529 Antiplaquet Print - Précis d`anesthésie cardiaque

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PAC 5
•
Précis d’Anesthésie Cardiaque
CHAPITRE 29
LES ANTIPLAQUETTAIRES
EN CHIRURGIE CARDIAQUE
ET NON-CARDIAQUE
Edition: Novembre 2016
Table des matières
Physiopathologie des thrombocytes
Activation plaquettaire
Récepteurs plaquettaires
Antiplaquettaires classiques
Aspirine
Clopidogrel
Anti-GP IIb/IIIa
Inhibiteurs des PDE
Résistance aux antiplaquettaires
Réactivité plaquettaire
Nouveaux antiplaquettaires
Prasugrel
Ticagrelor
Cangrelor
Agents en essai clinique
3
3
6
9
10
12
15
16
17
23
26
26
29
34
36
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
Tests d’activité plaquettaire
39
Tests à disposition
41
Impact clinique
45
Vers une thérapie sélective
53
Antiplaquettaires (AP) en périopératoire
56
AP et maladies vasculaires
57
Arrêt des antiplaquettaires
70
Risque hémorragique
76
Balance des risques
80
Recommandations chir non-cardiaque 83
Recommandations chirurgie cardiaque 93
AP et anesthésie loco-régionale
99
Transfusion plaquettaire
103
Conclusions
107
1
Auteurs
Pierre-Guy CHASSOT
Ancien Privat-Docent, Faculté de Biologie et de Médecine, Université
de Lausanne (UNIL), CH - 1005 Lausanne
Ancien responsable de l’Anesthésie Cardiovasculaire, Service
d’Anesthésiologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV),
CH - 1011 Lausanne
Alain DELABAYS
Cardiologue FMH, Médecin associé, Ensemble Hospitalier de la Côte
(EHC), Hôpital de Morges, CH - 1110 Morges
Médecin-Adjoint au Service de Cardiologie, Centre Hospitalier
Universitaire Vaudois (CHUV), CH - 1011 Lausanne
Donat R. SPAHN
Professeur d’Anesthésiologie, Faculté de Médecine, Université de
Zürich, CH - 8031 Zürich
Chef de Service, Institut für Anästhesiologie, UniversitätSpital Zürich
(USZ), CH - 8031 Zürich
Lectures conseillées
EBERLI D, CHASSOT PG, SULSER T et al. Urologic surgery and antiplatelet drugs after cardiac and cerebrovascular accidents. J Urol 2010;
183:2128-36
CAPODANNO D, ANGIOLILLO DJ. Management of antiplatelet therapy in patients with coronary artery disease requiring cardiac and
noncardiac surgery. Circulation 2013; 128:2785-98
FERRARIS VA, SAHA SP, OESTREICH JH, et al. 2012 update to the Society of Thoracic Surgeons Guidelines on use of antiplatelet drugs in
patients having cardiac and noncardiac operations. Ann Thorac Surg 2012 ; 94 :1761-81
GOGARTEN W, VANDERMEULEN E, VAN AKEN H, et al. Regional anaesthesia and antithrombotic agents: recommendations of the
European Society of Anaesthesiology. Eur J Anaesthesiol 2010; 27:999-1015
HALL R, MAZER CD. Antiplatelet drugs: A review of their pharmacology and management in the perioperative period. Anesth Analg 2011;
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JEGER RV, PFISTERER ME, SEORENSEN R, et al. Tradeoff between bleeding and stent thrombosis in different dual antiplatelet therapy
regimes: importance of case fatality rates and effective treatment durations. Am Heart J 2014; 168:698-705
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WIJEYSUNDERA DN WIJEYSUNDERA HC, YUN L, et al. Risk of elective major noncardiac surgery after coronary stent insertion. A
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Recommandations
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Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
2
Physiopathologie des thrombocytes
Les plaquettes, ou thrombocytes, sont des éléments essentiels dans la constitution du caillot sanguin.
Elles jouent également un rôle primordial dans le syndrome coronarien aigu (SCA) et dans la genèse des
plaques athéromateuses. Elles sont doublement associées au processus inflammatoire : d’une part, elles
sécrètent des médiateurs inflammatoires lorsqu’elles sont activées, et d’autre part, elles sont stimulées
par la réaction inflammatoire systémique (SIRS, systemic inflammatory response syndrome).
Les plaquettes sont produites par les mégacaryocytes ; ce sont des cellules anuclées dépourvues de DNA
mais porteuses de RNA, et donc capables de synthèse protéique. Dans l’impossibilité de se multiplier,
elles ont une durée de vie de 10 jours ; ceci signifie que 10% des plaquettes circulantes sont renouvelées
quotidiennement [2]. Leur taux sanguin habituel (150'000 – 440'000 mL-1) assure une bonne marge de
sécurité pour l’hémostase, car le temps de saignement est normal dès que le taux de plaquettes
fonctionnelles est la moitié de la norme. Pour cette raison, il suffit d’arrêter pendant 5 jours les
substances qui bloquent irréversiblement leur fonctionnement, comme l’aspirine ou les thiénopyridines,
pour retrouver une capacité hémostatique normale.
Les plaquettes et les molécules de fibrinogène circulent de manière fluide dans le courant sanguin tant
que l’endothélium est intact. Une rupture dans la continuité de ce dernier, qu’elle soit due à une brèche
vasculaire ou à une plaque athéromateuse instable, met en contact avec le flux sanguin des éléments
normalement camouflés dans la paroi du vaisseau : collagène, facteur de von Willebrand (FvW), lipides,
etc. Ce phénomène va déclencher l’activation plaquettaire, qui procède en trois phases [1].
 Phase d’initiation, pendant laquelle les plaquettes adhèrent à la lésion ;
 Phase d’extension, caractérisée par un recrutement et une agrégation d’autres plaquettes ; il se
forme un thrombus blanc ;
 Phase de perpétuation, marquée par la stabilisation du thrombus au moyen de la thrombine et
des facteurs de coagulation (thrombus rouge).
Les plaquettes
Les plaquettes (taux habituel: 150'000 – 440'000 mL-1) ont une durée de vie moyenne de 10 jours. Un
taux de 50% par rapport à la norme suffit à maintenir une hémostase normale, pour autant qu'il n'y ait ni
demande ni consommation excessives.
Références
1
2
ANGIOLILLO DJ, UENO M, GOTO S. Basic principles of platelet biology and clinical implications. Circ J 2010; 74:597-607
DAVI G, PATRONO C. Platelet activation and atherothrombosis. N Engl J Med 2007; 357:2482-94
Activation plaquettaire
Lorsque survient une lésion endothéliale, les plaquettes entrent en contact avec le collagène, avec le
facteur von Willebrand, et éventuellement avec les lipides d’une plaque athéromateuse instable ; cette
dernière est constituée d’un amas de lipides, de macrophages et d’éléments inflammatoires recouverts
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
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d’une fine capsule. Lors de cette rupture endothéliale, la rencontre entre les structures sousendothéliales et les thrombocytes circulants active spécifiquement le récepteur GP Ib/V/IX et provoque
une dégranulation plaquettaire qui libère de la thromboxane A2 (TXA2), de l’adénosine-diphosphate
(ADP) et de la thrombine. Ces substances stimulent à leur tour les récepteurs correspondants de chaque
plaquette et ceux des thrombocytes voisins ; elles amplifient ainsi la réaction par recrutement de
nouveaux éléments (Figure 29.1) [3]. Les plaquettes activées changent de forme et développent des
spicules typiques.
Figure 29.1.A : Les plaquettes et les
molécules de fibrinogène (F) circulent
fluidement dans le courant sanguin
tant que l’endothélium est intact. Le
récepteur GP Ib/V/IX rest inactivé ; le
facteur von Willebrand est à l’intérieur
de la paroi vasculaire. Le sang n’a
aucun contact avec les éléments sousendothéliaux tels le collagène ou les
lipides.
Collagène
Endothélium
F
b
Plaquette
GPIb/V/IX
von Willebrand
Collagène
Endothélium
TXA2
ADP
Activation
Plaquette
F
Plaq*
GPIb/V/IX
von Willebrand
i
b
Collagène
Endothélium
Plaq*
TXA2
ADP
Activation
Plaquette
Plaq*
GPIb/V/IX
von Willebrand
F
i
b
Figure 29.1.B : Lorsque survient une
lésion endothéliale, les plaquettes
entrent en contact avec les lipides,
avec le collagène et avec le facteur
von Willebrand, ce qui active le
récepteur GP Ib/V/IX et provoque une
dégranulation
plaquettaire ;
la
libération de thromboxane A2 (TXA2)
et d’ADP active les plaquettes, qui
adhèrent à l’endothélium lésé. Les
plaquettes activées (Plaq*) développent des spicules typiques.
Figure 29.1.C : La stimulation des
récepteurs correspondants par la TXA2
et l’ADP active le récepteur GP
IIb/IIIa plaquettaire qui se lie alors au
fibrinogène circulant. Les molécules
de fibrinogène forment des ponts entre
plusieurs plaquettes et la chaîne ainsi
formée amorce le bouchon plaquettaire
(thrombus blanc).
© Chassot 2016
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
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Figure 29.1 : Activation des plaquettes et formation d’un thrombus plaquettaire (thrombus blanc) lors de lésion
endothéliale mettant à nu les lipides et le collagène normalement recouverts d’endothélium : phase initiale
(29.1.B) et phase d’extension (29.1.C). Les agents antiplaquettaires (aspirine, clopidogrel, etc) agissent en
bloquant la phase d’activation des plaquettes. Plaq* : plaquette activée.
La stimulation des récepteurs plaquettaires par la TXA2, l’ADP et la thrombine transmet un signal
intracellulaire qui conduit à une hausse du Ca2+ ionisé sarcoplasmique et à une baisse de la production
d’AMP cyclique (cAMP) ; ce phénomène active le complexe GP IIb/IIIa situé à la surface des
plaquettes. Une fois activé, ce dernier se lie au fibrinogène circulant. Cette liaison forme des ponts entre
plusieurs plaquettes et devient le ciment qui agglutine les thrombocytes entre eux. La chaîne ainsi
formée amorce le bouchon plaquettaire (thrombus blanc).
Lorsqu’elles sont stimulées, les plaquettes libèrent des agents activateurs de la coagulation (TXA2 ,
ADP, sérotonine, thrombine) dont certains sont aussi des vasoconstricteurs locaux (TXA2 , sérotonine),
alors que l’endothélium sécrète des substances qui freinent l’activité plaquettaire et ont un effet
vasodilatateur : le NO• (baisse du Ca2+ ionisé intracellulaire), la prostacycline PGI2 (augmentation du
cAMP, modulation de la réponse au TXA2) et l’ecto-ADPase (suppression de la phase de recrutement
plaquettaire) (Figure 29.2).
Collagène
Endothelium
TXA2, ADP
Pl*
Thrombine
Pl*
F
Thrombine
F
F
NO, PGI2
Pl*
F
F
Macrophages
Rupture
capsule
Pl*
Lipides
Pl*
© Chassot 2012
Figure 29.2 : Une plaque instable est constituée d’un amas de lipides, de macrophages et d’éléments
inflammatoires recouverts d’une fine capsule. Lorsque celle-ci vient à se rompre, les structures sous-endothéliales
entrent en contact avec les éléments circulants : les plaquettes sont activées, s’aggluttinent autour des molécules
de fibrinogène et déclenchent l’adhésion de molécules de thrombine. Les plaquettes sécrètent des agents
activateurs de la coagulation (TXA2, ADP) et vasoconstricteurs (TXA2), alors que l’endothélium sécrète des
substances qui freinent l’activité plaquettaire et sont vasodilatatrices (NO•, PGI2).
La situation peut évoluer de deux manières [2] :
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
5
 Prédominance des agents vasodilatateurs et inhibiteurs des plaquettes : résolution spontanée du
thrombus ; la circulation est rétablie mais la cicatrisation de la plaque accroît progressivement
sa taille.
 Prédominance des agents vasoconstricteurs et stimulateurs des plaquettes comme le stress, la
fumée ou l’inflammation : recrutement massif de thrombocytes et de facteurs de coagulation ; le
thrombus devient occlusif et provoque une ischémie ou une nécrose distale.
L’activité endocrine opposée des plaquettes et de l’endothélium maintient un équilibre dynamique au
niveau artériolaire. Mais certaines situations sont accompagnées d’une excitabilité plaquettaire exagérée
(production excessive de ligand CD-40 et de radicaux libres) : obésité, tabagisme, hyperlipidémie,
hypercholestérolémie, hypertension artérielle, vieillissement, diabète, insuffisance rénale [1].
Activation plaquettaire
L’endothélium normal protège les éléments circulants de tout contact avec les structures de la paroi
vasculaire (collagène, lipides, facteurs tissulaires). Une lésion endothéliale (brèche vasculaire, rupture de
plaque instable) stimule les plaquettes circulantes par activation du récepteur GP Ib/V/IX via le collagène
et le facteur von Willebrand (FvW). Les plaquettes sécrètent alors de la thromboxane A2 (TXA2), de
l’ADP, de la thrombine et de la sérotonine, qui vont activer les récepteurs correspondants situés sur la
plaquette (amplification) et sur ses voisines (recrutement). Ces différents récepteurs contribuent à
l’élévation du Ca2+ ionisé intracellulaire et à la baisse de l’AMP cyclique (cAMP). Le point
d’aboutissement est la stimulation de la glycoprotéine (GP) IIb/IIIa qui se lie au fibrinogène et constitue
ainsi des amas plaquettaires (thrombus blanc). La plaquette est ancrée à la paroi vasculaire par liaison au
FvW. Le déclenchement de la cascade de la coagulation accumule de la thrombine et de la fibrine
(thrombus rouge).
Références
1
2
3
DAVI G, PATRONO C. Platelet activation and atherothrombosis. N Engl J Med 2007; 357:2482-94
FALK E, SHAH PK, FUSTER V. Coronary plaque disruption. Circulation 1955; 92:657-71
SAKHUJA R, YEH RW, BHATT DL. Antiplatelet agents in acute coronary syndromes. Curr Probl Cardiol 2010; 35:123-70
Récepteurs plaquettaires
La surface de chaque plaquette est recouverte de nombreux récepteurs différents (Figure 29.3) [1,2,
3,4,5].
 Récepteurs GP Ib/V/IX ; ils sont activés par le facteur von Willebrand et le collagène, qui sont
de puissants stimulateurs plaquettaires ; ils provoquent une dégranulation qui libère de la TXA2
et de l’ADP à l’extérieur de la plaquette ; ils assurent également l’adhérence de la plaquette au
sous-endothélium par leur lien avec le facteur von Willebrand et le collagène.
 Récepteurs thromboxane-prostanoïde (TP α et β) pour la thromboxane A2 (TXA2) ; celle-ci est
libérée par la dégranulation qui accompagne la stimulation des récepteurs GP Ib/V/IX ; elle est
synthétisée à partir de l’acide arachidonique des membranes par la cyclo-oxygénase-1 (COX1) ; c’est également un puissant vasoconstricteur local (inhibé par la prostacycline PGI2 sécrétée
par l’endothélium)
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
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 Récepteurs P2Y1 et P2Y12 sensibles à l’ADP ; le premier est responsable du changement de
configuration de la plaquette (activation de la protéine Gq et libération de Ca)2+, le deuxième de
l’amplification de l’agrégation induite par le récepteur GP Ib/V/IX, la TXA2, la thrombine et la
sérotonine (activation de la protéine Gi et baisse du taux d'AMPc).
 Récepteurs PAR1 et PAR4 pour la thrombine ; celle-ci stimule les plaquettes à une
concentration beaucoup plus faible que celle nécessaire à déclencher la cascade de la
coagulation ; toutefois, la capacité de la thrombine à cliver le fibrinogène en fibrine est plus
importante pour l’hémostase que son effet sur les plaquettes.
 Récepteurs 5HT-2A pour la sérotonine ; celle-ci est impliquée dans la stimulation plaquettaire
liée aux cisaillements et aux tourbillons du flux ; c’est également un vasoconstricteur local.
 Récepteurs glycoprotéine (GP) IIb/IIIa ; leur activation est le point d’aboutissement de la
stimulation plaquettaire : leur liaison au fibrinogène agglutine les plaquettes entre elles ; ils se
lient également au FvW pour ancrer la plaquette à la paroi vasculaire lésée.
TXA2
ADP
Thrombine
TXA2
ADP
PAR1
PAR4
TPα
TPβ
COX-1
P2Y12
P2Y1
↑ Ca
2+
↓ cAMP
GPIb/V/IX
GP IIb/IIIa
Facteur von
Willebrand
Collagène
© Chassot 2013
Fi
b
Fibrinogène
FvW
Figure 29.3 : Plusieurs types de récepteurs sont localisés à la surface d’une plaquette. Lors de lésions
endothéliales, le facteur von Willebrand (FvW) et le collagène activent le récepteur GP Ib/V/IX. Ceci procoque
une libération de thromboxane A2 (TXA2), d’ADP, de thrombine et de sérotonine. Ces substances vont activer les
récepteurs correspondants de la plaquette et des thrombocytes du voisinage (TP α et β, P2Y1 et P2Y12, PAR1 et
PAR4). La stimulation de ces récepteurs induit une élévation du Ca2+ intracellulaire et une baisse de l’AMP
cyclique, ce qui conduit à une activation du récepteur GP IIb/IIIa ; celui-ci se lie au fibrinogène, qui agglutine
plusieurs plaquettes entre elles, et au FvW qui ancre la plaquette à la paroi. PAR : protease-activated receptor. TP :
thromboxane/prostanoid [1].
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
7
Récepteurs plaquettaires
La surface des plaquettes contient de nombreux récepteurs dont l'activation fait partie de la cascade
coagulatoire. Les principaux sont les récepteurs à la thromboxane (aspirine), les récepteurs P2Y1 et P2Y12
sensibles à l’ADP (thiénopyridine), les récepteurs PAR sensibles à la thrombine et les récepteurs GP
IIb/IIIa qui se lient au fibrinogène.
Références
1
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Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
8
Les antiplaquettaires classiques
Selon le type de récepteur bloqué sur les thrombocytes, on distingue plusieurs classes de substances
antiplaquettaires (Tableaux 29.1 et 29.2, Figure 29.4).
Tableau 29.1
Activité et voie d’administration des antiplaquettaires
Aspirine
Clopidogrel
Prasugrel
Ticagrelor
Cangrelor
Elinogrel
Vorapaxar
Terutroban
Récepteur
COX-1 (TXA2)
ADP P2Y12
ADP P2Y12
ADP P2Y12
ADP P2Y12
ADP P2Y12
Thrombine PAR1
Thromboxane A2
Liaison
Irréversible
Irréversible
Irréversible
Réversible
Réversible
Réversible
Réversible
Réversible
Biotransformation
Aucune
P450 hépatique
P450 hépatique
Aucune
Aucune
Aucune
Aucune
Aucune
Voie
Orale
Orale
Orale
Orale
Intraveineuse
Orale et iv
Orale
Orale
Tableau 29.2
Pharmacocinétique des antiplaquettaires
Aspirine
Clopidogrel
Prasugrel
Ticagrelor
Cangrelor
Tirofiban
Eptifibatide
Abciximab
Dose de charge
160-325 mg
300-600 mg
60 mg
180 mg
30 mcg/kg
0.4 mcg/kg/min
180 mcg/kg
0.25 mg/kg
Entretien
50-160 mg/j
75 mg/j (150 mg/j)
10 mg/j
2 x 90 mg/j
Perf 4 mcg/kg/min
0.1 mcg/kg/min
1-2 mcg/kg/min
0.125 mcg/kg/min
Délai d’action
<1h
3-8 h
1h
2h
15 min (iv)
30 min (iv)
20 min (iv)
10 min (iv)
Demi-vie
< 1 h*
7.5 h (métab < 1 h)*
3.7 h (métabolite)*
7-13 h
3-6 min
2h
2.5 h
23 h
Le délai d’action est le temps entre la prise de la substance et son pic d’activité. Pour le clopidogrel, il est inversément
proportionnel à la dose de charge. Perf : perfusion continue. iv : administration intraveineuse. Métab : métabolite. * : la demivie pharmacologique ne correspond pas à celle de l’effet clinique puisque l’inhibition plaquettaire est irréversible ; la
récupération dépend du renouvellement des plaquettes (10%/jour).
 Bloqueur irréversible de la cyclo-oxygénase-1 (COX-1) : aspirine.
 Bloqueurs réversibles de la COX-1 : anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS).
 Bloqueurs du récepteur ADP (P2Y12) : irréversibles (ticlopidine, clopidogrel, prasugrel) ou
réversibles (ticagrelor, cangrelor, elinogrel).
 Antagonistes des récepteurs glycoprotéine (GP) IIb/IIIa : abciximab, tirofiban, eptifibatide.
 Inhibiteur des phosphodiestérases (IPDE) ; IPDE-3 : cilostazol ; IPDE-5 : dipyridamole.
 Bloqueur réversible du récepteur de la thromboxane A2 : terutroban.
 Bloqueurs réversibles du récepteur de la thrombine : vorapaxar, atopaxar.
 Bloqueurs des molécules d’adhésion : DZ697b, ARC1779.
On considérera ici comme antiplaquettaires classiques : les anti COX-1 comme l’aspirine et les AINS,
les thiénopyridines comme la ticlopidine (retirée du marché) et le clopidogrel, les anti-GP IIb/IIIa
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
9
(abciximab, tirofiban, eptifibatide), et les IPDE (cilostazol, dipyridamole). Les nouveaux
antiplaquettaires comprennent trois bloqueurs du récepteur ADP qui sont récemment arrivés sur le
marché, le prasugrel, le ticagrelor et le cangrelor, ainsi qu’une série de substances encore en essai
clinique et non disponibles pour l’instant.
Inhib COX-1:
Aspirine
AINS
Inhib thrombine:
Vorapaxar
Atopaxar
Inhib ADP
irréversibles:
Clopidogrel
Prasugrel
Thrombine
TXA2
ADP
PAR1
PAR4
TPα
TPβ
COX-1
TXA2
ADP
P2Y12
P2Y1
Inhib ADP
réversibles:
Ticagrelor
Cangrelor
Elinogrel
2+
↑ Ca
↓ cAMP
PDE3
GPIb/V/IX
IPDE-3:
Cilostazol
GP IIb-IIIa
Anti-adhésion:
DZ 697b
ARC1779
Facteur von
Willebrand
Collagène
Fi
b
Fibrinogène
FvW
Anti-GP2b/3a:
Abciximab
Eptifibatide
Tirofiban
© Chassot 2013
Figure 29.4 : Les différentes catégories d’agents antiplaquettaires, classés selon le récepteur bloqué. Inhib :
inhibiteurs. IPDE : inhibiteur des phospho-diestérases. FvW : facteur von Willebrand. Fi : fibrinogène.
Le coût par jour de traitement est de CHF 1.30 à 2.- pour le clopidogrel (générique ou substance
originale), de CHF 3.20 pour le prasugrel et de CHF 3.30 pour le ticagrelor (2 doses quotidiennes)
(valeur mars 2015).
Aspirine
L’aspirine bloque la cyclo-oxygénase-1 (COX-1) des plaquettes, ce qui inhibe irréversiblement la
formation de thromboxane A2 à partir de l’acide arachidonique des membranes. Elle interrompt aussi la
synthèse de la prostacycline (PGI2) dans l’endothélium, mais de manière réversible et moins sensible
[12]. L’inhibition est totale avec des doses de 50 à 160 mg par jour (dose de charge : 250-500 mg) ; les
doses supérieures n’augmentent pas l’effet (sauf en cas de poids corporel élevé), mais accroissent le
risque d’hémorragie digestive spontanée [5]. Après interruption de l’aspirine, le temps de saignement et
l’agrégabilité plaquettaire sont normalisés en 4-6 jours [9,10,15].
En prévention secondaire, l’aspirine diminue le risque d’accident cardiovasculaire de 26% en moyenne,
pour une augmentation du risque hémorragique annuel de 1.3%/an, en majeure partie des hémorragies
digestives [2,3,4,13,14].
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
10




Baisse de récidive après infarctus
Baisse de mortalité après SCA
Baisse de mortalité et de thrombose après stent
Baisse de récidive après ictus
34%
26%
25%
22%
Après pontages aorto-coronariens, l'aspirine réduit le risque d'infarctus de 44% [8]. L’aspirine est un
traitement à vie qui ne doit plus être interrompu, sous peine d'augmenter le risque d'infarctus et de décès
de 50-60% [6]. En prévention primaire, l’aspirine n’est indiquée que si le risque d’accident
cardiovasculaire est 10-20% à 10 ans, comme chez les diabétiques > 50 ans avec facteurs de risque
(tabac, HTA, cholestérolémie, albuminurie, anamnèse familiale) [1,5].
Les anti-inflammatoire non-stéroïdiens (AINS) sont des compétiteurs de l’aspirine et en réduisent les
effets cardiovasculaires bénéfiques. Les inhibiteurs de la COX-2, qui est nécessaire à la synthèse de la
prostacycline (PGI2) dans l’endothélium, modifient l’équilibre entre l’inhibition et l’activation
plaquettaires par la PGI2 et la TXA2, respectivement. Cette perte de balance en faveur de la TXA2
double le risque d’infarctus myocardique chez les consommateurs d’anti-COX-2, même lorsque ces
malades ne présentent aucun facteur de risque clinique pour une thrombose coronarienne [11]. Sur le
long terme, cependant, tous les AINS sont associés à une augmentation dose-dépendante du risque
cardiovasculaire : hazard ratio (HR) de 1.9 à 3.7 pour le risque d’infarctus et de 1.5 à 2.3 pour le risque
de tachyarrythmies ventriculaires et supraventriculaires [7].
Antiplaquettaires: aspirine
L'aspirine bloque irréversiblement la COX-1 ; dosage : 50-160 mg/j. En prévention secondaire, baisse du
risque cardiovasculaire de 26%, mais augmentation du risque d’hémorragie digestive de 1.2%/an ;
traitement à vie sans interruption (prévention secondaire seulement). Taux de non-répondeurs : 6%. Sauf
exceptions, pas d’interruption avant la chirurgie ; si l’interruption est indispensable, stop 5 jours.
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Clopidogrel (Plavix®, Iscover®)
Le clopidogrel est la thiénopyridine d’utilisation la plus courante depuis l’abandon de la ticlopidine à
cause de ses effets secondaires (hémorragie digestive, neutropénie, thrombocytopénie). Les
thiénopyridines sont des inhibiteurs non-compétitifs irréversibles du récepteur ADP P2Y12 ; elles
empêchent les plaquettes de sécréter leurs médiateurs thrombogènes et inflammatoires, et préviennent
leur agrégation. Administré seul, notamment chez les patients intolérants à l’aspirine, le clopidogrel
n’est que marginalement plus efficace que celle-ci ; il présente le même risque hémorragique. Mais le
clopidogrel est en général prescrit en combinaison avec l’aspirine (bithérapie). Dans ces conditions, il
diminue le risque cardiovasculaire de 36% en moyenne en prévention secondaire (Figure 29.5) [4,5,
13,16,19,20,28,30,31].




Baisse de récidive et mortalité après STEMI
Baisse de mortalité après SCA
Baisse de mortalité et de thrombose après stent
Baisse de récidive après ictus
Mortalité + infarctus (%)
46%
26%
31-50%
30%
Mortalité + infarctus (%)
7.2%
8
15
DES sans clopidogrel
dès 6 mois
DES avec clopidogrel
jusqu’à 24 mois
Placebo
6
10
4
Clopidogrel
5
2
3.1%
p = 0.002
0
0
0
A
100
200
300
400
Jours
6
B
12
18
24
Mois
Figure 29.5 : Evidences de l’efficacité du clopidogrel associé à l’aspirine. A : à 1 an, l’incidence combinée de
mortalité, d’infarctus et de revascularisation après stent coronarien est de 31% plus basse avec du clopidogrel par
rapport à un placebo en plus de l’aspirine (étude PCI-CURE) [20]. B : les porteurs de stents coronariens à élution
(DES, drug-eluting stent) ont un risque de mortalité et d’infarctus à 2 ans diminué de plus de moitié lorsqu’ils sont
en permanence sous clopidogrel par rapport à ceux qui ont arrêté après 6 mois [13].
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
12
Mais la bithérapie augmente le risque hémorragique de 2.1%/an (incidence de saignements : 1.5 2.1%). Or, l’hémorragie est un risque en soi ; lors de syndrome coronarien aigu, elle augmente de 5 fois
la mortalité à un mois (HR 5.37), soit autant que la nécrose de la zone à risque [12]. L’addition de
clopidogrel à l’aspirine ne présente aucun intérêt en prévention primaire [8].
Le métabolisme du clopidogrel présente plusieurs particularités [1,17,24].
 85% de la substance absorbée dans le tube digestif est détruit par les estérases ; ces enzymes
sont particulièrement actives chez les diabétiques, ce qui diminue d’autant l’efficacité du
médicament chez ces patients [2].
 Le clopidogrel est un précurseur inactif dont la demi-vie est de 6-8 heures ; il doit être oxydé
par des cytochromes hépatiques du groupe P450 (CYP3A4, CYP3A5, CYP2C19) en deux
étapes : transformation en 2-oxo-clopidogrel puis en composé thiol actif mais instable, dont la
demi-vie est d’environ 60 minutes.
 Ce métabolite actif bloque irréversiblement le récepteur ADP P2Y12 de manière covalente (pont
disulfure avec la cystéine) pour toute la durée de vie de la plaquette.
 Bien qu’irréversible, l’inhibition n’est pas totale ; la réduction de l’agrégation plaquettaire est de
40-60%.
Il existe une forte compétition avec d’autres médicaments pour la métabolisation par les enzymes
hépatiques. Cette compétition diminue la synthèse de métabolite actif du clopidogrel, donc son
efficacité antiplaquettaire, alors qu’elle freine la dégradation des autres substances, donc augmente leur
effet clinique. Parmi les nombreuses substances incriminées (statines, inhibiteurs de la pompe à proton,
diazepam, bloqueurs calciques, ketoconazole), deux seules semblent avoir un impact clinique sur le
devenir des patients : l’atorvastatine et l’omeprazole [3,6,21]. L’administration concomitante de
clopidogrel et d’atorvastatine, qui est la statine la plus souvent prescrite, tend à augmenter le risque
cardiovasculaire des patients ; cet effet n’a pas été retrouvé avec les autres statines [6]. D’autre part,
l’utilisation simultanée d’omeprazole et de clopidogrel diminue l’efficacité de ce dernier de 25% ; mais
là encore, l’interférence est discutée car elle n’a pas été retrouvée dans le seul essai randomisé réalisé
jusqu’ici [38] ; elle ne semble pas exister pour les autres inhibiteurs de la pompe à proton (IPP) [11,14,
18,29]. Malgré la discordance de ces résultats, il est préférable d’éviter la prescription d’atorvastatine et
d’omeprazole chez les patients sous clopidogrel, particulièrement lorsqu’ils sont à haut risque de
thrombose ou qu’ils ont un degré d’inhibition plaquettaire réduit. Par contre, la prescription d’un autre
IPP (lanzoprazole, pantoprazole, etc) diminue de 50% le risque d’hémorragie digestive sévère sous
aspirine et clopidogrel [27].
Le temps nécessaire à atteindre le pic d’effet dépend de la dose de charge : il est de 72 heures avec 75
mg, de 8 heures avec 300 mg et de 4 heures avec 600 mg. La dose d’entretien est de 75 mg/jour ; bien
que l’augmentation de l’effet clinique ne suive pas linéairement celui de la dose, un dosage doublé (150
mg/j) accroît le degré d’inhibition plaquettaire de 31 à 50%, améliore la fonction endothéliale et
diminue le taux de protéine C-réactive [24]. Cinq jours après l’arrêt du clopidogrel, 57% des individus
ont ≤ 20% d’inhibition plaquettaire résiduelle, et 87% ont une agrégabilité normale [25,26].
Le clopidogrel présente cinq inconvénients majeurs [9,10] :




Sa biodisponibilité est faible et sa biotransformation variable ;
Son degré d’inhibition plaquettaire n’est que de 40-60% ;
Son effet s’installe lentement et met plus de 5 jours à disparaître ;
Son inhibition plaquettaire est irréversible ; il faut attendre le renouvellement des plaquettes
(10%/jour) pour que son activité cesse ;
 Son activité antiplaquettaire est sujette à une grande variabilité interindividuelle (12-35% de
non-répondeurs) (voir Résistance aux antiplaquettaires).
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
13
Il existe quelques possibilités de surmonter ces difficultés :
 Augmenter les doses : dose de charge 600-900 mg, dose quotidienne 150 mg ;
 Adjonction de cilostazol ou d’anticoagulant (rivaroxaban) à la combinaison aspirine +
clopidogrel (triple thérapie) ;
 Remplacement par de nouvelles substances plus efficaces, telles le prasugrel ou le ticagrelor ;
 Tests d’activité plaquettaire et tests génomiques pour identifier les non-répondeurs (voir
Réactivité plaquettaire et évènements cliniques).
L’arrivée sur le marché de génériques du clopidogrel soulève le problème de l’efficacité des différents
sels de la substance. La molécule originale est du sulfate de clopidogrel, alors que les génériques sont du
bésylate ou de l’hydrochlorure de clopidogrel. Bien qu’ils soient équivalents chez les individus normaux
chez qui ils ont été testés, ces sels peuvent présenter des différences chez les patients âgés, insuffisants
cardiaques ou rénaux, et polymédicalisés [22,23]. Les copies contiennent également beaucoup de
l’énantiomère-R du clopidogrel, qui est inactif [15]. Pour l’instant, on ne dispose pas de preuves
cliniques que les génériques soient inférieurs à l’original, mais la question est certainement biaisée par
le marketing du fabricant (Sanofi-Aventis), qui s’est vu infliger une amende considérable par la
Commission Européenne de la Concurrence en 2013 pour dénigrement infondé des génériques.
Antiplaquettaires classiques: clopidogrel
Le clopidogrel est une thiénopyridine bloquant irréversiblement le récepteur ADP (P2Y12) et réduisant
l’agrégation plaquettaire de 40-60% ; métabolisme particulier :
- Destruction à 85% par les estérases (hyperactives chez les diabétiques) ;
- Oxydation en un métabolite actif par des cytochromes hépatiques ;
- Demi-vie du clopidogrel 7 heures, demi-vie des métabolites < 1 heure ;
- Compétition pour ces cytochromes avec de nombreuses substances ; seuls l’atorvastatine et
l’oméprazole semblent réduire le métabolisme du clopidogrel au point de diminuer son
efficacité clinique.
Administré seul, il a le même effet et le même risque hémorragique que l’aspirine ; en double thérapie
(aspirine + clopidogrel), il réduit le risque cardiovasculaire de 36%, mais augmente le risque
hémorragique de 2.1%/an. Dose de charge : 300-600 mg, entretien : 75 (150) mg/j. Inconvénients :
- Faible biodisponibilité, biotransformation variable ;
- Inhibition plaquettaire incomplète ;
- Long délai d’action (4 heures pour 600 mg), effet pour la durée de vie de la plaquette ;
disparition de l’effet clinique en ≥ 5 jours ;
- Grande variabilité interindividuelle (taux moyen de faibles répondeurs : 25%) ;
- Durée d’interruption recommandée avant chirurgie : 5 jours.
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Anti GP-IIb/IIIa
Les antagonistes des récepteurs glycoprotéine (GP) IIb/IIIa agissent au point effecteur terminal de la
fonction des thrombocytes ; ils bloquent ainsi la liaison avec les molécules de fibrinogène. Ils sont
utilisés essentiellement pour la prévention de la thrombose immédiate après PCI (Percutaneous
Coronary Intervention) avec pose de stent, et sont prescrits pour 24-48 heures [3]. Après avoir été très
largement prescrits, ils sont actuellement cantonnés au rôle de sauvetage dans les cas à risque
thrombotique très élevé (diabète, troponines très élevées, stents complexes) mais à risque hémorragique
faible, et dans les cas de complications thrombotiques [1,2]. Leur efficacité dans les angioplasties et
poses de stents électives est très douteuse ; ils sont déconseillés chez les patients dont l’anatomie
coronarienne n’est pas connue [4].
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
15
L'abciximab (RheoPro®, anticorps monoclonal, bloqueur irréversible) a une demi-vie sérique de 23
heures. Le tirofiban (Aggrastat®, dérivé de la tyrosine) et l'eptifibatide (Integrilin®, heptapeptide) ont
une demi-vie de 2 heures et 2.5 heures respectivement ; leur inhibition est de type compétitif réversible.
L’activité des thrombocytes est récupérée 6 heures après l’administration de tirofiban, 8 heures après
celle d’eptifibatide, mais seulement 72 heures après l’arrêt de l’abciximab (Tableau 20.1-2 IIb-IIIa).
Tableau 29.1-2 IIb-IIIa
Pharmacocinétique des antiplaquettaires
Aspirine
Clopidogrel
Prasugrel
Ticagrelor
Cangrelor
Tirofiban
Eptifibatide
Abciximab
Dose de charge
160-325 mg
300-600 mg
60 mg
180 mg
30 mcg/kg
0.4 mcg/kg/min
180 mcg/kg
0.25 mg/kg
Entretien
50-160 mg/j
75 mg/j (150 mg/j)
10 mg/j
2 x 90 mg/j
Perf 4 mcg/kg/min
0.1 mcg/kg/min
1-2 mcg/kg/min
0.125 mcg/kg/min
Délai d’action
<1h
3-8 h
1h
2h
15 min (iv)
30 min (iv)
20 min (iv)
10 min (iv)
Demi-vie
< 1 h*
7.5 h (métab < 1 h)*
3.7 h (métabolite)*
7-13 h
3-6 min
2h
2.5 h
23 h
Antiplaquettaires classiques: anti GP-IIb/IIIa
Ce sont des bloqueurs de la liaison plaquette – fibrinogène administrés en perfusion ; actuellement
cantonnés au rôle de sauvetage lors de syndrome coronarien aigu et de pose de stents à risque.
- Abciximab : demi-vie 23 heures ;
- Eptifibatide : demi-vie 2.5 heures ;
- Tirofiban : demi-vie 2 heures.
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Inhibiteurs des phosphodiestérases (IPDE)
Le cilostazol (Pletal®) est un inhibiteur de la phosphodiestérase-3 des plaquettes qui freine la
dégradation de l’AMP cyclique ; comme le taux intracellulaire de ce dernier augmente, l’activité des
thrombocytes diminue. La substance a trois effets distincts : 1) baisse de l’agrégation plaquettaire, 2)
vasodilatation artériolaire, et 3) inhibition de la croissance des cellules musculaires lisses. En triple
association avec l’aspirine et le clopidogrel, le cilostazol contribue à la réduction des accidents
ischémiques (OR 0.74), mais est surtout efficace pour réduire le taux de resténose des stents due à la
prolifération endothéliale et musculaire lisse (OR 0.58 – 0.65) [1,2,5]. Il réduit davantage l’activité
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
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plaquettaire que le doublement de la dose de clopidogrel [4]. Bien que les études portent sur de petites
séries, il ne semble pas que le risque hémorragique soit augmenté. La demi-vie d'élimination du
cilostazol (100 mg 2 fois/jour) est de 21 heures; ses métabolites sont éliminés par voie rénale.
Le dipyridamole est un inhibiteur de la phosphodiestérase-5 des plaquettes. Il a également trois effets
distincts : 1) baisse de l’agrégation plaquettaire, 2) vasodilatation artériolaire, et 3) tachycardie. Il est
utilisé en association avec l’aspirine (Asasantine®) dans la prévention secondaire de l’AVC nonembolique (dose d’entretien : 200 mg/jour). Il est inférieur au clopidogrel pour la prévention de
l’infarctus et de la thrombose de stent chez les patients intolérants à l’aspirine [3].
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2
3
4
5
Résistance aux antiplaquettaires
Tous les patients ne réagissent pas avec la même intensité aux antiplaquettaires. Les faibles répondeurs
sont particulièrement fréquents avec l’aspirine (3-20% des patients) et avec le clopidogrel (12-30%). Ce
taux varie sur une vaste fourchette parce qu’il dépend de plusieurs phénomènes [12,17,22].








