Recommandations sur le traitement du diabète de type 2

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R E C O M M A N D AT I O N S
Forum Med Suisse 2009;9(3):50–55
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Recommandations sur le traitement du diabète de type 2
Déclaration de consensus de la Société Suisse d’Endocrinologie-Diabétologie
Commentaire d’experts suisses au sujet des recommandations communes de l’ADA (American Diabetes Association) et de l’EASD
(European Association for the Study of Diabetes)
Jacques Philippe, Michael Brändle, Jacques Carrel, Peter Diem*, Ulrich Keller, François Kuntschen, Juan Ruiz,
Matthias Stahl, Benno Weissenberger, Giatgen A. Spinas
Avant-propos
Pour la première fois, les sociétés américaines et
européennes du diabète ont publiés conjointement des recommandations pour le traitement de
l’hyperglycémie chez les patients diabétiques de
type 2. Ces recommandations sont disponibles
sous la forme d’un algorithme pour l’initiation et
l’adaptation du traitement antidiabétique [1, 2].
Un groupe d’experts suisses – composé des cinq
responsables du domaine de la diabétologie dans
les hôpitaux universitaires ainsi que de représentants d’autres hôpitaux régionaux et de praticiens –
résume et commente ci-dessous les recommandations de l’ADA et de l’EASD en les adaptant à
la situation en Suisse.
Les recommandations dans le domaine de la
diabétologie reposent en effet non seulement
sur la médecine factuelle qui a ses limites, mais
aussi sur l’opinion d’experts. Les experts suisses,
par la composition équilibrée de leur groupe, proposent une attitude différenciée des traitements
antidiabétiques.
Ce papier se compose de trois parties. La première partie résume brièvement les recommandations de l’ADA et de l’EASD, la deuxième partie
contient les commentaires suisses. La troisième
partie constitue un complément suisse et parle de
l’éducation du patient.
sur la prévention de complications à long terme
sont insuffisantes. Les effets bénéfiques du traitement paraissent être liés en premier lieu au degré de réduction du taux de glycémie. L’étude
UKPDS [4] a comparé trois classes de médicaments hypoglycémiants (sulfonylurées, metformine et insuline), mais cette étude n’a pas pu démontrer la supériorité d’une thérapie par rapport
aux autres, hormis la metformine pour les complications cardiovasculaires.
Le choix des antidiabétiques repose donc sur leur
efficacité sur le contrôle glycémique et leurs autres effets susceptibles de réduire les complications à long terme, ainsi que sur leur profil de sécurité, leur tolérance et leurs coûts.
Effets non glycémiques des antidiabétiques
Outre les effets sur la glycémie, les antidiabétiques oraux peuvent avoir d’autres effets bénéfiques sur les facteurs de risque cardiovasculaires
tels que sur la pression artérielle et les dyslipidémies. Par ailleurs, il faut tenir compte des effets
susceptibles d’influencer le contrôle de la glycémie à long terme tels que par exemple les variations du poids corporel, l’insulinorésistance ou la
capacité d’insulinosécrétion.
1. Objectifs glycémiques
Plusieurs études effectuées chez les diabétiques
de type 1 et 2 ont contribué à établir des objectifs
glycémiques permettant d’améliorer la prévention des complications à long terme [3–7]. L’objectif glycémique recommandé par l’ADA/EASD
est un taux d’HbA1c <7% chez la plupart des patients, et un taux d’HbA1c le plus proche de la normale (<6%) chez des patients individuels présentant un faible risque d’hypoglycémie.
3. Adaptation des habitudes et du mode de vie
Par une influence positive sur l’hygiène de vie, on
obtient un meilleur contrôle de la glycémie ainsi
qu’une amélioration de la tension artérielle et de
la dyslipidémie. Dans ce contexte, le rôle central
revient à la réduction du poids corporel grâce à
une alimentation équilibrée avec diminution de
l’apport calorique et à une activité physique accrue. La perte de poids étant malheureusement
souvent passagère, les effets bénéfiques de l’adaptation des habitudes de vie sur le contrôle de la
glycémie ne sont généralement pas durables. Les
traitements pharmacologiques de l’obésité ne
peuvent actuellement être recommandés en tant
que traitement primaire du diabète sucré, car il
n’existe pas d’études ayant validé ces traitements
par des critères de morbidité et mortalité.
