Lambeaux libres à la main

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Lambeaux libres à la main
F. Duteille
Lambeau de fascia du Serratus anterior
Bases anatomiques
La vascularisation du fascia du serratus anterior (FSA) est assurée, comme pour
le lambeau musculaire du serratus anterior, par le pédicule thoracique, branche
de division de l’artère thoracodorsale. La totalité du FSA est vascularisée par
cette artère. Il n’y a donc pas de limite à son prélèvement.
Dessin de la forme typique
Le prélèvement du lambeau sera fait en fonction de la perte de substance en
essayant de garder l’axe vasculaire au centre.
Technique de levée
Le malade est mis en position latérale, le bras à la retourne de manière à avoir
accès à la fosse axillaire. La voie d’abord est identique à celle du serratus anterior : incision 1 à 2 cm en avant du rebord antérieur du latissimus dorsi. Ce
dernier est rejeté vers l’arrière. Puis le pédicule thoracodorsal est individualisé
à la partie proximale de la voie d’abord et disséqué de proximal en distal
jusqu’à retrouver le pédicule thoracique qui est ligaturé. Le fascia est ensuite
séparé du muscle (sur quelques centimètres) le long du bord postérieur de
manière à être individualisé. Puis l’aide tracte légèrement sur le fascia, permettant à l’opérateur de soulever progressivement le fascia du bord postérieur
vers le bord antérieur. Tout au long de cette levée, il faut thermocoaguler à
la pince bipolaire les branches vasculaires partant du pédicule thoracique et
à destinée du muscle serratus anterior. Une fois le FSA levé, il est sevré par
section du pédicule thoracodorsal (fig. 1).
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Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts
a
b
c
d
e
f
Fig. 1a-f – Patient de 22 ans présentant une « main de portière » avec perte de substance de la
face dorsale de la main et mise à nu des tendons et du 2e métacarpien (a). Levée d’un lambeau
de fascia de serratus anterior dont on peut remarquer la surface et la finesse (b). Le lambeau est
mis en place et revascularisé (c). Avec un recul d’un an, on peut remarquer le bon résultat cosmétique (absence de surépaisseur) et le résultat fonctionnel (absence d’adhérence des éléments
tendineux) (d-f).
Trucs et astuces
– Tout au long de la dissection, il est important d’hydrater régulièrement le fascia de manière à éviter son dessèchement.
– Si la longueur du pédicule nécessaire est modérée, on peut théoriquement conserver le pédicule thoracique. Cependant la section de ce
dernier donne beaucoup de jour et facilite la dissection.
– Le temps difficile correspond à la levée du fascia en regard direct du
pédicule, car il existe alors un nombre important de branches musculaires
à coaguler sans léser le pédicule thoracique.
– Chez le patient pléthorique, il peut être difficile de séparer le fascia
des structures graisseuses se situant entre les deux muscles.
Lambeaux libres à la main
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Variantes
L’importance et l’épaisseur du FSA sont relativement variables en fonction des
patients. Notamment, il n’existe pas toujours de corrélation directe entre l’état
nutritionnel et l’épaisseur du fascia.
Soins postopératoires
Le fascia correspond à une lame vasculaire dont le risque majeur est son dessèchement. Aussi, contrairement aux lambeaux musculaires, le lambeau de
FSA est greffé dans le même temps opératoire que sa réalisation (après avoir
vérifié sa revascularisation après les anastomoses vasculaires). Le lambeau n’est
pas surveillé et le premier pansement est réalisé au quatrième ou cinquième
jour postopératoire.
Indications
Le lambeau de fascia est intéressant dans la couverture des pertes de substance
de la main, essentiellement au niveau de sa face dorsale. Il permet de couvrir
des surfaces importantes (environ 20 sur 10 cm). La longueur du pédicule
peut être particulièrement intéressante, car elle permettra de décaler les
anastomoses vers un territoire sain (plus proximal par rapport à la perte de
substance). Cet argument est particulièrement intéressant dans les cas d’écrasement où les axes vasculaires près de la perte de substance sont souvent
inflammatoires, entourés d’une gaine de fibrose.
Avantages
– Surface importante.
– Longueur du pédicule.
Inconvénients
– Dissection non aisée.
– Variabilité de l’épaisseur.
Lambeau de fascia superficialis temporalis (FST)
Bases anatomiques (fig. 2)
Le FST est une lame vasculaire de glissement située entre le fascia du muscle
temporal (en profondeur) et le cuir chevelu (en superficie). Il est vascularisé
par les vaisseaux temporaux superficiels qui s’arborisent à l’intérieur du FST.