Type de test de fonction plaquettaire utilisé (voir Tests d’activité plaquettaire) ; chaque test
mesure une activité différente des plaquettes ; la sensibilité et la spécificité varie selon le
récepteur concerné, ce qui rend la comparaison des tests très difficile. Il n’existe pas de test
standardisé, mais des valeurs-seuils de référence ont été adoptées très récemment [3].
Polymorphisme génétique (voir Génomique) : des modifications génétiques dans le codage des
enzymes liés à l’absorption et au métabolisme du clopidogrel en altèrent l’efficacité [45].
Interactions médicamenteuses (voir ci-dessous) : plusieurs substances interfèrent avec le
métabolisme du clopidogrel et diminuent la production de métabolite actif [4].
Variations enzymatiques ; le diabète type I s’accompagne d’une hyperactivité des estérases
plasmatiques et tissulaires qui transforment le clopidogrel en un métabolite inactif [1]. Au
contraire, la fumée de cigarette et la cafféine sont des inducteurs du cytochrome P450 ; elles
accélèrent la biotransformation du clopidogrel en son métabolite actif [34].
Variations au niveau cellulaire : turnover accéléré des plaquettes, surexpression des récepteurs
P2Y1 et P2Y12, excès de noradrénaline, métabolisme extraplaquettaire de l’aspirine [16].
Variation spontanée de la réactivité plaquettaire dans le temps ; certains individus modifient leur
réponse aux antiplaquettaires d’une semaine à l’autre [37].
Polymorbidité : certaines affections s’accompagnent d’une hyperactivité plaquettaire qui diminue
l’efficacité des médicaments : diabète (turnover plaquettaire accéléré), SIRS, stress opératoire,
hypercholestérolémie, insuffisance rénale, syndrome paranéoplasique, âge avancé [22].
Non-compliance du patient ; jusqu’à 22% de la population ne prend pas régulièrement ses
médicaments, ou adapte la prescription de manière inappropriée [38].
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
17
Aspirine
Le taux de faibles répondeurs à l’aspirine est particulièrement important chez les diabétiques de type I et
dans le sexe féminin [24]. L’incidence varie de 3% à 27% en fonction du test utilisé. Avec un test
spécifique pour la COX-1 (test avec l’acide arachidonique comme agoniste), l’incidence n’est que de
3% ; avec un test non-spécifique, elle est de 12-15% [31]. Le taux moyen de non-répondeurs se situe
probablement aux environs de 6% de la population [8]. Les individus dits résistants à l’aspirine ont
souvent un blocage efficace de la production de TXA2, mais une prédominance des autres voies de
stimulation du récepteur GP-IIb/IIIa (récepteur ADP, récepteur à la thrombine, etc) ; ils conservent ainsi
une agrégabilité plaquettaire importante malgré l’activité inhibitrice de l’aspirine. Une "résistance" à
l’aspirine ne justifie pas une augmentation du dosage (75-160 mg) [3].
Clopidogrel
La réponse au clopidogrel suit une répartition gaussienne ; la majorité des patients présente un degré
d’inhibition plaquettaire de 40-60%, avec de faibles répondeurs d’un côté et quelques hyper-répondeurs
de l’autre (Figure 29.6) [39].
Nb patients
120
90
Faibles
répondeurs
Forts
répondeurs
60
30
0
20
40
60
80
100
Inhibition plaquettaire (%)
Figure 29.6 : Répartition du degré d’inhibition plaquettaire chez 544 patients recevant 75 mg/j de clopidogrel
[39]. La majorité des patients présente un degré d’inhibition plaquettaire de 40-60%. Les forts répondeurs ont un
risque hémorragique plus élevé que la moyenne (HR 2.6) [42].
La moitié des malades qui ne sont pas normalement sensibles à l’aspirine ne répond pas non plus au
clopidogrel [15]. La pharmacologie de ce dernier est surtout caractérisée par des interactions avec
d’autres médicaments et par un très important polymorphisme génétique.
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
18
Interactions médicamenteuses
Les anti-inflammatoires non-stéroïdiens bloquent l’accès de l’aspirine à la COX-1 qu’ils inhibent, mais
n’ont pas d’activité antiplaquettaire [14] ; ainsi l’association d’ibuprofen diminue de 70% la protection
cardiovasculaire de l’aspirine (HR 1.73) [25].
De nombreuses substances entrent en compétition avec le clopidogrel pour leur métabolisme par les
cytochromes hépatiques du groupe P450 : statines lipophiles, certains inhibiteurs de la pompe à proton
(IPP), midazolam, bloqueurs calciques, fluoxétine, kétoconazole, cimétidine. Cette compétition peut
diminuer l’efficacité clinique du clopidogrel de 25% [2,4,13,18,33]. Deux substances sont
particulièrement concernées par cette interférence.
 L’atorvastatine, une statine liposoluble, augmente le risque cardiovasculaire chez les patients
sous clopidogrel [4] ; bien que cet impact n’apparaissent que dans certaines études, sa probabilité
est considérée comme significative par la FDA.
 L’oméprazole est lié à une augmentation des complications cardio-vasculaires dans plusieurs
études rétrospectives [13,18], mais non dans les méta-analyses ni dans les études randomisées
[5,9,32,44] ; par contre, il diminue le taux d’hémorragies digestives [5,32].
Ces effets négatifs sur le devenir des patients n’ont jamais été retrouvés ni avec les statines hydrosolubles
ni avec les autres IPP [23,44]. Ils ne concernent probablement que les malades qui sont à haut risque de
thrombose ou qui n’ont qu’un faible degré d’inhibition plaquettaire. Malgré ces discordances, il est
recommandé d’éviter la prescription d’atorvastatine et d’omeprazole chez les patients sous clopidogrel.
Les autres IPP sont une aide précieuse pour diminuer le risque d’hémorragie digestive sous bi-thérapie
[10,35].
Génomique
La pharmacogénomique démontre que les variations de l’activité plaquettaire en réponse au clopidogrel
sont liées, entre autres, à des modifications dans le codage génétique situées à trois niveaux différents
[26,45] :



Absorption digestive (gène ABCB1) ;
Métabolisme hépatique (gènes CYP3A5 et CYP2C19) ;
Fonction des récepteurs plaquettaires P2Y12 et GP-IIb/IIIa (gène ITGB3).
Pour chacun de ces gènes, il existe des variantes (allèles) donnant naissance à des enzymes ou à des
récepteurs non-fonctionnels. Pour les porteurs de ces allèles, l’efficacité du clopidogrel est diminuée,
chez les homozygotes davantage que chez les hétérozygotes [26]. Les premières études avaient montré
que la mortalité de ces porteurs et leur taux d’accidents cardiovasculaires 1 an après un événement
coronarien étaient majorés par rapport aux malades dont les gènes sont normaux [27,30,45] :



Allèles ABCB1 :
Allèles CYP2C19 :
Allèles ITGB3 :
HR 1.72 ;
HR 1.98 – 4.04 ;
HR 3,69.
On a retrouvé le même phénomène avec l’aspirine ; les malades hétérozygotes sur certains récepteurs
(Pl41/42) conservent une agrégabilité plaquettaire marquée sous des doses d'aspirine qui bloquent
l'agrégation chez les porteurs de gènes normaux [8]. Les porteurs des variantes CYP2C19*2 et
CYP2C19*3 du cytochrome hépatique, qui représentent 15% de la population blanche, 17% des afroaméricains et 30% des asiatiques [11], ont un risque doublé de décès et de récidive d’infarctus ou d’ictus
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
19
(OR 1.53-2.4), parce que le clopidogrel est insuffisamment transformé en son métabolite actif ; leur
risque de thrombose de stent est 3 à 6 fois plus élevé (HR 3.09 – 6.02) (Figure 29.7) [27,40,45].
4
Thrombose de stent (%)
HR = 3.1
3
2.6%
Porteurs allèle
2
p = 0.001
1
0.8%
Gènes normaux
120
360
240
Temps (jours)
Figure 29.7 : Association entre la présence d’un allèle non-fonctionnel du gène CYP2C19 et la thrombose de stent
chez 1'459 patients sous clopidogrel [27]. Le risque est trois fois plus élevé chez les malades dont le métabolisme
hépatique du clopidogrel est déficient. HR : hazard ratio.
Chez les hétérozygotes pour l’allèle CYP2C19*2, l’inhibition plaquettaire peut être rétablie au niveau de
celle des individus normaux en triplant la dose quotidienne de clopidogrel, mais cette astuce ne
fonctionne pas chez les homozygotes [29]. Ces derniers peuvent bénéficier d’un traitement de prasugrel
[28], car celui-ci permet de vaincre la non-réactivité plaquettaire chez la plupart des malades porteurs
d’allèles hypométabolisateurs du clopidogrel [36]. Une méta-analyse des études sur l’impact clinique du
polymorphisme génétique indique que les allèles sont probablement associés aux complications
cardiovasculaires chez les malades à haut risque : après SCA, la mortalité et l’infarctus sont accrus de
75% (HR 1.76), la thrombose de stent est 4 fois plus élevée (HR 3.97) [30]. A telle enseigne que la FDA
a un temps recommandé le génotypage CYP2C19 chez les malades à haut risque de thrombose de stent,
puisque ce test est disponible sur le marché (coût : 500 $) [19,36].
Toutefois, d’autres rapports n’ont pas confirmé cette association : le mécanisme du CYP2C19*2
n’explique que le 12% de la variabilité de réponse au clopidogrel [39,46] et a une valeur prédictive
positive de seulement 12-20% [27]. D’autre part, il n’a aucune valeur prédictive sur le risque
hémorragique [19]. La question de savoir si le génotypage a un impact significatif sur le devenir des
patients, en-dehors de ceux qui sont à haut risque de thrombose de stent, reste largement ouverte [20,21].
On ne saurait donc recommander la généralisation de ce test, d’autant plus que le polymorphisme
génétique n’a pas d’impact sur le devenir des patients traités avec du ticagrelor ou du prasugrel [28,43].
Le risque hémorragique est directement lié à l’efficacité antiplaquettaire ; à taux équivalents de
métabolite actif et d’inhibition plaquettaire, les saignements sont identiques avec les différentes
thiénopyridines [6]. Les patients répondeurs sont mieux protégés contre les accidents cardiaques, mais
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
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sont aussi ceux qui ont le plus d’épisodes de pertes sanguines. Il existe également des hyper-répondeurs,
porteurs de l’allèle CYP2C19*17, qui ont trois fois plus de saignements que les normo-répondeurs (OR
3.41), bien qu’ils présentent le même risque de thrombose de stent [41]. Toutefois, les tests génétiques
échouent à déterminer quels sont les patients à risque accru de saignement [19]. Cette linéarité entre
l'effet thérapeutique et le risque hémorragique des thiénopyridines, bloqueurs irréversibles du récepteur
P2Y12, ne se retrouve pas au même degré avec les bloqueurs réversibles de ce même récepteur, comme le
ticagrelor ou le cangrelor, où les deux effets sont partiellement dissociés.
Les tests génétiques prennent davantage de valeur prédictive lorsqu’on les combine à des éléments
cliniques du pronostic. Par exemple, l’association des allèles hyporépondeurs de 3 gènes (ABCB1,
CYP2C19 et ITGB3) avec la dose de charge en clopidogrel, la prescription d’IPP, le diabète, la fonction
ventriculaire et les données de l’angioplastie (caractère aigu ou non, complexité des lésions coronaires)
donne un ensemble qui prédit un risque de thrombose de stent précoce plus de 7 fois supérieur à la
moyenne (HR 7.63) chez les malades avec des scores élevés dans chaque catégorie (Figure 29.8) [7].
Génotypage
Nomal
1 allèle
(30%)
2 allèles
(3%)
Clopidogrel
Clinique
Clinique
Co-médications
Co-morbidités
Fumée
Obésité
Age, sexe
Diabète
FE < 0.3
Clopidogrel
hautes doses
Prasugrel
Ticagrelor
Test dʼagrégation
BMS vs DES
PAC
Dose clopidogrel
Lésions coronaires
PCI lors de SCA
Type de stent
Problèmes techniques
Prasugrel
Ticagrelor
Elinogrel
© Chassot 2013
Figure 29.8 : Illustration schématique de l’impact possible du génotypage et des tests de fonction plaquettaire
combinés au status clinique [d’après réf 7]. Le génotypage peut se pratiquer en-dehors de tout événement
ischémique aigu. Il analyse les constituants stables et permanents de l’organisme, mais il ne représente que < 20%
de la variabilité dans la réponse aux antiplaquettaires. Les sujets hétérozygotes pour l’allèle hyporépondeur
(CYP2C19*2) peuvent bénéficier d’une dose élevée de clopidogrel (la tendance actuelle est plutôt d’abandonner
cette option), mais non les homozygotes ; ces derniers ont avantage à recevoir du prasugrel ou du ticagrelor. Le
génotypage représente l’arrière-fond sur lequel se surimpose la situation clinique, comme les comorbidités, les comédications et les évènements coronariens. Les tests d’agrégation plaquettaire mesurent la réponse à une dose de
charge de la bithérapie, et de ce fait évaluent la réponse réelle du patient dans son contexte clinique. Ils offrent des
critères de choix pour le type de stent (les BMS sont préférables aux DES de 1ère génération chez les
hyporépondeurs), pour l’indication aux PAC (préférence chez les faibles répondeurs), ou pour opter en faveur
d’autres agents (prasugrel, ticagrelor, bientôt elinogrel). Comme on procède à ces tests après la dose de charge, le
changement de stratégie présente évidemment certaines difficultés.
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
21
Malgré les espoirs qu’ils ont suscités, les tests génomiques ne se sont pas répandus dans la pratique
clinique, d’autant plus que l’efficacité du ticagrelor, qui s’est imposé dans le traitement du SCA et la
pose de stent, n’est pas influencée par le polymorphisme génétique.
Résistance aux antiplaquettaires
Le taux de non-réponse est d’environ 6% pour l’aspirine et 12-30% pour le clopidogrel. Plusieurs
phénomènes interviennent :
- Interactions médicamenteuses (atorvastatine et oméprazole avec le clopidogrel) ;
- Variations enzymatiques (diabète) ;
- Hyperactivité plaquettaire (diabète, insuffisance rénale, SIRS, âge avancé) ;
- Non-compliance des patients (22% de la population) ;
- Polymorphisme génétique ;
- Test utilisé pour l’évaluation.
Les porteurs d’allèles codant des enzymes ou des récepteurs inactifs dans l’absorption intestinale, le
métabolisme hépatique et l’action du clopidogrel sur les récepteurs plaquettaires présentent un risque de
thrombose de stent plus élevé après SCA que les porteurs de gènes normaux. Cependant, la génomique
n’explique que 12-20% de la variabilité de réponse au clopidogrel. D’autre part, l’activité du prasugrel et
du ticagrelor est indépendante du polymorphisme génétique. L’utilisation massive de ces deux substances
dans les cas à haut risque rend les tests génétiques caduques.
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Réactivité plaquettaire et évènements cliniques
Les modifications génétiques sont responsables de moins de 20% de la variabilité dans la réponse aux
antiplaquettaires [8]. Elles sont une caractéristique permanente de l’individu. Mais cette empreinte
première est influencée par les nombreux phénomènes qui surviennent dans l’évolution de ce dernier
(voir Figure 29.8) :
 Comorbidités : diabète, dysfonction ventriculaire, obésité, âge, tabagisme ;
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
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 Co-médications : IPP, statines ;
 Types de lésions coronariennes (proximales, multiples), facteurs liés à l’angioplastie (type de
stent, problèmes techniques) ;
 Présence d’un syndrome coronarien aigu, importance du syndrome inflammatoire systémique.
D’où l’intérêt des tests d’agrégabilité thrombocytaires permettant d’évaluer le degré de réponse du
patient à l’instant où il reçoit des agents antiplaquettaires et tenant compte des facteurs cliniques
intercurrents. Ces tests, décrits plus loin (voir Tests d’activité plaquettaire), sont en général pratiqués
après la dose de charge en clopidogrel (300-600 mg). Bien que leur pertinence soit sujette à caution, ils
tendent à montrer que la persistance d’une réactivité plaquettaire élevée sous bi-thérapie (aspirine et
clopidogrel) puisse être un facteur de risque de décès et de complications cardiovasculaires (infarctus,
revascularisation secondaire, AVC). Plusieurs études ont décrit un impact pronostique lorsque ces tests
sont pratiqués lors de pose de stents.
 La thrombose de stent actif à 18 mois est 3-5 fois plus fréquente chez les patients résistants à
l’aspirine (incidence 23%) ou au clopidogrel (incidence 40%) que chez ceux qui répondent
normalement à ces médicaments (5% et 14% respectivement) [11].
 Les faibles répondeurs ont un risque de thrombose de stent à 30 jours 9 fois supérieur à celui
des répondeurs normaux (OR 9.4) ; leur mortalité est 3 fois plus élevée (OR 3.2) [14].
 La persistance d’une réactivité élevée double le risque cardiovasculaire à 1 an (OR 2.1 – 2.5)
[2].
 Malgré une augmentation de la dose quotidienne de clopidogrel, les faibles répondeurs à la dose
de charge ont davantage de complications cardiovasculaires (HR 1.49) et de mortalité (HR 1.81)
à 2 ans que les répondeurs normaux [10].
Malheureusement, la corrélation entre les tests in vitro et le devenir clinique des malades est assez
faible. Idéalement, le génotypage et les tests de fonction plaquettaire devraient aider à orienter la
thérapeutique vers le traitement le plus adapté à chaque patient (voir Vers une thérapie sélective). Mais
l’impact de ces tests sur le devenir des malades reste problématique pour plusieurs raisons [4,6,7].
 Ces tests sont intéressants principalement lors de stents à haut risque, parce qu’une profonde
dépression de l’activité plaquettaire est essentielle à la survie du stent, en particulier pendant le
premier mois ; plus on s’éloigne de la période aiguë et de la PCI, moins ils sont utiles.
 L’augmentation de la dose d’entretien du clopidogrel à 150-300 mg/j, qui rétablit la réactivité
plaquettaire chez les hétérozygotes pour l’allèle CYP2C19*2 dans les tests génomiques [9], ne
suffit pas à améliorer le pronostic des patients hyporépondeurs aux tests d’agrégabilité [12].
 Les patients hyporépondeurs à une dose de charge (300-600 mg) de clopidogrel peuvent passer
au prasugrel ou au ticagrelor, bien que cela pose un problème de séquence dans le temps ; par
contre, ils ne semblent pas bénéficier d’une augmentation de dosage [12].
 La thrombose de stent est déterminée par de nombreux autres facteurs, dont l’anatomie
coronarienne, les difficultés lors de la pose, le nombre et le type de stents, l’occlusion de
collatérales par les débris athéromateux, les comorbidités du malade, l’interruption des
antiplaquettaires, etc.
 La réponse d’un test pronostique ne peut être qu’une probabilité de risque ; la valeur prédictive
positive pour la thrombose de stent est basse parce que cet événement est rare (2% la première
année). Ces tests ne prédisent pas le risque hémorragique.
 Les différents tests sont peu standardisés, leur degré de concordance est faible, et les seuils de
signification sont à peine définis [1,15].
 Chaque test analyse la réponse des plaquettes à la stimulation d’un seul récepteur, alors que les
autres restent fonctionnels ; le devenir clinique pronostiqué par ces examens est amélioré si les
tests sont combinés, par exemple en mesurant la réactivité plaquettaire à la thrombine (PAR-1)
lors d’inhibition par un agent bloquant les récepteurs ADP [13].
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
24
 Le plasma des malades souffrant d’un syndrome coronarien aigu contient toute une série de
molécules produites au cours du syndrome inflammatoire ; elles ont un effet hyperagrégant
plaquettaire puissant, même si les plaquettes sont normales.
Les tests de réactivité plaquettaire ne sont donc pas recommandés comme routine chez tous les malades,
mais ils peuvent être utiles dans les cas à haut risque de thrombose de stent (recommandation classe IIb)
[5,15]. De surcroit, l’utilisation de plus en plus généralisée du ticagrelor ou du prasugrel, auxquels la
résistance est rare et faible, en limite considérablement la portée.
Réactivité plaquettaires et évènements cliniques
La persistance d’une réactivité plaquettaire élevée sous clopidogrel est associée à une augmentation des
évènements ischémiques ultérieurs, particulièrement de la thrombose de stent. Pour l’instant, les tests
plaquettaires ne paraissent avoir un impact que chez les patients à haut risque et pendant le premier mois.
Ils peuvent aider à déterminer le meilleur choix thérapeutique dans ce contexte clinique précis (passage
au prasugrel ou au ticagrelor, types de stents implantés, revascularisation chirurgicale). L’utilisation de
plus en plus routinière du ticagrelor a limité considérablement la portée de ces tests.
Références
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Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
25
Les nouveaux antiplaquettaires
Indications préférentielles des différents antiplaquettaires
Clopidogrel : cas standards, angor stable, traitement à long terme, AVC, risque hémorragique élevé, noncompliance, contre-indications au prasugrel (AVC, > 75 ans, < 60 kg), au ticagrelor (AVC,
dyspnée, bloc AV) ou à l’aspirine (résistance, intolérance).
Prasugrel : diabète type I, PCI primaire dans STEMI (anatomie coronarienne connue), stents à haut
risque.
Ticagrelor : SCA / STEMI et NSTEMI / PCI en urgence (anatomie coronarienne inconnue), potentielle
revascularisation chirurgicale ; premier choix en cas de SCA et de PCI.
Cangrelor: revascularisation en urgence pour SCA, potentielle revascularisation chirurgicale
Prasugrel (Efient®, Effient®)
Le prasugrel est une nouvelle thiénopyridine sur le marché depuis 2010 ; c’est un bloqueur irréversible
du récepteur ADP P2Y12 (pont disulfure), mais il présente des différences pharmacologiques avec le
clopidogrel (Tableau 29.1-2 P) [13].
Tableau 29.1-2 P
Activité, voie d’administration et pharmacocinétique des antiplaquettaires
Aspirine
Clopidogrel
Prasugrel
Ticagrelor
Cangrelor
Elinogrel
Vorapaxar
Terutroban
Récepteur
COX-1 (TXA2)
ADP P2Y12
ADP P2Y12
ADP P2Y12
ADP P2Y12
ADP P2Y12
Thrombine PAR1
Thromboxane A2
Aspirine
Clopidogrel
Prasugrel
Ticagrelor
Cangrelor
Tirofiban
Eptifibatide
Abciximab
Dose de charge
160-325 mg
300-600 mg
60 mg
180 mg
30 mcg/kg
0.4 mcg/kg/min
180 mcg/kg
0.25 mg/kg
Liaison
Irréversible
Irréversible
Irréversible
Réversible
Réversible
Réversible
Réversible
Réversible
Entretien
50-160 mg/j
75 mg/j (150 mg/j)
10 mg/j
2 x 90 mg/j
Perf 4 mcg/kg/min
0.1 mcg/kg/min
1-2 mcg/kg/min
0.125 mcg/kg/min
Biotransformation
Aucune
P450 hépatique
P450 hépatique
Aucune
Aucune
Aucune
Aucune
Aucune
Délai d’action
<1h
3-8 h
1h
2h
15 min (iv)
30 min (iv)
20 min (iv)
10 min (iv)
Voie
Orale
Orale
Orale
Orale
Intraveineuse
Orale et iv
Orale
Orale
Demi-vie
< 1 h*
7.5 h (métab < 1 h)*
3.7 h (métabolite)*
7-13 h
3-6 min
2h
2.5 h
23 h
Le délai d’action est le temps entre la prise de la substance et son pic d’activité. Pour le clopidogrel, il est inversément
proportionnel à la dose de charge. Perf : perfusion continue. iv : administration intraveineuse. Métab : métabolite. * : la demivie pharmacologique ne correspond pas à celle de l’effet clinique puisque l’inhibition plaquettaire est irréversible ; la
récupération dépend du renouvellement des plaquettes (10%/jour).
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
26
 Les estérases transforment le prasugrel en un métabolite intermédiaire actif et non en une
substance inactive.
 Le métabolisme hépatique ne présente qu’une seule étape via les cytochromes CYP3A et
CYP2B6 ; il est beaucoup plus constant que celui du clopidogrel car il ne dépend pas du
phénotype des cytochromes [6]. Il n’y a pas d’interférence avec le métabolisme des statines ni
des bloqueurs de la pompe à proton, mais les inhibiteurs puissants du CYP3A comme le
ritonavir peuvent réduire l’action du prasugrel [2].
 La demi-vie du métabolite actif est de 3.7 heures.
Le prasugrel est environ 10 fois plus puissant que le clopidogrel. Après une dose de charge de 60 mg, le
temps nécessaire à atteindre le pic d’effet est d’une heure (pic de concentration plasmatique à 0.5
heure). Le degré d’inhibition plaquettaire obtenu est de 80% à 6 heures. Le taux de non-répondeurs n’est
que de 3% (25% avec le clopidogrel) [15]. La dose d’entretien est de 10 mg/jour.
L’étude TRITON-TIMI 38 a comparé le prasugrel au clopidogrel chez 13'608 patients sous bithérapie
(aspirine + prasugrel ou clopidogrel) après SCA. Le prasugrel diminue davantage le risque d’accident
cardiovasculaire (OR 0.81), particulièrement chez les diabétiques (OR 0.60) et après infarctus de type
STEMI (OR 0.74) [8,14,15]. Après PCI, le prasugrel est deux fois plus efficace que le clopidogrel dans
la prévention de la thrombose de stent (OR 0.48), particulièrement pendant le premier mois (OR 0.41)
[15]. Par contre, il fait jeu égal avec le clopidogrel lorsque les malades ne sont pas revascularisés [10],
bien qu’il diminue significativement la réactivité plaquettaire [4]. Ceci démontre une fois de plus le
manque de corrélation entre l’agrégabilité plaquettaire in vitro et le devenir clinique des patients.
Malheureusement, le prasugrel présente un risque d’hémorragies majeures très augmenté par rapport au
clopidogrel (2.4% au lieu de 1.8%, OR 1.51). Les personnes âgées (> 75 ans), les malades de petite
taille (< 60 kg) et les patients souffrant d’ictus (risque d’hémorragie intra-crânienne) sont
particulièrement exposés au risque de saignement spontané; de plus, l'efficacité du prasugrel est limitée
dans ces catégories de malades (OR 0.94 par rapport au clopidogrel) [16]. Au cours d’opérations
cardiaques, les pertes sanguines sont augmentées plus de quatre fois (OR 4.73) par rapport au
clopidogrel. Le bénéfice du prasugrel apparaît pendant le premier mois après SCA ou PCI, après quoi
les courbes de survie sous chacun des deux médicaments deviennent parallèles (Figure 29.9) [15]. Pour
cette raison, certains auteurs ont proposé de passer du prasugrel au clopidogrel après 4-6 semaines chez
les malades à risque hémorragique élevé [11].
D’une manière générale, le prasugrel est contre-indiqué en cas d’anamnèse d’accident vasculaire
cérébral, d’âge avancé et de risque hémorragique élevé. De ce fait, il n'est pas recommandé si une
intervention chirurgicale est envisagée dans un futur proche, notamment en cas de SCA pouvant
conduire à une revascularisation coronarienne chirurgicale. Il est déconseillé chez les malades dont
l’anatomie coronarienne n’est pas encore connue, d'autant plus que le prétraitement au prasugrel avant
PCI ne réduit pas le risque ischémique mais augmente le risque hémorragique [7].
Les indications propres du prasugrel sont les situations où il donne des résultats très supérieurs à ceux
du clopidogrel [3,12,14] :






Infarctus de type STEMI (effet clinique en < 1 heure) ;
SCA / infarctus non-STEMI si PCI certaine (anatomie coronarienne connue, pas de chirurgie) ;
SCA / infarctus et PCI chez les diabétiques ;
Stents à haut risque ou anamnèse de thrombose de stent sous clopidogrel ;
Résistance au clopidogrel selon le génotypage ou les tests d’activité plaquettaire ;
Le prasugrel est actuellement en perte de vitesse face au ticagrelor.
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
27
Mortalité + infarctus + ictus (%)
15
12.1%
Clopidogrel
10
9.0%
Prasugrel
5
TRITON-TIMI 38
30 60 90
180
270
360
450
Jours
Figure 29.9 : Courbes de survie à 1 an des patients de l’étude TRITON-TIMI 38. Le taux combiné de mortalité,
d’infarctus et d’ictus est 25% plus bas sous prasugrel que sous clopidogrel. Toutefois, le bénéfice du prasugrel
apparaît pendant le premier mois après SCA ou PCI (flèche jaune), après quoi les courbes de survie sous chacun
des deux médicaments deviennent parallèles [15]. Pour cette raison, il est possible de passer du prasugrel au
clopidogrel après 4-6 semaines chez les malades à risque hémorragique élevé afin de minimiser les saignements à
long terme [11].
Compte tenu de son haut degré d'inhibition plaquettaire, il est recommandé d’arrêter le prasugrel 7 jours
avant une opération, bien que la coagulation soit théoriquement normale lorsque > 50% des plaquettes
ont été renouvelées (5 jours). Cette recommandation, proposée pour des raisons de sécurité [1,5], est
confirmée par une étude montrant que l’agrégabilité plaquettaire est récupérée à 78% après 7 jours
d’arrêt du prasugrel (test VerifyNow™) [9].
Le métabolisme variable du clopidogrel, les risques hémorragiques du prasugrel et la longue durée
d’action des deux médicaments ont incité à rechercher de nouvelles substances antiplaquettaires dont les
caractéristiques devraient être une activité rapide, puissante, réversible et constante dans la population.
Antiplaquettaires nouvellement introduits sur le marché (I) : Prasugrel
Thiénopyridine 10 fois plus puissante que le clopidogrel, bloquant irréversiblement le récepteur ADP
(P2Y12) et réduisant l’agrégation plaquettaire de 80%. Métabolisme particulier :
- Transformation en un métabolite intermédiaire actif par les estérases;
- Oxydation en un métabolite actif (demi-vie 3.7 heures) par des cytochromes hépatiques ;
- Métabolisme hépatique stable, indépendant du phénotype ;
- Taux de non-répondeurs faible : 3% ;
- Effet pour la durée de vie de la plaquette, disparition de l’effet clinique en ≥ 5-7 jours ;
- Durée d’interruption recommandée avant chirurgie : 7 jours.
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
28
Dose de charge : 60 mg (pic d’activité après 1 heure), entretien : 10 mg/j. Par rapport au clopidogrel, le
prasugrel diminue davantage le taux d’infarctus et de thrombose de stent après SCA, STEMI et/ou PCI ;
il est particulièrement efficace chez les diabétiques et chez les non-répondeurs au clopidogrel. Le risque
hémorragique est plus élevé qu’avec le clopidogrel : hémorragies spontanées 1.5 fois, hémorragie en
chirurgie cardiaque 4-5 fois. Particulièrement indiqué en cas de :
- Infarctus de type STEMI ;
- SCA / infarctus non-STEMI si PCI certaine ;
- PCI en cas de diabète ;
- Stents à haut risque, anamnèse de thrombose de stent, résistance au clopidogrel.
Contre-indications : malades âgés (> 75 ans) ou de petite taille (< 60 kg), anamnèse d’AVC, risque
hémorragique élevé, anatomie coronarienne inconnue, éventualité de revascularisation chirurgicale.
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2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
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14
15
16
Ticagrelor (Brilique®, Brilinta®, Possia®)
Le ticagrelor est une cyclopentyl-triazolo-pyrimidine mise sur le marché en décembre 2010. Il présente
des caractéristiques très différentes des thiénopyridines (Tableau 29.1-2 T) [1,3,10,12,15,18].


