L`Homo Oeconomicus dans l`idéologie du monde

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Conjoncture et Décisions
Bernard Biedermann
http://theoreco.com
L’Homo Oeconomicus dans l’idéologie du monde
Octobre 2012
Mots clés : Homo Oeconomicus ,Pascal Bruckner,Denis Kessler, Philippe Dessertine, Pierre-Cyrille Hautcoeur, Henri
lefebvre, Idéologie, rationnalité économique, publicité, urbanisme, sécurité.
L’Homo Oeconomicus dans l’idéologie du monde
Le domaine de l’économie est par excellence celui de l’interdépendance. