Synthèse Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2006 ; 4 (no spécial 1) : S5-S10 La maladie de Parkinson évoluée Advanced Parkinson’s disease MARC ZIÉGLER Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 23/05/2017. Unité James Parkinson, Hôpital Léopold Bellan, Paris <[email protected]> Résumé. Le stade de maladie de Parkinson évoluée est atteint en moyenne après 10 ans d’évolution mais parfois après 30 ans. À ce stade, le handicap est important. Sur le plan moteur, les signes axiaux sont prédominants : troubles de la marche, troubles de la posture avec inclinaison du rachis, chutes, troubles de la parole et plus tardivement troubles de la déglutition. Des fluctuations d’efficacité de la L-Dopa et des dyskinésies parfois très invalidantes peuvent être observées chez certains patients, posant de difficiles problèmes thérapeutiques. Elles peuvent nécessiter l’emploi de pompe à apomorphine ou de perfusion intra-duodénale de L-Dopa. Les troubles cognitifs sont inconstants, ils peuvent être absents lorsque la maladie a débuté tôt. Lorsqu’ils existent, ils se manifestent par des hallucinations, des périodes de confusion, des idées délirantes ou un état démentiel. À ce stade de l’évolution, les troubles dysautonomiques sont habituels : hypersalivation, troubles digestifs, urinaires, amaigrissement. Le traitement de la maladie de Parkinson évoluée oblige parfois à l’utilisation de contradictions pharmacologiques, par exemple : pompe à apomorphine et clozapine. Mots clés : maladie de Parkinson, stade de Hoehn et Yahr, L-Dopa, démence, chutes Abstract. The stage of advanced Parkinson’s disease usually occurs 10 years after the diagnosis but sometimes after 30 years. It is characterized by a severe handicap with gait disorders, posture changes, speech abnormalities and deglutition perturbations. Cognitive disorders (hallucinations, delirium, delusions, dementia) did not occur in all patients. Dysautonomic disorders are usual. Treatment is difficult and may include paradoxical prescriptions such as both apomorphine pump and clozapine. Key words: Parkinson’s disease, Hoehn and Yahr stages, L-Dopa, dementia, falls doi: 10.1684/pnv.2006.0030 Progression de la maladie et définition d’une maladie de Parkinson évoluée Pour tenter de définir ce que l’on entend par maladie de Parkinson évoluée, il convient de revenir sur la progression de la maladie de Parkinson, son histoire naturelle [1], afin de mesurer la diversité des situations cliniques. Schématiquement on reconnaît à cette affection trois stades évolutifs : 1) la maladie débutante : période des premiers signes, du diagnostic, du traitement initial et de la « lune de miel » ; 2) la maladie installée : la « lune de miel » est terminée. Pour la majorité des patients, c’est la période des fluctuations d’efficacité et des dyskinésies qui peut s’étaler sur plusieurs années ; 3) la maladie évoluée : le handicap est important, correspondant aux stades 4 et 5 de Hoehn et Yahr. Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° spécial 1, décembre 2006 Il existe bien d’autres propositions de classification des différents stades de la maladie de Parkinson. L’une d’entre elles, résultant d’une étude ayant porté sur 73 patients suivis pendant une durée moyenne de la maladie de 14,6 ans [2] définit 4 phases et leur durée respective : 1) diagnostique, 1,5 ans ; 2) entretien, 6 ans ; 3) difficultés, 5 ans ; 4) soins palliatifs, 2,2 ans. Cette classification a le mérite d’introduire la notion de soins palliatifs, notion qui suggère la nécessaire modification de la prise en charge de tels patients. Il est admis que l’évolution de la maladie est parallèle à la dégénérescence de la voie dopaminergique nigro-striée. En progressant, les lésions diffusent et touchent d’autres structures, en particulier le tronc cérébral, les structures limbiques et le cortex, ce qui explique la présence des signes tardifs. On sait également qu’il existe une grande variabilité évolutive d’un patient à l’autre. En