Action directe sans nécessité d’une transformation hépatique, bonne biodisponibilité.
Antagonisme réversible du récepteur ADP P2Y12 dont il modifie la configuration de manière
non définitive. Le ticagrelor ne bloque pas la liaison avec l'ADP mais inactive le récepteur, ce
qui inhibe la stimulation des protéines Gq (libération du Ca2+) et Gi (inhibition de l'AMPc); le
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
29
récepteur reste fonctionnel lorsqu'il se dissocie de la molécule. Lorsqu’on interrompt le
traitement, la disparition de l’effet ne dépend pas du renouvellement des plaquettes comme pour
les thiénopyridines, mais de la demi-vie d'élimination de la substance.
 Stimulation du récepteur A2A. La ressemblance de la molécule avec celle d’adénosine lui
confère la propriété de freiner la recapture de cette dernière par les érythrocytes. Cet excès
d’adénosine a pour effet de stimuler les récepteurs A2A plaquettaires qui provoquent une hausse
de l’adényl-cyclase dans les thrombocytes, donc une élévation de l’AMPc et une inhibition de
l’agrégabilité. Le ticagrelor a ainsi un double effet freinateur de l’agrégation des thrombocytes
[6]. Le taux plus élevé d’adénosine induit également une vasodilatation locale et un possible
effet spasmolytique coronarien.
 Puissante inhibition plaquettaire : 93% à 2.2 heures ; le degré d’inhibition est le même chez les
patients résistant au clopidogrel [13].
 Délai d’action bref : l’inhibition plaquettaire est de 79% une heure après la dose de charge (180
mg), alors qu’elle n’est que 23% pour le clopidogrel (Figure 29.10) [12].
Tableau 29.1-2 T
Activité, voie d’administration et pharmacocinétique des antiplaquettaires
Aspirine
Clopidogrel
Prasugrel
Ticagrelor
Cangrelor
Elinogrel
Vorapaxar
Terutroban
Récepteur
COX-1 (TXA2)
ADP P2Y12
ADP P2Y12
ADP P2Y12
ADP P2Y12
ADP P2Y12
Thrombine PAR1
Thromboxane A2
Aspirine
Clopidogrel
Prasugrel
Ticagrelor
Cangrelor
Tirofiban
Eptifibatide
Abciximab
Dose de charge
160-325 mg
300-600 mg
60 mg
180 mg
30 mcg/kg
0.4 mcg/kg/min
180 mcg/kg
0.25 mg/kg
Liaison
Irréversible
Irréversible
Irréversible
Réversible
Réversible
Réversible
Réversible
Réversible
Entretien
50-160 mg/j
75 mg/j (150 mg/j)
10 mg/j
2 x 90 mg/j
Perf 4 mcg/kg/min
0.1 mcg/kg/min
1-2 mcg/kg/min
0.125 mcg/kg/min
Biotransformation
Aucune
P450 hépatique
P450 hépatique
Aucune
Aucune
Aucune
Aucune
Aucune
Délai d’action
<1h
3-8 h
1h
2h
15 min (iv)
30 min (iv)
20 min (iv)
10 min (iv)
Voie
Orale
Orale
Orale
Orale
Intraveineuse
Orale et iv
Orale
Orale
Demi-vie
< 1 h*
7.5 h (métab < 1 h)*
3.7 h (métabolite)*
7-13 h
3-6 min
2h
2.5 h
23 h
Le délai d’action est le temps entre la prise de la substance et son pic d’activité. Pour le clopidogrel, il est
inversément proportionnel à la dose de charge. Perf : perfusion continue. iv : administration intraveineuse. Métab :
métabolite. * : la demi-vie pharmacologique ne correspond pas à celle de l’effet clinique puisque l’inhibition
plaquettaire est irréversible ; la récupération dépend du renouvellement des plaquettes (10%/jour).

Après l’arrêt du traitement, la chute de l’effet est de 1% par heure (0.5%/heure pour le
clopidogrel). L’inhibition plaquettaire n’est plus que de 20% à 72 heures, soit le même niveau
que celui du clopidogrel 5 jours après l’arrêt (Figure 29.10). En 36 heures, la récupération est
suffisante pour permettre une réactivité plaquettaire de 50%, ce qui oblige à une prise très
régulière du médicament (dose d’entretien : 2 x 90 mg/j, ou 2 x 60 mg/j) [12].
 Présence d’un métabolite actif (30-40% de l’effet). Demi-vie moyenne du ticagrelor : 7 heures ;
demi-vie moyenne du métabolite actif : 10 heures (jusqu’à 12.8 heures). Il est possible que cette
durée soit prolongée chez certains malades.
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
30

Après métabolisation dans le foie, l’élimination se fait par les selles (68%) et la bile (32%).
Aucune adaptation n’est requise en cas d’insuffisance rénale. Certains inhibiteurs des enzymes
hépatiques CYP 3A4 et 3A5 peuvent ralentir l’élimination (kétoconazole, néfazodone,
atazanavir, ritonavir). Il n’y a pas d’interférence avec les inhibiteurs de la pompe à proton, mais
une potentialisation des statines métabolisées par ces enzymes [4,18].
Inhibition plaquettaire (%)
100
Stop
Dose de
charge
Ticagrelor
Clopidogrel
80
60
40
20
1
4
24
0
Charge
4
24
240
Arrêt
Temps (heures)
Figure 29.10 : Taux d’inhibition plaquettaire du ticagrelor (bleu) et du clopidogrel (rouge). Une heure après la
dose de charge (180 mg), l’inhibition est de 79% avec le ticagrelor, alors qu’elle n’est que de 22% pour le
clopidogrel. Après l’arrêt du ticagrelor, la récupération de la fonction plaquettaire est 2 fois plus rapide qu’avec le
clopidogrel ; au 3ème jour, elle est la même (20% d’inhibition résiduelle) qu’au 5ème jour après l’arrêt du
clopidogrel (flèche) [12].
Dans l’étude PLATO (18'624 patients), le ticagrelor s’est révélé plus efficace que le clopidogrel pour
diminuer le risque de décès et d’infarctus après syndrome coronarien aigu (OR 0.84) et pour baisser le
taux de thrombose après stent actif ou passif (OR 0.67), mais non pour modifier le taux d’ictus (OR
1.17) [5,27]. Son efficacité n'est pas altérée par le polymorphisme sur les gènes CYP2C19 et ABCB1
[28], mais elle est diminuée lorsqu'il est associé à de fortes doses d'aspirine (> 300 mg/jour) [22]. Il n'a
pas d'effet préférentiel chez les diabétiques [5]. Le diabète, l’insuffisance rénale et la vieillesse ne
modifient pas l’activité de la substance [18]. Comme les patients cardiovasculaires en insuffisance
rénale présentent un risque plus élevé de complications cardiaques, ils bénéficient d'une réduction de
risque plus importante, en valeur absolue, sous ticagrelor (2.7% vs 0.63%); leur risque d'hémorragie
majeure n'est pas accentué [21]. Le risque de saignement spontané ou lors de pontages aorto-coronariens
n’est pas augmenté (OR 1.04 et OR 0.95 respectivement), mais le risque d’hémorragie intracrânienne ou
d’hémorragie sévère est plus élevé (OR 1.87 et 1.19) [17]. La combinaison d’une meilleure efficacité
cardiovasculaire et d’un plus faible taux d’hémorragies fatales conduit à une baisse de la mortalité (OR
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
31
0.79), particulièrement lors de pontages aorto-coronariens (HR 0.52) [3,26]. L'inhibition du récepteur
P2Y12, au lieu de son blocage irréversible, dissocie partiellement l'effet anti-agrégant (puissant) de l'effet
hémorragique (plus faible). Vu la décroissance assez rapide de l'effet, le délai d'interruption
préopératoire théorique est de 3 jours (voir Figure 29.10).
En cas de nécessité, un délai de 39 heures pourrait être suffisant, car il correspond à 3 demi-vies d’une
substance dont l’effet est réversible et ne dépend pas du renouvellement des plaquettes. Ce
raccourcissement de la période à découvert d’antiplaquettaire est bénéfique, comme le démontre une
baisse de mortalité et d’infarctus après pontages aorto-coronariens (HR 0.49 – 0.52) lorsque le ticagrelor
est arrêté 24-72 heures avant l’opération par rapport au clopidogrel stoppé > 5 jours préopératoires [17].
Par contre, il n’y pas de différence de mortalité entre les deux médicaments s’ils sont interrompus la
veille de l’opération ou plus de 5 jours avant. Dans la pratique clinique, ces avantages théoriques sont
tempérés par quatre données.
 L'inhibition plaquettaire est quasi-totale lorsque le récepteur est occupé par le ticagrelor, c’est-àdire pendant la durée de fixation de la substance et de son métabolite actif, ainsi que pendant la
période où les molécules peuvent rediffuser sur de nouvelles plaquettes.
 Bien que réversible, la liaison au récepteur plaquettaire est forte, et dure plus longtemps
(environ 3 jours) que la durée de vie plasmatique du ticagrelor et de son métabolite ; ceci
repousse le délai de sécurité bien au-delà de 3 jours.
 Aux tests d’agrégabilité, les plaquettes ne fonctionnent normalement (100% de récupération)
que 4.5 jours après l’arrêt [12].
 Etant fixées de manière réversible sur le récepteur plaquettaire, les molécules de ticagrelor
peuvent migrer sur les nouveaux thrombocytes mis en circulation et sur les plaquettes
fraîchement transfusées. La forte fixation du ticagrelor circulant assure également un réservoir
de substance redifusant sur les plaquettes vierges. La transfusion plaquettaire perd ainsi de son
efficacité (voir Transfusion plaquettaire).
Ces faits incitent donc à repousser à 5 cinq jours le délai d'interruption préopératoire du ticagrelor pour
des raisons de sécurité [8,16,19,20,25].
Les effets secondaires du ticagrelor sont liés à une inhibition de la recapture de l’adénosine par les
érythrocytes : dyspnée (incidence 10%) et bradyarythmie (pauses ventriculaires) ; il peut causer une
élévation de la créatinine en cas d’insuffisance rénale, notamment en association à de hautes doses
d’aspirine [11]. Comme il interfère avec le métabolisme de certaines statines, il est recommandé d’éviter
la prescription simultanée de simvastatine et de lovastatine (> 40 mg) [9].
Les indications particulières du ticagrelor sont définies par sa rapidité d’action et sa réversibilité :




Syndrome coronarien aigu, angor instable, STEMI et NSTEMI ;
PCI en urgence (anatomie coronarienne inconnue) ;
SCA présentant une probabilité de revascularisation chirurgicale ;
Prévention secondaire après infactus.
Il est particulièrement utile dans les circonstances où l’anatomie coronarienne n’est pas connue au
moment de la dose de charge avant la PCI et où la possibilité d’une intervention chirurgicale urgente est
élevée (SCA avec lésion du tronc commun ou de l’IVA proximale, par exemple). Il est actuellement
recommandé en première intention dans l’angor instable et le SCA / infarctus avec ou sans élévation du
segment ST (STEMI ou NSTEMI) par l'European Society of Cardiology [16,25] et par l'American
College of Cardiology/American Heart Association [2,24]. L'administration de ticagrelor en préhospitalier dans les cas de SCA de type STEMI n'améliore pas la reperfusion pré-angioplastie mais tend
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
32
à diminuer le taux de thromboses de stent précoces [7,23]. Il tend à s’imposer comme premier choix
pour tous les syndromes coronariens aigus et toutes les revascularisations percutanées [29].
Les contre-indications du ticagrelor sont [11,18] :







Hémorragie active, coagulopathie, anémie ;
Anamnèse ou présence d’AVC ;
Insuffisance hépatique modérée-à-sévère ;
Bronchospasme, BPCO ;
Bloc AV, maladie du sinus ;
Dose concomitante élevée d’aspirine (> 160 mg/j) ;
Patients non-compliants: deux prises quotidiennes à 12 heures d’intervalle sont requises pour
maintenir un effet stable ; sauter une ou deux doses est dangereux à cause de la rapidité
d’atténuation de l’effet.
Le ticagrelor semble perdre de son efficacité en présence de hautes doses d’aspirine (> 300 mg/j). Il est
donc recommandé de maintenir la prise d’aspirine à 100 mg/j ou moins.
Antiplaquettaires nouvellement introduits sur le marché (II) : Ticagrelor
Inhibiteur direct (pas de biotransformation) et réversible du récepteur ADP (P2Y12) ; réduction de
l’agrégation plaquettaire > 90%.
- Effet rapide : inhibition 80% à 1 heure après dose de charge (180 mg) ;
- Disparition rapide de l’effet : inhibition 20% 3 jours après l’arrêt (idem clopidogrel à 5 jours) ;
- Durée d’interruption avant chirurgie : 5 jours (possibilité de 72 heures si urgence).
Dose de charge : 180 mg, entretien : 2 x 90 mg/jour. Par rapport au clopidogrel, le ticagrelor diminue le
taux de mortalité, d’infarctus et de thrombose de stent après SCA, STEMI et/ou PCI, mais non celui
d’AVC. Le risque hémorragique spontané ou chirurgical est voisin de celui du clopidogrel, si le
ticagrelor est arrêté 5 jours ; il est doublé si le traitement est ininterrompu. Indications:
- Premier choix en cas de SCA, PCI et stents en urgence (anatomie coronarienne inconnue) ;
- STEMI et NSTEMI ;
- Potentielle revascularisation chirurgicale.
Contre-indications : bronchospasme, BPCO, bloc AV, insuffisance rénale, patient non-compliant.
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Cangrelor (Kengrexal®, Kengreal®)
Le cangrelor est un analogue de l’ATP et un inhibiteur réversible direct du récepteur P2Y12 ; son
métabolisme est plasmatique. Il est en essai par voie intraveineuse seulement. Son action est très rapide :
elle est maximale en 15 minutes après un bolus de 30 mcg/kg (> 95% d’inhibition plaquettaire), et sa
demi-vie est de 3-6 minutes [8]. La fonction plaquettaire est récupérée en 20-60 minutes après l’arrêt de
la perfusion (voir Tableaux 29.1 et 29.22).
Son efficacité est superposable à celle de l’abciximab, mais le risque hémorragique est moindre [1,5].
Les études CHAMPION n’avaient pas prouvé que le cangrelor soit supérieur au clopidogrel dans la
prévention de l’infarctus ni du décès au cours de PCI, même s’il tend à diminuer le taux de thrombose
de stents à 48 heures et n’augmente que légèrement le risque hémorragique [3,6]. Par contre, le nouvel
essai CHAMPION-PHOENIX réalisé au cours de PCI pour SCA (perfusion de cangrelor versus dose de
charge de clopidogrel) démontre une réduction des complications cardiaques (HR 0.78), de la mortalité
et de la thrombose de stent (HR 0.62) à 48 heures avec le cangrelor [4]. Avec sa rapidité d'effet et sa
flexibilité, cette substance est une option séduisante dans les angioplasties d’urgence chez des malades
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
34
non prétraités par ticagrelor, incapables de prendre un médicament oral (choc cardiogène) ou
potentiellement candidats à des pontages aorto-coronariens en urgence. Le cangrelor (Kengrexal®) a été
approuvé par la Commission européenne des médicaments (EMA) dans le cadre de la PCI pour SCA
(31 mars 2015), et dans les mêmes indications par la FDA peu après (22 juin 2015).
Le cangrelor pourrait être une excellente solution de substitution au clopidogrel, au prasugrel ou au
ticagrelor dans la période préopératoire (voir Recommandations chirurgie non-cardiaque), car il suffit
d’interrompre la perfusion pendant 1 heure pour que l’agrégation plaquettaire soit normale. Dans l’étude
BRIDGE, l’arrêt du clopidogrel pour 5 jours, ou du prasugrel pour 7 jours, est suivi d’une perfusion
continue de cangrelor pendant 3 ou 5 jours préopératoires (0.75 mcg/kg/min) ; celle-ci est interrompue
au moins 1 heure avant l’opération [2]. Par rapport au placebo, les patients sous cangrelor ont présenté
une intense inhibition plaquettaire pendant la perfusion, mais une récupération totale de la fonction
plaquettaire au moment de l’intervention ; leur risque hémorragique chirurgical n’est pas
significativement différent de celui des témoins (HR 1.1) [2]. La perfusion est redémarrée dans les 6-12
premières heures postopératoires. Toutefois, cette indication du cangrelor n’a pas encore été approuvée
par les agences internationales.
Le cangrelor pourrait avoir une place dans le cadre de la circulation extra-corporelle. En effet, cette
dernière active les plaquettes, qui relâchent leurs granules (ADP, thrombexane), forment des agrégats et
adhèrent aux surfaces ; 30-50% d’entre elles ne sont plus fonctionnelles en postopératoire et ne
réagissent plus à l’ADP ni au collagène. Leur blocage momentané par un agent antagoniste du récepteur
ADP comme le cangrelor en perfusion les protège de la stimulation, préserve leur fonctionnalité pour le
postopératoire et freine leur consommation (réduction de la thrombocytopénie postopératoire) [7]. Cette
thérapeutique prometteuse ("thromboplégie") est encore en phase d’essai.
Antiplaquettaires nouvellement introduits sur le marché (III): cangrelor
Bloqueur direct et réversible du récepteur ADP, très puissant (> 95% d’inhibition plaquettaire) et très
rapide : pic d’activité 15 min après le démarrage de la perfusion, demi-vie : 9 min ; disparition de l’effet
en < 1 heure. Bien que modestement supérieur au clopidogrel après angioplastie pour SCA, il est
toutefois très efficace et très manipulable en remplacement du prétraitement par clopidogrel ou
ticagrelor. Il est efficace comme substitution préopératoire de substances à longue durée d’action (durée
de la perfusion : 3-5 jours, arrêt 1-3 heures préopératoires).
Indications préférentielles des différents antiplaquettaires
Clopidogrel : cas standards, angor stable, traitement à long terme, AVC, risque hémorragique élevé, noncompliance, contre-indications au prasugrel (AVC, > 75 ans, < 60 kg), au ticagrelor (AVC,
dyspnée, bloc AV) ou à l’aspirine (résistance, intolérance).
Prasugrel : diabète type I, PCI primaire dans STEMI (anatomie coronarienne connue), stents à haut
risque.
Ticagrelor : SCA / STEMI et NSTEMI / PCI en urgence (anatomie coronarienne inconnue), potentielle
revascularisation chirurgicale ; premier choix en cas de SCA et de PCI.
Cangrelor: revascularisation en urgence pour SCA, potentielle revascularisation chirurgicale
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
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Agents en essai clinique
Elinogrel
L’elinogrel est une sulfonylurée qui est un puissant inhibiteur direct du récepteur P2Y12 (pas de
biotransformation) ; son effet est également réversible. L’elinogrel est administrable par voie orale (50
mg/jour) et intraveineuse ; une dose i.v. de 20 mg suffit pour une inhibition complète de l’activité
plaquettaire. Particularités pharmacocinétiques [4,8,11] :




Pic d’activité : 20 minutes (intraveineux) à 2 heures (per os) ;
Demi-vie : 12 heures ;
Effet réversible en 24 heures ;
Délai d’interruption préopératoire : 36 heures.
Le risque hémorragique est plus faible qu’avec le clopidogrel, même en doublant le dosage [3].
L’elinogrel est efficace chez les patients non-répondeurs au clopidogrel. La forme intraveineuse en fait
un agent de choix pour les situations où le patient est incapable d’avaler un médicament, comme en cas
de PCI lors de choc cardiogène, par exemple (étude INNOVATE-PCI) [4] ; il pourrait être utile pour la
substitution des inhibiteurs irréversibles en préopératoire. Cependant, les essais cliniques ont été
momentanément interrompus en 2013 à cause d’une élévation soutenue des enzymes hépatiques chez de
nombreux patients [6].
Bloqueurs du récepteur de la thrombine
Le vorapaxar, dérivé de l’himbacine, inhibe puissamment le récepteur plaquettaire de la thrombine
(PAR-1) et bloque l’activation plaquettaire que celle-ci déclenche ; il n’interfère pas avec la liaison
entre la thrombine et le fibrinogène. Il n’y a théoriquement pas d’aggravation du risque hémorragique.
Données pharmacocinétiques [1,2] :



Délai d’action : 1 heure ;
Durée d’action très longue (demi-vie moyenne : 187 heures) ;
Dose de charge : 40 mg, entretien : 2.5 mg/jour.
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
36
Comme elle agit par une voie différente de celle des autres antiplaquettaires, cette substance est
envisagée en triple association avec l’aspirine et le clopidogrel ou le prasugrel [10]. Ce concept a fait
l’objet de l’étude TRACER, dans laquelle le vorapaxar est comparé à un placebo en addition à l’aspirine
et au clopidogrel après syndrome coronarien aigu. Après avoir été interrompue à cause d’un risque
hémorragique excessif (HR 1.35), particulièrement de saignement intracrânien (HR 3.39), alors que le
risque cardiaque était peu modifié (OR 0.96), cette étude a été reprise pour la prévention secondaire
après infarctus ou artériopathie périphérique (TRA 2 0P-TIMI 50) [14] : le vorapaxar a diminué les
risques de récidive d’infarctus (HR 0.87) sans augmenter le risque hémorragique, mais après avoir exclu
de l’étude les malades avec un passé d’AVC ou d’AIT [12]. Le vorapaxar (Zontivity™, 2.5 mg/j) a été
finalement approuvé par la FDA en 2014 pour la prévention secondaire après infarctus ou SCA, en
addition à la thérapie conventionnelle (aspirine ou bithérapie). Il est contre-indiqué chez les patients
ayant une anamnèse d’AVC, d’AIT ou d’hémorragie importante, et chez les personnes âgées (> 75 ans)
ou de petite taille (< 60 kg) [1,6]. Avec une demi-vie de 8 jours et en l’absence d’antidote, il n’est pas
possible d’interrompre le vorapaxar en préopératoire. La seule expérience qui existe est le groupe de
376 patients de l’étude TRACER qui ont bénéficié d’une revascularisation chirurgicale ; leur taux
d’hémorragie n’a pas été modifié par la substance [12,14]. Il n’y a donc pas de précautions particulières
à envisager, sauf la transfusion d’érythrocytes et de plaquettes selon les besoins [1].
L’atopaxar est encore en essai phase II (étude LANCELOT); c’est un antagoniste du récepteur PAR-1
qui induit > 80% d’inhibition plaquettaire en une seule dose de 50 mg, sans effets sur la cascade de la
coagulation ni sur le temps de saignement [10]. Après ACS, il ne s’est pas révélé supérieur au placebo
dans la prévention des complications cardiovasculaires ni dans le risque hémorragique, mais il a
diminué l’incidence des évènements ischémiques immédiats au monitorage Holter [13]. Toutefois, il a
présenté deux effets secondaires constants : une prolongation de l’intervale QT et une altération des
tests hépatiques [6].
Terutroban
Le terutroban est un inhibiteur direct et réversible du récepteur thrombexane A2 qui pourrait être
particulièrement indiqué dans la prévention des accidents vasculaires cérébraux et qui pourrait être une
amélioration par rapport à l’aspirine (étude PERFORM en cours) [7]. Toutefois, les premiers résultats
semblent indiquer que le terutroban n’est pas plus efficace que l’aspirine en cas d’AVC et qu’il ne
modifie pas les résultats après STEMI [5].
Aptamères
Les aptamères sont des oligonucléotides qui antagonisent le domaine A1 du facteur von Willebrand,
bloquent sa liaison avec le récepteur GP-Ib et empêchent la plaquette d’adhérer normalement à
l’endothélium. Ils agissent sélectivement sur la phase initiale de l’activation plaquettaire par la paroi
vasculaire et n’ont pas d’effets en-dehors de ce site. Quatre produits sont en essai phase I / II [9] :




ARC 1779 : inhibition à 95% du facteur von Willebrand ; demi-vie : 2 heures;
DZ 697b (inhibition de la stimulation par collagène et ristocétine);
ALX 0081 (nanosubstance);
AJW200 (anticorps monoclonal).
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
37
Agents antiplaquettaires en essais cliniques
Elinogrel : bloqueur direct et réversible du récepteur ADP, efficace en cas de résistance au clopidogrel (>
90% d’inhibition plaquettaire) ; forme intraveineuse et orale ; essais cliniques interrompus.
Vorapaxar : en addition à l’aspirine ou à la bithérapie après infarctus et SCA ; contre-indications :
anamnèse d’AVC ou d’AIT, malades > 75 ans ou < 60 kg.
Aptamères : inhibiteurs du facteur von Willebrand qui empêchent l’adhésion des plaquettes à
l’endothélium.
Références
1
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Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
38
Tests d’activité plaquettaire
La grande variabilité de réponse aux antiplaquettaires et l’intense blocage requis après SCA ou PCI,
particulièrement dans les cas de stents à haut risque, rendent nécessaire de pouvoir quantifier la réponse
des patients à ces médicaments. Il existe bien des tests génétiques pour le principal allèle inactif des
cytochromes hépatiques responsables du métabolisme du clopidogrel (CYP2C19*2), mais ce phénomène
n’explique que 12-20% de la variabilité dans la réponse à la substance [13]. Il paraît donc souhaitable de
pouvoir évaluer l’agrégabilité plaquettaire d’un malade afin de sélectionner le traitement optimal en
fonction de sa réponse aux inhibiteurs, que ce soit le choix du mode de revascularisation ou celui de
l’antiplaquettaire et de son dosage. Ceci appelle trois remarques [5,6,7].

L’agrégabilité plaquettaire est un phénomène complexe et multifactoriel, dont il est malaisé de
tester le degré d’inhibition avec un seul examen standard, rapide et univoque.
 Plusieurs examens sont disponibles, mais ils évaluent des mécanismes différents du
fonctionnement des plaquettes ; leur degré de cohérence est modeste.
 Il n’existe qu’un consensus récent et que des recommandations provisoires (classe IIa, degré
d’évidence B) sur l’impact clinique de ces examens et sur leurs valeurs-seuil au-delà desquelles
le risque de complication devient très élevé [1,3,12].
Les principaux tests utilisés en clinique sont résumés dans le Tableau 29.3 et leur point d’impact illustré
dans la Figure 29.11 ; les valeurs-seuil associées aux complications cardiovasculaires sont mentionnées
dans le Tableau 29.4 [2,4,8,9,10,12].
TXB2
PFA-100™
VASP
phosphorylation
Thrombine
TXA2
ADP
TXA2
ADP
PAR1
PAR4
TPα
TPβ
COX-1
P2Y12
P2Y1
↑ Ca
2+
↓ cAMP
VerifyNow™
GPIb/V/IX
Fi
GPIIb-IIIa
Facteur von
Willebrand
Collagène
© Chassot 2012
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
b
Fibri- Fi
nogène b
Fi
b
Light & impedance
aggregometry (LTA, MEA)
Plateletworks™
39
Figure 29.11 : Points d’impact de différents tests d’agrégation plaquettaire. Les examens dont le point d’impact est
le récepteur GP-IIb/IIIa (LTA, MEA, VerifyNow™, Plateletworks™) ne sont valables qu’en l’absence d’inhibiteurs
propres de ce récepteur (abciximab, tirofiban, eptifibatide).
Tableau 29.3 : Tests d’activité plaquettaire
Test*
Light Transmittance
Aggregometry (LTA)
Multiplate Electrode
Aggregometry (MEA)
VASP phosphorylation
Platelet Function Assay-100™
Plateletworks™
VerifyNow™
Impact™
TEG platelet mapping (PM™)
Concept
Transmission de la lumière
↑ avec agrégation (plasma
enrichi en plaquettes)
Impédance électrique
↑ avec agrégation (sang
complet)
Proportionnel au degré
d’inhibition de P2Y12
Temps d’occlusion d’un
orifice par bouchon plaquett
Compte agrégats thrombos
avec & sans agonistes
↑ transmission lumière lors
d’agglutination par billes +
fibrinogène
Adhésion plaquettaire par
stress mécanique
Contribution des thrombos
à la fermeté du caillot par
addition d’ADP
Monitoring
Aspirine
P2Y12 bloqueurs
Aspirine
P2Y12 bloqueurs
P2Y12 bloqueurs
Aspirine
Aspirine
P2Y12 bloqueurs
Aspirine
P2Y12 bloqueurs
Aspirine
P2Y12 bloqueurs
Aspirine
P2Y12 bloqueurs
Commentaire
Considéré comme étalon; nécessite un
technicien de laboratoire car la
manipulation est complexe
Simple et rapide, mais demande un
pipetage; réalisable au lit du malade
(point-of-care test) ; bien validé
Complexe et long; très sensible et très
sélectif
Simple, rapide, dépend du FvW et de
l’Ht
Simple, rapide, mais demande un
pipetage; peu validé en clinique
Simple, rapide, au lit du malade (pointof-care test); le mieux validé en essais
cliniques
Simple, rapide mais demande un
pipetage; peu utilisé, peu validé
Demande une manipulation complexe;
peu utilisé, peu validé
* : les noms des différents tests sont mentionnés en anglais selon l’usage courant dans la litérature internationale. P2Y12 :
récepteur ADP des plaquettes. FvW : facteur von Willebrand. Ht : hématocrite. TEG : thrombo-élastogramme. TM : (trade
mark) : nom commercial.
Tableau 29.4 : Valeurs-seuil des différents tests de réactivité plaquettaire
Test
Light Transmittance Aggregometry (LTA)
Multiplate Electrode Aggregometry (MEA)
VASP phosphorylation
Platelet Function Assay-100™
Plateletworks™
VerifyNow™
Impact™
TEG platelet mapping (+ ADP)
Seuil thrombotique*
Seuil hémorragique**
> 50-70%
> 75 U (AA), > 46 U (ADP)
> 50% PRIa
> 110 s (Epi), > 180 s (ADP)
> 60% (AA), > 80% (ADP)
> 208 PRUb
> 70% surface
> 47 mm (amplitude max)
< 40%
< 19 U, < 19%
< 16% PRIa
< 85 PRUb
< 31 mm
* : la valeur-seuil est la limite supérieure au-delà de laquelle l’agrégabilité plaquettaire est suffisamment élevée pour être
corrélée à un risque thrombotique clinique; elle correspond au 4ème quartile ou au 5ème quintile.
** : valeur-seuil en-dessous de laquelle il existe une corrélation avec le risque hémorragique.
a : PRI = platelet reactivity index. b : PRU = P2Y12 reaction unit
[d’après références 1,11,12].
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
40
Références
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10
11
12
13
Tests à disposition
Light Transmission Aggregometry (LTA)
Considéré comme l’étalon standard, ce test est basé sur l’augmentation de la transmission lumineuse à
travers le plasma lorsque les plaquettes s’agglutinent en amas (Figure 29.12 A). Il mesure l’agrégation
entre les thrombocytes par les récepteurs GP-IIb/IIIa, point de convergence de la stimulation de tous les
autres récepteurs plaquettaires. Selon l’agoniste utilisé, il mesure l’agrégation liée à différentes
substances :


Acide arachidonique : aspirine ;
ADP : clopidogrel, prasugrel, ticagrelor.
Ce test est réalisé sur du plasma enrichi en plaquettes ; il est long et complexe (1 heure), réclame un
important volume de sang, et demande des manipulations par un technicien de laboratoire. La
standardisation est difficile, et des variations significatives peuvent se manifester entre laboratoires.
Multiplate Electrode Aggregometry (MEA, MPA)
Le MEA est fondé sur l’augmentation de l’impédance électrique (Ω) entre des électrodes plongées dans
le plasma lorsque celles-ci se recouvrent d’amas plaquettaires (Figure 29.12 B).
Il mesure l’agrégation entre thrombocytes par les récepteurs GP-IIb/IIIa, point de convergence de la
stimulation de tous les autres récepteurs plaquettaires. Il mesure l’agrégation liée à différents agents selon
l’agoniste utilisé:

Acide arachidonique : aspirine ;
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
41


ADP : clopidogrel, prasugrel, ticagrelor ;
TRAPtest (récepteur à la thrombine) : tirofiban, eptifibatide, abciximab.
Ce test, très utilisé en clinique, est réalisé sur du sang complet et demande moins de préparation que le
LTA; bien qu’il réclame un pipettage, il peut se réaliser au lit du malade de manière rapide. Il détecte des
agrégats de plus petite taille que le LTA et, par un vaste jeu d’agonistes, peut détecter différentes
altérations de la fonction plaquettaire. Il est sensible à l’hypocalcémie et à la thrombocytopénie.
Densité optique (%)
Clopidogrel
Normal
A
ADP (2 µmol)
B
Min
Figure 29.12 : Agrégométrie plaquettaire. A : Light Transmission Aggregometry ; la densité optique décroît
rapidement lorsque les plaquettes forment des aggrégats (augmentation de la transmission lumineuse) ; le plasma
reste optiquement dense lorsque l’agrégation est inhibée. B : Multiplate Electrode Aggregometry ; l’impédance
électrique entre deux électrodes augmente lorsque celles-ci sont recouvertes d’agrégats plaquettaires [Extrait de
Michelson AD. Am J Cardiol 2009 ; 103S :20A-26A, référence 3].
VerifyNow™
Cet examen mesure la baisse de densité optique lorsque les plaquettes forment des agrégats, facilités par
la présence de microbilles recouvertes de fibrinogène. Il évalue l’agrégation entre thrombocytes par les
récepteurs GP-IIb/IIIa. Selon l’agoniste utilisé, il mesure l’agrégation liée à différentes substances :