2. Principes applicables lors du choix
d’un traitement antidiabétique
Les recommandations pour le choix ou l’association d’agents antidiabétiques sont restreintes
parce que les données concernant leur influence
* Peter Diem reçoit du soutien de recherche par: GSK,
Novo-Nordisk, Pfizer, Roche Diagnostics. Advisorypanels,
conférences: GSK, MSD, Novartis, Roche Diagnostics,
sanofi-aventis, Takeda.
I. Résumé des recommandations
de l’ADA et de l’EASD
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4. Médicaments
Le tableau 1 p illustre les propriétés des antidiabétiques oraux actuellement disponibles, avec
leurs avantages et leurs inconvénients. Les nouveaux antidiabétiques seront présentés en détail
dans le chapitre II-4 selon leur disponibilité en
Suisse.
Le choix de la classe de substances dépend de
l’équilibre métabolique. Si l’équilibre métabolique est mauvais (HbA1c >8,5%), il est recommandé d’utiliser un antidiabétique permettant
une réduction plus importante et rapide du taux
de glycémie ou de passer plus rapidement à un
traitement combiné. Par contre, en présence d’un
équilibre métabolique plus proche des valeurs
cibles (HbA1c <7,5%), on considérera aussi des
médicaments moins puissants et/ou plus lents
dans leurs effets hypoglycémiants.
Le diabète de type 2 est une maladie évolutive,
conduisant à une détérioration progressive de
l’équilibre métabolique. L’ajout de médicaments
est la règle.
5. Initiation et adaptation du traitement
A l’exception d’une décompensation hyperglycémique aiguë (hyperglycémie hyperosmolaire
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ou, rarement chez le diabétique de type 2, acidocétose), le traitement doit dans la mesure du possible être initié et adapté en ambulatoire. Une
éducation personnalisée du patient joue un rôle
essentiel dans la prise en charge.
L’autocontrôle glycémique est à adapter individuellement et constitue un outil important pour
le succès thérapeutique, notamment lors de
l’utilisation ou de l’adaptation de la dose de médicaments susceptibles de provoquer une hypoglycémie (sulfonylurées, glinides, insuline). Les
valeurs glycémiques obtenues plusieurs fois par
semaine corrèlent généralement bien avec le taux
d’HbA1c. Lors d’une glycémie à jeun entre 4 et
7 mmol/l, le taux d’HbA1c est généralement lui
aussi dans les objectifs souhaités. Si ce n’est pas
le cas, des contrôles des glycémies post-prandiales doivent être effectués 90 à 120 minutes
après le début des repas. Leurs résultats devraient être <8–10 mmol/l.
Algorithme
L’algorithme thérapeutique proposé par l’ADA/
EASD (non illustré; l’algorithme recommandé en
Suisse sera discuté en détail au paragraphe II)
tient compte des critères thérapeutiques indivi-
Tableau 1. Aperçu des traitements. Les données se réfèrent toujours à la monothérapie.
Interventions
Mécanisme d’action
Mode de vie pour diminuer
le poids et augmenter
l’activité physique
Avantages
Inconvénients
Diminution
de l’HbA1c (%)
Bon marché
Nombreux bénéfices
Effets de courte durée souvent <1 an
1–2
Metformine
Réduction de la production
hépatique de glucose
Absence d’hypoglycémies,
effet neutre sur le poids,
bon marché, effet favorable
sur les complications microet macro-angiopathiques [5]
Troubles gastro-intestinaux
Rarement: acidose lactique
(1–3/100 000 patients-année)
1–2
Sulfonylurées
Stimulation de la sécrétion
endogène d’insuline
Bon marché
Prise de poids, hypoglycémie
(Cave: patients âgés)
1–2
Insuline
Substitution de l’insuline
Le plus efficace, pas de limite
de dose, bon marché,
amélioration du profil lipidique
Injections, auto-contrôles, hypoglycémies,
prise de poids, formations nécessaires
1,5–3,5
Thiazolidinédiones (TZD)
Modulation du PPARg.
