Éditorial Sommaire Éditorial >> 3 Dis-moi comment tu te débarrasses de tes protéines, et je te dirai comment tu dégénères... Dis-moi comment tu te débarrasses de tes protéines, et je te dirai comment tu dégénères… P. Derkinderen Actualités >> 6 neurosciences Coordonné par S. Valerio et L. Calandreau Parcours >> 15 Pierre-Gilles de Gennes Réalisé par S. Valerio, L. Calandreau et P. Trifilieff 3 questions à... >> 16 Entretien avec le Pr Pierre-Gilles de Gennes Réalisé par S. Valerio, L. Calandreau et P. Trifilieff Eurologie >> 18 La neurologie... au Portugal Entretien avec Antonio Freire-Gonçalves L es neurones, comme la majorité des autres types cellulaires, possèdent des systèmes d’épuration et de recyclage de leurs protéines. Le système ubiquitine-protéasome a été le plus étudié. Il fait intervenir un “marquage” des protéines à dégrader par des étiquettes ubiquitine ; ces protéines marquées par l’ubiquitine sont ensuite reconnues et dégradées par un complexe protéolytique, le protéasome. La voie ubiquitine-protéasome a gagné ses lettres de noblesse dans le monde des pathologies neurodégénératives. En effet, de nombreux travaux ont montré qu’elle joue très vraisemblablement un rôle clé dans la physiopathologie de la maladie de Parkinson et qu’elle pourrait être une voie finale commune réconciliant les hypothèses toxiques et génétiques de la maladie. Le résultat le plus remarquable est celui observé après l’injection systémique chronique d’un inhibiteur du protéasome chez le rat (1). Elle entraîne la survenue d’un syndrome parkinsonien avec un profil histologique très proche de celui observé chez l’homme, touchant non seulement la substance noire mais aussi d’autres structures atteintes au cours de la maladie de Parkinson, telles que le locus coeruleus et le noyau dorsal du vague. Bien que la validité de ce modèle animal ait été récemment contestée par plusieurs équipes qui n’ont pas pu reproduire les expériences princeps, d’autres équipes de recherche ont pu confirmer ces données. L’ensemble de ces résultats a fait l’objet d’une discussion passionnée dans un récent numéro d’Annals of Neurology (2). En dehors du système ubiquitine-protéasome, la principale voie de dégradation protéique est l’autophagie. Elle met en jeu les lysosomes, qui dégradent de petites portions de cytoplasme. Contrairement à la voie ubiquitine-protéasome, qui dégrade de façon sélective certaines protéines, La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. X - n° 8 - octobre 2006 3 Éditorial l’autophagie est moins spécifique et s’attaque globalement à l’ensemble des protéines. Deux articles publiés dans le même numéro de la revue Nature montrent que l’autophagie a aussi son mot à dire dans la survenue du processus neurodégénératif (3, 4). L’invalidation spécifique dans le système nerveux central de souris du gène codant pour Atg5 ou Atg7 (autophagy-related gene 5 ou 7), deux protéines essentielles au processus d’autophagie, provoque une maladie neurodégénérative chez ces souris. L’atteinte semble être relativement diffuse, touchant l’ensemble des neurones du cortex cérébral et cérébelleux. D’un point de vue phénotypique, les souris ont des troubles précoces de la motricité, et tout particulièrement de la coordination, ainsi qu’une durée de vie significativement diminuée. L’hypothèse selon laquelle la dégradation régulière des protéines neuronales, par le processus d’autophagie, serait indispensable à la bonne santé du neurone est donc proposée… Un dysfonctionnement des systèmes de dégradation protéique est donc particulièrement “tendance” dans la physiopathologie des pathologies neurodégénératives. Fait essentiel d’un point de vue thérapeutique, il reste à montrer que des agents pharmacologiques sont capables de moduler ces voies de dégradation sans pour autant perturber l’équilibre d’autres types cellulaires… ■ Pascal Derkinderen (service de neurologie, centre d’investigations cliniques et INSERM U539, CHU de Nantes) Références bibliographiques 1. McNaught KS, Perl DP, Brownell AL, Olanow CW. Systemic exposure to proteasome inhibitors causes a progressive model of Parkinson’s disease. Ann Neurol 2004;56:149-62. 2. Beal F, Lang AE. The proteasomal inhibition model of Parkinson’s disease: “Boon or bust”? Ann Neurol 2006;60:158-61. 3. Komatsu M, Waguri S, Chiba T et al. Loss of autophagy in the central nervous system causes neurodegeneration in mice. Nature 2006;441:880-4. 4. Hara T, Nakamura K, Matsui M et al. Suppression of basal autophagy in neural cells causes neurodegenerative disease in mice. Nature 2006; 441:885-9. 4 La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. X - n° 8 - octobre 2006