Acide arachidonique : aspirine ;
ADP : clopidogrel, prasugrel, ticagrelor ;
Effecteur GP IIb/IIIa : tirofiban, eptifibatide, abciximab ;
PAR-1 : récepteur à la thrombine (TRAPtest) ; sert de référence avec les agents habituels.
Le test est simple, rapide, semi-automatique, basé sur l’utilisation de cartouches ne réclamant aucun
pipettage. Il se réalise au lit du malade (POC : point-of-care test). Il n’est fiable que dans les limites
normales du taux plaquettaire et de l’hématocrite. Il est relativement peu sensible aux très hauts et très
bas degrés d’inhibition plaquettaire [2]. Le VerifyNow™ est l’examen actuellement le plus utilisé et le
mieux validé dans les essais cliniques.
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
42
VASP phosphorylation
La Vasodilator stimulated phosphoprotein (VASP) est l’activateur physiologique du récepteur GPIIb/IIIa ; il est lui-même inactivé par phosphorylation (VASP-P). Cette inactivation est sous le contrôle
de l’AMP cyclique (cAMP) dont le taux est abaissé par la stimulation du récepteur ADP P2Y12 (Figure
29.13).
Bloqueurs P2Y12
ADP
P2Y12
VASP-P
cAMP
Adénylatecyclase
VASP
ATP
Activation
GP IIb-IIIa
© Chassot 2012
Fi
b
Figure 29.13 : VASP-phosphorylation. La stimulation du récepteur P2Y12 par l’ADP inhibe l’adénylate-cyclase
qui catalyse la transformation de l’ATP en cAMP ; le taux de ce dernier baisse, ce qui freine l’inactivation du
VASP par phosphorylation. Le taux de VASP augmente, ce qui active le récepteur GP-IIb/IIIa et induit la liaison
avec le fibrinogène circulant, d’où agrégation avec d’autres plaquettes. Lorsque le récepteur P2Y12 est inhibé par
le clopidogrel, le prasugrel ou le ticagrelor, le processus inverse se produit : le taux de VASP phosphorylé est ainsi
directement proportionnel au degré d’inhibition du récepteur P2Y12. Le test est très sensible et très sélectif pour les
bloqueurs du récepteur ADP.
Le blocage sélectif de ce récepteur par le clopidogrel, le prasugrel ou le ticagrelor freine cette séquence :
l’adénylate-cyclase n’est plus inhibée, le cAMP augmente, et davantage de VASP est phosphorylé. Le
taux de phosphorylation du VASP est donc directement proportionnel au degré de blocage du récepteur
P2Y12.
Le test est complexe et long à réaliser, mais il est très spécifique pour les bloqueurs P2Y12, ce qui le rend
très utile pour suivre l’effet des thiénopyridines chez un patient donné. Mais il est également très
sensible, ce qui le rend peu sélectif : la prévalence des faibles répondeurs est exagérée. La corrélation
avec le devenir clinique est modeste car il ne rend pas compte de l’agrégabilité globale de la plaquette.
PFA-100™
Le Platelet Function Analyzer - 100™ mesure le temps d’occlusion de l’orifice d’une membrane enduite
de collagène par le bouchon plaquettaire qui se forme dans des conditions de stress et de cisaillement
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
43
élevées (tourbillons par rotation à 5’000-6'000 tours/minute). Il est simple et rapide, spécifique pour
l’aspirine et adéquat pour les agents anti-récepteur ADP dans sa nouvelle version Innovance™. Le temps
d’occlusion (normal < 165 secondes) augmente si l’hématocrite, le taux de plaquettes ou le taux de
facteur von Willebrand diminuent.
Plateletworks™
Le test compare le compte d’agrégats plaquettaires avec et sans présence d’un agoniste dans deux
échantillons différents. Le rapport entre les deux comptes donne le pourcentage d’inhibition plaquettaire.
Il est simple et rapide, mais requiert un pipettage mais doit être exécuté dans les 10 minutes qui suivent la
prise de sang. C’est un test non-sélectif qui n’est pas encore bien validé en clinique.
Impact™
Cet examen mesure l’adhésion plaquettaire lors de stress de cisaillement important (1'800 tours/min) ; le
résultat est exprimé en pourcentage de surface couverte d’agrégats et en taille de ceux-ci (µm2). Il est
également simple et rapide, mais requiert un pipettage. Il n’est pas non plus validé en clinique.
Tests de fonction plaquettaire
Spécifiques pour l’aspirine :
- Light Transmission Aggregometry
- Multiplate Electrode Aggregometry
- VerifyNow™
- PFA-100™
- Taux de TXB2
Agoniste : acide arachidonique
Spécifiques pour le clopidogrel / prasugrel / ticagrelor :
- Light Transmission Aggregometry
Agoniste : ADP
- Multiplate Electrode Aggregometry
- VerifyNow™
- VASP phosphorylation
Non-spécifiques :
- Plateletworks™
- Impact™
- TEG Platelet Mapping™
TEG platelet mapping
Le thrombo-élastogramme (TEG) mesure la résistance mécanique du caillot. Il n’est pas en lui-même un
test d’activité plaquettaire, mais en additionnant un agoniste, en l’occurrence l’ADP, on peut évaluer la
participation de l’agrégat plaquettaire à la solidité globale du thrombus. On compare les courbes de TEG
activé par du kaolin (standard), par de l'acide arachidonique et par de l’ADP (activation plaquettaire)
(voir Chapitre 8, Tests de coagulation peropératoire) [1].
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
44
Taux de thromboxane B2
La thromboxane B2 est le métabolite de la thromboxane A2 ; son dosage urinaire reflète l’activité de la
COX-1 qui est la cible de l’aspirine. Toutefois, ce n’est qu’une mesure indirecte de l’activité de la
plaquette ; elle ne lui est pas totalement spécifique.
Références
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2
3
Impact clinique
Corrélation avec le risque thrombotique
Lorsque sont apparus les premiers tests de réactivité plaquettaires pratiquables au lit du malade, on a
pensé que la démonstration d’une persistance de l’agrégabilité sous clopidogrel serait un prédicteur
indépendant des complications cardiovasculaires après infarctus ou PCI. Quatre études sont de bons
exemples de cette espoir.

Une agrégométrie par impédance électrique (MEA) pratiquée après la dose de charge de
clopidogrel (600 mg) en cours de PCI avec pose de stents chez 1'608 patients montre que les
faibles répondeurs (15% du collectif) ont un risque de thrombose de stent à 30 jours 9 fois
supérieur à celui des répondeurs normaux (OR 9.4) et que leur mortalité est 3 fois plus élevée
(OR 3.2) [40]. Lorsque la valeur-seuil est fixée au cinquième quintile (468 U), la surface sous la
courbe ROC (Reciever Operating Characteristics) est de 0.78, ce qui indique un bonne valeur
prédictive positive (Figure 29.14).
Figure 29.14 : Taux combiné
de mortalité et de thrombose de
stent à 30 jours en fonction de
la réponse à la dose de charge
de clopidogrel (600 mg) avant
PCI et pose de stents [40]. Dans
cet exemple, les patients qui
conservent
leur
réactivité
plaquettaire sous clopidogrel
(faibles répondeurs) ont 5 fois
plus
de
complications
cardiovasculaires (OR 5.4) que
ceux
qui
répondent
normalement au médicament.
Le test utilisé est l’agrégométrie
par
impédance
électrique
(Multiplate
Electrical
Aggregometry, MEA).
4
3
Mortalité & thrombose de stent (%)
3.1%
OR = 5.4
Faibles répondeurs
2
p = 0.001
1
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
0.6%
Répondeurs normaux
10
30
20
Temps (jours)
45

Différents tests pratiqués après la dose de charge de clopidogrel (300-600 mg) en cours de PCI
avec pose de stents chez 1'069 patients démontrent les variations de corrélation clinique selon
l’examen pratiqué [8]. L’agrégométrie par luminescence (LTA), le VerifyNow™ et le
Plateletworks™ révèlent que la persistance d’une réactivité élevée double le risque
cardiovasculaire à 1 an (OR 2.1 – 2.5), alors que l’Impact™, le PFA-100™ et l’Innovance™ ne
découvrent aucune corrélation avec le devenir des malades. Lorsque la valeur-seuil est fixée au
cinquième quintile, la surface sous la courbe ROC est de 0.63, ce qui indique un valeur
prédictive positive acceptable pour les trois premiers tests, mais non pour les trois autres qui ont
une valeur ROC de 0.5 (Figure 29.15).
 Chez 162 non-répondeurs au clopidogrel avant PCI et pose de stent, la dose de 300 mg est
répétée de manière itérative jusqu’à ce que le test VASP-P indique que l’agrégabilité
plaquettaire n’est plus que ≤ 50% ; à 30 jours, on relève 8 évènements ischémiques graves dans
le groupe contrôle et aucun dans le groupe guidé par le VASP [5].
 Une activité plaquettaire résiduelle élevée sous clopidogrel est un prédicteur des complications à
long terme ; dans une série de 8'582 patients à 1 an après pose de stents à élution (DES), elle est
directement associée à la thrombose de stent (HR 2.49) et à l'infarctus (HR 1.42); la réactivité
élevée sous aspirine, par contre, ne l'est pas [45].
Taux accidents CV (%)
15
Taux accidents CV (%)
15
VerifyNow™
Réactivité élevée
10
Impact™
Réactivité élevée
10
Réactivité normale
5
Réactivité normale
5
OR 2.53
100
200
300
OR 1.1
400
Jours
100
200
300
400
Jours
Figure 29.15 : Taux d’accidents cardiovasculaires majeurs à 1 an après PCI et pose de stents en fonction des
résultats de 2 tests d’agrégabilité plaquettaire différents pratiqués après la dose de charge de clopidogrel (600 mg)
en cours de PCI [8]. La persistance d’une réactivité élevée double le risque cardiovasculaire à 1 an (OR 2.53) avec
le test VerifyNow™, mais n’est pas discriminante avec le test Impact™ (Impact-R™ ou Impact-ADP™) (OR 1.1).
Une méta-analyse de 20 études (9'187 patients) semble confirmer ces résultats : le maintien d’une
réactivité plaquettaire sous aspirine et clopidogrel quintuple le risque de complications cardio-vasculaires
majeures (OR 4.95) [2]. Mais les différents tests n’ont pas tous la même valeur prédictive.
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
46

L’agrégométrie par luminescence (LTA) a une valeur prédictive pour la mortalité, l’infarctus et
la thrombose de stent (OR 4.2, 2.9 et 3.7, respectivement) ;
 Le VerifyNow™ prédit la mortalité et l’infarctus (OR 2.3 et 2.9), mais non la thrombose de
stent ;
 L’agrégométrie par impédance (MEA) prédit l’infarctus et la thrombose de stent (OR 4.0 et 13.9)
mais non la mortalité ;
 Le VASP-P n’a pas de valeur prédictive significative ; il est très sensible mais trop spécifique
pour le récepteur P2Y12 et ne rend pas compte de l’agrégabilité globale.
Dans cette méta-analyse, la prévalence de faibles répondeurs est 32% de la population, mais cette
prévalence est relative, car elle augmente avec la sensibilité des examens et diminue si la valeur-seuil est
fixée plus haut. Les discordances entre les différentes techniques restent élevées, puisque le facteur de
corrélation moyen entre elles est < 0.7 (r = 0.55 - 0.78) [4,10,18,30,47]. Le problème d’une telle métaanalyse est de comparer l’incomparable, puisque chaque test mesure autre chose. Plus cohérente est la
comparaison des résultats du même examen. Par exemple, 6 études utilisant toutes le test VerifyNow™
montrent une association plus réaliste entre la persistance d’une réactivité plaquettaire sous aspirine et
clopidogrel et les complications cardiovasculaires après PCI et pose de stents. Cette relation est claire
lorsque les patients sont dans le 4ème quartile (la plus forte réactivité plaquettaire résiduelle), mais non
lorsqu’ils sont dans le 1er ou 2ème quartile ; le HR est 2.62 dans le premier cas, 1.13 dans le deuxième [7].
Une réactivité résiduelle > 230 unités PRU est significativement associée à la thrombose de stent (HR
3.11) (Figure 29.16).
Mortalité, infarctus, thrombose stent (%)
Quartiles
Q4
15
15.8%
10.9%
Q3
6.9%
Q2
10
Q1
5
5.8%
200
400
600
800
Durée (jours)
Figure 29.16 : Courbes de la probabilité de complications ischémiques et de décès pendant 2 ans après PCI et
pose de stents, en fonction du degré de réactivité plaquettaire résiduelle sous clopidogrel (méta-analyse de 6 études
utilisant le test VerifyNow™ (3'059 patients). Le HR est 1.13 dans le 2ème quartile (Q2), 1.82 dans le troisième
(Q3) et 2.62 dans le quatrième (Q4). La corrélation n’est bonne que dans les cas de forte réactivité résiduelle (très
faible réponse au clopidogrel) [Extrait de : Braar SS, et al. J Am Coll Cardiol 2011;58:1945-54, référence 7].
Aussi attrayants que puissent être ces résultats, ils n’offrent pas pour autant une évidence suffisante pour
justifier l’utilisation de routine de ces tests lors de tout traitement antiplaquettaire [1,17]. En effet,
plusieurs constations s’imposent [3,9,11,15,39,41,44,46].
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
47
 La corrélation entre les tests est faible, car ils mesurent chacun un aspect différent du processus
plaquettaire.
 Aucun des tests rapides ne peut être considéré comme un standard, bien que le VerifyNow™ et
le Multiplate™ soient devenus la référence parce qu’ils sont les plus utilisés ; l’étalon est le LTA
(light transmittance agregometry), mais il réclame un travail de laboratoire complexe.
 La pertinence des tests de réactivité à l’aspirine est douteuse, car leurs résultats ne sont corrélés
ni au risque thrombotique ni au risque hémorragique; ils ne sont pas recommandés.
 L’association entre la réactivité plaquettaire sous clopidogrel et les complications cardiaques ne
se révèle significative que dans les cas à haut risque thrombotique, dans la période initiale, et
chez les patients revascularisés : syndrome coronarien aigu, maladie coronarienne instable, stents
à risque, etc. Elle n’est pas significative en cas d’angor stable ou chez les malades nonrevascularisés.
 Les tests montrent un lien entre l’agrégabilité plaquettaire résiduelle et les évènements
cardiaques précoces (< 30 jours) en cas de SCA ou de PCI, mais non avec les complications à
plus long terme. De plus, la réactivité plaquettaire sous clopidogrel se modifie avec le temps, ce
qui affaiblit la relation entre le test de départ et les résultats cliniques ; le test à 1 mois est un
meilleur prédicteur du long terme, mais il est pratiqué trop tard pour permettre un choix sélectif
de l’antiplaquettaire.
 Les tests de réactivité plaquettaire peuvent avoir un sens au niveau d’une population de patients,
mais il y a peu de chance qu’ils aient un impact sur un traitement individuel.
 Lorsqu’ils sont ajustés aux autres variables (anatomie coronarienne, type de stents, problèmes
techniques, comorbidités, etc), les résultats perdent beaucoup de leur impact.
 En phase aiguë, le plasma contient d’innombrables molécules liées à la réaction inflammatoire ;
elles sont de puissants déclencheurs de l’agrégation plaquettaire, qui dépend donc autant de ces
éléments plasmatiques que de la réactivité propre des thrombocytes.
 La valeur pronostique modeste des tests sur le plan clinique et la rareté de l’événement mesuré
(incidence de la thrombose de stent < 2%) ont deux conséquences : 1) la probabilité que la
généralisation de ces tests aient un impact significatif est faible, et 2) la taille des échantillons de
patients requise pour démontrer leur valeur ou leur inefficacité est tellement élevée que des
études randomisées de haut degré d’évidence ont peu de chance de voir le jour.
Ainsi, une étude propective de 201 patients porteurs de stents et opérés en chirurgie non-cardiaque est
incapable de mettre en évidence une association entre les accidents cardiaques postopératoires à 30 jours
et le degré d'inhibition plaquettaire périopératoire [48]. La capacité de réduire l’agrégabilité plaquettaire
in vitro n’est donc pas une garantie de l’efficacité clinique du traitement [44].
Impact clinique des tests de fonction plaquettaire sur le risque thrombotique
Les corrélations des tests de réactivité plaquettaire avec le devenir clinique des patients se sont révélées
décevantes. La persistance de la réactivité plaquettaire sous clopidogrel n’est liée aux complications
cardiovasculaires que pendant la période précoce après SCA et pose de stents et dans les cas à haut risque
thrombotique. La valeur prédictive des tests est très faible en cas d’angor stable, chez les patients nonrevascularisés et sur le pronostic à long terme. A une large échelle, les tests de réactivité à l’aspirine et au
clopidogrel sont faiblement corrélés au risque thrombotique. Ils ne permettent pas de choisir l’agent
antiplaquettaire ou son dosage de manière cohérente.
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
48
Corrélation avec le risque hémorragique
Les malades dont la réactivité plaquettaire est effondrée sous bithérapie sont aussi ceux qui courent le
plus grand danger de pertes sanguines, qu’elles soient spontanées ou peropératoires [16,21,28,49,50].
Toutefois, cette relation n’est apparente que dans les valeurs très basses de l’agrégométrie (Figure 29.171).
Figure
29.17-1 :
Taux
d’accidents cardio-vasculaires
après PCI et stents en fonction
de
l’activité
plaquettaire
résiduelle sous aspirine et
clopidogrel mesurée avec le
VerifyNow™.
Le
risque
thrombotique (en vert) croît de
manière logarithmique avec la
réactivité
résiduelle
sous
bithérapie, alors que le risque
hémorragique
(en
rouge)
augmente brusquement lorsque
les plaquettes sont efficacement
bloquées [d’après 42]. Dans la
zone intermédiaire, de larges
variations dans l’agrégométrie
ne se traduisent par aucune
modification
du
risque
hémorragique ni thrombotique.
On retrouve le même profil
d’incidence avec d’autres tests.
Taux d’accidents (%)
40
Hémorragie
Thrombose
30
20
10
< 85
86-238
> 239
Activité plaquettaire résiduelle (PRU)
La corrélation entre la mesure de la réactivité plaquettaire in vitro et le risque hémorragique n’a jamais
pu être démontrée de manière convaiquante, parce que les saignements restent stables sur une large plage
de valeur des tests dans la zone intermédiaire, et parce que les plaquettes disposent d’autres récepteurs
encore fonctionnels lorsqu’une substance bloque le récepteur P2Y12 (thiénopyridines, ticagrelor) ou
COX-1 (aspirine) [2,38,46]. Cette corrélation peut être améliorée en procédant à plusieurs tests évaluant
l’activité de différents récepteurs. Ainsi chez les patients sous un agent inhibant le recepteur ADP P2 Y12,
la mesure combinée de la réactivité à la thrombine (récepteur PAR1-4) améliore la corrélation avec le
risque hémorragique peropératoire en chirurgie cardiaque [38]. Elle devient également plus fiable en
combinant l'acide arachidonique, l'ADP et la réactivité à la thrombine (TRAP) comme initiateurs
(Multiplate™ aggregomerty): chez 90 patients dont le ticagrelor a été interrompu 35 heures avant des
pontages aorto-coronariens, 63% des hémorragies sévères sont survenues chez ceux qui avaient une
valeur pour l'ADP < 22 U, et seulement 14% chez ceux dont la valeur était > 22 U; le facteur de
corrélation n'est cependant que de 0.73 [23].
Ces tests ont également un impact sur les délais d’interruption préopératoire des antiplaquettaires.
Actuellement, ces délais sont fixés arbitrairement en fonction de la pharmacocinétique de la substance et
du renouvellement plaquettaire physiologique. Or quelques premières études démontrent que l’effet
résiduel de l’aspirine et du clopidogrel dépend davantage de la réactivité propre de l’individu à la
substance que du délai entre son arrêt et l’intervention [19,34,36]. Ce délai peut être raccourci chez les
hyporépondeurs, car leur risque hémorragique est plus faible que celui des normorépondeurs. D’autre
part, l’agrégabilité mesurée par ces tests a une certaine corrélation avec le taux de transfusion
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
49
plaquettaire peropératoire [37]. Ainsi, des pontages aorto-coronariens en CEC (180 patients) pratiqués 1
jour, 3-5 jours ou > 5 jours après l’arrêt du clopidogrel en fonction de la réactivité résiduelle des
plaquettes au TEG-Platelet Mapping™ (MAADP respectivement > 50 mm, 35-50 mm et < 35 mm) ont
présenté des pertes sanguines équivalentes à celles des malades sans antiplaquettaire, et ceci avec un
délai d’attente moyen de 2.7 jours seulement [22]. Dans le cas de pontages à cœur battant (300 patients),
le délai d’arrêt du clopidogrel est ramené à 3.6 jours et les saignements diminués de 40% en testant la
réactivité plaquettaire des patients avec le PFA-100™ et en y adaptant la durée d’attente préopératoire
[25]. Ceci tend à prouver que les tests d’agrégabilité permettraient d’optimaliser la fenêtre pendant
laquelle les patients ne sont plus protégés par l’antiplaquettaire avant des interventions à haut risque
hémorragique.
Impact clinique des tests de fonction plaquettaire sur le risque hémorragique
Dans la population générale, les tests de réactivité in vitro à l’aspirine et aux thiénopyridines sont
faiblement corrélés au risque hémorragique. Ils n’anticipent le risque de saignement que lorsque
l’inhibition plaquettaire est très profonde. Par contre, ils peuvent être utiles pour adapter la durée
d’interruption préopératoire à la réactivité des patients dans les interventions à risque hémorragique.
Fenêtre thérapeutique
Comme les évènements thrombotiques persistent sous antiplaquettaires avec une incidence d’environ
10% (effet-plafond), il est important que le bénéfice thérapeutique ne soit pas contrebalancé par un
risque hémorragique excessif. Outre la perte sanguine, l’hémorragie entraîne une agravation du risque
d’accidents ischémiques myocardiques [12,20,27,29]. Le risque hémorragique est proportionnel à
l’intensité du blocage de l’agrégation plaquettaire, ainsi que l'ont démontré de nombreuses études
[16,21,28,49,50]. Il existe des valeurs-seuil de la réactivité plaquettaire en dessous de laquelle le risque
hémorragique devient prépondérant parce que le blocage plaquettaire est quasi-complet (voir Tableau
29.4), comme le révèle par exemple la réactivité résiduelle sous clopidogrel mesurée au VerifyNow™
(voir Figure 29.17-1) [42]. La représentation graphique du taux d’accidents cardiovasculaires après PCI
et stents en fonction de l’activité plaquettaire résiduelle sous aspirine et clopidogrel mesurée avec le
VerifyNow™ montre que les complications s’accumulent dans le 4ème quartile et que la courbe est
curvilinéaire (Figure 29.17-2) [14,26,32,34,35].
Réduire l’activité plaquettaire de 100% jusqu’à 50% apporte un bénéfice largement plus important que
la réduire de 50% jusqu’à 0%, comme le prouve d’ailleurs l’efficacité du clopidogrel qui ne diminue
l’agrégabilité que de 40-60% [6,13]. D’autre part, l’illustration du risque hémorragique est une courbe
curvilinéaire en miroir des précédentes. Ces deux familles de courbes déterminent une fenêtre optimale
qui offre la meilleure combinaison entre un risque thrombotique abaissé et un risque hémorragique
acceptable [42,43,46]. Plusieurs études ont clairement démontré qu’une réactivité intermédiaire est le
meilleur compromis. Dans cette fenêtre médiane, le risque global (thrombotique + hémorragique) est 28 fois moindre par rapport à celui qui est présent dans la zone de faible agrégabilité plaquettaire
résiduelle (forte sensibilité au clopidogrel) et dans celle de forte agrégabilité plaquettaire résiduelle
(faible sensibilité au clopidogrel) [9,24,33,41,42].
C’est dans cette fenêtre thérapeutique que devrait se trouver le patient à long terme. Pendant le premier
mois après le SCA ou la pose de stents à haut risque, au contraire, la situation est très instable et le
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
50
risque d’occlusion vasculaire très élevé ; malgré le danger d’hémorragie, il est important que l’inhibition
plaquettaire soit maximale pendant cette période [6,41,43,46].
Taux d’accidents CV (%)
20
Risque
hémorragique
A
Fenêtre
optimale
15
B
10
C
5
Q1
Q2
Q3
Q4
Activité plaquettaire résiduelle (quartiles)
Figure 29.17-2 : Taux d’accidents cardio-vasculaires thrombotiques après PCI et stents en fonction de l’activité
plaquettaire résiduelle sous aspirine et clopidogrel mesurée avec le VerifyNow™ dans 3 études (courbes bleues)
[A : réf 32, B : réf 26, C : réf 35] ; les complications s’accumulent dans le plus haut quart (4ème quartile, Q4), les
courbes sont curvilinéaires. Réduire l’activité plaquettaire du quatrième quart jusqu’à 50% apporte un bénéfice
largement plus important que la réduire de 50% jusqu’au premier quartile (Q1). La courbe du risque hémorragique
(en rouge) est en miroir des précédentes et varie de manière inverse mais aussi curvilinéaire. Ces 2 familles de
courbes déterminent une fenêtre optimale (en jaune) qui offre la meilleure combinaison entre un risque
thrombotique abaissé et un risque hémorragique acceptable [6,33,34,35,43,46].
Fenêtre thérapeutique
La relation entre la valeur des tests d’agrégométrie et le risque thrombotique ou le risque hémorragique
est de type logarithmique : dans la zone intermédiaire de dépression modérée de la fonction plaquettaire,
l’hémorragie et la thrombose ne dépendent pas de la valeur du test. A très faible ou très forte activité
plaquettaire résiduelle, par contre, la relation devient marquée avec le risque hémorragique ou avec le
risque thrombotique, respectivement. Il existe un point d’équilibre optimal dans l’inhibition plaquettaire
(fenêtre thérapeutique) où le risque thrombotique est efficacement diminué sans que le risque
hémorragique soit excessif. Un blocage intense des plaquettes, au risque de saignements importants, n’est
requis que dans les 30-60 premiers jours après SCA ou implantation de stents.
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
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Références
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33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
Vers une thérapie sélective ?
La thérapie antiplaquettaire est en train de se modifier considérablement. Le paradigme ˝un seul régime
pour tous les patients˝ (One size fits all) n’est certainement plus de mise. On peut envisager maintenant
de moduler le traitement en fonction de plusieurs contraintes grâce à divers éléments.