revanche, chez un patient donné, la progression de la maladie semble linéaire [3]. S5 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 23/05/2017. M. Ziégler Hoehn et Yahr, en 1967, peu de temps avant l’arrivée de la L-Dopa, ont étudié 204 patients suivis de 1950 à 1964 et précisé le temps mis pour parvenir à chaque stade de handicap [4] : – le stade 1 est atteint en 3 ans, – le stade 2 est atteint en 6 ans, – le stade 3 est atteint en 7 ans (± 6 ans), – le stade 4 est atteint en 9 ans (± 7 ans), – le stade 5 est atteint en 14 ans en moyenne (± 3 ans), en 6 à 10 ans pour 61 % des patients et en 10 à 15 ans pour 83 % des patients. Ils précisaient que 28 % étaient déjà au stade 5 en moins de 5 ans (ce qui pose la question du diagnostic et de l’inclusion d’éventuels syndromes parkinsoniens) et 34 % étaient encore au stade 1 à 2 après 10 ans d’évolution (maladie peu évolutive). Ces différentes données ne permettent pas de donner une définition précise de la maladie évoluée, mais incitent à prendre en compte en premier lieu le handicap : par exemple le stade 4 et 5 de Hoehn et Yahr. Il faut aussi tenir compte de la durée de l’évolution (plus de 10 ans d’évolution) ou bien choisir le début des chutes qui annonce la période de déclin moteur. Description type d’une maladie de Parkinson évoluée Le diagnostic remonte à une quinzaine d’années, la lune de miel a duré environ 8 ans, puis des blocages moteurs sont apparus en même temps que des dyskinésies. Les troubles moteurs ont progressé. Ceci est visible sur le score moteur de l’UPDRS et les échelles de handicap (tableau 1). Ce tableau illustre les propos qui précédent. Il s’agit d’une courte étude faite dans un service de neurologie, non publiée, portant sur 40 patients pris au hasard dans notre population de 800 patients suivis en consultation. Elle avait pour but d’identifier les paramètres de base par durée d’évolution, 10 patients ont été évalués par groupe. On constate l’augmentation régulière des paramètres. Certains sont particulièrement importants : le score moteur de l’UPDRS, le nombre de chutes, le temps de marche sans s’asseoir, le nombre de prises de L-Dopa. En ce qui concerne le score moteur de l’UPDRS, 25/108 n’est pas un score important, contrastant avec le stade 4 de Hoehn et Yahr. Ceci s’explique par le fait que les signes axiaux participent faiblement au score total de l’échelle mais entraînent une importante réduction de l’autonomie. Le S6 Tableau 1. Progression de la maladie de Parkinson chez 40 patients. Données personnelles non publiées. Table 1. Longitudinal study of 40 patients with Parkinson’s disease. Non published personal data: 1, 5, 10, 15 years of follow-up. Âge UPDRS moteur St H/Y Handipark Marche (min) Chutes/mois L-Dopa (mg/j) Nombre de prises/j 1 an 5 ans 10 ans 15 ans 68 8,4 1,2 1,8 144 0 77 0,9 76 18 2,9 5,6 88 0,06 350 3,5 70 16 3,2 6 74 2,5 780 5,2 77 23 4 7 34 16 880 5,7 score moteur de l’UPDRS doit donc être complété par une évaluation de la gêne fonctionnelle comme le stade de Hoehn et Yahr ou l’échelle Handipark [5]. Il reste néanmoins un acteur important de la prise en charge des patients, aidant souvent à la prise de décision thérapeutique. La progression de la maladie de Parkinson ne se limite pas à une simple accentuation des signes de début, elle s’enrichit de nouveaux symptômes, en particulier des signes axiaux : piétinement au démarrage, inclinaison du tronc, instabilité posturale, dysarthrie et chutes [6]. Les troubles cognitifs sont inconstants. Si la maladie a débuté tôt, ils peuvent être absents. Sinon, il s’agit d’hallucinations, de confusion fluctuante et de démence. Les troubles neurovégétatifs touchent surtout la digestion (reflux gastro-œsophagien, constipation, fécalome), la miction, la salivation et la tension artérielle [7]. Le traitement par la L-Dopa est moins efficace, les fluctuations d’efficacité (effets on-off) et les dyskinésies ont tendance à diminuer d’intensité au fil des ans, laissant place à une diminution de l’efficacité de la L-Dopa [8]. La tolérance au traitement est moins bonne, compliquée par des troubles cognitifs et une hypotension orthostatique. À ces symptômes s’ajoute l’effet de l’âge et des pathologies associées. Ainsi de telles situations peuvent se rencontrer après 10 ans, 15 ans, 20 ans, 25 ans d’évolution. Plus la durée est longue moins la maladie est évolutive. Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° spécial 1, décembre 2006 Maladie de Parkinson évoluée Particularités cliniques des maladies de Parkinson évoluées Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 23/05/2017. Les fluctuations d’efficacité et les dyskinésies Elles sont traitées dans ce même numéro par Philippe Damier. Ces complications ont cependant quelques particularités lorsque la maladie est très évoluée. Les fluctuations d’efficacité ne sont plus aussi régulières qu’auparavant avec des prises de L-Dopa parfois inefficaces, alors que d’autres prises déclenchent des dyskinésies souvent intenses. Tout cela est provoqué par la même quantité de L-Dopa par prise, qui peut parfois être très faible (25 à 50 mg). Il en résulte des journées pendant lesquelles la motricité est imprévisible, ce qui est d’autant plus difficile à supporter. Ceci est probablement en rapport avec, d’une part, une motricité digestive perturbée par la longue maladie et, d’autre part, par d’importants désordres de la libération de la dopamine au niveau synaptique et enfin, par des variations de sensibilité des récepteurs dopaminergiques pré et post synaptiques. Adapter la répartition de la L-Dopa devient alors acrobatique, avec parfois 10 à 15 prises par jour, ce qui peut justifier l’utilisation de l’apomorphine en perfusion continue (par pompe) [9] ou de perfusion continue intra-duodénale de L-Dopa [10]. Les troubles de la marche La marche est toujours très perturbée soit par des petits pas, soit par les pieds qui traînent, auxquels s’ajoute le piétinement. Celui-ci semble inexorable : il apparaît tôt ou tard. Ce signe est particulièrement gênant car il peut entraîner des chutes, réduit l’autonomie et est peu sensible au traitement. Un surdosage en L-Dopa peut le majorer. L’instabilité posturale est présente à ce stade de la maladie avec parfois une tendance à la rétropulsion. Elle peut entraîner des chutes, habituellement vers l’arrière lorsque le patient est immobile. Les chutes Elles annoncent la réduction de l’autonomie [11]. Elles ont plusieurs mécanismes : soit l’instabilité (chute vers l’arrière), soit le piétinement au démarrage et le freezing (chute vers l’avant), soit le piétinement au demi-tour (chute sur le côté). Plus rarement, elles sont dues à une hypotension orthostatique. Les difficultés axiales provoquent une gêne pour se lever d’un siège, sortir d’une voiture, se retourner dans Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° spécial 1, décembre 2006 le lit. À ce stade, tous ces mouvements sont souvent impossibles à réaliser seuls. Les troubles de la posture Ils sont également constants à ce stade : attitude penchée vers l’avant, genoux à demi fléchis. Certains patients, peu nombreux, présentent une inclinaison du tronc très particulière. Cette inclinaison se fait vers l’avant ou sur le côté (pas forcément vers le côté le plus atteint). Elle s’installe assez rapidement, en quelques mois, sans aucun signe annonciateur, après plusieurs années d’évolution. Ensuite, elle peut se stabiliser mais gêne considérablement la marche car cette inclinaison peut atteindre 90°. Par la volonté, le patient peut se redresser quelques instants. Ce trouble de la posture est majoré lorsque le patient est occupé à exécuter une tâche (par exemple pendant le repas). Allongé, il est totalement réductible. Les douleurs sont variables, parfois absentes, ce qui est un peu curieux compte tenu de l’ampleur de la déformation. Certains patients sont améliorés par la pose d’un corset. Dans un tiers des cas, on retrouve une scoliose ancienne. Les déformations des extrémités Elles sont fréquentes, voire