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Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts
a
c
b
d
e
Fig. 2 – Lambeau FST. a) Schéma de la levée
du lambeau. 1 : Cuir chevelu avec visualisation des bulbes pileux ; 2 : Fascia du muscle
temporal ; 3 : FST levé sur ses vaisseaux ;
b) Schéma du plan de dissection du lambeau
FST. 1 : Cuir chevelu ; 2 : Bulbes ; 3 : Fascia
du muscle temporal ; 4 : Muscle temporal ; 5 :
Fascia superficialis et ses vaisseaux ; c-e) Levée
d’un lambeau FST.
Dessin de la forme typique
Le FST correspond à un triangle équilatéral (d’environ 12 à 15 cm de côté)
situé en zone chevelue temporale, dont la pointe inférieure se place 3 à 4 cm
au-dessus du tragus de l’oreille.
Lambeaux libres à la main
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Technique de levée
Le pédicule peut être d’abord repéré au Doppler. L’incision est réalisée de façon
légèrement décalée afin d’éviter toute lésion vasculaire. La dissection commence en zone chevelue et doit trouver un plan de dissection entre le fascia
en profondeur et les bulbes chevelus en superficie. Une fois le fascia disséqué
dans sa partie superficielle (séparé du cuir chevelu), les vaisseaux temporaux
superficiels sont visibles à la partie superficielle du FST. Ces derniers sont alors
disséqués et individualisés dans la région prétragienne.
Le FST est ensuite incisé et séparé du fascia du muscle temporal dans sa
partie la plus haute. Il est alors nécessaire de faire l’hémostase précautionneuse
de toutes les branches de l’artère temporale superficielle. On pratique de la
même façon sur le bord latéral et médial du lambeau (de manière à avoir un
prélèvement de lambeau triangulaire), en prenant soin de conserver l’artère
temporale superficielle dans le lambeau. Puis le lambeau est soulevé en le séparant totalement du fascia du muscle temporal. Le FST ne tient plus alors que
par ses vaisseaux nourriciers qui sont disséqués au plus loin.
Trucs et astuces
– Le plan de dissection dans la partie superficielle du lambeau est le
plus difficile en raison du risque de lésion des vaisseaux et du pédicule. Le
plus simple est de se repérer par rapport aux bulbes pileux qui doivent être
vus, mais qui doivent toujours rester « à l’intérieur » du cuir chevelu
soulevé.
– Le plan de dissection profond (entre FST et fascia temporal) est un
plan avasculaire qui peut être disséqué au doigt assez rapidement.
– La dissection du pédicule dans sa partie prétragienne est assez difficile en raison du caractère sinueux des vaisseaux avec des trajets tortueux
et parfois aberrants.
Variantes
Certains auteurs ont décrit la possibilité de séparer le FST en lames superficielle et profonde vascularisées par le même pédicule. Cette étude essentiellement anatomique n’a pas été confirmée par des séries cliniques.
Soins postopératoires
Comme le FSA, le fascia correspond à une lame vasculaire dont le risque
majeur est son dessèchement. Il sera greffé dans le même temps opératoire
que sa réalisation.
Indications
La finesse du FST est particulièrement intéressante dans la couverture des
pertes de substance de la main. La taille des vaisseaux permet des anastomoses
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Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts
sans incongruence avec des artères intermétacarpiennes, voire avec la partie
proximale d’une artère digitale. Sa taille permet de couvrir de façon complète
un doigt. En revanche, en raison de la longueur du pédicule, il ne permet
pas de branchement à distance de la perte de substance.
Avantages
– Absence de séquelles.
Inconvénients
– Dissection non aisée.
– Vaisseaux de petite taille et pédicule court.
Lambeaux scapulaires (ortho et para)
Bases anatomiques (fig. 3)
L’artère circonflexe scapulaire est une branche de l’artère subscapulaire qui
prend naissance au niveau de la région axillaire. Après avoir contourné la fosse
axillaire d’avant en arrière, elle se divise en deux branches perpendiculaires :
une branche à axe horizontal vascularisant le lambeau orthoscapulaire et une
branche à axe vertical vascularisant le lambeau parascapulaire. Les veines de
drainage sont comitantes à l’artère et suivent le même trajet. La particularité
des lambeaux scapulaires est d’avoir un mode de vascularisation axial (l’artère
nourricière chemine dans la peau) et non pas fasciocutané comme la plupart
des lambeaux cutanés.