Disponibilité de substances plus puissantes que le clopidogrel ; le prasugrel [1] ou le ticagrelor
[7] peuvent surmonter la résistance à ce dernier. La recommandation actuelle est de réserver le
clopidogrel à la coronaropathie stable et d’utiliser le ticagrelor (ou le prasugrel) comme premier
choix en cas de SCA, de STEMI ou de pose de stents [3,8,13].
Adaptation des médicaments et des dosages selon les risques propres du patient.
Modulation de l’intensité thérapeutique en fonction de la phase aiguë ou chronique et en fonction
du risque hémorragique.
Evaluation de la réponse individuelle aux agents antiplaquettaires et choix adapté de la thérapie
médicamenteuse (prasugrel, ticagrelor, triple thérapie) ou interventionnelle (stents passifs, stents
actifs, revascularisation chirurgicale) ; on peut ainsi éviter de proposer du clopidogrel ou des
stents actifs, très dépendants à long terme des antiplaquettaires, à des patients qui y sont
résistants. Ces options font sens dans les cas à risque coronarien élevé.
Prise en charge selon un algorithme thérapeutique basé sur la réponse aux tests d’agrégabilité et
sur le risque coronarien du patient : choix entre hautes doses de clopidogrel, prasugrel, ticagrelor,
ou revascularisation chirurgicale ; cette manière de procéder peut être utile dans les cas à haut
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
53
risque (diabète, sténose proximale, maladie instable, etc) mais ne s’est pas imposée jusqu’ici
[12].
Plusieurs études ont tenté de démontrer la faisabilité d’une thérapeutique adaptée à la réponse du patient.
Malheureusement, les résultats n’ont pas répondu aux attentes.
 Bien que les patients qui présentent une forte inhibition plaquettaire (< 208 RU) 12 et 24 heures
après la dose de charge de clopidogrel aient un taux de thromboses de stent, d'infarctus et de
mortalité significativement plus bas à 6 mois (HR 0.54) que ceux qui ont une faible inhibition,
l’augmentation des doses de clopidogrel (150 mg/j) ne permet pas de réduire le taux d’infarctus,
de thrombose de stent ou de mortalité à 6 mois chez les hyporépondeurs (HR 1.01), même si le
double dosage se traduit pas une baisse de l’activité plaquettaire au test VerifyNow™ (étude
GRAVITAS) [10,11].
 L’ajustement des doses de clopidogrel en fonction d’un test de réactivité plaquettaire sous
aspirine et clopidogrel, ou le passage au prasugrel en cas de non-réponse, ne modifient pas le
taux de mortalité, d’infarctus, de thrombose de stent ni d’AVC par rapport à une prise en charge
traditionnelle sans test et sans adaptation (HR 1.06) ; le risque hémorragique est identique (étude
ARCTIC) [6].
 Après SCA chez des personnes âgées, ce qui est situation à haut risque, la modification des doses
de prasugrel ou le passage au clopidogrel en fonction du degré d'agrégabilité plaquettaire
n'améliore pas le pronostic par rapport au groupe contrôle (étude ANTARCTIC) [5].
 Une méta-analyse des études évaluant l’effet d’une intensification du traitement antiplaquettaire
basé sur des tests d’agrégabilité révèle que ce sont les malades à haut risque de thrombose de
stent qui en bénéficie le plus, ce qui tend à démontrer que le status du malade a autant de poids
que le résultat des examens dans le pronostic coronarien [2].
 Le lien entre une faible réactivité plaquettaire résiduelle in vitro sous inhibiteurs du récepteur
ADP et le risque hémorragique subséquent n’est pas entièrement établi [3]; il est peut-être
dépendant de la substance utilisée [9].
La corrélation entre le test d’agrégation, l’intensité du traitement et le devenir clinique est certainement
complexe. Pour l’instant, il semble clair que ni les tests d’agrégabilité ni le génotypage ne décrivent
suffisamment bien le profil de risque d’un individu sous antiplaquettaire pour avoir un impact clinique
important sur le devenir des malades.
Par ailleurs, ces tests posent un problème stratégique majeur ; en effet, la réactivité thrombocytaire
résiduelle sous traitement est un meilleur critère pronostique que le typage génétique ou que l’évaluation
in vitro de la sensibilité du patient au médicament [4]. De ce fait, la réponse ne peut être obtenue
qu’après la dose de charge (1 heure ou > 4 heures selon la substance). Dans les cas aigus, ceci implique
de choisir l’antiplaquettaire et le dosage avant de connaître l’anatomie coronarienne et la thérapeutique
idéale pour le patient. Actuellement, la tendance est de choisir le ticagrelor comme agent de première
intention dans tous les cas aigus plutôt que rechercher le profil de réponse du malade [8,13]. Cette
position est renforcée par l'arrivée sur le marché du cangrelor, dont la puissance et la rapidité d'action
permettent une profonde inhibition plaquettaire pendant l'angioplastie sans incidence sur le choix
thérapeutique à long terme.
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
54
Sélection en fonction des tests d’agrégabilité plaquettaire
Alliés au choix entre plusieurs nouveaux médicaments, les tests d’agrégabilité plaquettaire résiduelle
sous inhibiteurs du récepteur ADP offrent une certaine possibilité de moduler le traitement
antiplaquettaire en fonction des caractéristiques de chaque patient. Leur impact est plus marqué chez les
malades à haut risque de thrombose coronarienne et dans la période précoce après SCA ou pose de stents.
Toutefois, la corrélation entre les résultats d’un test d’agrégation, l’intensité du traitement
antiplaquettaire et le devenir clinique du patient est complexe et multifactorielle. Pour l’instant, aucun
des tests disponibles n’a de bonne valeur prédictive positive, ni pour les complications cardiovasculaires
ni pour le risque hémorragique ; aucun ne peut servir de seul critère de sélection de l’agent
antiplaquettaire ou de son dosage, car les résultats doivent être interprétés dans le contexte ethnique,
clinique et angiographique. Les test d’agrégométrie possèdent une certaine valeur discriminative chez les
patients qui sont de très faibles ou de très forts répondeurs aux anti-plaquettaires (respectivement à haut
risque thrombotique ou à haut risque hémorragique), mais ils n’en ont pas dans la plage de réactivité
intermédiaire où se trouvent à la fois la majorité des malades et la fenêtre thérapeutique optimale.
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Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
55
Antiplaquettaires en périopératoire
L’inhibition de l’agrégation plaquettaire, qui augmente le risque d’hémorragie spontanée, est un facteur
aggravant pour le saignement peropératoire. La question centrale est de déterminer dans chaque situation
quel est le danger le plus menaçant pour le patient : la thrombose artérielle si l’on interrompt les
antiplaquettaires, ou l’hémorragie chirurgicale si on les maintient. Ceci est d’autant plus important que
12-15% de la population des pays industrialisés consomme des antiplaquettaires de manière chronique, et
que 5-20% des patients qui bénéficient d’une revascularisation coronarienne vont subir une intervention
de chirurgie non-cardiaque dans l’année qui suit la pose de leurs stents [5,6,10]. Toutefois, les
antiplaquettaires ne sont pas tout-puissants et n’offrent qu’une protection relative, puisque environ 8-10%
des patients manifestent des complications cardio- et cérébro-vasculaires alors qu’ils sont sous
antiplaquettaires, comme le démontrent les grands essais cliniques destinés à prouver l’efficacité de ces
médicaments. Ces derniers n’abaissent le risque cardiaque que de 20-40% en moyenne (Figure 29.18)
[4].
% patients
14
Aspirine
ATT
Clopidogrel
CURE
Prasugrel
TRITON
Ticagrelor
PLATO
P
-22%
-20%
P
12
P
-39%
P
-36%
10
8
6
4
2
135ʼ640
12ʼ562
13ʼ608
18ʼ624
Nombre de patients
Figure 29.18 : Réduction du risque cardio-et cérébro-vasculaire dans les grands essais cliniques destinés à valider
les antiplaquettaires. La réduction globale est approximativement de 20-40%. Environ 8-10% des patients sous
antiplaquettaires développent une complication cardiaque [d’après Fintel DJ. Vasc Health Risk Manag 2012 ; 8 :7789, référence 4]. ATT : AntiThrombotic Trialists meta-analysis [1,3]. CURE [7], PLATO [11], TRITON [12] :
essais cliniques (phase III) du clopidogrel, du prasugrel et du ticagrelor, respectivement. P : placebo (groupe
comparatif de chaque étude).
En periopératoire, le 45% des malades qui subissent un infarctus ou une thrombose de stent le font
malgré la continuation du traitement antiplaquettaire [8,9]. Par contre, ces substances accroissent le
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
56
risque hémorragique : + 1.2% pour l’aspirine, + 2.1% pour la combinaison aspirine - clopidogrel, et +
2.4% pour la combinaison aspirine - prasugrel (en augmentation absolue).
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Antiplaquettaires et maladies vasculaires
Les antiplaquettaires sont essentiels pour maintenir la perméabilité vasculaire après un syndrome
coronarien aigu (SCA), un infarctus myocardique, une angioplastie (PCI : Percutaneous Coronary
Intervention), une pose de stents ou un pontage aorto-coronarien (PAC) [44,87]. L’inhibition
plaquettaire doit être d’autant plus intense que l’on est plus proche de l’événement aigu.
Angioplastie et stents passifs
Après PCI et pose de stent, la durée du délai pour une opération est liée à celle de la réendothélialisation
du stent. Dans un stent métallique simple, ou stent passif (bare metal stent, BMS), l’armature est en
contact direct avec le sang pendant plusieurs semaines. Il faut attendre 4-6 semaines pour qu’elle soit
recouverte par une couche cellulaire, qui n’est faite que des cellules musculaires lisses ; ce délai
représente également la durée minimum pour la cicatrisation des lésions après un infarctus [53]. Ce
n’est pas avant 3 mois que les parties métalliques sont complètement enfouies dans le tissu cicatriciel et
la surface recouverte d’une néo-intima (Figure 29.19) [33].
Tant que le stent n’est pas entièrement recouvert, le risque de thrombose par adhésion des thrombocytes
nécessite une thérapie antiplaquettaire : aspirine à vie et clopidogrel pendant 4-6 semaines au minimum,
et jusqu’à 12 mois en cas de syndrome coronarien aigu. Le taux de thrombose est ainsi inférieur à 2%
pendant le premier mois et < 0.1% au-delà. Cependant, le néo-endothélium tend à proliférer, ce qui
provoque un taux de resténose de 12-20% à 9-12 mois [67]. Actuellement, les BMS sont réservés aux
patients chez qui la bithérapie présente de très hauts risques hémorragiques, à ceux qui doivent subir une
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
57
intervention chirurgicale majeure dans un délai de 5-6 semaines, et à ceux qui ne peuvent pas suivre un
traitement médical régulier [47].
A
B
Figure 29.19 : Sections de stents prises lors d'autopsies. A : Au 11 ème jour, le stent passif n'est recouvert que
d'une fine membrane; une armature métallique est apparente, libre dans le courant sanguin (flèche bleue). B :
Après 3 mois, le stent passif est complètement protégé par le néo-endothélium, les armatures (S) étant
profondément enfouies sous une couche cellulaire [33].
Les stents actifs
Pour remédier à la haute incidence de resténose dans les stents passifs, on a développé des stents à
élution, dits stents actifs (drug-eluting stents, DES), qui libèrent progressivement des produits
antiprolifératifs ; les substances utilisées dans la première génération de stent actif sont le sirolimus
(rapamycine) et le paclitaxel. Le taux de resténose est ainsi descendu à 3% à 1 an et à 6% à 3 ans, sans
modification de la mortalité [67]. Toutefois, ce progrès s’accompagne d’un ralentissement considérable
de la réendothélialisation. En effet, seule 13% de la surface des stents actifs de 1ère génération est
endothélialisée à 3 mois (Figure 29.19 C) [42].
Figure 29.19 C : Sections
de
stents
prises
lors
d'autopsies. Image OCT
(Optical
convergence
tomography) d’un stent actif
de 1ère génération à 3 mois,
dont l’armature (flèches) est
dénuée de tout revêtement
endothélial [42].
Sur une période d’observation allant jusqu’à 40 mois, des examens autopsiques de malades porteurs de
stents actifs de 1ère génération ont montré que l’endothélialistion ne dépasse pas 56% de la surface à 1
an, alors que les stents passifs sont entièrement recouverts entre 3 et 6 mois (Figure 29.20) [40].
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
58
Figure
29.20 :
Endothélialisation
des
stents actifs de 1ère
génération et des stents
passifs sur une durée de
40
mois
(étude
d’autopsies) [40]. Alors
que les stents passifs sont
entièrement endothélialisés à < 6 mois, les
stents actifs ne sont
jamais recouverts à plus
de 56% par une néointima.
Endothélialisation (%)
100
Stents passifs
80
60
40
Stents actifs
20
Mois
6
12
18
40
Contrairement à la néointima épaisse qui se forme dans les stents passifs, la surface des stents actifs est
couverte d’une couche endothéliale fine et fragile accompagnée d’une réaction inflammatoire, très
voisine de celle d’une plaque instable. Cette situation augmente le risque de thrombose et requiert une
double thérapie antiplaquettaire pendant au moins 12 mois [16]; un traitement prolongé au-delà d’un an
diminue encore la mortalité à long terme dans plusieurs séries (HR 0.7-0.8) [1,24,26], mais non dans
toutes [63] (voir ci-dessous: Durée du traitement antiplaquettaire).
Le risque de thrombose de stent (TS) est de 2-3% pendant le 1er mois, de 2% jusqu’à 6 mois et de 1.2%
entre 6 mois et 1 an ; au-delà d’un an, le risque de thrombose tardive est de 0.4-0.6% par an lorsque les
patients ne sont plus sous bi-thérapie continue; à 3 ans, elle est de 2.2% pour les DES 1ère génération et
de 1.0% pour les DES 2ème génération [3,7,13,16,61,69,71,73,76]. Bien qu’elle soit un événement rare, la
thrombose de stent est extrêmement dangereuse, car elle correspond à l’occlusion abrupte et totale d’un
vaisseau dont le flux était normal et la collatéralisation faible. Elle est grevée d’un taux d’infarctus allant
de 10% jusqu’à 60% et d’une mortalité de 9-45% (moyenne 25%). La resténose, au contraire, est un
événement bénin dont la mortalité est < 1%.
Ces données concernent les stents actifs de première génération. Avec les DES de 2ème et 3ème
générations, des progrès techniques (armature en chrome-cobalt, en magnésium ou en polylactate,
matrice biorésorbable ou biocompatible comme la phosphorylcholine) et de nouvelles substances antiprolifératives (zotarolimus, everolimus, biolimus) modifient les résultats, car l’endothélialisation y est
plus rapide et le taux de thrombose 2 à 3 fois plus faible : 0.6% au lieu de 1.2% à 1 an [60,61,64].
L’activation et l’agrégation locale des plaquettes est nettement moindre [61]. La bithérapie peut être
raccourcie à 9 mois (everolimus) ou à 6 mois (biolimus sur stent biodégradable) dans les cas de
coronaropathie stable [8,75].
La thrombose de stent est un accident d’origine multifactorielle, dont les principaux prédicteurs peuvent
être classés par ordre d’importance décroissante [2,15,30,38,61,67,69].
 La durée du traitement antiplaquettaire (voir Arrêt des antiplaquettaires). Le délai entre la
revascularisation et l’interruption de la bithérapie est probablement l’élément le plus important,
notamment lorsqu’il est inférieur à 6 mois.
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
59
 La chirurgie non-cardiaque. L’acte chirurgical s’accompagne d’un syndrome inflammatoire
systémique et d’un état hypercoagulable, particulièrement importants lors d’intervention
majeure. D’autre part, le risque est d’autant plus élevé que le délai entre la pose de stent et
l’opération est plus bref (voir ci-dessous: Délai pour la chirurgie) ou que l’intervention est
réalisée en urgence ; cependant, il reste faible pour les interventions mineures.
 Le status cardiaque: présence de syndrome coronarien aigu (SCA), persistance d’un syndrome
coronarien instable.
 Le degré de recouvrement endothélial. Entre 1 et 3 ans après la PCI, les zones non recouvertes
représentent 2.6% de la surface du stent avec les DES de 2ème génération, mais 19% avec les
DES de 1ère génération [57].
 La progression de la maladie coronarienne. La moitié des complications au-delà d’une année
après revascularisation coronarienne survient dans le vaisseau incriminé, mais la moitié apparaît
dans un autre vaisseau sous forme d’une progression de la maladie athéromateuse [74].
 L’anatomie coronarienne. Les stents très proximaux ou ceux situés dans les vaisseaux
dominants sont considérés comme à haut risque. Les stents sous-dimensionnés dans de petits
vaisseaux ont une haute incidence de thrombose.
 Les problèmes techniques : malapposition, dissection, emboîtement de stents, etc. Ils sont une
cause prédominante de thrombose dans les 30 premiers jours après l’implantation.
 Les indications hors recommandations (off-label indications) des stents actifs : plus de 50% des
DES sont placés dans des situations qui ne correspondent pas aux indications formelles pour
lesquels ils ont été conçus : stents multiples, emboîtés, situés à des bifurcations, situations très
proximales ou très distales. Ceci double le risque de thrombose (HR 2.3) [48,82].
 Les comorbidités : diabète, insuffisance rénale, dysfonction ventriculaire, maladie cancéreuse
(hypercoagulabilité, syndrome paranéoplasique), âge avancé.
 Une inhibition plaquettaire inadéquate. Vu l’incidence de faibles répondeurs à l’aspirine et au
clopidogrel, environ 20% des patients revascularisés ne bénéficient pas d’un traitement optimal.
Durée du traitement antiplaquettaire
Après une PCI avec pose de stents, une double thérapie antiplaquettaire (aspirine + ticagrelor ou
prasugrel ou clopidogrel) est prescrite de routine pour les durées suivantes (Tableau
29.5) [9,29,34,37,43,47,54,62,72,81,83].











2 semaines après angioplastie avec ballon simple ;
12 semaines après angioplastie avec ballon à élution ;
4-6 semaines après stents passifs (BMS), mais 12 mois en cas de syndrome coronarien aigu ;
12 mois après l’implantation de stents actifs (DES) de 1 ère génération ;
6 mois après implantation de DES de 2-3ème génération si risque ischémique faible ;
12 mois après implantation de DES de 2-3ème génération si SCA;
12 mois en cas de SCA, avec ou sans implantation de stent et quel que soit le type de DES ;
> 12 mois dans les stents à haut risque ou si le risque ischémique est élevé ;
Les anti-GP IIb/IIIa sont cantonnés au sauvetage pendant 48 h dans les stents à très haut risque ;
L'aspirine (50-100 mg/j) est maintenue à vie sans interruption;
Si le risque hémorragique est élevé (anamnèse d'hémorragie digestive ou cérébrale,
coagulopathie, anémie, anticoagulation, etc), il est souhaitable de restreindre la bithérapie à sa
durée minimale: 1 mois après BMS, 3 mois après DES 2-3ème génération, 6 mois après DES 1ère
génération ou SCA.
Ces durées correspondent à celles qui sont admises pour la réendothélialisation de l’armature métallique
des stents. Tant que ce n’est pas le cas, les stents se comportent comme des plaques instables. Ces
recommandations (classe IIa, degré d’évidence B) s’accompagnent d'un renvoi de toute opération
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
60
élective pendant 3 mois après stents passifs et pendant une année après stents actifs. L’aspirine est
prescrite à vie et ne doit pas souffrir d’interruption, quel que soit le type de stent. Sous antiplaquettaires,
un stent est l’équivalent d’une coronaropathie stable ; lorsqu’on les arrête, il se comporte comme une
plaque instable. Mais la question de la durée de la bithérapie est en pleine évolution, car les nouveaux
DES et les nouveaux antiplaquettaires changent la donne et permettent une thérapeutique plus
différenciée [54,55,62]. Plusieurs essais cliniques ont comparé les résultats d'une bithérapie courte (6
mois) et d'une bithérapie longue (≥ 12 mois).
Tableau 29.5 : Recommandations pour la durée du traitement antiplaquettaire
 Aspirine (50-100 mg/jour)
à vie sans interruption
 Ticagrelor (2 x 90 mg/j), prasugrel (10 mg/j) ou clopidogrel (75 mg/jour)
• Angioplastie
2 semaines (ballon simple), 3 mois (ballon à élution)
• Stents passifs
minimum 4-6 semaines*
• Stents actifs 1e génération
12 mois
• Stents actifs 2e génération
6 mois si coronaropathie stable**
• Stents actifs 2e génération
12 mois si SCA**
• Stents actifs haut risque
> 12 mois si risque ischémique élevé
• Infarctus
6-12 mois
• Syndrome coronarien aigu
12 mois (avec ou sans revascularisation)***
• Risque hémorragique élevé
3 mois (DES 2ème gén), 6 mois (DES 1ère gén, SCA)
 Coronaropathie stable
aspirine seule (si pas d'IdM ni de revascularisation)
 Pontages aorto-coronariens
aspirine à vie sans interruption
bithérapie si SCA ou stent préop (durée habituelle)
* : prolongé à 12 mois en cas de syndrome coronarien aigu, selon le risque hémorragique et la tolérance du patient
**: y compris stent actifs de 3ème génération et stents biorésorbables
***: préférence pour le ticagrelor (ou le prasugrel) plutôt que pour le clopidogrel
CS: coronaropathie stable. IdM: infarctus du myocarde. SCA: syndrome coronarien aigu (± STEMI ou N-STEMI)
 L’étude PRODIGY, qui compare la prescription de clopidogrel pour 6 mois versus 24 mois chez
2'013 patients porteurs de stents, ne trouve pas de différence dans les taux d’infarctus, d’AVC, de
thrombose de stent ni de décès (HR 0.98) ; par contre, le risque hémorragique est nettement plus
élevé (HR 2.96) chez les malades qui consomment le plus longtemps du clopidogrel [77].
 Dans l’étude sud-coréenne EXCELLENT (6 ou 12 mois de clopidogrel après stents actifs),
l’incidence de mortalité et d’infarctus à 1 an n’est pas globalement différente (4.8% versus
4.8%), sauf chez les diabétiques et les patients à haut risque (SCA), chez qui elle est
significativement plus élevée pour ceux qui ne reçoivent que 6 mois de clopidogrel (HR 3.16 à
6.02) [35].
 Il est même possible de restreindre la bithérapie à 3 mois avec certains DES de 3ème génération
chez des patients à bas risque sans SCA : la mortalité et le taux d’infarctus ne sont pas modifiés
par rapport à une durée de 12 mois, mais le taux de de thrombose de stent tend malgré tout à
augmenter [27,41].
 Une étude portant sur 9'961 patients, randomisés entre clopidogrel/prasugrel ou placebo du 12ème
au 30ème mois après la pose de stents actifs et une bithérapie pendant 1 an seulement, a trouvé que
18 mois supplémentaires de bithérapie diminuent significativement le taux de thrombose de stent
(HR 0.29), d’infarctus (HR 0.47) et d’AVC (HR 0.80), mais augmentent la mortalité générale
toutes causes confondues (OR 1.36) [50].
 Une bithérapie prolongée (18-30 mois) réduit davantage les accidents cardiovasculaires chez les
malades qui avaient un infarctus aigu au moment de la pose de DES (3’375 patients) que chez
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
61
ceux qui se présentaient sans infarctus (8’273 patients) : OR 2.36 vs 1.66 ; le risque
hémorragique est doublé avec la bithérapie longue [88].
 Même après deux ans et demi de traitement, le risque d’infarctus, de thrombose de stent et
d’AVC est triplé dans les 3 mois qui suivent l’arrêt de la bithérapie, malgré la poursuite de
l’aspirine [50].
 Passer de 2 fois 90 mg par jour à 2 fois 60 mg par jour de ticagrelor au-delà d'une année ne
modifie pas le bénéfice du traitement, mais réduit le risque hémorragique [5a].
Plusieurs revues sytématiques accompagnées de méta-analyses ont combiné les données de nombreux
essais randomisés et contrôlés pour en augmenter la puissance.
 Un groupe de 10 essais (32'135 patients) comparant une bithérapie de courte durée (3-12 mois) à
une bithérapie de longue durée (18-30 mois) démontre que la première entraîne une hausse des
thromboses de stent (OR 1.71), particulièrement lorsqu’on compare les stents de 1ère génération à
ceux de 2ème génération (OR 3.94) ; par contre, la bithérapie courte diminue le risque
hémorragique (OR 0.63) et la mortalité générale (OR 0.87) [32].
 Une méta-analyse en réseau bayésien portant sur 10 études (31'666 patients) révèle que la
bithérapie de courte durée (6 mois) diminue de la mortalité générale (OR 0.82) par rapport à une
bithérapie de > 12 mois ; la différence tient à une baisse de la mortalité non-cardiaque (OR 0.67)
[59].
 Une méta-analyse regroupant 10 études (32'287 patients) et comparant une bithérapie de < 12
mois à une bithérapie de > 12 mois met en évidence une réduction du risque thrombotique (OR
0.33) et ischémique (OR 0.53) avec la bithérapie prolongée, mais une augmentation du risque
hémorragique (OR 1.62) ; d’autre part, la mortalité générale est augmentée (OR 1.30) lorsque la
durée du traitement s’allonge, mais non la mortalité cardiaque qui tend à diminuer [56].
 D’autres études et d'autres méta-analyses ont été publiées ces deux dernières années, mais il
serait trop fastidieux de les citer toutes ; leurs conclusions sont superposables aux précédentes.
Une bithérapie (aspirine + clopidogrel, prasugrel ou ticagrelor) plus intense et plus longue tend donc à
diminuer le risque de thrombose de stent et d'infarctus après SCA, car les courbes de survie de
l'antiplaquettaire et du placebo (ou du dosage le plus faible) continuent à diverger au-delà d'un an. Le
prix à payer est une augmentation du risque hémorragique, mais ce dernier reste inférieur au gain sur le
risque ischémique: pour 10'000 patients traités, 42 événements cardiaques sont évités au prix de 31
accidents hémorragiques [54,62]; pour 1'000 patients ayant souffert d'un infarctus, 3 thromboses de stent
et 6 récidives d'infarctus sont évitées au prix de 5 saignements majeurs [47]. Comme la mortalité de ces
derniers (11%) est plus basse que celle des thromboses de stent (31%), la prévention de 27 décès
ischémiques au prix de 5 décès hémorragiques conduit à un bénéfice de 22 survivants pour 10'000
patients sous bithérapie pendant plus de 2 ans [39]. Dans les stents à très haut risque (longs, multiples,
situés sur le tronc commun ou l’IVA proximale), chez les patients qui ont fait un infarctus ou un SCA au
moment de la PCI et chez ceux qui ont déjà subi une thrombose de stent, il est plus sûr de continuer la
bithérapie au-delà d’une année [30,67,83] ; c’est le cas de 29% des DES [16]. De plus, la bithérapie > 1
an diminue le risque d’infarctus non seulement sur la thrombose de stent mais aussi sur la coronaropathie
des vaisseaux non-appareillés [88]. Dans les coronaropathies stables sans SCA, par contre, le traitement
prolongé > 1 an est moins bénéfique, parce que le risque ischémique est inchangé alors que le risque
hémorragique est augmenté [54,55,62]. Le bénéfice d'un traitement à long terme est également atténué
avec les DES de 2ème génération, moins thrombogènes et plus rapidement réendothélialisés; dans les cas
stables sans SCA, une bithérapie de 6 mois apparaît d'ailleurs suffisante avec les nouveaus DES [11,55].
Mais la prolongation de la bithérapie s'accompagne d'une augmentation de mortalité non-cardiaque (HR
1.33-1.6), liée essentiellement à l'hémorragie, au traumatisme et au cancer; cet effet surprenant n'est pas
compensé par une baisse de mortalité cardiaque (HR 0.93-1.17) [4,49,50,62], mais est probablement très
marginal [47]. Pour faciliter la décision de prolonger ou non la bithérapie, on peut utiliser un score de 11
variables (Tableau 29.6) [47].
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
62
Tablesu 29.6: Score pour l'évaluation du risque d'un prolongement de la bithérapie


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







Age ≥ 75 ans
Age 65 – 75 ans
Age < 65 ans
Tabagisme
Diabète insulino-requérant
IdM lors de la présentation
Antécédent de PCI ou d'IdM
FE du VG ≤ 30%
Diamètre du stent < 3 mm
DES au paclitaxel
PCI dans un greffon veineux
- 2 points
- 1 point
0 point
1 point
1 point
1 point
1 point
2 points
1 point
1 point
2 points
Un score > 2 parle en faveur d'un prolongement de la bithérapie, alors qu'un score < 2 fait pencher la balance
pour une interruption de la bithérapie après 6-12 mois (selon le type de stent) [d'après réf 47]. La décision doit
encore prendre en compte le risque hémorragique; s'il est élevé (anamnèse d'hémorragie digestive ou cérébrale,
coagulopathie, anémie, anti-coagulation, âge avancé), il est souhaitable de réduire la bithérapie à sa durée
minimale.
A la lumière de ces données, on peut formuler les propositions suivantes pour la durée de la bithérapie
chez les patients porteurs de DES [47,54,62].
 DES 2ème-3ème génération et risque ischémique faible mais risque hémorragique très élevé ou
opération vitale impérative: 3 mois.
 DES 2ème-3ème génération et risque ischémique faible (stent simple, coronaropathie stable, pas de
SCA): 6 mois.
 DES 2ème-3ème génération et risque ischémique modéré sur SCA, ou DES 1ère génération: 12
mois.
 DES 2ème-3ème génération et risque ischémique élevé (SCA avec infarctus, thrombose préalable,
stent complexe, diabète), DES 1ère génération à risque, risque hémorragique faible: > 12 mois;
chez les patients sous ticagrelor, il est possible de remplacer la dose quotidienne de 180 mg par
une dose de 120 mg au-delà de 12 mois.
Ces recommandations sont à mettre en balance avec le risque hémorragique, qui augmente parallèlement
à l'intensité et à la durée de la bithérapie, en gardant néanmoins à l'esprit que la mortalité liée à une
thrombose coronarienne est plus importante que celle liée à une hémorragie [49]. Avec les nouveaux
stents et l'usage extensif du ticagrelor, on voit s'installer une dichotomie: soit la situation est favorable et
la bithérapie peut être réduite à 1-3 mois, soit la situation est dangereuse et la bithérapie doit être
prolongée à long terme, voire indéfiniment. Cesser la bithérapie après 6 mois dans une situation à bas
risque et une coronaropathie stable n’est malheureusement pas un scénario extrapolable sans restriction à
la période périopératoire, qui est une période à haut risque accompagnée d’un syndrome inflammatoire
massif et d’une hyperactivité thrombocytaire puissante. La faisabilité d’un traitement de seulement 3-6
mois avec les nouveaux stents dans le cadre d'une coronaropathie stable n’est en aucun cas un argument
pour interrompre une thérapie en cours afin de programmer une intervention chirurgicale dans des délais
raccourcis. D'autre part, le manque d’expérience avec les nouveaux stents dans le périopératoire oblige à
rester très prudent. Le raccourcissement du délai à 3 ou 6 mois ne concerne que des cas de
coronaropathie stable sans SCA ni infarctus pour des opérations vitales hémorragipares dont le renvoi
met la vie du malade en danger. Dans les autres situations, le maintien de la bithérapie en cours pendant
12 mois et un délai idéal d’un an pour toute intervention élective restent de rigueur.
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
63
Pontages aorto-coronariens (PAC)
Après des PAC, les patients sont traités par aspirine (50-150 mg/j) de manière continue et définitive. La
bithérapie pendant 12 mois est plus discutée. Elle augmente certainement le risque hémorragique, et ne
réduit le taux d'infarctus que dans les pontages à cœur battant (OPCAB); par contre, elle améliore
significativement le taux de perméabilité des pontages veineux à 3 et 12 mois (OR 0.59) [19]. Elle est
sans effet sur celle des pontages artériels. Les patients ayant souffert d'un infarctus ou d'un SCA et ceux
qui ont bénéficié d'une pose de stents avant l'opération doivent reprendre la bithérapie dès que possible
après la chirurgie de manière à compléter la durée requise par l'événement coronarien préopératoire [47].
Le choix se porte en général sur le clopidogrel ou le ticagrelor; le prasugrel est déconseillé car il élève
trop le risque hémorragique.
Maladie cérébrovasculaire
Alors qu’elle est bénéfique dans la maladie coronarienne où la majeure partie des accidents sont liés à la
rupture de plaques instables, une inhibition antiplaquettaire intense ne semble pas efficace pour la
protection secondaire des AVC, où l’incidence des plaques instables est moindre et où le taux
d’hémorragies graves, particulièrement intracrâniennes, est dangereusement élevé. L’aspirine seule a un
rôle incontesté dans la prévention secondaire de l’accident vasculaire cérébral. L’association avec le
clopidogrel n’offre aucun avantage, et augmente le risque hémorragique ; elle n’est pas recommendée
[70]. Le clopidogrel seul est une alternative possible en cas d’intolérance à l’aspirine. Le prasugrel est
contre-indiqué chez les malades qui ont fait un AVC car il augmente le risque d’hémorragie
intracrânienne secondaire [84,86]. Par contre, la combinaison d’aspirine (50-160 mg) et de dipyridamole
(200-400 mg) (Asasantine®) présente une diminution du risque de 20% par rapport à l’aspirine seule,
sans augmentation du risque hémorragique [25,70].
Artériopathie périphérique
Lors d’artériopathie périphérique, le risque cardiovasculaire et le risque de ré-occlusion sont diminués
de 41% par l’aspirine et de 24% par le clopidogrel [36]. L’association d’un antiplaquettaire, d’une
statine et d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion offre une réduction du risque cardiovasculaire
cumulé à long terme [18,22], alors que le risque postopératoire intrahospitalier dépend davantage du
status cardiaque des patients [17]. La chirurgie carotidienne réclame une monothérapie à vie (aspirine),
alors que les stents carotidiens nécessitent en plus une bithérapie (aspirine + clopidogrel) 3 jours avant
l’intervention et pendant 1 mois après la procédure [58].
Age avancé
Le grand âge (> 70 ans) est accompagné d’un bascule de l’équilibre hémostatique vers une augmentation
de l’activité plaquettaire, une intensification de la coagulation et une baisse de la fibrinolyse. D’autre
part, les personnes âgées sont plus sensibles aux effets des antiplaquettaires pour plusieurs raisons [10].





Diminution de la masse musculaire, du volume cellulaire et de l’eau totale ;
Polypharmacie et risque majoré d’interactions médicamenteuses ;
Présence de nombreuses comorbidités (dysfonction hépatique, insuffisance rénale) ;
Fragilité hémodynamique, stase vasculaire et dysfonction endothéliale ;
Risque accru d’hémorragie digestive et intracrânienne (AVC).
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
64
L’aspirine et le clopidogrel présentent la même efficacité quel que soit l’âge et ne réclament pas
d’ajustement particulier des dosages. Le prasugrel n’est pas recommandé > 75 ans à cause d’une
incidence excessive de saignements [84] ; s’il est utilisé à cause de son efficacité dans le diabète type I, le
dosage doit être réduit à 5 mg/jour [85]. Le ticagrelor est plus efficace que le clopidogrel jusqu’à 75 ans,
mais pas au-delà [79]. Le bénéfice des anti-GP-IIb/IIIa diminue avec l’âge, particulièrement pour
l’abciximab ; le dosage de l’eptifibatide et du tirofiban doit être calé sur le poids et la fonction rénale.
Anticoagulation et antiplaquettaires
Il arrive que l’on doive combiner un traitement anticoagulant en cours pour une prothèse valvulaire ou
une fibrillation auriculaire (FA) avec une bithérapie antiplaquettaire justifiée par un récent événement
coronarien. Il arrive aussi qu’une FA survienne au cours d’un SCA et impose une anticoagulation en sus
des antiplaquettaires. Cette triple thérapie comporte évidemment un risque hémorragique accru : le taux
de saignement est augmenté de 1.6 à 4 fois par rapport à la bithérapie [28]. La combinaison des
antiplaquettaires avec un nouvel anticoagulant oral comme le dabigatran est moins hémorragipare que
l’association à la warfarine [14]. Dans les situations où le risque hémorragique est élevé, il est
probablement plus efficace d’omettre l’aspirine : l’étude WOEST a comparé la combinaison d’un
anticoagulant et de clopidogrel avec ou sans aspirine [21]. Le risque hémorragique est significativement
diminué sans aspirine (HR 0.36), alors que le risque de thrombose coronarienne ne présente pas de
différence significative. Ces résultats ont été confirmés par un registre danois portant sur 12'165 patients
[45]. Il semble donc possible de renoncer à l’aspirine chez les malades sous anticoagulants nécessitant un
antiplaquettaire, tout au moins lorsque le risque hémorragique est élevé et lorsque le status coronarien est
stable [20]. Par ailleurs, l’addition d’une faible dose d’anticoagulant (rivaroxaban 2.5-5 mg 2x/j) à la
bithérapie antiplaquettaire après un syndrome coronarien aigu permet de réduire le taux d’infarctus,
d’AVC, de mortalité (HR 0.84) et de thrombose de stent (HR 0.68), mais au prix d’une augmentation du
risque hémorragique, notamment de saignement intracrânien [51].
Délais pour la chirurgie non-cardiaque
Le risque opératoire est d’autant plus élevé que le délai entre l’événement coronarien et l’opération est
plus court, parce que la lésion est par nature instable tant qu’elle n’est pas complètement cicatrisée, c’està-dire totalement recouverte d’un endothélium normal. Après PCI et stent passif, les risques de
thrombose, d’infarctus et de mortalité sont de 15-35% pendant les 6 premières semaines ; l’incidence
décroît à 5-10% dès 6 semaines et devient inférieure à 2% au-delà de 3 mois [67,68]. Après des PAC, le
taux de complications ischémiques et de mortalité en cas de chirurgie non-cardiaque est de 10-30%
pendant 4-6 semaines ; il est d'environ 5% entre 2 et 3 mois, et de 1% au-delà de 3 mois [6]. Après des
stents actifs de 1ère génération, les risques sont plus élevés et les délais plus longs à cause de la très lente
endothélialisation [66,80] : les taux d’accidents cardiaques périopératoires sont de 20-40% pendant le
premier mois (HR 27.3 pendant la 1ère semaine [5]), de 6-15% à 3 mois, de 5-8% à 6 mois et de 2% dès
12 mois. Six semaines après des BMS ou des PAC et 6 mois après des DES, le risque devient celui d’une
coronaropathie contrôlée (risque intermédiaire de 3-6%, équivalent à 2 facteurs de risque du Revised
Cardiac Index [65]). Il faut attendre 3 mois après des BMS ou des PAC et 12 mois après des DES de 1ère
génération pour que le risque atteigne son plancher (équivalent à 1 facteur de risque) [66,78,80]. Bien
que plus optimiste à cause d’une forte proportion de chirurgie mineure, une étude portant sur 28'029
patients démontre la même évolution du risque : le taux de morbi-mortalité cardiaque y est de 12% dans
les 6 premières semaines après pose de stent, de 6.4% entre 6 semaines et 6 mois, de 4.2% entre 6 et 12
mois et de 3.5% au-delà d’un an [38]. Cette chronologie impose des délais entre la revascularisation et
une opération non-cardiaque subséquente ; ils sont résumés dans le Tableau 29.7 et la Figure 29.21
[12,23,47].
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
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Tableau 29.7 :
Délais optimaux entre revascularisation coronarienne et chirurgie non-cardiaque

Angioplastie sans stent

Stents passifs (BMS)
• Chirurgie vitale
• Chirurgie élective
Pontages aorto-coronariens
• Chirurgie vitale
• Chirurgie élective
Stents actifs (DES 1ère génération)*
• Chirurgie vitale
• Chirurgie élective
Stents actifs (DES 2ème génération)**
• Chirurgie vitale
• Chirurgie élective