constantes. Elles prédominent du côté le plus atteint et ne touchent pas les formes les plus hypertoniques, les formes tremblantes en sont généralement épargnées. Au niveau de la main elles réalisent une main pseudo-rhumatismale, une main d’écrivain, une main de fakir. Au niveau des pieds, la déformation la plus fréquente est le pied en équin. Ces déformations, si elles ajoutent à la gêne motrice et à l’inconfort, sont rarement douloureuses. Comme les patients sont actuellement bien pris en charge en rééducation, ces déformations sont moindres. Les troubles de la parole Ils représentent une part importante du handicap global. Il s’agit d’une dysarthrie avec articulation serrée et hypophonie, majorées par la gêne respiratoire. L’hypersialorrhée majore la dysarthrie et réduit encore les possibilités de communication du patient, lui donnant un aspect peu engageant. Elle paraît, elle aussi, constante et peut être majeure. Peu de moyens pharmacologiques l’atténuent car les anticholinergiques sont contre-indiqués à ce stade en raison de leur impact sur les processus cognitifs. Il reste, dans certains cas, la possibilité d’injection de toxine botulique dans les glandes salivaires, mais l’efficacité en demeure controversée. La dysphagie s’accompagne rapidement de fausses-routes qui sont à l’origine de syndromes infec- S7 M. Ziégler tieux par broncho-pneumonie de déglutition. Les troubles de déglutition sont souvent associés à une grande lenteur pour s’alimenter et l’ensemble peut être responsable d’une dénutrition et, dans certains cas, de déshydratation. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 23/05/2017. L’anxiété Elle est souvent présente chez ces patients dont l’autonomie est réduite et dont la gêne motrice, parfois considérable, varie d’un instant à l’autre. Cette variabilité empêche le patient et l’entourage de s’adapter au handicap. Les benzodiazépines sont parfois utiles pour leur effet anxiolytique et myorelaxant (crampes, dystonies douloureuses), mais renforcent souvent la somnolence. Le meilleur traitement semble l’adaptation optimale de la L-Dopa car il s’agit souvent de fluctuations psychiques. Les fluctuations psychiques Les fluctuations psychiques (anxiété, parfois majeure, et sentiments dépressifs en période off) ne sont jamais présentes au début de la maladie et s’installent au fil du temps chez certains patients. Elles font partie de la longue liste des signes non moteurs, longtemps méconnus. Elles sont pénibles à supporter, tant pour le patient que pour l’entourage. Leur traitement consiste à équilibrer au mieux la L-Dopa et à s’aider d’un antidépresseur de la famille des inhibiteurs de recapture de la sérotonine. La somnolence diurne Elle est pratiquement constante chez ces patients avec de longues périodes de sommeil, parfois en rapport avec les prises de L-Dopa, parfois sans rapport. Chez ces patients fatigués, nous avons l’habitude de respecter cette somnolence d’autant qu’elle semble peu influer sur le sommeil nocturne (hypersomnie). Les douleurs Elles ont généralement plusieurs origines : des douleurs neurologiques liées à la maladie de Parkinson elle-même, à type de brûlures, d’engourdissement et de striction. Elles ont la particularité de se promener sur le côté le plus atteint initialement et d’être exclusivement présentes en période off. Les autres douleurs peuvent être musculaires du fait de l’hypertonie ou des dystonies, ou bien articulaires en rapport avec les déformations dont nous avons parlé. Si la situation l’autorise (absence de troubles cognitifs, de constipation) une faible dose de morphiniques est bien tolérée : S8 ces produits n’accentuent pas les signes parkinsoniens et parfois diminuent les dyskinésies. Les troubles neurovégétatifs Ils sont constants. L’hypersalivation peut être une gêne majeure, permanente, socialement mal acceptée, responsable de fausses-routes. L’hypotension orthostatique, dont le risque d’apparition augmente avec la durée d’évolution, peut être responsable de