Dessin de la forme typique
Le dessin du lambeau inclut le point d’émergence de l’artère circonflexe scapulaire au niveau du dos. Ce point se situe entre le bord latéral de la scapula
(juste sous l’articulation glénohumérale) et la fosse axillaire. Sur un patient
avec le bras en adduction, l’artère sera très proche de la scapula. Plus le bras
sera en abduction et plus l’artère va se latéraliser pour aller vers la fosse axillaire.
Pour le parascapulaire, son axe central se situe le long du bord latéral de la
scapula. Sa longueur moyenne est environ de 10 à 12 cm. Celle-ci pourra
être prolongée, en sachant que la partie distale du lambeau vit alors sur une
vascularisation au hasard. La largeur est fonction des besoins, mais il faut savoir
que la fermeture est souvent difficile au-delà de 4 cm.
Pour l’orthoscapulaire, l’axe central est perpendiculaire au précédent. Les
mêmes principes de longueur et de largeur peuvent y être appliqués.
Lambeaux libres à la main
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a
b
c
Fig. 3a-c – Lambeaux scapulaire et parascapulaire. a) Schématisation de la vascularisation des
lambeaux scapulaire et parascapulaire. 1 : Artère circonflexe scapulaire ; 2 : Branche descendante ; 3 : Branche transverse ; 4 : Lambeau scapulaire ; 5 : Lambeau parascapulaire ; b, c) Levée
d’un lambeau scapulaire. (Collection D. Le Nen.)
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Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts
Technique de levée (fig. 4)
Nous décrirons ici le lambeau parascapulaire.
a
b
c
d
e
g
f
Fig. 4a-g – Enfant de 5 ans ayant mis sa
main dans une bétonnière et présentant, après
nécrosectomie sur peau contuse, une perte de
substance au niveau de la tabatière anatomique avec mise à nu de différents éléments
nobles (a, b). Un lambeau parascapulaire est
dessiné (c) et levé (d). Le lambeau est mis en
place et revascularisé (aspect du pansement à
J + 5) (e, f). Avec un recul de cinq ans, et
après la réalisation d’un transfert vascularisé
articulaire d’orteil pour la reconstruction de
la 2e MCP, le résultat tant fonctionnel que
cosmétique est honorable (g).
Lambeaux libres à la main
203
Il est préférable de repérer les vaisseaux (trajet et abouchement au niveau
axillaire) au Doppler avant l’incision. Ce repérage doit être réalisé avec le bras
dans la même position que lors du prélèvement chirurgical (le plus simple
étant de réaliser le Doppler une fois le patient endormi et installé). Le patient
est positionné en décubitus latéral (opposé au côté du prélèvement), l’épaule
en abduction et le bras en extension. L’incision en forme de U est ensuite
réalisée dans la partie distale du lambeau centré sur l’axe artériel précédemment repéré. La levée du lambeau va se faire de proximal en distal. L’incision
cutanée est poursuivie à la demande selon les barres verticales du U initié au
départ. Le plan de décollement se situe théoriquement en suprafascial. Pour
des raisons de sécurité, les vaisseaux étant vraiment situés juste au-dessus de
l’aponévrose, il est intéressant de disséquer dans un plan subfascial. Au fur et
à mesure de la levée du lambeau, on peut vérifier la vascularisation de ce
dernier (vérification du pouls capillaire cutané) qui témoigne de l’absence de
faute technique.
À l’approche de la région axillaire, la dissection est poursuivie dans un plan
suprafascial et les vaisseaux circonflexes scapulaires sont disséqués. Une fois
ces derniers individualisés et mis sur un repère (tissu ou silicone), l’incision
cutanée proximale est terminée en pointe. Il faut alors disséquer avec délicatesse car le lambeau n’est plus retenu que par ses vaisseaux nourriciers. On
peut fixer transitoirement le lambeau par deux points cutanés afin d’éviter
tout incident ou traction sur les vaisseaux. Ces derniers sont disséqués vers la
région antérieure en fonction de la longueur de pédiculé souhaité.
La zone de prélèvement est fermée directement quand cela est possible. En
cas d’impossibilité, on est alors généralement obligé de faire une greffe de peau
mince.
Trucs et astuces
– Le repérage du pédicule, une fois le patient installé et endormi, facilite beaucoup le dessin du prélèvement (surtout si la largeur du lambeau
est faible) et l’émergence de l’artère circonflexe scapulaire.
– La dissection première dans un plan subfascial évite toute lésion des
vaisseaux.