2-4 semaines (ballon simple)
3 mois (ballon à élution)
6 semaines
3 mois
6 semaines
3 mois
6 mois (sous bi-thérapie)
12 mois
3 mois (sous bi-thérapie)
6 mois
*: DES toute génération si SCA ou stent à très haut risque
**: comprend les DES 2ème et 3ème génération et les DES biodégradables
Taux dʼaccidents (%)
BMS (stent métallique nu)
50
PAC (pontage aorto-coronarien)
40
DES (stent à élution, stent actif)
30
DES > 1 an :
persistance d’un risque cardiaque
supérieur au risque standard
20
10
© Chassot 2014
1
2
3
6
Mois
12
Figure 29.21 : Evolution du risque d’accidents cardiaques périopératoires (mortalité, infarctus, thrombose de
stent) chez les malades revascularisés, en fonction du délai entre la revascularisation et l’opération non-cardiaque.
Le risque est d’autant plus grand que le délai est plus bref. Une opération vitale peut être conduite dès 6 sem après
BMS ou PAC et 6 mois après DES 1ère génération (sous bithérapie) ; elle peut être envisagée dès 3 mois après
DES de 2ème génération au prix d’un certain risque (environ 5% d’accidents cardio-vasculaires) [46,66,78,80].
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
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Traitement antiplaquettaire
Après un événement cardiovasculaire ischémique (SCA, infarctus, PCI et pose de stent, pontages aortocoronariens, AVC, occlusion artérielle), l’aspirine est prescrite à vie et ne doit jamais être interrompue.
La bi-thérapie (aspirine + clopidogrel ou prasugrel ou ticagrelor) est prescrite pendant :
- 2 semaines après angioplastie au ballon simple, 12 semaines si ballon à élution
- 4-6 semaines après stents passifs (BMS) (12 mois en cas de SCA)
- 12 mois après l’implantation de stents actifs (DES) de 1ère génération
- 3-6 mois après implantation de DES de 2-3ème génération en cas de coronaropathie stable
- 12 mois après implantation de DES de 2-3ème génération en cas de SCA
- 12 mois après syndrome coronarien aigu (SCA) avec ou sans revascularisation
- Prolongée > 12 mois en cas de DES à haut risque, de SCA avec infarctus ou de thrombose de
stent, mais au prix d’une augmentation du risque hémorragique à long terme
Des durées plus courtes, concevables dans des situations stables en cardiologie, ne sont pas transposables
à la situation à haut risque d’une intervention chirurgicale.
Délais entre la revascularisation et une intervention chirurgicale :
- Opération vitale : 6 sem après BMS ou PAC, 3-6 mois après DES (sous bi-thérapie) selon type
- Opération élective : 3 mois après BMS ou PAC, 12 mois après DES
Références
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Arrêt des antiplaquettaires
Pendant des années, la crainte d'une hémorragie excessive a fait interrompre tout traitement
antiplaquettaire une dizaine de jours avant une intervention chirurgicale ou endoscopique. Comme ils
protègent efficacement contre les thromboses de stent et les récidives d'infarctus ou d'ictus, qu'advient-il
lorsqu'on supprime brusquement les antiplaquettaires ?
Interruption dans le cadre médical
Une étude prospective a montré que l’interruption de l'aspirine dans les 3 semaines précédentes double le
risque d'infarctus et de décès lors de syndrome coronarien aigu [7]. Une méta-analyse groupant 50'279
patients à risque de maladie coronarienne et sous prévention secondaire par de l'aspirine révèle que le
taux de complications cardiaques est triplé (OR 3.14) après l’interruption du traitement ; ce risque est
encore bien plus grand chez les porteurs de stents (OR 89.78) [3]. Le délai entre la thrombose de stent et
l’arrêt de l’aspirine est en moyenne de 7 jours, traduisant une nette relation de cause à effet [12]. Ce
danger existe quel que soit le délai depuis la revascularisation, puisqu’on a rapporté de nombreux cas de
thromboses tardives de stents lors de l’arrêt de l’aspirine pendant 5-10 jours, et ce jusqu’à 10 ans après
leur implantation [2,9,16,18,29,48]. Lors de prévention secondaire après AVC, le risque d’accident
ischémique cérébral est triplé si l’on interrompt l’aspirine (OR 3.4) [27].
Au cours des 3 premiers mois après un événement coronarien, l’arrêt du clopidogrel est le facteur
pronostique indépendant le plus significatif pour la thrombose de stent, avec un hazard ratio (HR) de 4.6
à 57.13 [1,22,43]. Le délai entre l’interruption du clopidogrel et la thrombose de stent est de 9 jours, alors
qu’il est de 104 jours au-delà de 6 mois [42]. Si l’on arrête le clopidogrel une dizaine de jours avant la
chirurgie, on opère donc le malade au moment du plus haut risque d’accident coronarien ! Lorsque l'arrêt
du clopidogrel est précoce (à 30 jours), la mortalité globale à 1 an des porteurs de stents actifs de 1ère
génération est 10 fois supérieure à celle des malades qui ont continué à prendre le médicament pendant
une année [44]. Par la suite, le risque diminue (OR 2.6 entre 6 et 12 mois [4]), mais même lorsqu’elle a
lieu dans les délais prescrits (> 1 an), l’interruption de la bithérapie triple le risque d’infarctus, de
thrombose de stent et d’AVC dans les 3 mois qui suivent son arrêt, malgré la poursuite de l’aspirine
[21,28]. L’interruption de l’antiplaquettaire est donc associée à des accidents cardiovasculaires quelle
que soit la durée du traitement, bien que la corrélation soit maximale pendant les 3 premiers mois (Figure
29.22) [17].
La nature de l’interruption a un impact significatif sur les complications : celles-ci sont 2 à 7 fois plus
fréquentes lors d’un arrêt "sauvage" que lors d’un arrêt préopératoire momentané (+ 41%) ou d’un arrêt
programmé en fonction du plan thérapeutique (- 37%). Le risque d’accident cardiovasculaire est
nettement augmenté dans la période qui suit l’interruption : OR 7.04 à 7 jours, 2.17 à 30 jours et 1.3 audelà d’un mois [30]. Heureusement, l’incidence de thrombose de stent reste faible : dans une revue de
5’681 cas de DES, elle s’élève de 0.43% sous bithérapie à 1.0% lors de sa suspension temporaire (17
jours). Mais sa mortalité est dramatique : dans cette étude, elle est de 29% [24]. Dans l'ensemble des
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
70
publications cardiologiques, la mortalité liée à la thrombose de stent est tout aussi catastrophique : elle
oscille entre 19% et 45% (moyenne 25%).
Hazard ratios (HR)
57.1
50
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30
20
10
36.5
27
24.5
20 20
17
12
9.5
4.6 6.7
6 sem
13.7
5.9
2.6
3.6 1.4
6 mois
2.6
2.2 2.41.4 1.8
12 mois
© Chassot 2016
Figure 29.22 : Représentation graphique du risque (HR hazard ratio) de thrombose de stent, d’infarctus, d’AVC
et de décès lié à l’interruption du clopidogrel, en fonction du délai entre la pose de stent et l’arrêt de ce dernier
(données de 20 études différentes). Les données sont assez disparates selon les études. Elles montrent néanmoins
que l’interruption de la bithérapie est associée à des accidents cardio-vasculaires quelle que soit la durée du
traitement, mais que la corrélation devient faible au-delà de 6-12 mois (incidence 1-2%) alors qu’elle est maximale
pendant les 6 premières semaines et significative pendant les 6 premiers mois [17]. La forme logarithmique de la
courbe est identique à celle des Figures 29.21 et 29.23.
Les stents actifs sont donc très dépendants de la bithérapie pendant les 6 premiers mois. A long terme, ils
le sont tout autant de l’aspirine. La revue des thromboses tardives de stents actifs chez 161 patients
montre que le délai entre la thrombose de stent et l’arrêt de l’aspirine et du clopidogrel est de 7 jours,
alors qu’il est de 122 jours lorsqu’on arrête le clopidogrel mais qu’on maintient l’aspirine [12]. Il est
donc concevable d’interrompre le clopidogrel pendant quelques jours à partir de 6 mois chez les malades
qui n’ont pas souffert de SCA, pourvu que l’on continue l’aspirine [12,25]. Le risque de complications
cardiaques est peu augmenté (HR 1.3) ; il l’est davantage si l’on interrompt l’aspirine (HR 1.9) ou les
deux médicamenst (HR 2.7) [15].
Après un ictus, la double thérapie n’apporte de protection supplémentaire qu’avec l’association aspirine
et dipyridamole, mais non aspirine et clopidogrel; on peut donc interrompre le clopidogrel dans ce cas.
La plupart du temps, la bithérapie antiplaquettaire est interrompue à cause de saignements [15]. Des
hémorragies majeures et mineures surviennent dans respectivement 3.0% et 5.6% des cas de bithérapie
pendant la première année [32]. Or la présence d’hémorragies significatives est en soi un facteur de
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
71
complications cardiaques. La survenue de saignements majeurs est clairement associée à une
augmentation des accidents cardiovasculaires et de la mortalité (HR 4.09-4.2) [31, 32].
Interruption dans le cadre chirurgical
La situation est plus dangereuse dans le contexte chirurgical, à cause de l’hypercoagulabilité, du
syndrome inflammatoire postopératoire et de l’instabilité hémodynamique. En effet, le patient devient
particulièrement vulnérable à cause de quatre phénomènes [34].
 Réduction du débit coronarien par une sténose serrée (> 75%) entraînant un déséquilibre du
rapport DO2/VO2 lors d’épisodes d’hypotension, de tachycardie ou de bas débit peropératoires ;
ce phénomène est responsable de la moitié des infarctus periopératoires [45].
 Lésion endothéliale due à une plaque instable, dont le degré d’obstruction est faible mais dont la
rupture est responsable de la moitié des infarctus postopératoires.
 Thrombogénicité élevée à cause de la réaction inflammatoire systémique (SIRS : systemic
inflammatory response syndrome), de l’activation plaquettaire et de la fibrinolyse liées au stress
opératoire; en chirurgie oncologique, il s’y ajoute un syndrome paranéoplasique caractérisé par
une hypercoagulabilité.
 Vulnérabilité myocardique déterminée par l’étendue de la zone à risque, sa localisation, son
degré de collatéralisation et sa susceptibilité aux arythmies graves.
Dans la plupart des études publiées, l'arrêt des antiplaquettaires pour permettre une opération majeure
dans les 3 premières semaines après PCI et stent s'est soldé par une mortalité allant de 30% à 85%
[14,35,41,43]. Le risque d'accident cardiaque d'une opération majeure est 20 fois plus élevé lorsqu'elle a
lieu dans les 6 premières semaines après la pose de stents [47]. Lors de chirurgie vasculaire majeure
réalisée dans les deux premiers mois après implantation de stents actifs de 1ère génération, l’incidence de
thrombose de stent est de 31% chez les malades qui ont stoppés les antiplaquettaires, mais de 0% chez
ceux qui les ont continué ; dans cette série, tous les malades qui ont souffert d’une thrombose de stent
sont décédés [41]. Comparés à ceux qui ne sont pas sous antiplaquettaires, les patients qui ont arrêté le
clopidogrel 7 jours avant un enclouage du col fémoral ont un taux d’accidents coronariens presque 7 fois
supérieur (OR 6.7) ; le SCA, dont l’incidence est de 32%, survient entre le 4ème et le 8ème jour après
l’arrêt ; 71% des anciens infarctus ont récidivé [8]. Dans un registre de 666 patients, l’arrêt des
antiplaquettaires est le principal prédicteur d’accident cardio-vasculaire périopératoire (OR 25.8), et le
maintien de l’aspirine réduit significativement le risque cardiaque (OR 0.27) [40]. Certes, une vaste étude
rétrospective (28'029 patients porteurs de stents coronariens) n’a pas mis en évidence de relation entre
l’interruption des antiplaquettaires et le risque cardiovasculaire postopératoire, mais le 66% de ses
patients étaient des cas de chirurgie ambulatoire mineure [20]. Dans cette situation, les facteurs de risque
dominants sont préférentiellement l’urgence (OR 4.8), la présence d’un infarctus dans les 6 mois
précédents (OR 2.6), la chirurgie majeure (OR 2.5), la présence de ≥ 3 facteurs de risque (OR 2.1) et le
délai entre la pose de stent et la chirurgie.
Lorsque le traitement antiplaquettaire est suspendu, la mortalité est directement liée au délai entre la
revascularisation et la chirurgie (Figure 29.23) [2,5,23,39,41,43]. Le profil du taux d’infarctus et de
thrombose de stent postopératoires est différent selon le type de stents [35]. Alors qu’il baisse rapidement
dans les 3 premiers mois pour les stents passifs et n’est plus que 2.8% à 6 mois, il reste plus constant
(environ 6%) pendant toute la première année pour les stents actifs (Figure 29.24) [36,38]. Mais la
mortalité de la thrombose de stent reste très élevée dans ces deux études: 50% et 65%.
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
72
Figure
29.23 :
Mortalité
des
complications cardiovasculaires postopératoires chez les patients porteurs de
stents coronariens dont le traitement
antiplaquettaire a été interrompu avant
une opération non-cardiaque, en fonction
du délai entre la revascularisation et la
chirurgie. Courbe construite à partir de
12 études observationnelles (29’941
patients) [11]. Deux d’entre elles ont des
données comparatives pour les malades
opérés sous antiplaquettaires (points
jaunes) ; leur mortalité est de 5% et de
0%. Dans une seule étude [20], l’arrêt ou
la continuation des antiplaquettaires ne
crée pas de différence, mais les 2/3 de
ses cas relèvent d'une chirurgie mineure
ambulatoire.
Mortalité postopératoire (%)
100
85
75
80
60
Sans antiplaquettaires
57
Avec antiplaquettaires
31
40
25
22
12
20
8 8 75
6
1
2
3
8
6
2
4
10
12
Mois
© Chassot 2015
Accidents cardiaques & mortalité (%)
Figure 29.24 : Incidence des accidents
cardiaques (infarctus ou thrombose de
stent) et de la mortalité postopératoire
globale en fonction du délai entre la
revascularisation (stents passifs et
stents actifs de 1ère génération) et la
chirurgie non-cardiaque [36,38]. La
mortalité secondaire à la thrombose de
stent est respectivement de 50% et de
65% pour les DES et les BMS.
10.5
Stents passifs (BMS)
10
Stents actifs (DES)
8
6.4
5.9
5.7
6
3.3
3.8
4
2.8
2
2
4
6
8
10
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Par ailleurs, une petite étude randomisée (220 patients) a montré que l’aspirine périopératoire diminue le
risque relatif d’accident cardiovasculaire de cinq fois (OR 5.5) par rapport au placebo (réduction absolue
7.2%) [37]. Cependant, l’interruption de l’aspirine en préopératoire a fait récemment l’objet de trois
études contrôlées qui tendent à démontrer de manière surprenante qu’elle ne modifie guère le pronostic.


Le taux de complications cardiovasculaires à 30 jours (11% vs 10.3%) et le risque
hémorragique peropératoire (6.9% vs 6.8%) sont identiques chez 291 patients randomisés entre
aspirine et placebo la veille de l’intervention [26].
Le taux d’infarctus et de décès est identique (7.0% vs 7.1%, HR 0.99) chez 10'010 patients
randomisés entre aspirine et placebo (POISE 2) ; le risque hémorragique est un peu augmenté
dans le groupe aspirine (HR 1.23). Mais le 56% des ces patients n’était pas sous aspirine avant
l’étude, qui a correspondu pour eux à une prévention primaire ; or on sait que l’impact clinique
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
de celle-ci est quasi-nul. D’autre part, 65% des patients étaient sous anticoagulants
prophylactiques périopératoires [10].
La mortalité et le taux de complications cardiaques ne sont pas significativement abaissés (OR
0.94) comparé au placebo par une dose d'aspirine préopératoire (100 mg) en chirurgie de
revascularisation coronarienne, mais le taux de reprise pour hémostase passe de 1.8% à 2.1% et
celui de tamponnade de 0.4% à 1.1% [33].
Il faut noter que les deux premières études ne comprennent pas de malades à haut risque ni sous bithérapie, puisqu’elles ont exclu les patients porteurs de stents ou ayant souffert d’un SCA dans un délai
d’un an, et que la troisième, qui ne porte que sur une dose unique d'aspirine, affiche un taux d'infarctus
global de 14.8%, ce qui laisse à penser que d'autres facteurs que l'antiplaquettaires entrent en ligne de
compte [19]. Comme déjà mentionné, des études basées sur des registres de vastes populations stentées
subissant des interventions non-cardiaques mineures, tendent à démontrer que le type de stent et le
maintien ou l’arrêt des antiplaquettaires créent peu de différence dans la morbi-mortalité, mais que celleci est plutôt liée au risque cardiaque propre du malade [20,46].
Ces données ne doivent toutefois pas balayer le principe de précaution qui prévaut dans les situations à
risque. En effet, avec une mortalité moyenne de 35% et un taux d’infarctus jusqu’à 60%, la thrombose de
stent sur arrêt périopératoire des antiplaquettaires est un évènement extrêmement dangereux, même s’il
est moins fréquent qu’on ne l’a cru. Dans une situation chirurgicale, le risque est aggravé par la phase
d'hypercoagulabilité postopératoire, et par le taux de complication cardiaque propre à l'intervention. A
cela s'ajoute l'effet rebond sur l'aggrégabilité plaquettaire lors de l'interruption de la bithérapie, même en
cas de continuation de l'aspirine. Le risque de thrombose augmente de 2 à 3 fois dans les semaines qui
suivent cet arrêt [24,28,30]. De ce fait, il est prudent de prévoir un délai d'un mois entre la fin
programmée d'une bithérapie et une intervention chirurgicale élective. Il apparaît donc que seules des
situations exceptionnelles peuvent justifier l’interruption des antiplaquettaires (chirurgie en espace clos
ou très hémorragique) [19] ; sans eux, la situation passe d’un état correspondant à une coronaropathie
stable à un état de coronaropathie instable [6,11].
Interruption des agents antiplaquettaires
L’arrêt des antiplaquettaires est un facteur indépendant majeur de risque cardiovasculaire et le principal
déclencheur de la thrombose de stent, tout particulièrement pendant les 6 premiers mois après
implantation. La mortalité de la thrombose de stent est en moyenne 25%. Le délai moyen entre
l’interruption des antiplaquettaires et l’accident thrombotique est de 7-9 jours. Le risque est d’autant plus
élevé qu’on est proche de l’événement coronarien ; il est maximal pendant les 6 premières semaines.
Entre 6 et 12 semaines après BMS ou PAC, et entre 6 et 12 mois après DES, le risque est intermédiaire.
Il correspond à celui d’une coronaropathie stable > 3 mois après BMS ou PAC et > 12 mois après DES.
A cause de la réaction inflammatoire systémique, de l’activation plaquettaire et de l'inhibition de la
fibrinolyse liées au stress opératoire, la situation est encore plus grave en périopératoire. La mortalité de
la thrombose de stent y est en moyenne de 35%. L’incidence d’accidents cardiovasculaires est maximale
pendant les 6-8 semaines qui suivent le SCA et/ou la pose de stent. Pour les DES, le risque reste élevé
pendant 12 mois. Si le clopidogrel (ou prasugrel ou ticagrelor) est arrêté, l’aspirine doit être maintenue.
Suspendre les antiplaquettaires en préopératoire transforme une coronaropathie stabilisée en syndrome
instable. Seules des situations exceptionnelles peuvent justifier l’interruption des antiplaquettaires.
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Risque hémorragique peropératoire
L’arrêt des antiplaquettaires en préopératoire est en général motivé par la crainte de saignements
chirurgicaux excessifs. Mais le risque hémorragique est-il suffisamment important pour justifier une telle
prise de risque ? En cardiologie, le taux d’hémorragies sévères non-chirurgicales passe de 0.7%
(contrôles) à 1.13% chez les patients sous bithérapie, soit une augmentation de 38% [23]. En moyenne, le
risque d’hémorragies spontanées sous aspirine ou sous clopidogrel se situe à 1.2-2.1% par an [17,36,56].
Malheureusement, on ne dispose que de peu d’études contrôlées ou randomisées sur le risque
hémorragique chirurgical lié aux antiplaquettaires, mais la somme d’études observationnelles et
prospectives est suffisamment vaste pour avoir une idée cohérente de ce problème. D’autre part, les
données actuelles ne concernent que l’aspirine et le clopidogrel. La seule expérience dont on dispose
avec le prasugrel ou le ticagrelor est la série de patients revascularisés en CEC dans les études TRITON
[53] et PLATO [48] (voir Prasugrel et Ticagrelor).
Aspirine seule
Chez les patients sous aspirine seule, le risque hémorragique chirurgical est augmenté par un facteur de
2.5% à 20%, mais ceci ne conduit à aucune augmentation des complications liées au saignement
[8,10,45]. Ni la morbidité ni la mortalité opératoires ne sont modifiées par l'aspirine en chirurgie
dentaire, en dermatologie, en ophtalmologie, en chirurgie viscérale et thoracique, lors d'endoscopies ou
de biopsies [6,8,21,25,34,35], ni même lors d’interventions hémorragiques comme la pancréatectomie
[54]. En chirurgie vasculaire, l’aspirine n’augmente pas significativement les saignements, même dans
les anévrysectomies abdominales, mais diminue le risque d’occlusion artérielle (OR 0.59) et de
thrombose dans les prothèses (OR 0.22) [43,55]; dans les études où les pertes sanguines sont plus élevées
sous aspirine, le taux de transfusion et de reprise pour hémostase n'est pas augmenté [14]. En orthopédie,
une minorité d’études indique une augmentation de 20% du taux de transfusion; pour les autres, la
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différence avec ou sans aspirine n’est pas significative [22,28,29]. En chirurgie rachidienne, l'aspirine
n'entraîne pas un excès d'hémorragie, ni de transfusion, ni de complications postopératoires [13]. Seules
quelques situations particulières s’accompagnent d’une aggravation de la morbidité sous aspirine.
 Après amygdalectomie, le taux de reprise chirurgicale pour hémorragie secondaire est plus élevé
chez les malades opérés sous aspirine [42].
 Lors de prostatectomie transuréthrale (TURP), le risque hémorragique est augmenté de 25%
[49]. Le risque transfusionnel était doublé dans certaines études anciennes [16,26], mais la
nouvelle technique de vaporisation sélective avec le laser potassium-titanyl-phosphate (KTP)
élimine ce risque [15,39]. Les malades sous antiplaquettaires doivent être opérés dans une
institution disposant de cette technologie. La prostatectomie radicale rétropubienne, par contre,
peut être conduite sous aspirine sans risque hémorragique majeur (pertes sanguines augmentées
de 10%) [20].
 En neurochirurgie, l'aspirine est contre-indiquée lors d’intervention stéréotaxique, où quelques
millilitres de sang peuvent ruiner l’intervention, mais il est possible de procéder à de nombreuses
interventions intracrâniennes sans l’interrompre et sans risque d’aggravation du risque
neurologique postopératoire [32,37]. La décision doit être prise au cas par cas en fonction de la
situation anatomique de la lésion et du risque thrombotique du patient.
La risque hémorragique sous clopidogrel seul est équivalent à celui sous aspirine seule [10,15,43]. Le
prasugrel et le ticagrelor ne s’administrent pas en monothérapie.
Aspirine + clopidogrel
Sous double thérapie, par contre, le risque hémorragique est 2 à 3 fois plus important [41] et s'élève de
20-60% selon les séries, mais sans modification significative de la mortalité opératoire [10,33,45].
 En chirurgie abdominale, thoracique, vasculaire, et en orthopédie, on voit une aggravation
moyenne des pertes sanguines de 50%, parfois une augmentation des transfusions (jusqu’à 50%),
mais pas de différence de morbidité ni de mortalité directement associées à l’hémorragie
[4,9,11,24,30,51]. Cependant, plusieurs travaux montrent que la bithérapie n’augmente pas
significativement les saignements en chirurgie vasculaire [43,55], ni en chirurgie laparoscopique
[5] , ni en chirurgie de la hanche [2] ; par contre, elle ne confère pas une meilleure protection que
l’aspirine seule contre l’occlusion des reconstructions artérielles périphériques.
 Lors de TURP, l’incidence de saignement passe de 10% à 85% [44].
 Dans l’étude RECO (1'134 patients de chirurgie majeure), l’arrêt de la bithérapie pendant > 5
jours ne modifie pas significativement l’hémorragie (OR 0.72 vs 0.93) mais augmente de 2.5 fois
le risque d’infarctus et d’AVC postopératoires [4]. Les saignements prédominent dans le
postopératoire (3ème-5ème jour) ; ils ne sont pas liés au régime antiplaquettaire préopératoire, mais
plutôt à l’anticoagulation postopératoire, qu’elle soit prophylactique (OR 4.6) ou thérapeutique
(OR 7.2) [3].
 En neurochirurgie, on a décrit des hémorragies intracérébrales fatales (cas isolés).
 Les endoscopies digestives diagnostiques et les biopsies simples peuvent se dérouler sous
bithérapie. Pour les interventions plus complexes (polypectomie, sphinctérotomie,
ampullectomie, dissection sous-muqueuse, dilatation, cure de varices, gastrostomie), le risque
hémorragique est trop élevé; il est recommandé d'interrompre la bithérapie et d'intervenir sous
aspirine seule [46].
 La chirurgie de la cataracte (chambre antérieure) ne nécessite pas d’arrêter les antiplaquettaires,
qui n’augmentent pas le risque hémorragique (0.59‰ vs 0.56‰) [18]. La vitrectomie
transconjonctivale est également possible sans augmentation des saignements (8%) [21].
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 En chirurgie dermatologique, il est préférable d’opérer sous bithérapie car les pertes sanguines,
même si elles sont augmentées (OR 6.5), restent faibles et maîtrisables [35].
 Le taux de transfusion avec ou sans double thérapie antiplaquettaire ne montre pas de différence
statistique dans quatre études comparatives de chirurgie générale, bien qu’il y ait une légère
tendance vers l’augmentation sous aspirine et clopidogrel (4%, 7%, 12% et 16%) [38,40,43,47].
Dans d’autres séries, il est augmenté de 30 à 50% [4,11]. La différence tient au fait que le
nombre de poches administrées s’accroît lorsque des transfusions sont requises par une chirurgie
invasive, mais que les opérations à faibles pertes de sang ne saignent pas au point de justifier une
transfusion.
En chirurgie cardiaque, le risque hémorragique est beaucoup plus élevé à cause de l’héparinisation de la
CEC (voir Recommandations pour chirurgie cardiaque). Les pertes sanguines sont doublées, le taux de
reprises pour hémostase est 2.3 fois plus élevé et celui de transfusion augmenté jusqu’à 4 fois [1,7,12,27].
Les nouveaux antiplaquettaires n’ont été étudiés qu’en chirurgie cardiaque jusqu’ici. La combinaison
aspirine et prasugrel augmente de presque 5 fois le risque hémorragique et transfusionnel par rapport à
l’association aspirine et clopidogrel (HR 4.7) [53]. L’association aspirine + ticagrelor ne semble pas
modifier le saignement par rapport à la bi-thérapie aspirine + clopidogrel si le ticagrelor est arrêté 5 jours,
mais le risque est doublé si le traitement est ininterrompu [48]. Cependant, comme il bloque les
plaquettes de manière réversible, le ticagrelor peut diffuser entre celles-ci et contaminer les thrombocytes
transfusés (voir Transfusion plaquettaire). La transfusion plaquettaire perd ainsi une bonne partie de son
efficacité pour renverser l'effet du médicament [31]. Le risque hémorragique n'est donc pas aggravé par
le ticagrelor par rapport aux autres antiplaquettaires tant que les saignements ne nécessitent pas de
transfusion thrombocytaire, mais lorsque c'est le cas, la situation peut rapidement devenir catastrophique.
D’une manière générale, la double thérapie antiplaquettaire induit un saignement diffus dont l'hémostase
chirurgicale directe est difficile. Le risque hémorragique est autant per- que post-opératoire; il est plus
important lors de dissection des tissus mous et lors de chirurgie orthopédique que lors d'opérations sur les
vaisseaux. Mais même si les pertes sanguines sont augmentées, le pronostic chirurgical et la mortalité
opératoire n'en sont pas modifiés, à l'exception de la chirurgie en espace clos (crâne, rachis) ou des
interventions accompagnées de pertes sanguines massives et d’hémostase difficile (voir Balance des
risques) [10,15,19,52].
Risque hémorragique peropératoire sur antiplaquettaires
L’aspirine augmente de 3-20% le risque hémorragique peropératoire.
La combinaison aspirine + clopidogrel augmente de 20-50% le risque hémorragique, mais n’augmente
pas la mortalité ni la morbidité opératoires, sauf en cas de :
- Chirurgie en espace clos (crâne, canal rachidien, chambre postérieure de l’œil)
- Chirurgie très hémorragique avec hémostase difficile
Le prasugrel augmente de 2-4 fois le risque hémorragique, alors que le ticagrelor ne semble pas le
modifier significativement par rapport au clopidogrel ; toutefois, on ne dispose d’aucune donnée sur ces
deux substances en chirurgie non-cardiaque.
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Balance des risques
Arrêter les antiplaquettaires augmente le risque d'un accident ischémique, mais les conserver augmente
celui d'une hémorragie. Ce dilemme est fréquent, puisque 5-20% des malades bénéficiant d'une
revascularisation coronarienne subissent une intervention non-cardiaque dans les 12 mois qui suivent, et
26% dans les 5 ans [13,26,28]. Pendant des années, on a opté habituellement pour la première solution.
Mais les données actuelles font clairement pencher en faveur de la seconde. En effet, si l'on compare les
risques, on met dans un des plateaux de la balance les effets du maintien des antiplaquettaires :
 Augmentation du risque hémorragique de 20% (aspirine) à 50% (aspirine + clopidogrel) sans
modification de la mortalité chirurgicale, à l'exception des situations à risque hémorragique
excessif (opérations en espace clos ou avec pertes sanguines massives).
 Augmentation inconstante du taux de transfusion ; le taux de complications liées à la transfusion
n'est que de 0.4 – 1.3% à court terme [18,27] et 16% à long terme [24].
 L’incidence des accidents ischémiques, variable selon l’importance de l’acte opératoire, est
similaire à celle des malades coronariens stabilisés : taux d’infarctus 2-6%, mortalité 1-5% [6].
Dans l'autre plateau de la balance, on voit les effets de l'arrêt des antiplaquettaires :
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
80
 Effet rebond avec hyperadhésivité thrombocytaire [14] ; la réaction inflammatoire post-




chirurgicale et le syndrome de stress augmentent la réactivité des thrombocytes et abaissent la
fibrinolyse. De plus, certaines pathologies (diabète, carcinomes) sont accompagnées d’une
hypercoagulabilité.
Lorsque le patient souffre d’un SCA, le taux d’infarctus est de 1% par jour pendant la durée de
l’interruption des antiplaquettaires [1,2,17].
En peropératoire, le taux de SCA et d’AVC est augmenté 3 à 9 fois [3,9,25].
Pendant la phase de ré-endothélialisation des stents coronariens, l'incidence moyenne d'infarctus
postopératoire est de 35% [21,22].
La mortalité de la thrombose de stent postopératoire est de 25-60% (moyenne 35%) ; cela
correspond à une augmentation de 10 fois de la mortalité cardiaque postopératoire [23]. De plus,
la reperméabilisation d'un axe coronarien en urgence dans le postopératoire est plus difficile et
plus dangereuse que la transfusion de quelques poches de sang en peropératoire.
D'une manière générale, la mortalité des accidents hémorragiques (11%) et des transfusions (1%) est plus
basse que celle des thromboses de stent (31%) [15]. En periopératoire, elle est 5-7 fois plus faible.
Toutefois, la balance est un peu biaisée par le fait qu’une hémorragie majeure augmente le risque
d’infarctus (HR 2.7) et d’ictus (HR 2.5) [16] ; lors de syndrome coronarien aigu, elle élève de 5 fois la
mortalité à un mois (HR 5.37) [11]. La morbi-mortalité de la transfusion, à court terme (0.4-1.3%)
comme à long terme (16%), est nettement inférieure à celle d’une thrombose de stent, dont le taux
d’infarctus et la mortalité sont en moyenne de 35% chacun. Il apparaît donc que les risques liés à l'arrêt
des antiplaquettaires sont en général largement supérieurs à ceux de leur maintien, et ceci d'autant plus
que le délai depuis l'événement coronarien est plus court. Les exceptions à cette règle sont les situations
qui présentent un risque hémorragique excessif [7,8,10] :
 Hémorragie dans une cavité fermée : crâne, canal rachidien, chambre postérieure de l'œil ;
 Intervention chirurgicale majeure acompagnée d’hémorragie massive et d’hémostase difficile:
chirurgie hépatique, prostatectomie radicale, coagulopathie, etc.
D'autres facteurs que les antiplaquettaires entrent en jeu dans le choix d'interrompre ou de continuer la
bithérapie [19]: le degré d'atteinte des autres vaisseaux, la présence d'un SCA ou d'un infarctus, la
complexité ou la fragilité des stents, le diabète, font pencher la balance vers le maintien du traitement; la
néphropathie, la maladie cancéreuse, les coagulopathies, l'anémie, la faible réactivité des thrombocytes,
poussent au contraire à interrompre momentanément les antiplaquettaires. Bien que l’anesthésiste doive
traiter chaque cas sur une base individuelle en accord avec le chirurgien et le cardiologue, il est évident
qu’il faut abandonner la routine qui consiste à arrêter toute médication antiplaquettaire 7 à 10 jours avant
la chirurgie [7,8,10]. L’interruption, si elle a lieu d’être, doit être sélective en fonction de la situation
clinique, durer le temps minimum nécessaire et s’intégrer dans un algorithme décisionnel (Tableau
29.8).
Tableau 29.8 :
Recommandations pour les délais d'interruption préopératoire des antiplaquettaires




Aspirine:
Clopidogrel:
Ticagrelor:
Prasugrel:
en principe pas d'interruption ; si exception: stop 5 jours
stop 5 jours
stop 5 jours; si urgence, stop 3 jours
stop 7 jours
Bien qu’ils soient admis par toutes les recommendations européennes et américaines, les délais
mentionnés dans le Tableau 29.8 sont en partie arbitraires et basés sur un double souci de précaution et
de simplification. Leur rationalité se fonde sur quelques études ex vivo qui ont évalué l’agrégabilité
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
81
plaquettaire au moyen de tests fonctionnels dont aucun ne peut être considéré comme une valeur de
référence absolue. Ces travaux ont montré que la récupération à l’arrêt du clopidogrel est de 85% à 5
jours et de 100% à 7 jours [5] ; la récupération est de 78% à 7 jours et de 100% à 9 jours après le
prasugrel [20] ; elle est de 79% à 3 jours et de 100% à 4.5 jours après le ticagrelor [12]. Pour ce dernier,
dont la liaison au récepteur est réversible, la contamination des plaquettes renouvelées oblige à prolonger
le délai de routine à 5 jours malgré les données de sa pharmacocinétique.
Antiplaquettaires en périopératoire (I)
D’une manière générale, le risque hémorragique sous antiplaquettaire est nettement moins important que
le risque ischémique lié à leur interruption. Font exception :
- Chirurgie en espace clos (crâne, canal rachidien, chambre postérieure de l’œil)
- Chirurgie très hémorragique avec hémostase difficile
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Recommandations pour la chirurgie non-cardiaque
Algorithme décisionnel
En se basant sur le principe de précaution et sur les données les plus récentes, il est possible de proposer
un algorithme décisionnel pour les situations cliniques les plus fréquentes en fonction du traitement
antiplaquettaire (Figure 29.25) [7,14,15,18,19,20,23,28,29,36,46]
Patients sous monothérapie
(aspirine ou clopidogrel)
Prévention
primaire,
risque
cardiovasculaire
faible
Patients sous bithérapie (aspirine +
clopidogrel, prasugrel ou ticagrelor)
Prévention secondaire
après événement
cardio-vasculaire.
Prévention primaire si
risque CV > 5%/an
Neurochirurgie
intracrânienne
à haut risque
Toute
chirurgie
Haut risque cardiaque
< 6 sem après PCI, BMS, AVC
< 3 mois après infarctus
< 6-12 mois après DES ou SCA
> 12 mois si stents à haut risque
Chirurgie
élective
Renvoi
Stop 3-5 jours
avant opération
si nécessaire
Opération sous
traitement
continu
Situations
cardiaques à
risque faible**
+
Chirurgie à
haut risque
hémorragique
Chirurgie
vitale/urgent
Risque hémorrag
excessif***
Stop bithérapie*
Maintien aspirine
Stop bithérapie* 5 j + substitution
Maintien aspirine
Reprise bithérapie* 24-48 h postop
© Chassot 2016
Figure 29.25 : Proposition d'algorithme de prise en charge des patients sous traitement antiplaquettaire
préopératoire [14,15,19]. BMS : bare metal stent (stent passif). DES : drug-eluting stent (stent actif). AVC :
accident vasculaire cérébral. SCA: syndrome coronarien aigu. PCI: Percutaneous Coronary Intervention. CV :
cardiovasculaire. Le clopidogrel seul est l’équivalent de l’aspirine seule. Dosage de l’aspirine : 50-325 mg/j. * : les
mêmes prescriptions s’appliquent au clopidogrel, au prasugrel et au ticagrelor à l’exception des délais
d’interruption : clopidogrel 5 jours, ticagrelor 5 jours, prasugrel 7 jours. ** : Exemples de situations à risque faible:
absence de SCA, > 3 mois après stents passifs ou PCI sans stents, > 6 mois après DES 2ème génération, infarctus ou
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
83
ictus non compliqués, > 12 mois après DES 1ère génération. *** : Risque hémorragique excessif : chirurgie en
espace clos (neurochirurgie intracrânienne, chirurgie du canal médullaire, chirurgie de la chambre postérieure de
l'œil), présence de coagulopathie, chirurgie invasive accompagnée d’hémorragie massive et d’hémostase difficile.
Dans ces situations, le rapport risque / bénéfice doit être évalué cas par cas. Stents à haut risque: stents proximaux,
multiples, malapposés, bifurqués ou en succession, situations où le vaisseau stenté dessert un vaste territoire
myocardique, patients ayant déjà thrombosé des stents précédents, stents pour SCA. En cas d’arrêt, les
antiplaquettaires doivent être repris dans les 24-48 heures après l’intervention, éventuellement avec une dose de
charge pour le clopidogrel (300 mg), mais non pour le prasugrel ni le ticagrelor. Substitution du
clopidogrel/prasugrel/ticagrelor : perfusion d’eptifibatide ou de tirofiban 3-5 jours préop, stop 6 heures avant
l’opération, reprise dans les 6-12 heures postopératoires; maintien de l’aspirine en continu.
On peut aussi construire l'algorithme en fonction du degré d’urgence de la chirurgie (Figure 29.26) [52].
Chirurgie élective
Chirurgie
semi-élective
Urgence
Renvoi jusqu’à la
fin de la bithérapie
Décision
selon les cas
Chirurgie sans
délais sous AP
Risque
thrombose
Maintien
aspirine + bithérapie
Maintien aspirine
Stop bithérapie
Risque
hémorragie
Stop
aspirine + bithérapie
Figure 29.26 : Algorithme de prise en charge des patients sous traitement antiplaquettaire pré-opératoire en
fonction du degré d’urgence de la chirurgie. Par urgence, on entend une opération devant être réalisée dans les 2448 heures. La chirurgie semi-élective concerne tous les cas qui ne relèvent pas d’une urgence mais qui ne peuvent
pas attendre la fin de la bithérapie : chirurgie oncologique, anévrysme menaçant de rompre, fracture invalidante,
etc. Le maintien ou l’arrêt des antiplaquettaires (AP) est fonction du risque représenté par l’hémorragie et par la
thrombose en fonction de la situation particulière de chaque cas [d’après référence 52].
Malgré un large consensus, ces recommandations manquent de fondements objectifs solides, pèchent par
un faible degré d’évidence et sont essentiellement basées sur l’opinion d’experts. Il en découle
néanmoins l’attitude pratique suivante (Figure 29.27).

