AR AR + + + ? ? ? 126 Actualités Actualités PARK 8 Il s’agit du dernier locus identifié concernant ces formes autosomiques dominantes de maladie de Parkinson (33). Cette famille, d’origine japonaise, a été décrite en 1978 (34). Cliniquement, l’âge de début est de 51 ans, les signes moteurs sont latéralisés au début et la réponse à la L-dopa est bonne. Il n’y a pas de corps de Lewy. Le locus a été très récemment identifié en position 12p11.2-q13.1 (33). Contribution génétique aux cas sporadiques de maladie de Parkinson Dans ce cas, il s’agit de déterminer des facteurs de susceptibilité favorisant, en association avec des facteurs environnementaux, le développement de la maladie. De nombreux gènes candidats codant pour des enzymes impliqués, par exemple, dans la détoxication de substances neurotoxiques, ont été étudiés. L’objectif est de mettre en évidence un lien éventuel entre le polymorphisme de ces gènes et la survenue de la maladie. Le gène de la debrisoquine 4-hydrolase, CYP2D6, qui code pour un enzyme du cytochrome P450, a été particulièrement étudié. Les résultats sont inconstants d’une étude à l’autre, ne permettant pas de conclure sur un lien éventuel de tel allèle avec la maladie de Parkinson (35). D’autres études de polymorphisme de gènes détoxifiants ont aussi abouti à des résultats contradictoires : il s’agit notamment, et sans être exhaustif, des études de gènes codant pour la N-acétyltransférase, la monoamine-oxydase B (MAO-B), la catéchol-o-méthyl-transférase (COMT) ou des enzymes intervenant dans le stress oxydatif de la dopamine (36-39). Le rôle du polymorphisme de l’apolipoprotéine E a également été étudié. Il ne semble pas y avoir de lien entre maladie de Parkinson et présence de l’allèle E4 (40). En revanche, il existerait peut-être un risque accru de maladie de Parkinson Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 6, juin 2002 avec certaines combinaisons du génotype de l’apolipoprotéine E et de l’αsynucléine ou du CYP2D6 (41, 42). En conclusion, ces études de gènes candidats n’apportent, aujourd’hui, que des réponses parcellaires et parfois contradictoires qu’il faudra donc confirmer ou infirmer dans des études complémentaires. Conclusion Dans les rares formes familiales de maladie de Parkinson, les progrès récents de la génétique ont permis d’identifier plusieurs gènes ou locus responsables, en cas de mutations, d’entités cliniques dont le phénotype et les lésions histopathologiques sont plus ou moins proches de la maladie de Parkinson sporadique. À l’inverse, les questions restent nombreuses concernant les facteurs de risque des formes sporadiques, de loin les plus fréquents, de la maladie de Parkinson. Références 1. de Rijk MC, Tzourio C, Breteler MM et al. Prevalence of parkinsonism and Parkinson’s disease in Europe : the EUROPARKINSON collaborative study. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1997 ; 62 : 10-5. 2. Foley P, Riederer P. Influence of neurotoxins and oxidative stress on the onset and progression of Parkinson’s disease. J Neurol 2000 ; 247 (suppl. 2) : 82-94. 3. Broussolle E, Thobois S. Génétique et facteurs environnementaux de la maladie de Parkinson. Rev Neurol (Paris) 2002, sous presse. 4. 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