LE TRAUMATISE GRAVE Particularités et contraintes de la prise en charge pré-hospitalière Définition du traumatisé grave • Définition ancienne : le polytraumatisé – Deux lésions ou plus dont une au moins menace le pronostic vital Traumatisé grave (ou « polytraumatisé ») Patient qui a souffert d’un traumatisme violent quelles que soient les lésions apparentes 1 Critère de Vittel = traumatisé grave Examen initial du patient Glasgow < 13 SaO2 < 90% Pression artérielle systolique < 90 mmHg Circonstances de l’accident Victime éjectée – projetée - écrasée Décès dans l’accident Chute > 6m – explosions - blast Prise en charge préhospitalière Lésions observées ou suspectées Caractéristiques du patient Ventilation assistée Remplissage > 1000 mL Catécholamines Trauma pénétrant – volet thoracique – trauma bassin Amputation de membre – ischémie aiguë de membre Brûlure – suspicion de lésion médullaire Age > 65 ans Grossesse au 2ème et 3ème trimestre Tares associées Mise au point statistique indispensable sur la mortalité des traumatisés grave • Distribution bimodale de la probabilité de survie – Hétérogénéité de la probabilité individuelle de survie (Ps) • 3 groupes de Ps : haute – intermédiaire - faible • Le % global de survie est un reflet inadéquat de la Ps individuelle – Influence majeure • sur le nombre de patients nécessaires et donc le risque de statistique de type II • la puissance des études réalisées est largement surestimée Riou B et al. Anesthesiology 2001;95:56-63 Les systèmes de soins pré-hospitaliers Traumatisé grave SYSTEME D’ALERTE Aucun soins Soins Basiques (BLS-EMS) Politique régionale/nationale Facteurs socio-économiques Avis d’experts locaux Histoire et culture Soins Spécialisés (ALS-EMS) Infirmiers « paramedics » Hôpital de proximité ? Centre Hospitalier de référence « Trauma Center » Médecins « physicians » Soins pré-hospitaliers du traumatisé grave médicalisés spécialisés ou basiques ? « Golden Hour » Hypothèses: - Les soins médicaux de la la morbidité et la mortalité. « Scoop and Run » Hypothèses: 1ère heure améliorent - Le traitement rapide des détresses vitales et la stabilisation du patient sont déterminants. - L’accès rapide à un hôpital spécialisé améliore la morbidité et la mortalité. - La chirurgie rapide est déterminante. - Les gestes pré-hospitaliers sont restreints Probable pour - L’asphyxie et l’hypoxie. - Le traumatisme crânien - La « golden hour » doit être hospitalière. Probable pour - L’hémorragie. - Le traumatisme pénétrant Aucun système n’a fait la preuve de sa supériorité en terme de morbidité et mortalité du traumatisé grave Que reste t-il de la « golden hour » à la phase pré-hospitalière ? T=0 Alerte Activation des secours Période sans soins Arrivée des secours Pompiers SMUR Quand meurt le traumatisé grave ? Quelle mortalité est évitable ? Quels soins sont réalisables ? Quelle morbidité attribuable ? Quel délai est raisonnable ? Dégagement de la victime ? T=60 min Traumatisé grave: quand meurt-il ? Traumatismes vasculaires majeurs (thorax) Traumatismes crâniens gravissimes 50% de 0 à 1h Mort évitable ? 30% de 1 à 24h Hémorragie HTIC Sepsis SDMV 20% tardivement (>24h) Sauaia A et al., J Trauma 1995;38:185-93 Quelles sont les causes de décès évitables chez les traumatisés graves ? • Sur 13 500 dossiers : 12% des décès évitables Cause évitable (trauma fermés uniquement) % Délai avant chirurgie trop long 40% Erreur de réanimation 52% Erreur technique 38% Cayten CG et al. Ann Surg 1991;214:510-20 • Sur 35 311 admissions dans un « trauma center level I » • 2 081 décès (6%) dont 51 (3%) étaient évitables ou potentiellement évitable Evènement évitable (75% de trauma fermés) % Syndrome hémorragique 40% Défaillance multiviscérale 28% Défaillance de la prise en charge observée Retard de prise en charge 53% Lésion non diagnostiquée ou erreur diagnostic 34% Texeira PG et al. J Trauma 2007;63:1338-47 Les problèmes de la prise en charge initiale du traumatisé grave Problème Effet possible sur la prise en charge Anamnèse imprécise Manque d'informations (inconscience ou anamnèse floue) Sous estimation de l’importance du mécanisme lésionnel Lésions invisibles (trauma fermés) Retard de diagnostic avec mise en jeu possible du pronostic vital ou masquées Sous estimation des lésions Erreurs techniques Mauvais placement de voie veineuse, de sondes... Iatrogénie et allongement du délai de prise en charge Difficultés environnementales Difficultés de réalisation des gestes techniques Examen clinique complet extrêmement difficile Procédure de dégagement du traumatisé Iatrogénie et allongement du délai de prise en charge Manque d'expérience des réaction inadaptée, panique, inefficacité intervenants erreurs d'interprétation des signes cliniques Les 4 étapes de la prise en charge pré-hospitalière du traumatisé grave 1. Reconnaître et traiter les détresses vitales Objectifs - 3 détresses intriquées - aller à l’essentiel en hiérarchisant Eviter le décès immédiat 2. Examen clinique et gestes complémentaires Objectifs - Stopper ou limiter le saignement - Limite les ACSOS Éviter l’aggravation des lésions 3. Bilan et orientation vers l’hôpital adapté Objectifs - Damage control ou centre spécialisé - Optimiser l’accueil hospitalier Diminuer la mobidité et la mortalité 4. Transport médicalisé et continuité des soins Objectifs - Ne pas perdre de temps Diminuer la mobidité et la mortalité 1. Traiter les détresses vitales Le chef d’équipe expérimenté hiérarchise les tâches Intubation – ventilation – sédation d’indication large +++ • Détresse Respiratoire – Pneumothorax – hémothorax – contusion pulmonaire – oxygénation - décompression à l’aiguille – Drainage à l’hôpital • Détresse circulatoire – – – – Hémorragie gestes d’hémostase – remplissage monitorage fiable pantalon anti-G, autotransfusion • Détresse neurologique – Traumatisme cranien – score de Glasgow < 8 2. L’examen clinique est difficile • diagnostic d’un traumatisme abdominal : pile ou face ? – 75% de non diagnostic et 45 % d’examens cliniques douteux – Sensibilité 57% Schurink GW et al. Injury 1997;4:261-5 • pourquoi ? – circonstances peu favorables à l’examen clinique – lésions multiples toutes douloureuses – coma - lésion médullaire - sédation – analgésie • mais il reste indispensable pour – – – – – Pneumothorax suffocant = exsufflation à l’aiguille Neurologique (pupilles - glasgow) Vasculaire (ischémie aiguë) Orthopédique (fractures ouvertes) … Objectifs : évoquer un diagnostic et alerter les équipes hospitalières 2. Les gestes complémentaires 1. Sécuriser, vérifier et compléter ce qui a été réalisé - intubation - voies veineuses - sédation et analgésie Corriger les erreurs techniques 2. Commencer la lutte contre la triade létale et les ACSOS - Hypothermie – acidose - coagulopathie - Hypoxie – hypercapnie - Mannitol - Contrôler le remplissage – Noradrénaline - Antibiothérapie IV Éviter l’aggravation des lésions 3. Monitorage supplémentaire simple - CO2 expiré toujours - Hémoglobine - CO - Température – glycémie capillaire Surveiller et évaluer la stabilité 4. Si on a le temps - Sonde gastrique par la bouche Améliorer la ventilation pulmonaire Il ne faut pas retarder le transport vers l’hôpital +++ 3. Bilan et orientation du traumatisé grave La prise en charge dans un hôpital spécialisé (« Trauma Center I») améliore le pronostic du traumatisé grave Nathens AB et al. JAMA 2001;285:1164-71 Apprécier la gravité du patient PAS, GCS, SpO2 Circonstances De l’accident Hôpital spécialisé « Trauma Center I» Prise en charge pré-hopsitalière Lésions observées ou suspectées Terrain - Chirurgie cardiaque - SOS Main – chirurgie de réimplantation - Salle d’opération ouverte 24h/24 - Anesthésiste réanimateur sur place 24h/24 - Scanner ouvert et technicien sur place 24h/24 - Radiologie interventionnelle et IRM - Hémodialyse disponible 24h/24 - Admissions de patients grave > 240/an - Programme de formation des internes et Staff médical - Programme de formation à l’ATLS - Activité de recherche - Actions régionales de FMC 4. Le transport du traumatisé grave doit associer rapidité et sécurité • Ambulance, hélicoptère, avion… – – – – En fonction de la zone rurale ou urbaine En fonction des distances à parcourir En fonction des zones d’atterrissage En fonction des budgets alloués • Continuité des soins – Contraintes d’espace et de matériel • Alerte et information des équipes hospitalières – Tenir