Variantes
Lambeau orthoscapulaire
Ce lambeau est vascularisé par l’une des branches de division de l’artère circonflexe scapulaire (celle ayant un axe horizontal). Les modalités de prélèvement sont identiques à celle du parascapulaire, mais sa rançon cicatricielle est
généralement moins dissimulable.
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Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts
Lambeau bifolié
Il consiste à prendre en même temps les lambeaux para- et orthoscapulaires, tous
les deux vascularisés par l’artère circonflexe scapulaire. L’existence de deux palettes
cutanées à axe perpendiculaire est particulièrement intéressante quand il existe
deux pertes de substance voisines mais séparées par un élément cutané sain.
Prélèvement d’un élément osseux scapulaire associé
Le bord latéral de la scapula peut être prélevé en même temps que le lambeau
parascapulaire. Ce prélèvement osseux nécessite cependant, afin de préserver
les éléments anastomotiques vasculaires, de garder en continuité le lambeau
cutané, les attaches musculaires du teres major (grand rond) et du teres minor
(petit rond) et la zone de scapula prélevée.
Soins postopératoires
Il n’y a pas de particularité dans le mode de surveillance du lambeau scapulaire. Comme tout lambeau cutané, il est facilement surveillé (recoloration
cutanée, chaleur…).
Indications
Les lambeaux scapulaires conviennent parfaitement à la couverture des zones
palmaires. Ils sont un peu épais et on pourra préférer d’autres lambeaux en
zone dorsale. La longueur du prélèvement possible (> 20 cm) peut être particulièrement intéressante en cas de perte de substance débordant la main
(poignet, voire plus proximal).
Avantages
– Grande longueur du prélèvement possible.
– Plusieurs variantes possibles (bifolié, prélèvement osseux…).
Inconvénients
– Séquelles cosmétiques du prélèvement.
Lambeau de serratus anterior (SA)
Bases anatomiques
Le SA (dentelé antérieur) est un muscle composé de neuf digitations.
Les cinq dernières sont vascularisées principalement par la branche thoracique
de l’artère thoracodorsale et accessoirement par les artères intercostales. Ses
fonctions sont doubles : muscle respiratoire accessoire et stabilisateur de la
Lambeaux libres à la main
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scapula sur le grill costal lors des mouvements de l’épaule. Il est innervé par
le nerf thoracique long. Ce nerf devra être soigneusement respecté au cours
de la dissection afin d’éviter une scapula alata.
Dessin de la forme typique
Théoriquement, les cinq dernières digitations peuvent être prélevées.
Cependant, afin d’éviter toute déstabilisation de la scapula, seules les trois dernières sont habituellement prélevées. La taille et la forme du lambeau seront
fonction de la perte de substance.
Technique de levée
Le malade est mis en position latérale, le bras à la retourne de manière à avoir
accès au creux axillaire. L’incision cutanée se situe 1 à 2 cm en avant du bord
antérieur du latissimus dorsi. Ce dernier est rejeté vers l’arrière. Puis le pédicule thoraco-dorsal est individualisé à la partie proximale de la voie d’abord
et disséqué de proximal en distal jusqu’à retrouver le pédicule thoracique qui
est ligaturé. Le pédicule thoracique est alors disséqué et soulevé du SA jusqu’à
la partie musculaire qui va être prélevée. Cette dernière est bien sûr fonction
de l’importance de la perte de substance. Le lambeau est alors soulevé du plan
costal et sectionné au bistouri électrique sur ses bords latéral et médial de façon
à le laisser uniquement pédiculé sur ses vaisseaux nourriciers.
Trucs et astuces
– Si la longueur du pédicule nécessaire est faible, on peut éviter de ligaturer le pédicule thoracique de manière à garder toute la vascularisation
du latissimus dorsi. Cependant la visibilité est moindre et complique un
peu la dissection.
– Le lambeau a toujours intérêt à être positionné « à l’envers » au niveau
de la perte de substance (vaisseaux en profondeur) de manière à ce que le
pédicule ne soit pas superficiel, mais protégé par le muscle.
– Il peut être intéressant de garder une petite lame triangulaire musculaire à la partie proximale du muscle juste en regard des vaisseaux. En effet
une fois le muscle retourné, cette petite lame triangulaire pourra protéger
une partie du pédicule.
– Lors de la section des bords latéral et médial, il est intéressant de
coincer des compresses entre les côtes et le muscle de manière à stabiliser
ce dernier et à éviter tout soubresaut.