Patient sous aspirine en prévention primaire simple :
• Stop aspirine 5 j avant l’intervention, si nécessaire ;
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
84

Patient sous aspirine (ou clopidogrel seul) en prévention primaire à haut risque (diabète I, risque
d’accident cardiovasculaire > 7.5%/an) ou en prévention secondaire après accident vasculaire
cérébral (AVC), infarctus du myocarde (IdM), stent coronarien, artériopathie des membres
inférieurs, pontage aorto-coronarien (PAC), syndrome coronarien aigu (SCA) :
• Poursuivre sans interruption le traitement d’aspirine (ou de clopidogrel) ;
• Patients sous aspirine/dipyridamole après AVC : poursuivre les deux médicaments ;
• Seule exception : cas à haut risque de neurochirurgie intracrânienne (stéréotaxie).
 Patient sous aspirine + clopidogrel/prasugrel/ticagrelor, mais risque cardio- et cérébro-vasculaire
bas (> 3 mois après AVC, angioplastie coronaire, stent passif ou PAC, > 6 mois après IdM sans
complications, > 12 mois après SCA ou stent actif) :
• Poursuivre le traitement d’aspirine ;
• Stop avant l’intervention : clopidogrel ou ticagrelor 5 jours, prasugrel 7 jours ;
• Reprendre la bi-thérapie dans les 24-48 heures, si possible avec une dose de charge*
pour le clopidogrel et l’aspirine : Aspegic™ 250 mg + 150 mg/j ; clopidogrel 300 mg
+ 75 mg/j ; prasugrel* 10 mg/j ; ticagrelor* 90 mg 2x/j.
 Patient sous aspirine + clopidogrel/prasugrel/ticagrelor, avec risque cardio- et cérébro-vasculaire
élevé (< 6 semaines après AVC, angioplastie simple, stent passif ou PAC, < 3 mois après IdM, <
6 mois après stent actif 2ème génération, < 12 mois après SCA ou stent actif 1ère génération, ou
davantage si stent à très haut risque).
Chirurgie élective :
• Renvoi à 1 mois après angioplastie simple ;
• Renvoi à 3 mois après AVC, angioplastie au ballon à élution, stent passif ou PAC ;
ème
• Renvoi à 6 mois après IdM ou stent actif 2 génération ;
ère
• Renvoi à 12 mois après SCA, stent actif 1 génération ou IdM avec complications;
• Après ces délais : maintenir l’aspirine ; si clopidogrel/prasugrel/ticagrelor encore
prescrits, discuter avec le cardiologue pour l’arrêt ou le maintien avant l’intervention
en fonction du risque thrombotique et du risque hémorragique de la chirurgie.
Chirurgie urgente ou vitale :
• Maintenir aspirine et clopidogrel/prasugrel/ticagrelor ;
• Substitution du clopidogrel/prasugrel/ticagrelor par tirofiban ou eptifibatide en cas
d’intervention à risque hémorragique très élevé ou de coagulopathie (voir ci-après) ;
• Après AVC/AIT, maintien de l’aspirine/dipyridamole, mais arrêt du clopidogrel
(sauf < 1 mois après stents carotidiens) ;
• L’héparine est inefficace comme substitution des antiplaquettaires.
* : la dose de charge est rarement praticable pour le clopidogrel à cause du risque hémorragique ; son
indication devrait se fonder sur un test de réactivité plaquettaire. Elle est vivement déconseillée pour le
prasugrel et le ticagrelor.
Lorsqu’elle est en cours, la bithérapie doit être maintenue dans les opérations mineures car le risque
hémorragique y est faible, et dans les opérations majeures parce que le stress chirurgical et le risque
d’activation plaquettaire sont élevés. La chirurgie mineure, comme la chirurgie de paroi, la dentisterie,
l’ORL la dermatologie ou l’ohptalmologie, s’accompagne de peu de réaction inflammatoire et fait courir
moins de risque cardiovasculaire que la chirurgie viscérale, vasculaire ou orthopédique. L’aspirine en
prévention secondaire (ou primaire chez le diabétique à risque) n’est jamais interrompue, sauf dans
certaines interventions en espace clos ou à risque hémorragique excessif. Les mêmes recommandations
s’appliquent au clopidogrel, au prasugrel et au ticagrelor, à l’exception des délais d’interruption
(clopidogrel et ticagrelor : 5 jours, prasugrel : 7 jours). Toutefois, les expériences chirurgicales récentes
montrent que le risque hémorragique sous prasugrel ou ticagrelor est considérable, et bien plus élevé que
sous clopidogrel. Pour prendre en compte l’efficacité redoutable de ces nouveaux antiplaquettaires, les
recommendations les plus récentes tendent à éviter d’opérer sous bithérapie, soit en repoussant
l’intervention si c’est concevable, soit en interrompant le ticagrelor ou le prasugrel et en le substituant par
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
85
un anti-GP IIb/IIIa (voir ci dessous) [7,20,29]. Pour l’instant, on manque de données pour définir une
attitude claire. La Figure 29.27 n’est qu’une proposition.
Risque cardio- et cérébro-vasculaire
Prise en charge
des patients sous
agents antiplaquettaires
Risque hémorragique
chirurgical
Bas
> 3 mois après PCI,
BMS, PAC ou AVC
sans complications
> 6 mois après IdM
> 6 mois après DES
2ème génération
> 12 mois après DES
1ère génération
> 12 mois après SCA,
sans complications
Risque bas
Transfusions non
nécessaires
Chirurgie générale,
périphérique, plastique,
biopsies, dermatologie
Orthopédie mineure
ORL & endoscopies
Chambre antérieure de l'oeil
Extraction dentaire
Risque intermédiaire
Chirurgie
élective: OK
Traitement
continu avec
aspirine
(ou clopidogrel)
Intermédiaire
Elevé
6-12 semaines après PCI,
BMS, PAC ou AVC (sans
complications)
3-6 mois après IdM
3-6 mois après DES 2ème
génération à bas risque
6-12 mois après DES 1ère
génération à bas risque
> 12 mois après DES 1ère
génération ou à haut
risque
< 6 semaines après
PCI, BMS, PAC, AVC
< 3 mois après IdM ou
DES 2ème génération à bas
risque
< 6 mois après SCA, DES
1ère génération ou stent à
haut risque
Chirurgie élective: OK
Traitement continu
avec
statine, aspirine,
& clopidogrel,
prasugrel ou ticagrelor
(si prescrits)
Chirurgie élective:
renvoi
Chirurgie vitale: OK
Maintenir statine
Maintenir aspirine
& clopidogrel,
prasugrel ou ticagrelor
Transfusions
fréquemment requises
Chirurgie viscérale
& cardiovasculaire
Orthopédie, ORL et chir
reconstructive majeures
Urologie endoscopique
Chirurgie
élective: OK
Traitement
continu avec
aspirine
(ou clopidogrel)
Chirurgie élective:
renvoi
Chirurgie vitale: OK
Maintenir aspirine,
statine
& clopidogrel,
prasugrel ou ticagrelor
(si prescrits)
Chirurgie élective:
renvoi
Chirurgie vitale: OK
Maintenir statine
Maintenir aspirine,
& clopidogrel,
prasugrel ou ticagrelor
Risque élevé
Chirurgie
élective: OK
Continuer statine
Stop aspirine ou
clopidogrel
possible
(max 5 jours
préop)
Chirurgie élective:
renvoi
Chirurgie vitale: OK
Maintenir aspirine &
statine
Stop clopidogrel 5 j,
prasugrel 7 jours,
ticagrelor 5 jours
Reprendre 24-48 heures
postop
OK seulement pour
chirurgie vitale ou urgente
Maintenir aspirine
Stop clopidogrel 5 j,
prasugrel 7 jours,
ticagrelor 5 jours
Remplacer par
tirofiban/eptifibatide
ou cangrelor
Reprendre 24-48 h postop
Transfusions normalement
requises et hémostase
difficile
Risque d’hémorragie en
espace clos :
Neurochirurgie
intracrânienne
Chirurgie du canal
médullaire & chambre
postérieure de l’œil
© Chassot 2016
Figure 29.27 : Prise en charge détaillée des patients sous antiplaquettaires en chirurgie noncardiaque [d’après 14].
BMS : stents passifs. DES : stents actifs. IdM : infarctus du myocarde. PCI : percutaneous coronary intervention.
SCA : syndrome coronarien aigu.
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
86
Après un événement coronarien, toute chirurgie élective doit être renvoyée jusqu’à une période où le
risque cardiovasculaire est le plus bas (1-5%), soit 3 mois après des BMS ou des PAC, 6 mois après un
infarctus sans complication ou des DES de 2ème génération, et 12 mois après des DES de 1ère génération
ou un SCA [40,41,51,52]. Beaucoup de pathologies ne peuvent pas souffrir de tels délais : tumeurs
malignes, fractures invalidantes, anévrysmes menaçants, etc. Mais les opérer plus tôt ne signifie pas les
opérer trop tôt. L’idéal est d’attendre que soit passée la phase à haut risque (taux d’accident
cardiovasculaire ≥ 35%), et de procéder à l’intervention lorsque le malade est entré dans la phase à risque
intermédiaire (taux d’accident CV 3-6% [31]), soit 6 semaines après des BMS ou des PAC, 3 mois après
des DES de 2ème - 3ème génération et 6 mois après un SCA ou des DES de 1ère génération (voir Tableau
29.7 et Figure 29.21) [44].
Les chiffres donnés pour ces délais ont forcément une part d’arbitraire. Il est capital de les relativiser en
fonction d’autres déterminants du risque cardiovasculaire : présence d’un SCA au moment de la
revascularisation, degré d’instabilité de la coronaropathie, masse du myocarde à risque, types de stents,
critères anatomiques, comorbidités (diabète, cancer), risque hémorragique spontané, etc. Le type de
chirurgie et l’importance de la réaction inflammatoire qui lui est associée ont un impact majeur. Par
exemple, un acte chirurgical mineur pratiqué pendant la première année après la pose de DES n’entraîne
que 0.6% de complications cardiaques [9], alors que ce taux voisine 20% lors de chirurgie majeure [47].
De ce fait, la manière dont sont gérés les antiplaquettaires en périopératoire (arrêt versus continuation)
modifie peu le devenir des patients dans les collectifs qui contiennent une majorité de patients subissant
des interventions mineures en ambulatoire [25,45], alors qu’elle a des effets considérables dans les séries
constituées de patients, de stents et d’opérations à haut risque, dans lesquelles l’incidence de thrombose
de stent est élevée et la mortalité des accidents cardiovasculaires dramatique [35,40,43,44].
Le risque de thrombose augmente de 2 à 3 fois dans les semaines qui suivent la fin prévue de la
bithérapie à cause de l'effet rebond sur l'aggrégabilité plaquettaire lors de cette interruption, même en cas
de continuation de l'aspirine [34]. La période qui suit l'arrêt du clopidogrel, du prasugrel ou du ticagrelor
est un moment dangereux, même lorsque la prescription respecte les recommandations en vigueur. De ce
fait, il est prudent de prévoir un délai d'un mois entre la fin programmée d'une bithérapie et une
intervention chirurgicale élective.
Il n’y a pas lieu de réintroduire le clopidogrel chez les malades qui l’ont déjà cessé parce que considérés
comme au-delà de la période à risque. A cet effet, l’utilisation routinière de tests d’activité
thrombocytaire (Multiplate™, VerifyNow™, etc) devrait permettre de mieux cibler la thérapeutique
optimale en fonction du risque opératoire et du risque thrombogène [16,30,37]. Ces tests ont, par
exemple, une meilleure valeur prédictive que le délai entre l’opération et la dernière prise de
clopidogrel [27,38]. Un faible répondeur souffrira moins de l’interruption du clopidogrel qu’un malade
qui y est très sensible, mais il peut bénéficier d’une augmentation momentanée du dosage pour pallier à
l’hyperactivité plaquettaire périopératoire. D’autre part, la durée d’interruption peut être réduite car un
faible répondeur saigne moins qu’un individu normal sous antiplaquettaire. Ainsi, le délai d’attente
moyen avant des PAC a pu être abaissé à 2.7 jours sans augmentation du risque hémorragique chez les
patients qui ont une agrégabilité résiduelle satisfaisante [32]. Cependant, tous les travaux ne sont pas
aussi optimistes, et certains ne trouvent aucune relation entre le degré d'inhibition plaquettaire
préopératoire et l'incidence d'accident cardiaque postopératoire chez les porteurs de stents sous bithérapie
[49]. Ces discordances sont peut-être le fait du clopidogrel, car les variations individuelles sont mineures
avec le prasugrel et le ticagrelor.
Substitution préopératoire
Certains malades peuvent se trouver dans la combinaison malheureuse d’un risque thrombogène élevé
(stents ou SCA récents, par exemple) et d’une pathologie grave nécessitant une opération très
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
87
hémorragique ne souffrant pas de longs délais (néoplasie viscérale, anévrysme en voie de rupture,
fracture invalidante, par exemple). Dans ces conditions, il est nécessaire de substituer les
antiplaquettaires irréversibles à longue demi-vie par des agents plus manipulables en périopératoire.
L’héparine, qui est un anti-thrombine, n’a pas d’activité antiplaquettaire. Or sur une surface étrangère ou
sur une plaque instable, le thrombus démarre par une agrégation de thrombocytes ("clou plaquettaire").
D’autre part, la combinaison d’héparine et d’aspirine augmente l’agrégabilité des plaquettes ; on ne
dispose d’aucune étude prouvant l’efficacité de cette combinaison comme substitut à une bithérapie [35].
Ni l’héparine non-fractionnée ni celles de bas poids moléculaire n’offrent donc une protection adéquate
en remplacement d’un antiplaquettaire [17].
La seule substitution adéquate est un agent antiplaquettaire de courte durée d’action. Le tirofiban
(Aggrastat®, 0.1 mcg/kg/min) et l’eptifibatide (Intergilin®, 1-2 mcg/kg/min) sont des anti-GP-IIb/IIIa
avec une demi-vie de 2 heures et 2.5 heures, respectivement. Après avoir stoppé le clopidogrel 5 jours,
ou le prasugrel 7 jours avant l’intervention, le tirofiban ou l’eptifibatide sont administrés en perfusion dès
le 3ème ou le 5ème jour préopératoire, et sont arrêtés 4-8 heures avant l’opération [11,13,42]. Celle-ci a lieu
pendant la fenêtre de récupération fonctionnelle des plaquettes, ce qui réduit le risque hémorragique. La
perfusion est redémarrée dans les 6-12 heures postopératoires, et le clopidogrel, le ticagrelor ou le
prasugrel prennent le relai dès que possible, en général dans les 24-48 heures. L’aspirine n’est pas
interrompue. Cette stratégie n’a pour l’instant fait l’objet que d’études observationnelles qui ont prouvé
sa faisabilité, mais elle n’est pas une recommandation formelle (recommandation classe IIb) car le degré
d'évidence clinique est faible [48]. Elle ne supprime pas le risque de thrombose de stent, qui reste de
1.3% à 3.9%, mais augmente le risque hémorragique: saignements majeurs 7.4%, chute moyenne de l'Hb
28 g/L [2,48].
Le cangrelor intraveineux (voir Cangrelor) sera une alternative très intéressante, puisque sa demi-vie est
de 9 minutes et que son activité disparaît en < 1 heure. Commencée 3-5 jours auparavant, la perfusion
(0.75 mcg/kg/min) n’est interrompue que 1-2 heures avant l’opération [12,24,26]. L’étude BRIDGE a
démontré que les patients sous cangrelor présentent une intense inhibition plaquettaire pendant la
perfusion, mais une récupération totale de la fonction plaquettaire au moment de l’intervention ; leur
risque hémorragique peropératoire n’est pas significativement différent de celui des malades sans
antiplaquettaires [3]. L’elinogrel serait une possibilité plus flexible, mais les essais cliniques ont été
interrompus [5,12].
La substitution de l’aspirine par des AINS, même si elle est logique en terme d’effets antalgique et antiinflammatoire, est un non-sens en terme de protection cardiovasculaire : d’une part, les AINS sont des
compétiteurs de l’aspirine et en diminuent les effets protecteurs ; d’autre part, ils sont eux-mêmes
associés à une augmentation du risque cardiovasculaire (infarctus, AVC, tachyarythmies et décès) dans la
période périopératoire (HR 1.9 – 3.7) [21].
Reprise postopératoire
Comme le syndrome inflammatoire et l’hypercoagulabilité sont maximales dans la période postopératoire
immédiate, il importe de reprendre le traitement antiplaquettaire le plus rapidement possible après
l’intervention. Si la voie orale est contre-indiquée, l’aspirine peut s’administrer par voie intraveineuse
(Aspégic® 250 mg) et le clopidogrel, le prasugrel ou le ticagrelor par sonde gastrique. Si ces derniers ont
été interrompus pendant quelques jours, une dose de charge (300 mg) est peut-être souhaitable avec le
clopidogrel pour rétablir l’effet rapidement et contrebalancer la baisse de réponse aux antiplaquettaires
typique du postopératoire [39]. Mais cette manière de procéder est rarement praticable à cause du risque
hémorragique. Elle est déconseillée pour le prasugrel et le ticagrelor. L’indication à une dose de charge
devrait se fonder sur un test de réactivité plaquettaire. Le délai pour la reprise des antiplaquettaires
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
88
dépend de la balance entre le risque thrombotique et le risque hémorragique. Il est évidemment bref (< 24
heures) lorsque le danger de thrombose de stent est élevé, et prolongé (48-72 heures) lorsque l’hémostase
est douteuse. Les saignements postopératoires, qui sont importants jusqu’au 5ème jour après l’intervention,
dépendent davantage de la présence d’une anticoagulation héparinique prophylactique (OR 4.6) ou
thérapeutique (OR 7.2) que du délai d’interruption et de reprise de la bithérapie (OR 1.6) [1]. Chez les
malades à risque de thrombose artérielle cardio-cérébrale, la priorité est au traitement antiplaquettaire ;
l’héparine n’est administrée que si l’hémostase chirurgicale est satisfaisante.
Dans le postopératoire, la thrombose de stent ou la rupture de plaque instable se caractérisent par
l’apparition d’un infarctus de type STEMI (sus-décalage du segment ST), le plus souvent accompagnée
d’un choc cardiogène. Cette pathologie réclame un traitement agressif et rapide, à savoir une angioplastie
dans les 90 minutes. C’est la raison pour laquelle les cas à haut risque doivent être pris en charge dans
des institutions qui ont la capacité de procéder à une PCI à n’importe quelle heure du jour et de la nuit
[4]. Mais la pose de stent est problématique, car on est au pic de la réactivité plaquettaire et du syndrome
inflammatoire. D’autre part, la thrombolyse est exclue à cause du risque hémorragique. Les résultats de
la revascularisation coronarienne en urgence dans le postopératoire immédiat sont dramatiques, puisque
le taux d’infarctus et de mortalité voisine 35% [6,8]. Ceci plaide en faveur d’un maintien des
antiplaquettaires en préopératoire.
Stratégies pour prévenir la thrombose de stent
La première stratégie est de ne pas interrompre le traitement antiplaquettaire en cours, quel qu’il soit, et
de le reprendre au plus vite dans le postopératoire ; ceci implique d’accepter un risque hémorragique
accru au profit d’une plus grande sécurité sur le plan cardiaque. La deuxième consiste à ne pas
revasculariser le malade. En effet, les patients souffrant de coronaropathie stable (angor stade I-II), même
sévère, ne bénéficient pas d’une revascularisation en terme de mortalité mais seulement par
l’amélioration immédiate de l’angor [50]. En chirurgie vasculaire majeure, la mortalité et la survie des
patients ne sont pas modifiées par la revascularisation par rapport à un traitement médical optimal avec
un contrôle strict de la fréquence cardiaque [22,33]. En cas d’opération urgente ou semi-urgente,
l’intervention est moins dangereuse sous simple protection médicale (béta-bloqueurs, antiplaquettaires)
que dans un délai trop court après revascularisation (< 6 à 12 semaines). Mais certains patients souffrent
de syndrome coronarien instable requérant une revascularisation rapide et d’une pathologie nécessitant
une intervention vitale dans de brefs délais. Dans cette situation, trois solutions sont possibles (Figure
29.28) [8,14,19,20].