Réduction de l’insulinorésistance
des cellules musculaires,
adipeuses et hépatiques
Réduction de l’insulinorésistance
Effets bénéfiques sur le profil
lipidique (pioglitazone)
Rétention hydro-sodée,
prise de poids, risque d’insuffisance
cardiaque et de fracture, prix élevé
0,5–1,4
Analogues du GLP-1
(exenatide)
Stimulation de la sécrétion
d’insuline lors d’une augmentation
de la glycémie
Perte de poids, absence
d’hypoglycémies
Injections s.c., effets gastro-intestinaux
fréquents, peu d’expérience à long terme,
prix élevé; rares cas de pancréatite
Peu d’expérience à long terme, prix élevé
0,5–1,0
Gliptines (sitagliptine,
vildagliptine)
Inhibition de la DPP-IV,
Effets neutres sur le poids,
ainsi dégradation réduite du GLP-1
absence d’hypoglycémies
et du GIP, donc stimulation indirecte
de la sécrétion d’insuline
Administration 2 à 3 x / jour, prix élevé
0,5–0,8
Glinides
Stimulation de la sécrétion
endogène d’insuline
Durée d’action courte
Effets gastro-intestinaux fréquents,
prise 3 x / j, prix élevé, effet modeste
1–1,5
Inhibiteurs des
a-glucosidases
Retardement de l’absorption
de glucose. Réduction de
l’hyperglycémie post-prandiale.
Contrôle de l’appétit,
réduction de l’apport calorique
Effets neutres sur le poids
Effets de courte durée souvent <1 an
0,5–0,8
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duels, des effets synergiques de traitements associés et des coûts du traitement. L’objectif des
traitements est d’atteindre aussi rapidement que
possible et de maintenir des taux de glycémie normaux.
L’adaptation du mode de vie constitue la base de
tout traitement du diabète de type 2. Les patients
présentant un syndrome métabolique doivent
par conséquent être conseillés et suivis par des
professionnels compétents (infirmière en diabétologie, diététicienne, psychologue). Sachant que
la mise en œuvre des adaptations du comportement est généralement difficile, on utilise la metformine à la période initiale en l’absence de
contre-indications. Cette mesure thérapeutique
permet de réduire l’hyperglycémie sans entraîner de prise de poids ou d’hypoglycémie. La dose
de metformine doit être augmentée progressivement pour atteindre la dose maximale tolérée en
l’espace d’un à deux mois (environ 2 g/jour en
2–3 prises).
Début avec de l’insuline NPH avant le
coucher ou avec un analogue de longue
durée d’action avant le coucher ou le matin.
Début par ex. avec 10 U ou 0,2 U/kg.
Glycémie à jeun chaque jour; augmentation
de la dose de 2 U tous les 3 jours jusqu’à
obtention de la valeur cible de 4 à 7 mmol/l.
Lors d’une glycémie à jeun >10 mmol/l:
augmentation de 4 U tous les 3 jours.
Lors d’une glycémie à jeun
<5 mmol/l ou lors d’hypoglycémies: réduction de la dose
d’insuline administrée avant le
coucher de 2 U ou de 10%,
si la dose d’insuline est >60 U.
HbA1c 97,0%
au bout de 2 à 3 mois
Oui
Non
Si la glycémie à jeun est de 4 à 7 mmol/l, contrôle
de la glycémie à midi, le soir et avant le coucher.
Début avec une insuline rapide (env. 4 U),
augmentation de 2 U tous les 3 jours.
Schéma inchangé,
contrôles du taux
d’HbA1c tous
les 3 mois.
Taux de glycémie
excessif à midi:
ajout d’insuline
rapide avant le
petit-déjeuner.
Taux de glycémie
excessif le soir:
ajout d’insuline
basale le matin
ou d’insuline
préprandiale
avant le déjeuner.
Taux de glycémie
excessif avant le
coucher: ajout
d’insuline rapide
avant le dîner.
Oui
HbA1c 97,0%
au bout de 2 à 3 mois
Non
Contrôle du taux de glycémie avant
les repas; éventuellement administration d’injections supplémentaires
d’insuline. Si le taux d’HbA1c reste
élevé, contrôle des valeurs postprandiales et augmentation des doses
d’insuline préprandiales correspondantes.
Figure 1
Algorithme de l’ADA/EASD pour l’initiation et l’adaptation d’une insulinothérapie.