Variantes
– Formes associées à un prélèvement costal. Il existe un réseau anastomotique
vasculaire entre le muscle SA et les côtes qui peuvent donc être prélevées dans
206
Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts
le même temps opératoire. Il s’agit bien sûr des côtes en regard des faisceaux
musculaires prélevables, à savoir la septième, la huitième ou la neuvième. Le
risque majeur du prélèvement costal est le pneumothorax. Si deux côtes adjacentes sont prélevées, il existe un risque de hernie pulmonaire.
– Formes réinnervées. Le nerf moteur est bien visualisé lors de la dissection,
il est donc tout à fait possible de le « rebrancher ». Les résultats fonctionnels
sont soumis aux aléas de la chirurgie nerveuse.
– Formes avec palette cutanée. Elles peuvent être intéressantes si un prélèvement de peau est nécessaire ou pour faciliter la surveillance du lambeau
(palette cutanée « monitor »).
Soins postopératoires
La surveillance d’un lambeau musculaire est toujours plus difficile que celle
d’un lambeau cutané. La surveillance doit donc être rapprochée (1/heure le
premier jour ; 1/2 heures le deuxième jour… jusqu’au cinquième jour). Il faut
vérifier l’aspect vivant et saignant du lambeau (notion assez empirique). Toute
modification d’aspect est à prendre en considération. Il est bien sûr intéressant d’avoir une équipe formée à la surveillance. La greffe de peau mince est
généralement réalisée entre le sixième et le huitième jour.
Une petite palette cutanée peut être prélevée pour faciliter la surveillance,
mais impose alors de positionner le lambeau « dans le bon sens » et d’avoir
l’inconvénient d’avoir les vaisseaux en superficie.
Indications
Le muscle SA, bien que relativement fin, reste toujours un élément épais
au niveau de la main. Son indication reste limitée aux pertes de substance
importantes avec phénomène de cavitation (traumatisme balistique, écrasement…) ou aux plaies torpides avec ostéite.
La forme réinnervée peut être utilisée pour redonner une fonction à une
masse thénarienne.
Un prélèvement costal peut être intéressant quand il existe une perte de
substance complexe (tissulaire et osseuse) ou la côte pourra remplacer le métacarpe.
Avantages
– Très long pédicule permettant de se « brancher » très à distance de la
perte de substance.
– Possibilité d’effectuer un prélèvement pluritissulaire (muscle, os, peau).
Inconvénients
– Problème du lambeau musculaire au niveau de la main : souvent trop
épais.
Lambeaux libres à la main
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Lambeau brachial latéral
Bases anatomiques (fig. 5)
Il s’agit d’un lambeau fasciocutané vascularisé par des branches artérielles issues
de la branche postérieure de l’artère brachiale profonde. L’artère brachiale profonde chemine, accompagnée du nerf radial, entre le muscle triceps en arrière
et le brachial antérieur en avant. Cette artère se divise (au niveau du tiers distal
du bras) en une branche antérieure et une branche postérieure. Cette dernière
qui chemine entre le muscle brachioradial et le triceps est l’artère nourricière
du lambeau brachial externe. Tout au long de son trajet dans le septum entre
les deux muscles, l’artère va détacher des artères cutanées qui vont permettre
le prélèvement du lambeau.
a
b
Fig. 5a-b – Schéma du lambeau brachial latéral. a) Axe du lambeau sur la face latérale du
bras ; b) Schéma en coupe du lambeau BE. 1 : Branche postérieure de l’artère brachiale profonde ; 2 : Humérus ; 3 : Septum ; 4 : Lambeau fasciocutané. (Collection D. Le Nen.)
Dessin de la forme typique
Comme son nom l’indique, l’axe central du lambeau correspond à l’axe latéral
du bras (fig. 5a). Pour dessiner le lambeau, il faut donc repérer à la main le
septum qui sépare la loge antérieure de la loge postérieure du bras (entre
muscle brachial et chef latéral du triceps). Pour effectuer ce repère, il faut
mettre le bras du patient dans la même position que pour l’intervention :
épaule en abduction, coude en flexion et avant-bras en pronation. Les limites
postérieure et antérieure du lambeau sont fonction des besoins. En revanche,
au-delà de 4 à 5 cm, la zone donneuse est difficilement autofermante. La partie
inférieure prend généralement une forme elliptique pour faciliter la fermeture
208
Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts
et ne dépasse pas la tête radiale. Il n’existe théoriquement aucune limite proximale, le prélèvement cutané pouvant s’étendre jusqu’au niveau de la région
deltoïdienne.