L’opération peut être renvoyée de 6-8 semaines. Ceci permet de procéder à une PCI avec pose de
stents passifs et à une bithérapie antiplaquettaire de 6 semaines, ou à des pontages aortocoronariens (prescription d’aspirine mais non de bithérapie) ; l’opération est planifiée à > 6
semaines après la revascularisation.
Le délai possible pour l’intervention non-cardiaque n’est que de 2-4 semaines. En cas de flux
coronaire très instable, de sténose très proximale (tronc commun) ou de vaste zone de myocarde
à risque, on peut envisager une angioplastie au ballon simple sans pose de stent. En effet, les
données dont on dispose montrent que l’incidence de décès et d’infarctus liés à la chirurgie noncardiaque pratiquée 2-4 semaines après angioplastie simple est la même que 3 mois plus tard
[10]. Bien que de nombreux cardiologues y soient réticents à cause de l’imprévisibilité des
résultats, cette attitude est une stratégie défendable pour revasculariser des patients qui doivent
être opérés dans de brefs délais. La seule alternative est l’abstention de toute manoeuvre.
Si l’opération doit avoir lieu dans les 24-72 heures, aucune revascularisation n’est souhaitable ;
une coronarographie est inutile parce que ses conclusions ne modifieront pas le choix
thérapeutique. Tout au plus, une échocardiographie transthoracique pourra déterminer la fonction
ventriculaire et la présence d’éventuelles valvulopathies qui influenceront le choix de la
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
89
technique d’anesthésie. Dans de rares cas de chirurgie vasculaire, on peut envisager une
intervention combinant simultanément des PAC et la chirurgie non-cardiaque.
Dans toutes les circonstances urgentes ou semi-urgentes, il est recommandé d’opérer les malades sous
traitement périopératoire continu de béta-bloqueur, aspirine, statine et clopidogrel (dose de charge 300
mg, puis 75 mg/j) ou ticagrelor (2 x 90 mg/j). Ces médicaments sont continués jusqu’à la prémédication
et repris le plus tôt possible après l’intervention. Le prasugrel est déconseillé à cause de son risque
hémorragique excessif au cours de la chirurgie. Les stents actifs ne sont pas une option dans ces
circonstances, car l’intervention chirurgicale aurait lieu pendant la période de ré-endothélialisation,
lorsque le risque de thombose est le plus élevé. Des stents actifs de 2ème génération ne sont envisageables
que si l'intervention chirurgicale peut attendre au moins 3 mois.
Coronaropathie instable + opération vitale
Opération semi-élective
mais vitale
Délai possible
≥ 6 semaines
Opération
semi-urgente
Délai possible
2-4 semaines
Opération urgente
Délai impossible
Coronarographie
PCI +
stent passif
ou PAC
Eventuellement
PCI sans stent
Pas de
coronarographie
Pas de PCI
Opération + β-bloqueur
+ aspirine + clopidogrel* + statine
Stent actif (DES) :
Risque élevé: délai > 12 mois
ème
DES 2
génération: 6 mois
ème
DES 2
gén, risque thombotique
faible, chirurgie vitale: 3 mois
Coronaropathie stable :
opération + β-bloqueur
+ traitement en cours
Pas de
revascularisation
© Chassot 2016
Figure 29.28 : Algorithme d'évaluation du patient souffrant de maladie coronarienne instable devant subir une
intervention urgente ou vitale (exemples: anévrysme, tumeur, fracture invalidante, drainage d'abcès, obstruction ou
infection digestive) [19]. Syndrome coronarien instable : angor instable (stade IV), angor de repos ou persistant,
non-réactivité aux nitrés, modification récente de la symptomatologie angineuse, période précoce (6-12 semaines)
après revascularisation. PCI : angioplastie coronarienne percutanée.
* : le clopidogrel peut être remplacé par le ticagrelor ; les mêmes prescriptions s’appliquent aux deux substances.
Les médicaments de substitution (tirofiban, eptifibatide, cangrelor) en perfusion peuvent être requis en
préopératoire si le risque hémorragique est élevé.
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
90
Stents et chirurgie : en guise de conclusion
Les nombreuses études analysant les résultats de la chirurgie non-cardiaque chez les porteurs de stents
coronariens donnent des résultats très inhomogènes et mal comparables, parce qu’elles suivent des
protocoles très différents et parce qu’elles mélangent divers types de stents et d’interventions
chirurgicales. Le type de chirurgie, le risque propre des stents, la présence ou non de SCA, l’évolutivité
de la maladie coronarienne et le traitement antiplaquettaire sont malheureusement très variables d’une
publication à l’autre. Si bien que certaines peuvent paraître encourager un raccourcissement des délais et
un assouplissement du traitement antiplaquettaire, notamment lorsque leurs collectifs contiennent une
grande proportion de patients à bas risque subissant des interventions chirurgicales mineures.
Néanmoins, toutes démontrent que le danger est d’autant plus grand que le délai entre la
revascularisation et la chirurgie est plus court. Dans le présent document, l’idée centrale est de minimiser
la prise de risque en proposant les solutions les plus sûres pour les situations les plus dangereuses, même
si elles peuvent paraître excessivement prudentes dans d’autres circonstances. Le lecteur saura adapter
ces recommendations lorsqu’elles peuvent être moins strictes, d’autant plus qu’elles sont essentiellement
basées sur un consensus d’experts et manquent de fondements objectifs solides (Classe IIa – IIb) et de
fort degré d’évidence (évidence B ou C).
Antiplaquettaires en périopératoire (chirurgie non-cardiaque)
Aspirine ou clopidogrel en prévention primaire : stop 5 jours
Aspirine ou clopidogrel en prévention secondaire : pas d’interruption
Aspirine + clopidogrel/ticagrelor/prasugrel, risque cardiovasculaire bas : continuer aspirine, interrompre
clopidogrel/ticagrelor 5 jours, prasugrel 7 jours
Aspirine + bithérapie, risque cardiovasculaire élevé, chirurgie élective :
- Renvoi à 3 mois après AVC, stents passifs (BMS) ou pontage aorto-coronarien (PAC)
- Renvoi à 6-12 mois après infarctus
- Renvoi à 12 mois après stents actifs (DES) ou syndrome coronarien aigu (SCA)
- Continuer l’aspirine sans interruption
Aspirine + bithérapie, risque cardiovasculaire élevé, chirurgie vitale :
- Renvoi à 6 semaines après BMS ou PAC
- Renvoi à 6 mois après DES 1ère génération, à 3 mois après DES 2ème-3ème génér.
- Maintenir aspirine + bithérapie
- Si arrêt du clopidogrel/prasugrel, éventuelle substitution avec eptifibatide ou tirofiban
Risque clopidogrel seul = risque aspirine seule
Prasugrel : arrêt 7 jours préopératoires
Ticagrelor: arrêt 5 jours préopératoires
Prasugrel et ticagrelor : vu l'augmentation du risque hémorragique dans les interventions majeures, il est
préférable d’éviter une opération sous bithérapie ou de privilégier la substitution avec un anti-GPIIb/IIIa.
Lorsque la bithérapie est terminée, il est prudent d'attendre un mois avant de procéder à une opération
élective pour éviter la période de l'effet rebond sur l'agrégativité plaquettaire.
Les antiplaquettaires sont repris le plus rapidement possible en fonction du risque hémorragique, dans les
24 heures postopératoires pour l'aspirine et dans les 48 heures pour la bithérapie. Les patients à risque
doivent être opérés dans une institution disposant de toutes les facilités pour pratiquer une angioplastie
coronarienne en urgence.
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Recommandations pour la chirurgie cardiaque
La chirurgie de revascularisation coronarienne présente deux différences majeures avec la chirurgie
générale : 1) anticoagulation complète pour la CEC, et 2) status coronarien amélioré ou “guéri” en
postopératoire. Ces données modifient la balance des risques, parce que les pertes sanguines sont plus
importantes et parce que le taux d’infarctus périopératoire tient en grande partie à l’acte chirurgical. Par
ailleurs, la définition du saignement peropératoire est très variable selon les études (CURE, GUSTO,
TIMI, etc) et rend les comparaisons difficiles [3]. Le système BARC est une tentative de standardisation
des pertes sanguines qui permet des évaluations plus adéquates [44].
Chirurgie élective
L’aspirine en prévention secondaire (50-160 mg/jour) est un traitement à vie qui n’est jamais
interrompu, même en préopératoire. Toutefois, lors de chirurgie cardiaque avec CEC, il était
traditionnellement recommandé d’arrêter l’aspirine 5 jours avant l’intervention à cause d’une
augmentation des saignements de l’ordre de 20% [17]. L’interrompre pendant une plus longue période
ne modifie pas l’incidence d’hémorragie ni d’accident cardiaque postopératoire [30], mais fait courir un
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
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risque d’accident coronarien préopératoire, puisque 2-10% des patients récidivent un syndrome
coronarien aigu 8.5 jours après l’arrêt de l’aspirine en prévention secondaire après SCA [7]. De toute
manière, la recommandation d’arrêter l’aspirine ne s’appliquait pas aux situations suivantes, dans
lesquelles elle est maintenue jusqu’à l’intervention [29] :
 Opérations à cœur battant (sans CEC) ;
 Patients souffrant d’un syndrome coronarien aigu ou d’un angor instable ;
 Patients porteurs de stents coronariens, de prothèses valvulaires mécaniques ou autre matériel
prothétique.
La mortalité et le taux de complications cardiaques ne sont pas significativement abaissés (OR 0.94)
comparé au placebo par une dose unique d'aspirine préopératoire (100 mg) en chirurgie de
revascularisation coronarienne, mais le taux de reprise pour hémostase passe de 1.8% à 2.1% et celui de
tamponnade de 0.4% à 1.1% [46]. D'autres études ont démontré que l’aspirine n’augmentait le risque
hémorragique que de manière marginale (+ 168 mL) [16,27,55,57] et seulement avec de hauts dosages
(≥ 325 mg/j) [54], que les saignements occasionnés sont diminués par les antifibrinolytiques [42], et que
le maintien de l’aspirine jusqu’à l’opération et sa reprise immédiate en postopératoire diminuent le taux
d’infarctus de 45% [8,27]. Actuellement, les dernières recommandations européennes [53] spécifient
que l’aspirine à faible dosage (75-160 mg) doit être maintenue chez tous les patients subissant des
pontages aorto-coronariens avec ou sans CEC, et ne doit être interrompue 3-5 jours que chez ceux qui
présentent un risque hémorragique très élevé ou qui refusent les transfusions [53].
Un double traitement antiplaquettaire avec aspirine et clopidogrel, prasugrel ou ticagrelor est impératif
après un syndrome coronarien aigu ou une revascularisation avec pose de stent. La durée
d’administration de la double thérapie varie selon les situations (voir Tableau 29.5) [12,18,23,33].
La bithérapie (aspirine et clopidogrel) moins de 5 jours avant l’intervention est un prédicteur
indépendant du risque hémorragique (OR 1.8-4.7), des besoins transfusionnels (OR 2.2 – 5.7), des
reprises chirurgicales pour hémostase (OR 2.3-4.6) et du séjour en soins intensifs (OR 3.14)
[4,13,14,15,31,36,47,61]. Bien que le nombre de poches de sang administrées (de 1.6 à 3 unités) soit
significativement augmenté (de 51% à 73% des cas) et que la réprise pour hémostase aggrave le taux de
décès hospitalier [45], la mortalité des patients et leur devenir à long terme ne semblent pas affectés
[31,47]. Toutefois, la bithérapie n’est que le troisième facteur en cause dans les réopérations pour
hémorragie (OR 1.9), après la dialyse (OR 2.2) et l’urgence (OR 2.1) [45]. Une étude portant sur 4'794
cas démontre que la prise de clopidogrel < 5 jours avant l’opération n’augmente que de manière peu
importante le risque hémorragique par rapport à son arrêt > 5 jours préopératoires : OR 1.24 pour les
reprises chirurgicales à visée hémostatiques, OR 1.40 pour les transfusions sanguines [32]. Elle montre
aussi un autre point capital : le chirurgien qui réalise l’opération est le facteur le plus clairement associé
à l’hémorragie ! Une méta-analyse (6'835 patients souffrant de syndrome coronarien aigu) confirme la
modestie de l’augmentation des saignements (OR 1.29) et des reprises (OR 1.53) lorsque le clopidogrel
est interrrompu < 5 jours préopératoires ; de surcroit, elle est accompagnée d’une diminution du taux
d’infarctus périopératoire (OR 0.68) [9]. Avec le prasugrel, qui est 10 fois plus puissant que le
clopidogrel, le risque de saignements au cours de PAC est augmenté de 4.7 fois [59]. Sous ticagrelor, le
risque hémorragique des PAC électifs est identique au risque sous clopidogrel si la substance est
interrompue ≥ 3 jours avant l’intervention [58]. Si le ticagrelor est maintenu jusqu’à l’opération à cause
d’un syndrome coronarien aigu, les pertes de sang sont aggravées de 20% (850 mL vs 680 mL) et le
taux de reprise pour hémostase augmenté de 4 fois (16% vs 4%) [52].
Des tests d’agrégabilité plaquettaire effectués avant l’héparinisation (Multiplate™, VerifyNow™, TEG
PlateletMapping™) permettent de mieux prévoir quels sont les patients qui réclameront le plus de
transfusions érythrocytaires et plaquettaires : une inhibition de > 60% identifie 72-91% des patients
polytransfusés [13,50,51]. Lorsque leurs plaquettes sont inhibées à > 70%, les patients ont 11 fois plus de
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
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risque d’être transfusés, quelle que soit la durée d’interruption (surface sous la courbe ROC pour valeurseuil à 70% : 0.77) [35]. Mais les plaquettes possèdent plusieurs types de récepteurs, qui ne sont pas tous
bloqués par les agents habituels ; ceux-ci inhibent essentiellement le récepteur thromboxane (aspirine) et
le récepteur ADP (clopidogrel, prasugrel, ticagrelor). Ainsi, la mesure combinée de la réactivité à la
thrombine (récepteur PAR-1) améliore la corrélation avec le risque hémorragique peropératoire chez les
patients sous un agent inhibant le recepteur ADP P2Y12 [51]. Les tests d’agrégabilité permettent
également de mieux circonscrire la durée d’interruption des antiplaquettaires, car ils ont une meilleure
valeur prédictive pour le risque hémorragique que le délai entre l’opération et la dernière prise de
clopidogrel [38,49]. Des pontages aorto-coronariens en CEC (180 patients) pratiqués 1 jour, 3-5 jours ou
> 5 jours après l’arrêt du clopidogrel en fonction de la réactivité résiduelle des plaquettes au TEGPlateletMapping™ (MAADP respectivement > 50 mm, 35-50 mm et < 35 mm) ont présenté des pertes
sanguines équivalentes à celles des malades sans antiplaquettaire, et ceci avec un délai d’attente moyen
de 2.7 jours seulement [38]. Dans le cas des pontages à cœur battant (300 patients), le délai d’arrêt du
clopidogrel est ramené à 3.6 jours et les saignements diminués de 40% en testant la réactivité plaquettaire
des patients et en y adaptant la durée d’attente préopératoire [40]. Cette attitude est encouragée plutôt
dans les cas à risque hémorragique et thrombotique faible ou modéré [53].
Il est habituellement recommandé d’interrompre le clopidogrel 5 jours, le ticagrelor 5 jours, et le
prasugrel 7 jours avant des PAC électifs en CEC [17,22,53]. Bien que conventionnelle, cette attitude fait
courir un danger thrombotique en échange d’une meilleure hémostase. Quelques faits le démontrent.
 Chez les porteurs de stents, le risque d’évènement coronarien augmente de 1-2% pendant la
durée de l’arrêt, mais peut s’élever à 2% par jour en cas de SCA [1,2,10,17,28,34,47].
 Le maintien du clopidogrel pendant les 5 jours préopératoires diminue significativement le taux
d’infarctus à 1 an : OR 0.67 dans l’essai ACUITY [19], OR 0.63 dans une méta-analyse de 23
études [5], et OR 0.57 dans une méta-analyse de 22'584 patients souffrant de SCA [47].
 Le maintien de l’aspirine jusqu’à l’opération et sa reprise immédiate diminuent la mortalité
hospitalière de 45% [8].
 L’arrêt de l’aspirine déclenche un SCA à 8.5 jours chez 2-10% des patients [7] ; le délai entre
son interruption et la thrombose de stent (DES) est en moyenne de 7 jours [20].
 L’hyperagrégabilité des thrombocytes due au syndrome inflammatoire de la CEC augmente le
risque d’ischémie sur lésions instables (SCA, stents récents, etc).
 La comparaison du ticagrelor et du clopidogrel montre que le raccourcissement de la période
sans antiplaquettaire abaisse le taux de mortalité après PAC (OR 0.49) lorsque le ticagrelor est
arrêté 24-72 heures avant l’opération et le clopidogrel stoppé 5 jours préopératoires ; par contre,
il n’y pas de différence de mortalité entre les deux médicaments s’ils sont interrompus la veille
de l’opération ou plus de 5 jours avant celle-ci [28]. C’est donc la durée de la période sans
protection qui fait la différence.
Le double traitement n’est pas interrompu lorsqu’il est prescrit pour un syndrome coronarien aigu ou
pendant la phase de ré-endothélialisation des stents (stents passifs : minimum 6 semaines ; stents actifs :
6-12 mois selon le type de stent). Dans ces situations, il doit être continué jusqu'à 48 heures de
l'opération. L’arrêt à 5 jours avec substitution du clopidogrel ou du prasugrel par une perfusion de
tirofiban ou d’eptifibatide (voir Recommandations pour la chirurgie noncardiaque, Substitution) est
encouragée dans les cas à haut risque thrombotique et haut risque hémorragique [53]. La
revascularisation à coeur battant, qui nécessite une héparinisation plus faible, est particulièrement
indiquée dans ces circonstances parce que moins hémorragipare [29]. Dans le postopératoire, il est
important de reprendre l’aspirine durant les premières 24 heures (6-24 heures) pour limiter le risque de
thrombose des pontages et diminuer la mortalité [21,39,41]. Dans les syndromes coronariens aigus, la
reprise de la bithérapie dans le même délai abaisse le taux d’évènements ischémiques de 50% et la
mortalité de 68% [54] ; le risque hémorragique postopératoire n’augmente pas [11]. Mais il est douteux
que la bithérapie apporte un bénéfice significatif dans les cas de routine [53].
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
95
Pontages de sauvetage en urgence
La situation est délicate lors de pontages aorto-coronariens (PAC) en urgence pour syndrome coronarien
aigu, parce que l’administration d’une dose de charge de clopidogrel (300-600 mg) ou de ticagrelor (180
mg) est une recommandation formelle avant même de procéder à une coronarographie, donc avant de
savoir si le patient est susceptible de subir une revascularisation chirurgicale en urgence ou en semiurgence (0.3-0.5% des PCI) [6,37]. Eviter cette médication fait prendre trop de risque de thrombose
coronarienne en cas de traitement médical ou de PCI avec pose de stent, mais elle grève d’éventuels
PAC d’une morbidité hémorragique significative : l’incidence de saignements majeurs est de 11-47%
après 300 mg de clopidogrel [43,48] et de 73% après 600 mg de clopidogrel [15], mais elle est presque
5 fois plus élevée après 60 mg de prasugrel (OR 4.73) [59].
Lorsque des PAC sont réalisés dans le cadre d’un syndrome coronarien aigu ou d’un échec
d’angioplastie, l’aspirine et le clopidogrel (ou le ticagrelor) ne sont pas interrompus plus de 48 heures ;
ils doivent être repris le plus vite possible dans le postopératoire et continués pour au moins 6 mois
[6,8,19,25]. Cela ne va pas sans augmenter significativement les pertes sanguines. Dans une étude
prospective portant sur 405 patients souffrant de syndrome coronarien aigu et opérés en urgence de
pontages aorto-coronariens en CEC, l’incidence de saignements majeurs augmente de 10% à 25%
lorsque le clopidogrel est stoppé moins de 5 jours préopératoires au lieu de > 5 jours, alors que
l’incidence d’hémorragies liées au ticagrelor reste de 7% si ce dernier est stoppé 48 heures ou plus avant
l’intervention (Figure 29.29) [26].
Figure 29.29 : Prévalence des saignements
majeurs (en %) en cas de pontages aortocoronariens en CEC à la suite de syndrome
coronarien aigu, chez des patients sous
aspirine + clopidogrel (violet) ou sous
aspirine + ticagrelor (jaune). Le graphique
compare ces deux traitements en fonction
du délai d’interruption préopératoire des
antiplaquettaires : plus de 5 jours, 2 à 4
jours, ou ≤ 1 jour. Dans les deux premiers
cas, le ticagrelor cause moins de pertes
sanguines que le clopidogrel, mais dans le
troisième cas, le ticagrelor double le risque
hémorragique par rapport au clopidogrel.
Un arrêt minimal de 3 jours est donc requis
pour le ticagrelor avant des PAC en CEC
[26].
%
Ticagrelor
Clopidogrel
40
30
20
10
> 5 jours
p = 0.4
2-4 jours
0-1 jour
p = 0.05
p = 0.06
Cette différence correspond à la disparition plus rapide de l’effet du ticagrelor comparé à celui du
clopidogrel (voir Figure 29.10).
Par contre, le ticagrelor est responsable du double de pertes sanguines par rapport au clopidogrel s’il est
maintenu jusqu’à 24 heures ou moins de l’opération. Ceci résulte de son inhibition plus puissante de
l’agrégabilité plaquettaire et de la réversibilité de sa liaison aux récepteurs qui permet une diffusion de
la substance sur les plaquettes transfusées; ce phénomène réduit considérablement l'efficacité des
Précis d’anesthésie cardiaque 2016, version 5 – 29 Antiplaquettaires
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transfusions de thrombocytes (voir Transfusion plaquettaire). Un arrêt minimal de 3 jours est donc
requis pour le ticagrelor avant une intervention de chirurgie cardiaque non-élective.
Chez les patients sous aspirine, les antifibrinolytiques réduisent efficacement les complications
hémorragiques (OR 0.37), et permettent de diminuer les complications thrombotiques (OR 0.49) [42].
En cas de maintien du clopidogrel jusqu’à l’opération, les antifibrinolytiques peropératoires permettent
également de limiter le risque hémorragique [56]. Une autre solution est de procéder à une
revascularisation chirurgicale à cœur battant (OPCAB), car celle-ci nécessite une plus faible
héparinisation ; le saignement peropératoire et le taux de transfusion sont peu augmentés chez les
patients sous clopidogrel jusqu’à l’intervention s’il n’y a pas de CEC [60].
Antiplaquettaires en périopératoire (chirurgie cardiaque)
Opérations électives en CEC
- Maintien de l’aspirine (jusqu’à la prémédication)
- Stop aspirine 5 jours seulement si patients à haut risque hémorragique ou refus de transfusion
- Stop clopidogrel et ticagrelor 5 jours
- Stop prasugrel 7 jours
- Reprise de l’aspirine < 24 heures postopératoires
Exception pour la double thérapie si encore prescrite (maintien jusqu’à 48 heures préop)
- Syndrome coronarien aigu, stents non-endothélialisés (BMS < 6 semaines, DES < 6-12 mois)
Opérations à cœur battant (OPCAB sans CEC)
- Maintien de l’aspirine
- Maintien de la bithérapie si syndrome coronarien aigu ou stents récents non-endothélialisés
Cas à haut risque de thrombose coronarienne (syndrome coronarien aigu, angor instable, stents récents,
stents à haut risque, échec d’angioplastie) : interruption de la bithérapie 24-48 heures préopératoires,
maintien de l’aspirine en continu. Reprise en postopératoire : aspirine < 24 heures, bithérapie 24-48
heures (selon risque hémorragique). Le ticagrelor peut n’être interrompu que 2-3 jours avant l’opération,
mais pas moins de 24 heures.
Opération en urgence (sauvetage après PCI, patients sous dose de charge) : prévoir antifibrinolytiques et
transfusions plaquettaires, préférence à la chirurgie sans CEC (OPCAB).
Les recommandations habituelles sont sujettes à controverse car les pertes sanguines sont variables selon
les études et selon les chirurgiens. D’autre part, l’interruption des antiplaquettaires en cas de SCA ou de
stents récents fait courir un risque d’accident thrombotique de 1-2% par jour d’arrêt et une augmentation
jusqu’à 50% des complications cardiaques per- et postopératoires.
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Antiplaquettaires et anesthésie loco-régionale (ALR)
L’ALR rachidienne améliore l’analgésie et la ventilation postopératoires; elle diminue la réaction au
stress, l’hypercoagulabilité et le syndrome inflammatoire post-chirurgical. Son but est un meilleur
confort postopératoire pour le patient, mais elle ne modifie pas significativement la mortalité ni le risque
cardiovasculaires. La péridurale cervico-thoracique (C7-D5) réalise une sympathectomie cardiaque qui
peut favorablement influencer le rapport DO2/VO2 chez le coronarien ; elle peut diminuer l’incidence
d’ischémie myocardique de 40% [18]. Mais l’ALR rachidienne en dessous de D6 ne modifie pas
significativement la morbidité cardiaque. La littérature montre que l’ALR diminue essentiellement le
taux d’insuffisance respiratoire postopératoire de 30% en chirurgie abdominale majeure et le taux de
thromboses de pontages périphériques de 35% en chirurgie vasculaire [2,17,23].
L’arrêt préopératoire de la bithérapie antiplaquettaire pendant 5-7 jours est obligatoire pour réaliser une
ALR rachidienne [8,11,22]. Ce faisant, on prend un risque majeur d’infarctus, de thrombose de stent et
de mortalité (taux d’infarctus 40%, mortalité moyenne 25%). Or la protection offerte par l’ALR
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rachidienne est très modeste dans ce contexte : la péridurale thoracique haute diminue seulement la
morbidité cardiaque de 40%, et l’ALR réalisée en dessous de D6 n’a pas d’effets significatifs sur le
risque cardiovasculaire. Il est donc évident que le risque encouru est largement supérieur au bénéfice
escompté : l’interruption des antiplaquettaires au seul titre de pouvoir pratiquer une péridurale ou une
rachianesthésie est injustifiée, même si le confort du patient et l’analgésie postopératoire sont de
moindre qualité [4,5,13].
La présence d’un cathéter péridural pose un problème majeur en cas de thrombose de stent peropératoire
[16] : la nécessité de pratiquer une angioplastie en urgence, avec administration à hautes doses
d’antiplaquettaires (clopidogrel, prasugrel, anti-GP-IIb/IIIa) et d’anticoagulant (HNF, bivalirudine),
réclame de retirer le cathéter 1-2 heures avant la procédure ; ce délai peut retarder dangereusement la
revascularisation à un moment où la rapidité est cruciale.
La crainte d'un hématome spinal est toujours présente lorsqu'on procède à une anesthésie rachidienne ou
qu'on retire un cathéter épidural chez un malade dont la coagulation est modifiée par un traitement
pharmacologique. Toutefois, ce risque reste assez bas. Lors de prophylaxie thrombo-embolique avec
une héparine à bas poids moléculaire (HBPM), il oscille entre 1:3'600 et 1:19'000 selon les études et les
circonstances [6]. Pour améliorer le rapport risque / bénéfice, il est recommandé de ne débuter
l'administration d'HBPM qu'en postopératoire [8,12]. Ceci est particulièrement important lorsque les
patients sont sous antiplaquettaires.
L'hématome spinal est une complication dramatique pouvant entraîner une paraplégie ou une tétraplégie
définitives. Or l'ALR rachidienne n'est pas une technique indispensable ni obligatoire, sauf dans de rares
cas d'intubation impossible. Il existe des alternatives parfaitement utilisables (anesthésie générale,
masque laryngé, etc) qui ne présentent pas les mêmes dangers. De ce fait, il est de rigueur de faire
preuve d'une très grande prudence dans ses indications. C'est la raison pour laquelle on recommande des
durées d'interruption dans la fourchette supérieure des délais imposés par la pharmacocinétique des
substances lors de traitement modifiant la coagulation, afin de bénéficier de la plus grande marge de
sécurité possible. Dans les situations critiques, il est possible de se guider au moyen de tests de fonction
plaquettaire (voir page 28) pour déterminer quel est le délai minimal pour la chirurgie.
La même prudence s'applique lors de prévention secondaire avec les antiplaquettaires: le risque
d'occlusion de stent ou de thrombose vasculaire (AVC, infarctus) à l'arrêt de ces substances est
beaucoup plus élevé (morbi-mortalité 25-40%) que le bénéfice que l'on peut attendre d'une ALR
rachidienne [4,5,7]. Les données de la littérature et le principe de précaution n’autorisent pas une
interruption des antiplaquettaires dans le seul but de pouvoir pratiquer une anesthésie loco-régionale,
même si l’analgésie est plus confortable.
Aspirine et AINS
L'administration d'aspirine à faibles doses (< 350 mg/j) jusqu'à l'intervention n'augmente pas le risque
d'hémorragie spinale; il est donc possible de procéder à une rachianesthésie ou à une péridurale sous
aspirine seule [8,11,20]. Le risque augmente un peu en cas d'administration simultanée d'héparine, d'où
l'importance de laisser un délai minimal d’une heure entre la ponction et l’administration d’héparine
non-fractionnée, et de ne débuter la prophylaxie par HBPM qu'en postopératoire, puisque son efficacité
n'est pas modifiée par l'injection préopératoire [12].
Les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) et le dipyridamole n’augmentent pas le risque
d'hémorragie spinale. Ces traitements, même ininterrompus, ne contre-indiquent donc par une anesthésie
rachidienne.
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Clopidogrel et double thérapie antiplaquettaire
Le danger de saignement spontané ou chirurgical lié au clopidogrel seul (monothérapie) est identique à
celui de l’aspirine seule, mais la littérature à ce sujet est éparse (voir page 9). Une série de 306 cas a
démontré la faisabilité d’une péridurale sous clopidogrel ininterrompu [15]. Toutefois, il existe quelques
cas décrits d'hématome épidural après ponction rachidienne sous clopidogrel. Pour l’instant, il est donc
recommandé de ne pas procéder à une anesthésie rachidienne si le traitement n'a pas été interrompu
pendant 5-7 jours [8].
Comme la bithérapie aspirine + clopidogrel augmente le risque hémorragique spontané de 25% (risque
absolu : 2.1%) [1,10,14,25], il n'est pas possible d'envisager une anesthésie loco-régionale sous
traitement continu. Ces substances étant des bloqueurs irréversibles de l'activité plaquettaire, il faut
attendre le renouvellement des thrombocytes (10%/jour) pour voir disparaître leur effet. Vu que le temps
de coagulation redevient normal lorsque la moitié des plaquettes est fonctionnelle, il faut interrompre le
traitement pendant au minimum 5 jours pour que le risque hémorragique soit acceptable. La grande
variabilité de la réponse individuelle à l'aspirine et au clopidogrel justifient cependant de recommander
un délai d'interruption de 7 jours avant une ALR pour augmenter la marge de sécurité [8,11,19].
Prasugrel (Efient®)
Le prasugrel est 10 fois plus puissant que le clopidogrel, mais il présente moins de variations
individuelles; c'est également un bloqueur irréversible (voir page 19). Les seules données dont on
dispose concernent la chirurgie cardiaque: le taux de saignement y est augmenté de 4 fois par rapport au
clopidogrel [24]. Il faut donc respecter un délai d'interruption de 7-10 jours avant de procéder à une
anesthésie rachidienne [8,11].
Ticagrelor (Brilique®, Brilanta®)
Le ticagrelor est un bloqueur plaquettaire rapide et puissant mais réversible, qui présente peu de
variations individuelles. Bien que sa demi-vie soit de 7 heures, son métabolite actif a une longue durée
d'action (12 heures) (voir page 21) [3,21]. Son effet diminue plus rapidement que celui du clopidogrel
ou du prasugrel: après 3 jours d'interruption, la fonction plaquettaire est identique à celle obtenue 5 jours
après l'arrêt du clopidogrel [9]. On ne dispose d'aucune donnée sur l'utilisation du ticagrelor en chirurgie
non-cardiaque. Toutefois, la puissance de son blocage, la présence d'un métabolite à longue durée
d'action et le risque de contamination des plaquettes fraîches par la diffusion depuis les plaquettes
bloquées (liaison réversible) obligent à recommander un délai d'interruption de 5 jours avant de pouvoir
réaliser une anesthésie rachidienne avec une marge de sécurité suffisante [8].
Anti-GP IIb / IIIa
Les inhibiteurs du récepteur GP IIb/IIIa (abciximab, tirofiban, eptifibatide) sont utilisés par voie
intraveineuse au cours de syndrome coronarien aigu et immédiatement après une pose de stents. La
demi-vie de l'abciximab est longue (23 heures), alors que celles du tirofiban et de l'eptifibatide sont
courtes (respectivement 2 et 2.5 heures) (voir page 11). L’activité des thrombocytes est récupérée 6
heures après l’administration de tirofiban, 7 heures après celle d’eptifibatide, mais seulement 72 heures
(3 jours) après celle d’abciximab. Le retrait d'un cathéter épidural doit attendre 8-10 heures après la fin
de la perfusion de tirofiban ou d'eptifibatide, mais 3 jours après celle de l'abciximab. Comme ces
substances sont prescrites en association avec de l'héparine dans les SCA, une intervention de chirurgie
non-cardiaque sous ALR rachidienne est contre-indiquée dans ces conditions [8].
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Cilostazol (Pletal®)
Le cilostazol est utilisé essentiellement dans les artériopathies périphériques et en triple thérapie en plus
de l'aspirine et du clopidogrel après stenting coronarien (voir page 11). Il ne semble pas augmenter le
risque hémorragique, mais la sécurité oblige à respecter au minimum un délai de 3 demi-vies (63
heures) pour que son effet disparaisse. La recommandation actuelle est de respecter un délai de 3-5 jours
[8].
Blocs nerveux
Les blocs nerveux superficiels (bloc fémoral, sciatique distal, cervical superficiel) peuvent être réalisés
sous anticoagulants ou sous antiplaquettaires. Dans le cas de blocs profonds (paravertébral, plexus
lombaire, sciatique), il est prudent d'appliquer les mêmes règles que pour les ALR rachidiennes à cause
du risque d'hématome rétropéritonéal; il en est de même pour les blocs qui peuvent se compliquer d'une
ponction artérielle (axillaire, interscalène, supra- ou infraclaviculaire) [8]. Le retrait d'un cathéter suit les
mêmes consignes que la ponction du bloc. D'une manière générale, il vaut mieux pécher par excès de
sécurité et appliquer les délais d'interruption recommandés pour l'ALR rachidienne à tous les cas de
loco-régionale, à l'exception des blocs superficiels périphériques.
Anesthésie rachidienne et antiplaquettaires
L'ALR rachidienne n'étant pas une technique indispensable, il est de rigueur d'être très prudent dans ses
indications, notamment en respectant des délais prolongés après l'arrêt des substances qui modifient la
coagulation (risque d'hématome spinal). D'autre part, le risque d'occlusion de stent ou de thrombose
vasculaire est beaucoup plus élevé (morbi-mortalité 20-35%) que le bénéfice attendu d'une ALR
rachidienne. L’interruption des antiplaquettaires prescrits en prévention secondaire est injustifiée dans le
seul but de pratiquer une rachianesthésie ou une péridurale, car le taux de complications
cardiovasculaires de cet arrêt est largement supérieur au bénéfice escompté de la loco-régionale.
Délais d'interruption du traitement antiplaquettaire recommandés pour procéder à une anesthésie
rachidienne en sécurité (rachianesthésie ou péridurale):
- Aspirine
si ≤ 300 mg/j : pas d'interruption
si > 300 mg/j: arrêt 5 jours
- Clopidogrel
7 jours
- Aspirine + clopidogrel
7 jours
- Prasugrel
7-10 jours
- Ticagrelor
5 jours
- Cilostazol
3-5 jours
- Abciximab
3-5 jours
- Tirofiban, eptifibatide
8 heures
Par sécurité, il est prudent d'appliquer les mêmes délais à tous les blocs nerveux, à l'exception des blocs
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Transfusion plaquettaire et intervention pharmacologique
L’hémostase physiologique comprend une marge de sécurité considérable, puisque la compétence
hémostatique est rétablie dès que plus de 50% des thrombocytes sont fonctionnels. Nous avons donc
deux fois plus de plaquettes que le minimum nécessaire pour former un thrombus normal. Comme il n’y
a pas d’antidote aux antiplaquettaires, seuls le renouvellement spontané des thrombocytes (10%/jour) ou
une transfusion de thrombocytes frais peut rétablir la coagulabilité sanguine. La demi-vie plasmatique
du clopidogrel est de 6-8 heures, et celle de son métabolite actif est de < 1 heure ; celle du métabolite du
prasugrel est de 3.7 heures. Comme le taux circulant d’une substance est minime après 3 demi-vies
(12.5% du taux initial), on peut estimer que 24 heures après la dernière prise de clopidogrel ou 12
heures après celle de prasugrel, les thrombocytes transfusés ne sont plus inhibés, alors que les plaquettes
du patient sont encore complètement bloquées par la liaison irréversible [3,11]. La liaison de la
thiénopyridine avec le récepteur bloque la molécule sur la plaquette et l’empêche de diffuser vers les
nouvelles plaquettes. L’effet clinique ne dépend donc pas du taux sérique de la substance.
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La situation est différente pour les inhibiteurs réversibles comme le ticagrelor, qui n’immobilisent pas la
plaquette pour toute sa durée de vie. La demi-vie du ticagrelor est de 7 heures, mais celle de son
métabolite actif (30-40% de l’activité totale) est de 10-12.8 heures. Le taux plasmatique n’est donc
négligeable qu’après 38 heures [1,4,5,6,8]. Mais à cause de sa liaison réversible avec le récepteur, le
ticagrelor a la capacité de diffuser entre les plaquettes en fonction de l’équilibre de masse, de se lier aux
nouvelles plaquettes mises en circulation, et de migrer sur les plaquettes fraîchement transfusées. Sa
forte liaison aux récepteurs plaquettaires assure de plus un vaste réservoir de substance susceptible
d’interférer avec les récepteurs de thrombocytes frais. Dans ce cas, l’inhibition de l’agrégabilité est
directement proportionnelle au taux sérique pour toutes les plaquettes. La transfusion plaquettaire perd
alors de son efficacité. Bien qu’il n’augmente pas le risque hémorragique par rapport au clopidogrel, le
ticagrelor altère considérablement l’efficacité d’une transfusion plaquettaire pendant les 2-3 jours qui
suivent la dernière prise, si bien que l’hémorragie, lorsqu’elle survient, est plus difficile à juguler [9]. Le
problème est inexistant pour le cangrelor, dont l’effet disparaît spontanément en moins d’une heure. Une
étude conduite in vitro a monté que l’addition de plaquettes fraîches à des échantillons de sang de
patients sous antiplaquettaires permet de supprimer l’effet de l’aspirine, de diminuer significativement
celui du clopidogrel, mais est moins efficace pour renverser celui du ticagrelor [7]. Après une dose de
charge, la réactivité plaquettaire recupère de manière proportionnelle à la quantité de thrombocytes
transfusés, mais elle est différente selon les substances: de 84% et 73% pour 300 mg et 600 mg de
clopidogrel, elle passe à 66% et 41% pour le prasugrel (60 mg) et le ticagrelor (180 mg) [12]. Ces deux
travaux objectivent la difficulté de renverser l'effet du ticagrelor dans la pratique clinique au moyen de
transfusions plaquettaires.
Parmi les anti-GP IIb/IIIa, le tirofiban et l’eptifibatide, inhibiteurs compétitifs, ont des demi-vies brèves
(2 et 2.5 heures respectivement), alors que celle de l’abciximab, bloqueur irréversible, est de 23 heures.
Les plaquettes transfusées restent donc fonctionnelles 6-8 heures après l’administration de tirofiban ou
d’eptifibatide, mais seulement 72 heures après l’arrêt de la perfusion d’abciximab.
Lorsqu’une opération hémorragique est conduite dans des délais courts, plusieurs mesures sont
envisageables pour contrecarrer les effets des antiplaquettaires.
 Transfusion de plaquettes fraîches ; nécessaire si le taux de celles-ci est < 20'000 µL-1, ou <
50'000 µL-1 en présence d’un INR modérément élevé (< 3), elle est également indiquée, quel
qu’en soit le taux, si la fonction plaquettaire est bloquée par des médicaments. Mais la
transfusion thrombocytaire n’est pas sans risque, car les incidents transfusionnels et les risques
de contamination virale ou bactérienne sont plus fréquents avec les perfusions de thrombocytes
(11‰) qu'avec celles d'érythrocytes ou de PFC [2].
 Antifibrinolytiques ; l'aprotinine, l'acide tranexamique et l'acide amino-caproïque réduisent
significativement (OR 0.4) les pertes sanguines chez les patients maintenus sous antiplaquettaires
avant chirurgie cardiaque [10]. L'acide tranexamique (2 gm iv) améliore sensiblement la fonction
plaquettaire testée par Multiplate™ [16]. L’étude CRASH-2 a montré la faisabilité, l’inocuité et
l’efficacité de ce traitement chez les polytraumatisés [14].
 Desmopressine ; activation des interactions plaquettes-sous endothélium et plaquettes-plaquettes,
activation des facteurs VIII et von Willebrand ; recommandée dans certaines pathologies
accompagnées de dysfonction plaquettaire spécifique (urémie, maladie de von Willebrand type
I). Bien que son efficacité ne soit pas prouvée cliniquement en cas d’inhibition par des
antiplaquettaires, la desmopressine antagonise leurs effets in vitro [13] ; dosage : 0.3 mcg/kg en
20 minutes.
 Complexe prothrombinique (Prothromplex™).
 Fibrinogène ; maintenir le taux > 1.5 g/L.
 Facteurs de coagulation ; remplacement en fonction des déficits spécifiques tels qu’ils sont
définis par les dosage de laboratoire ou par le thrombo-élastogramme.
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 Le Facteur rFVIIa (20 mcg/kg) peut être utile comme sauvetage ; il réduit significativement les
pertes sanguines et permet la normalisation des tests d’agrégabilité plaquettaire, mais fait courir
des risques de thrombose artérielle (jusqu’à 11%) [15].
Toutefois, une thérapeutique trop active et une sur-transfusion de thrombocytes peuvent conduire à une
hyperagrégabilité plaquettaire et déclencher une thrombose au niveau de plaques instables ou dans des
stents non encore endothélialisés. Il faut donc accepter d’opérer les patients dans un état
d’hypocoagulabilité délibérée, seule garantie contre une thrombose aiguë lourde de conséquences. C’est
la raison pour laquelle il est recommandé de ne pas administrer de plaquettes ni de facteurs de
coagulation de manière prophylactique, mais seulement en fonction des pertes sanguines.
Transfusion plaquettaire
Théoriquement, les plaquettes fraîches ou transfusées fonctionnent normalement dès que le taux
plasmatique des antiplaquettaires devient négligeable après 3 demi-vies :
- Clopidogrel
24 heures
- Prasugrel
12 heures
- Ticagrelor
38-72 heures
- Tirofiban, eptifibatide
6-8 heures
- Abciximab
72 heures
Ceci est vrai pour les bloqueurs irréversibles (clopidogrel, prasugrel, aspirine et abciximab), avec
lesquels il faut attendre le renouvellement des plaquettes (10% / jour) pour obtenir une normalisation de
la coagulation. Avec les antiplaquettaires à effet réversible (ticagrelor, tirofiban, eptifibatide), un délai de
3 demi-vies n’est pas suffisant, car ces substances ont la capacité de diffuser entre les plaquettes en
fonction de l’équilibre de masse, de se lier aux nouveaux thrombocytes mis en circulation, et de migrer
sur les plaquettes fraîchement transfusées, réduisant dangereusement l’efficacité de la transfusion
plaquettaire.
Moyens thérapeutiques en cas d’hémorragie excessive sous antiplaquettaires :
- Transfusion de plaquettes
- Acide tranexamique (2 gm)
- Desmopressine (0.3 mcg/kg)
- Complexe prothrombinique, fibrinogène, facteurs de coagulation selon défauts
- Mesure de sauvetage : facteur rVIIa (20 mcg/kg)
Il est capital d’éviter la normalisation de la fonction thrombocytaire, car elle augmente dangereusement
le risque thrombotique chez les malades sous antiplaquettaires. Les patients à risque élevé de thrombose
vasculaire doivent être maintenus dans un état d’hypocoagulabilité volontaire. La transfusion plaquettaire
ne doit pas être prescrite à titre de prophylaxie, mais seulement en fonction du degré d’hémorragie.
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Conclusions
Ces dernières années, la thérapeutique antiplaquettaire a considérablement évolué avec l’arrivée sur le
marché de nouveaux médicaments plus puissants, plus flexibles et moins capricieux que le clopidogrel.
Ces substances sont particulièrement utiles après un syndrome coronarien aigu ou dans la période à
risque après une pose de stents, lorsque l’inhibition plaquettaire doit être très intense. Malheureusement,
il ressort aussi des essais cliniques que le risque hémorragique augmente parallèlement à l’efficacité antiagrégante et à la durée du traitement. L’aggravation des pertes sanguines chirurgicales avec ces nouveaux
agents pousse à être plus restrictif sur leur utilisation en préopératoire.
Les tests de laboratoire pour évaluer la réactivité des thrombocytes ont fait de grands progrès. Lors de
traitement antiplaquettaire, ils ont démontré la présence d’une fenêtre d’inhibition optimale entre le
risque de thrombose, si le blocage est insuffisant, et celui de saignement, s’il est excessif. Mais les études
ont aussi mis en évidence un profond fossé entre les résultats de tests in vitro et le devenir clinique des
patients, largement influencé par la présence d’un syndrome coronarien aigu, par les problèmes
techniques de la revascularisation, par l’instabilité et l’évolution de la coronaropathie, et par les
comorbidités du malade.
Bien que les causes en soient multiples, l’interruption des antiplaquettaires après une revascularisation
coronarienne est la principale origine de la thrombose vasculaire et de la thrombose de stent. Arrêter les
antiplaquettaires, c'est perdre la dernière barrière contre l'accident. L’incidence de ce dernier est d’autant
plus élevée que le délai depuis la revascularisation est plus court ; sa mortalité est en moyenne de 25%.
En périopératoire, le danger de thrombose coronarienne à l’arrêt des antiplaquettaires est en général bien
plus grave que le risque de saignement s’ils sont poursuivis, à l’exception de la chirurgie en espace clos
(crâne, rachis) ou des interventions extrêmement hémorragiques. L’aspirine ne doit donc pas être
interrompue en préopératoire et la bi-thérapie doit être continuée pendant toute la durée de sa
prescription. Les opérations électives sont différées jusqu’à ce que le clopidogrel/prasugrel/ticagrelor
puissent être normalement arrêtés. Les interventions vitales sont pratiquées sous bithérapie, ou sous
substitution avec un antiplaquettaire de courte durée d’action, en respectant autant que possible un délai
de 6 semaines après stents passifs ou pontages aorto-coronariens et de 3-6 mois après stents à élution.
Les interventions mineures présentent évidemment moins de risque que les opérations majeures.
Certaines études récentes démontrent la possibilité de réduire la durée de la bithérapie après pose de
stents actifs de nouvelle génération. Toutefois, ceci ne s’applique pas aux situations à haut risque, ni à la
période opératoire où la probabilité de thrombose est particulièrement élevée.
Les grandes études contrôlées et randomisées sur l’impact des antiplaquettaires sont assez éloignées de la
vraie vie et sont souvent plus encourageantes que les registres ou les séries observationnelles. Leur haut
degré d’évidence ne doit cependant pas masquer leur biais de sélection : la présence d’une forte
proportion de cas simples du point de vue cardiologique et chirurgical donne l’illusion d’un faible risque
périopératoire et peut pousser à la banalisation. Bien qu’observationnelles et souvent rétrospectives, les
séries cliniques sont plus proches de la réalité des anesthésistes ; leur incidence généralement alarmante
de thrombose de stent et de mortalité présente l’immense intérêt de donner l’alerte sur un phénomène
peut-être rare mais toujours catastrophique. Néanmoins, des règles simples ne peuvent pas résoudre
toutes les situations, surtout lorsque celles-ci sont complexes, et les cas particuliers doivent faire l’objet
d’une discussion entre cardiologues, chirurgiens et anesthésistes afin de déterminer la meilleure option
pour chaque malade. Et si ces règles peuvent paraître trop prudentes, c'est qu'il est toujours préférable de
pécher par excès de précaution lorsqu’on ne dispose pas d’évidences cliniques certaines !
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