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Si cela ne suffit pas pour atteindre les valeurs
cibles d’HbA1c, il faut adapter le traitement médicamenteux. En présence de taux d’HbA1c >8,5%
ou de symptômes d’hyperglycémie, l’utilisation
d’insuline basale permet le plus efficacement de
réduire le taux de glycémie. Sinon, les opinions
divergent sur la classe thérapeutique (insulines,
sulfonylurées, glitazones) à utiliser en deuxième
intention. La posologie de l’insuline doit être
adaptée aux valeurs de la glycémie. Se reporter
à la figure 1 x pour des informations plus détaillées.
Plusieurs méta-analyses publiées récemment ont
mis en question la sécurité de la rosiglitazone
par rapport au risque d’infarctus du myocarde.
L’augmentation de 30 à 40% du risque potentiel
est basée sur des données pas encore définitives;
elle a néanmoins conduit à la recommandation
de ne pas utiliser la rosiglitazone chez des patients avec une maladie coronarienne, particulièrement en association avec l’insuline. En outre, aussi bien la rosiglitazone que la pioglitazone
sont associées à la survenue d’une insuffisance
cardiaque (risque augmenté 2 fois) et de fractures, particulièrement chez la femme.
Lors d’une association de plusieurs classes de
substances, il convient de considérer les avantages, les synergies et les interactions entre les
différentes classes. Lors d’une association d’insuline et glitazone, on tiendra compte du risque
accru de rétention liquidienne et d’ischémie cardiaque.
Traitement hors de l’algorithme
Les complications métaboliques aiguës (cétonurie avec des taux de glycémie à jeun >14,0 mmol/l,
glycémie non à jeun >16,0 mmol/l), avec HbA1c
>10% et symptômes d’hyperglycémie (polyurie,
polydipsie et perte de poids) exigent une utilisation rapide d’insuline. Dans ces situations, il faut
envisager un diabète de type 1 ou un diabète de
type 2 avec déficit important d’insuline. Dans ce
dernier cas, on songera à évaluer le retour aux
antidiabétiques oraux après normalisation du
métabolisme et de la situation clinique.
II. Commentaires du groupe d’experts
suisses au sujet des recommandations
de l’ADA et de l’EASD
1. Objectifs glycémiques
Un taux d’HbA1c >7% indique généralement un
besoin d’agir et suggère qu’il faut commencer un
traitement ou modifier le traitement en cours.
Chez les patients à faible risque d’hypoglycémie,
nous recommandons de viser des taux d’HbA1c
inférieurs à 6,5%. Deux nouveaux articles portant
sur des patients présentant un risque cardiovasculaire accru révèlent qu’une baisse trop agressive de la glycémie (valeur cible: HBA1c <6%) a entraîné l’augmentation non seulement du risque
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d’hypoglycémie, mais aussi de la mortalité cardiovasculaire (étude ACCORD [9] et étude VADT
[non significative, non publiée]). Cet objectif n’est
donc pas souhaitable ou praticable chez tous les
patients. Une appréciation clinique sur la base
des avantages et inconvénients potentiels d’un
traitement intensifié reste nécessaire pour chaque
patient. Dans ce cadre, on tiendra compte en particulier de facteurs tels que l’espérance de vie, le
risque d’hypoglycémie et les comorbidités.
2. Principes applicables lors du choix d’une
intervention visant le contrôle glycémique
Les antidiabétiques seuls ou associés doivent être
évalués principalement sur la base du taux individuel d’HbA1c et de leurs contre-indications. Par
ailleurs, on tiendra compte des effets indésirables
spécifiques et des coûts. Sur le plan clinique, ce
seront surtout les différents effets des agents antidiabétiques sur le poids corporel qui joueront
un rôle.
3. Adaptation des habitudes et du mode de vie
L’adaptation des habitudes de vie est une mesure
thérapeutique essentielle chez tout diabétique de
type 2. Elle doit être initiée dès le diagnostic d’un
diabète sucré et ne pas être abandonnée au cours
du suivi. L’adaptation des habitudes inclut un apport calorique réduit dans le cadre d’une alimentation saine et équilibrée ainsi qu’un exercice
physique régulier (au moins 150 minutes par semaine, réparties sur au moins 3 jours, idéalement
sur 5 à 7 jours), pour atteindre une réduction d’au
moins 5 à 10% du poids corporel initial [9, 10].