chutes, souvent traumatisantes. Les troubles digestifs gastro-œsophagiens ont souvent une symptomatologie de reflux-gastro-œsophagien, source d’inconfort, d’amaigrissement par restriction alimentaire, de troubles de la parole et de la déglutition par irritation des cordes vocales et du larynx. Ces troubles du péristaltisme modifient la pharmacocinétique de la L-Dopa, ajoutant un facteur de variabilité supplémentaire à l’effet des prises. La constipation, qui peut aboutir à un fécalome, à un syndrome sub-occlusif ou à des fausses diarrhées, accentue souvent les troubles urinaires. Les troubles urinaires se limitent au début à des envies pressantes, puis s’installe une pollakiurie, d’abord nocturne puis diurne, puis des fuites, puis une incontinence. La dysurie est rare, plutôt médicamenteuse ou due à un obstacle. Les troubles respiratoires peuvent se manifester par un simple « manque d’air » en période off, mais peuvent évoluer vers des épisodes de dyspnée asthmatiforme avec hypersécrétion salivaire, laryngée et bronchique qui sont d’un traitement difficile (apomorphine). Les perturbations de la statique rachidienne majorent la diminution de l’ampliation thoracique due à l’akiésie et à l’hypertonie. L’amaigrissement est constant, entraînant une fonte musculaire. C’est un indice de surveillance qui est pris en compte pour décider d’une gastrostomie. Les troubles de la déglutition sont, par définition, tardifs car sont la cause de décès la plus fréquente dans cette affection. Les troubles cognitifs À suivre les patients atteints de maladie de Parkinson, l’impression est qu’il existe une progression dans l’installation et la gravité des troubles cognitifs : sommeil agité, hallucinations visuelles de personnes aimées, hallucinations plus riches, épisodes confusionnels et état démentiel. Certains patients, même après plus de 25 ans de maladie de Parkinson, peuvent ne présenter aucun trouble cognitif cliniquement apparent, ce d’autant que la maladie a débuté tôt. Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° spécial 1, décembre 2006 Maladie de Parkinson évoluée Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 23/05/2017. Pour les autres patients, les premiers troubles cognitifs sont annoncés par un sommeil agité, des parasomnies, qui gênent plus le conjoint que le patient. Ensuite, s’installent des hallucinations visuelles, bien décrites et bien connues : le patient croit voir un personnage assis dans un fauteuil dans la même pièce que lui. Il s’agit souvent de quelqu’un de cher : un frère, un enfant ou un parent. Tout ceci est silencieux et la tonalité est parfaitement bienveillante. Parfois il s’agit d’un animal, le patient revoit son chat ou son chien disparu depuis longtemps. Ce type d’hallucinations n’est pas bien gênant et ne signifie pas forcément un mode d’entrée vers la démence, tout au moins dans l’immédiat. Plus préoccupantes sont les hallucinations visuelles ou auditives, plus riches et moins critiquées. Le patient voit en surimpression des dessins qu’il plaque sur les surfaces unies (un mur blanc) ; il s’agit de dessins géométriques, de dentelles, de vieux plans de ville. Parfois ces dessins entourent les visages des interlocuteurs. Il peut aussi s’agir d’insectes qui grouillent par terre ou bien de l’eau qui inonde la pièce. Il peut s’agir également de groupes d’individus (inconnus) qui vont et viennent chez lui, parfois dans des tenues inhabituelles (militaires, moines avec des capuches, personnages de théâtre richement habillés). Parfois une foule envahit le jardin. Ce type d’hallucinations est souvent de moins bon pronostic cognitif. Ces hallucinations sont souvent iatrogènes mais, à ce stade de la maladie, malgré l’élimination de tous les traitements suspects, les hallucinations persistent et il faut admettre qu’elles font partie de la maladie. La confusion mentale survient, soit d’emblée, soit à l’occasion d’un événement intercurrent (par exemple une intervention chirurgicale), soit après une période d’hallucinations