Technique de levée
Le membre supérieur est positionné sur une table à bras avec si possible un
garrot stérile qui facilite l’installation. Le bras est mis dans la même position
que lorsque le dessin a été effectué. On met un drap stérile sous le coude de
manière à faciliter la dissection. L’incision commence par la partie postérieure
du lambeau car elle est généralement plus aisée. L’incision comporte le plan
cutané et le fascia du muscle triceps brachial. Cet fascia est alors fixé au plan
cutané par des fils résorbables de manière à éviter tout savonnage entre les
deux plans. Puis, alors que l’aide tracte légèrement sur le fascia du triceps,
l’opérateur « rase » le muscle jusqu’à rentrer en contact avec l’humérus. Il doit
normalement avoir visualisé l’artère du lambeau et éventuellement le nerf radial
dans la partie haute. Le même principe est appliqué pour la partie antérieure
du lambeau avec le fascia du brachial et du brachioradial. La dissection visualise le nerf radial ainsi que la branche antérieure de l’artère brachiale profonde
qui est normalement plaquée contre le muscle brachial (qu’il ne faudra bien
sûr pas confondre avec la branche postérieure). Une fois les deux parties (antérieure et postérieure) disséquées, le lambeau n’est plus solidaire du bras que
par ses attaches osseuses. Le décollement est fait de distal en proximal en soulevant le lambeau cutané au ras de l’os.
Trucs et astuces
– Lorsque l’on soulève le lambeau de proximal en distal, on peut par
sécurité emporter une bandelette de périoste huméral afin d’éviter toute
lésion du pédicule.
– La branche antérieure de l’artère brachiale profonde peut être sectionnée d’emblée (juste au niveau de sa division), ce qui facilite la mobilisation du lambeau et sa dissection.
– Le nerf radial peut être individualisé et mis sur un repère (tissu ou
silicone) pour le protéger, mais il pourra y avoir une parésie postopératoire
transitoire.
Variantes
– Forme septale pure. Comme tout lambeau fasciocutané, le lambeau brachial
latéral peut être prélevé sous sa forme fasciale pure. Le lambeau est alors plus
fin (bien que la forme cutanée soit déjà assez fine) et les rançons cicatricielles
sont moins importantes. Sur le plan technique, cette forme est plus difficile.
– Forme cutanéo-osseuse. Un fragment corticospongieux peut être prélevé
aux dépens de l’humérus. La baguette est alors prélevée en regard direct de
l’artère nourricière du lambeau. Au vu de la littérature, cette forme n’a pas
suscité beaucoup d’intérêt.
Lambeaux libres à la main
209
Soins postopératoires
La surveillance est aisée pour la forme cutanée (temps de recoloration) et ne
présente aucune particularité. Pour la zone donneuse, la fermeture est faite
de façon directe si cela est possible. La qualité de la fermeture (deux plans,
surjet) conditionne bien sûr la qualité de la cicatrice. Il persiste cependant
souvent un creux au niveau de la zone de prélèvement que l’on peut essayer
de minimiser en mettant des points de rapprochement entre les muscles des
loges antérieure et postérieure, en prenant garde au nerf radial…
Quand la fermeture directe est impossible, il ne sert à rien de forcer sur
les berges. On a alors recours :
– à une greffe de peau mince : jamais expansée ; elle laisse souvent des
rançons cicatricielles assez sévères ;
– à une greffe de peau totale, qui donne un meilleur résultat cosmétique
au prix d’une prise moins certaine ;
– au derme artificiel, qui a des inconvénients connus (trois semaines de
pansement et deux temps opératoires), mais qui donne un résultat équivalent
à la greffe de peau totale sans ses inconvénients.
Indications
La peau du lambeau brachial latéral est fine et s’adapte bien à la main, tout
particulièrement à la face dorsale et la première commissure. La forme avec
prélèvement osseux pourra éventuellement rendre service au coup par coup.
Avantages
– Peau relativement fine et adaptée au revêtement cutané de la main.
– Possibilité d’obtenir un pédicule long.
Inconvénients
– Rançon cicatricielle souvent importante en raison de l’élargissement secondaire de la cicatrice.
– Risque de lésion du nerf radial lors de la dissection.
Références
1. Masquelet AC, Romana MC, Gilbert A (1993) Les lambeaux musculaires et cutanés,
Tome 2 : Les lambeaux de couverture au membre supérieur. Springer, Paris
2. Strauch B, Yu HL (1993) Atlas of microvascular surgery. Anatomy and operative
approaches. Thieme, New York
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