Ces mesures permettent initialement une nette
amélioration de la glycémie et une réduction de
l’HbA1c qui peut aller jusqu’à 2% [4]. L’adaptation
du mode de vie a des effets bénéfiques non seulement sur la glycémie, mais aussi sur les facteurs
de risque cardiovasculaires souvent présents
chez ces patients (hypertension, dyslipidémie).
La mise en œuvre pratique de ces recommandations étant souvent difficile, nous recommandons
des programmes complets pour la réduction nonchirurgicale du poids et la promotion des activités
physiques. Les différentes mesures d’adaptation
des habitudes ne permettent que chez 10 à 20%
de tous les diabétiques de type 2 un contrôle adéquat durable de la glycémie [11]. Par conséquent,
il faut y ajouter suffisamment tôt un traitement
médicamenteux.
4. Médicaments
Antidiabétiques établis
Les médicaments les plus souvent utilisés en
Suisse sont la metformine et les sulfonylurées
qui constituent le traitement combiné de base chez
la plupart des patients. Les inhibiteurs de l’a-glucosidase et les glinides sont rarement utilisés.
Le profil de sécurité cardiovasculaire des glitazones, étudié dans plusieurs méta-analyses publiées récemment, ne peut pas encore être éva-
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lué définitivement. Les glitazones restent des médicaments de 2e choix, exigeant une stricte prise
en compte de leurs contre-indications. La rosiglitazone est contre-indiquée actuellement chez les
patients avec maladie coronarienne. L’insuline
peut être utilisée à tout moment, sans aucune
contre-indication.
Nouveaux antidiabétiques
Les analogues du glucagon-like peptide 1, les
gliptines et les inhibiteurs des récepteurs cannabinoïdes (rimonabant) seront en outre abordés ici
en tenant compte du marché suisse.
Selon le tableau 1, les «nouveaux» antidiabétiques tels que les gliptines ou analogues du GLP-1
n’ont pas d’avantage sur la réduction du taux
d’HbA1c comparé aux antidiabétiques «traditionnels», avec la limitation due aux différences des
schémas d’étude (comme par ex. valeur initiale
du taux d’HbA1c, médications concomitantes, durée du diabète).
Analogues des glucagon-like peptides: le glucagon-like peptide 1 (GLP-1) est synthétisé par les
cellules L de l’intestin grêle. Il stimule la sécrétion
d’insuline lors d’une augmentation de la glycémie
après un repas. L’exenatide présente une structure apparentée au GLP-1 humain, mais se distingue par une demi-vie plus longue. La substance est injectée 2 fois par jour par voie
sous-cutanée. L’exenatide baisse le taux d’HbA1c
de 0,5 à 1,0%, notamment en réduisant la glycémie postprandiale. En outre, l’exenatide inhibe la
sécrétion de glucagon et retarde la vidange gastrique, ne provoque pas d’hypoglycémie, mais est
souvent associée à des effets indésirables gastrointestinaux tels que nausées, vomissements et
diarrhées (dans 30 à 45% des cas au début du
traitement). Dans les études cliniques, l’exenatide a provoqué une perte de poids de 4 à 5 kg sur
2 ans. En Suisse, l’exenatide (Byetta®) est homologuée pour une utilisation en association avec les
sulfonylurées et/ou la metformine chez des patients avec un BMI 028 kg/m2.
Gliptines: les gliptines sont des inhibiteurs oraux
de la DPP-4 (dipeptidyl peptidase IV), une enzyme
responsable de la dégradation du GLP-1 et du GIP
(glucose-dependent insulinotropic peptide). Ces
agents augmentent ainsi les taux plasmatiques de
GLP-1 et de GIP. La réduction moyenne du taux
d’HbA1c est de 0,7%. Les gliptines ont peu d’effets
indésirables connus. Januvia® (sitagliptine) et Galvus® (vildagliptine) sont commercialisés en Suisse.
Les inhibiteurs de la DPP-4 n’ont pas d’effet sur
le poids corporel. Le traitement aux analogues du
GLP-1 ou aux gliptines offre une alternative aux
traitements classiques lorsqu’ils ne sont plus assez efficaces ou qu’ils sont mal tolérés. En raison
des incertitudes au sujet de la sécurité à long
terme, ces agents ne doivent être considérés
qu’en 2e ou 3e intention.