visuelles de moins en moins critiquées. Il s’agit d’une confusion fluctuante, avec alternance dans la journée de moments de confusion mentale complète, portant surtout sur la chronologie des événements qui sont mélangés, et de périodes de parfaite lucidité pendant lesquelles le patient peut avoir une discussion comme auparavant. Il peut s’introduire quelques idées délirantes, à thème de jalousie ou de préjudice. Ces variations de l’état cognitif sont sans relation ni avec les prises de L-Dopa, ni avec l’état moteur (périodes on ou off). Les périodes de lucidité deviennent de moins en moins longues et un état démentiel s’installe, mais tardivement. Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 4, n° spécial 1, décembre 2006 Points clés • Le stade de maladie de Parkinson évoluée est atteint en moyenne 10 ans après le début de la maladie mais ce délai peut être étendu jusqu’à 30 ans. • Il est défini par un handicap important dominé par les troubles de la marche, les chutes, les déformations articulaires et les troubles cognitifs. Certains patients gardent des fluctuations d’efficacité et des dyskinésies difficiles à contrôler. • Les troubles psychiques (hallucinations, idées délirantes, troubles cognitifs, démence) sont inconstants. • Le traitement de base est la L-Dopa mais peut faire appel à une perfusion continue d’apomorphine, un anticholinestérasique, de la clozapine, une gastrostomie. L’état démentiel Il n’est pas très fréquent et pose le problème d’une pathologie surajoutée de type maladie d’Alzheimer. Le diagnostic et la physiopathologie de la survenue tardive de troubles cognitifs sont en cours de démembrement. S’agit-il d’une démence secondaire à la maladie de Parkinson, d’une maladie à corps de Lewy décelée tardivement, d’une pathologie surajoutée ? Le plus simple pour l’instant semble être d’utiliser le terme général de démence secondaire. Les idées délirantes Elles peuvent apparaître, généralement dans le cadre d’un trouble cognitif plus global, alimentées par des phénomènes hallucinatoires. Elles sont parfois tournées vers l’entourage proche (famille ou soignant), suspecté de vouloir empoisonner, enfermer ou déposséder le patient. Elles compliquent la prise en charge et peuvent déclencher des phénomènes de rejet. La clozapine est particulièrement efficace sur ce type de troubles, comme sur les hallucinations [12]. En revanche, elle a peu d’effet sur les épisodes confusionnels. Ses inconvénients sont : l’un majeur, le risque d’agranulocytose, les autres mineurs, somnolence et hypersalivation. Conclusion Au total, chez les patients ayant débuté leur maladie avant l’âge de 70 ans, les complications vont habituellement survenir après 10 ans d’évolution, en moyenne. S9 M. Ziégler Certains patients ont toutefois une maladie d’évolution beaucoup plus lente. Le handicap moteur est habituel avec des fluctuations motrices qui ne sont plus rythmées par les prises de L-Dopa, des chutes, des déformations rachidiennes et des hallucinations ainsi que des épisodes confusionnels. Des évaluations cognitives plus précises vont souvent mettre en évidence une détérioration cognitive, voire une authentique démence. Le handicap est toujours perceptible chez ces patients ayant une maladie de Parkinson évoluée. À ce stade, une prise en charge globale est indispensable et la kinésithérapie et l’orthophonie sont indispensables. Un bilan ergothérapeutique peut être utile et rendre des services majeurs chez ces patients où s’associent souvent troubles moteurs et cognitifs. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 23/05/2017. Références 1. Poewe WH, Wenning GK. The natural history of Parkinson’s disease. Neurology 1996 ; 47 : S146-S152. 2. National institute for health and clinical excellence. Parkinson’s disease. Juin 2006. www.nice.org.uk. 3. Di Rocco A, Molinari SP. Parkinson’s disease : progression and mortality in the L-Dopa era. Adv Neurol 1996 ; 69 : 3-11. 4. Hoehn MM, Yahr MD. 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