informé de tout changement dans la situation – Tenir informé de l’heure d’arrivée Lockey DJ Resuscitation 2001;48:5-15 Liberman M et al. Curr Opin Crit Care 2007;13:691-6 Les principaux gestes pré-hospitaliers • Contraintes pré-hospitalières • Environnement : accessibilité, espace, lumière, risques additionnels… • Matériel : quantité, qualité • Temps : ne pas retarder l’admission à l’hôpital Voie veineuse périphérique - augmente très peu le temps de prise en charge (<15 min) - taux de succès très élevé - est indispensable +++ Gestes hémostatiques - Pansements compressifs - sutures - Pantalon anti-G Drainage thoracique - Quand échec de l’exsufflation et asphyxie - morbidité non nulle et réalisation longue Intubation oro-trachéale - Difficulté augmentée en pré-hospitalier - échec plus fréquent - temps de réalisation augmenté - matériel et aide disponible limités Quel matériel d’intubation difficile ? Quelle formation des médecins ? Quel secours en cas d’échec ? Apprécier la gravité du patient Pression art. systolique 76% 25% 25 13% <65 75 65-90 PAS (mmHg) <90 Mortal i té (%) 50 0 Score de Glasgow 75 62% Mortal i té (%) Mortal i té (%) 75 SpO2 50 27% 25 7 0% 50 35% 27% 25 13% 4% 5% 0 <80 80-90 SpO2 (%) >90 0 3 4-8 9-12 13-14 Score de Glasgow 15 Les risques du drainage aveugle sont importants et graves Les risques du drainage aveugle sont importants et graves Une cause de décès évitable… Etat de choc : le défi du temps… Choc hémorragique Réponse neuro-humorale sympathique Lésions traumatiques Hypothermie Transfusion massive Redistribution macrovasculaire Facteur tissulaire Hypoperfusion - rein - hépatosplanchnique Troubles de l’hémostase - CIVD - microthromboses Ischémie - Reperfusion Activation leucocytaire altérations mvasculaires - oedeme tissulaire - ICAM, VCAM - mthromboses - radicaux libres de l’O2 Médiateurs de l’inflammation - TNF a - IL-1, IL-6 - IFN g Dysfonction endothéliale Hyporéactivité vasculaire Vasodilatation Maldistribution macrovasculaire Dysoxie tissulaire Défaillance multiviscérale Altération de la réponse immunne La spirale infernale des défaillances démarre immédiatement Défaillance hémodynamique Défaillance de l’hémostase Défaillance myocardique Hypothermie Acidose Hémodilution Consommation de facteurs Hypocalcémie Défaillance immunitaire Défaillance endothéliale La coagulopathie est un facteur indépendant de mortalité McLeod JBA et al., J Trauma 2003;54:1127-30 30 à 40% des traumatisés graves ont une coagulopathie à l’admission Trauma thorax Trauma crânien Trauma bassin Hypothermie Acidose Hémodilution Perte de facteurs Consommation de facteurs Hypocalcémie Les pièges du traumatisé grave La non maîtrise du temps qui passe peut induire des retards et délais dans le diagnostic et la prise en charge Sous estimer les lésions et leur gravité mal apprécier l’instabilité du patient conduit vers l’irréversibilité du choc Les 10 commandements du traumatisé grave 1. le temps est ton ennemi n°1 2. jamais le temps perdu tu ne rattraperas 3. les détresses vitales tu dois contrôler 4. la stabilité ou non tu dois rapidement évaluer 5. l’accès (fémoral) artériel et veineux poser tu dois 6. 15 min tu as pour le premier bilan (radio-écho) 7. sous estimer et oublier les lésions tu ne dois pas 8. du bilan initial le scanner ne fait pas partie 9. la coagulopathie rechercher tu dois 10. d’une équipe entraînée et disponible tu as besoin Traumatismes du thorax • Quelles lésions ? – contusion pulmonaire 60% – pneumothorax 25% – contusion myocardique 20% • La radiographie du thorax – 30% des pneumothorax ne sont pas visibles • La tomodensitométrie = examen clé – diagnostic - quantification - élément de comparaison contusion pulmonaire = réanimation longue + complications fréquentes + syndrome restricitif important et durable Traumatismes abdominaux • Imagerie d’urgence indispensable – échotomographie – tomodensitométrie si le patient est stable • Quels sont les organes touchés ? Trauma fermés – rate – foie – rétropéritoine – diaphragme – reins – tube digestif – pancréas 45 - 50% 30 - 35% 15 - 20% 6 -15% 5 - 10% 5 -10% 1-3% Trauma pénétrants - grêle 48% - colon 28% - foie 16% - rate 12% - estomac 11% - rein 8% - vessie 7%