Rimonabant: le contrôle de l’apport alimentaire et
de la composition du corps sont influencés entre
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autres par le système endocannabinoïde. En tant
qu’antagoniste du récepteur cannabinoïde de
type 1, le rimonabant agit sur le centre hypothalamique du contrôle de l’appétit et réduit l’apport
calorique; il pourrait aussi augmenter la lipolyse.
Dans l’étude RIO Diabetes, le rimonabant a permis une réduction du poids de 3,9 kg sur une année et une amélioration du profil lipidique. Par
rapport à la valeur initiale de 7,3%, le taux
d’HbA1c a pu être réduit en moyenne de 0,6%. Les
effets indésirables sont les nausées (12%) et des
troubles anxieux (1,0% vs 0.3% sous placebo) et
dépressifs (3,0% vs 1.3% sous placebo).
Le rimonabant a été retiré du marché suisse et
mondial pour ses effets secondaires (anxiété, dépression).
5. Initiation et adaptation du traitement
Notre algorithme est basé sur les recommandations
de l’ADA/EASD. De plus, il contient les nouvelles
classes qui sont intéressantes car elles sont neutres
ou elles diminuent le poids corporel et le risque
d’hypoglycémie est réduit ou absent (fig. 2 x). Les
modifications suivantes ont été apportées:
En deuxième intention après la metformine, nous
recommandons en principe des sulfonylurées ou
de l’insuline basale. En cas d’insuffisance rénale,
Etape 1
Modification du mode
de vie plus metformine
Etape 2
(ou 1re intention
en cas d’intolérance
à la metformine)
HbA1c >7%
Ajouter:
sulfonylurée
(ou glinide*)
HbA1c >8,5%
Pour des situations
spéciales**
glitazone ou
gliptine ou analogue
du GLP-1
HbA1c >7%
Ajouter:
Glitazone ou
gliptine ou
analogue du GLP-1
Ajouter:
Sulfonylurée
HbA1c >7%
Symptômes d’une hyperglycémie/décompensation
+
Ajouter l’insuline basale
(le plus efficace)
HbA1c >7%
Insulinothérapie intensifiée
Figure 2
Schéma suisse pour le traitement du diabète de type 2:
+ Approche éprouvée;
* surtout en cas d’insuffisance rénale;
** en cas de risque d’hypoglycémie, d’insuffisance rénale, d’insulinorésistance sévère, ou pour
empêcher une prise de poids (voir tableau 1 pour plus de détails).
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les glinides (repaglinide) peuvent être données en
tant qu’alternative aux sulfonylurées. Les glitazones sont recommandées dans des situations
spéciales (par ex. insulinorésistance sévère, risque
d’hypoglycémie) en deuxième intention après la
metformine. A la même place peuvent être utilisées les gliptines ou les analogues du GLP-1 (surtout pour empêcher une prise de poids).
S’il faut intensifier un traitement associant metformine et sulfonylurée, on a le choix – outre l’administration d’insuline – entre les glitazones et
tous les nouveaux antidiabétiques.
Algorithme pour l’initiation et l’adaptation
d’une insulinothérapie
Algorithme simplifié et souvent utilisé en Suisse
(selon le principe treat-to-target) avec une insuline basale:
– Début avec 10 U ou 0,2 U/kg, injection une fois
par jour (en Suisse on commence plus souvent
par 10 U que par 0,2 U/kg par jour).
– Mesure quotidienne de la glycémie à jeun et
calcul hebdomadaire de la moyenne glycémique
des trois derniers jours.
– Si la moyenne est entre 5 et 7 mmol/l: aucune
modification de la dose d’insuline.
– Si la moyenne est entre 7 et 9 mmol/l: + 2 U
d’insuline basale.
– Si la moyenne est entre 9 et 11 mmol/l: + 4 U
d’insuline basale.
– Si la moyenne est entre 11 et 13 mmol/l: + 6 U
d’insuline basale.
– Si la moyenne est supérieure à 13 mmol/l: + 8
U d’insuline basale.
– Si la moyenne est inférieure à 5 mmol/l (risque
d’hypoglycémie): – 2 U d’insuline basale.
Si après titration de l’insuline basale les taux de
glycémie préprandiales restent élevés (>8 mmol):
ajouter un analogue d’insuline rapide (Humalog®, Novorapid® ou Apidra®) avant les repas
principaux (par ex. 3 fois par jour):
– Début avec 4 U préprandial.
– Augmenter la dose au cours du traitement si
les taux de glycémie préprandiales sont:
– >11 mmol/l: + 3 U
– 8–11 mmol/l: + 2 U
– >5,5 – <8 mmol/l: pas de titration supplémentaire
III. Education du patient
(patient empowerment)
Généralités
L’éducation du patient est un élément essentiel du
traitement antidiabétique. Dans le cadre de l’éducation du patient, on distingue deux façons de procéder: l’éducation individuelle et l’éducation en
groupe. Pour être efficace, elle doit être faite par
des professionnels disposant d’une formation
spécifique dans ce domaine. Cette mesure doit
aider le patient à gérer lui-même sa maladie et son
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traitement dans la vie quotidienne et à collaborer
utilement avec les autres partenaires du système
de santé. Elle nécessite une approche globale de
la prise en charge du patient. Ce réseau de santé
doit inclure au moins un médecin, une infirmière
et une diététicienne, ainsi que pour certains patients un psychologue et un psychothérapeute.
Objectif de l’éducation des diabétiques de type 2:
permettre au patient et à son entourage l’acquisition de compétences spécifiques (OMS, L’éducation thérapeutique du patient, 1998).
Liste des principales compétences
conformément au groupe de travail de l’OMS
– Connaître les objectifs thérapeutiques (taux de
glycémie, tension artérielle, poids corporel,
etc.) pour la gestion du traitement
– Connaître les buts du traitement
– Adapter l’alimentation aux propres besoins
spécifiques
– Appliquer quotidiennement son propre traitement
– Pratiquer régulièrement un exercice physique
suffisant
– Identifier et corriger les épisodes d’hypoglycémies par une prise d’au moins 15 g d’hydrate
de carbone
Pour plus de détails, consultez http://www.who.int/
diabetesactiononline/en/index.html
Conclusions/
Recommandations en résumé
La prévalence du diabète de type 2 a énormément
cru ces dernières années et entraîné une augmentation considérable des souffrances de la population et des coûts de la santé. La prévention
doit par conséquent rester un objectif prioritaire
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pour le médecin de premier recours. En Suisse,
le dépistage et le traitement incombent principalement aux médecins de premier recours, dans le
cadre d’une prise en charge pluridisciplinaire
avec les diabétologues, les infirmières et diététiciennes en diabétologie.
Les Recommandations pour une bonne pratique
clinique soulignent l’importance:
– d’obtenir et maintenir des valeurs glycémiques proches de la norme,
– de débuter le traitement par une attitude motivationnelle pour responsabiliser le patient: qu’il
change son style de vie, augmente sa dépense
énergétique, adapte son régime alimentaire et
prenne régulièrement ses médicaments,
– lorsque les buts de traitement ne sont pas
atteints, proposer rapidement un traitement
médicamenteux combiné.
Composition du groupe d’experts
– Michael Brändle, Endocrinologie/diabétologie,
Kantonsspital St. Gallen
– Jacques Carrel, Médecine générale, Fribourg
– Peter Diem, Endocrinologie/diabétologie,
Inselspital Bern
– Ulrich Keller, Endocrinologie/diabétologie,
Universitätsspital Basel
– François Kuntschen, Endocrinologie/diabétologie,
Monthey
– Jacques Philippe, Endocrinologie/diabétologie,
Hôpitaux Universitaires de Genève
– Juan Ruiz, Endocrinologie/diabétologie,
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
– Giatgen A. Spinas, Endocrinologie/diabétologie,
Universitätsspital Zürich
– Matthias Stahl, Endocrinologie/diabétologie,
Kantonsspital Olten
– Benno Weissenberger, Médecine interne, Basel
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et est sous la responsabilité des auteurs.
Références
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Correspondance:
Prof. Jacques Philippe
Chef de Service
Service d’endocrinologie,
diabétologie et nutrition
24, rue Micheli-du-Crest
CH-1205 Genève
[email protected]
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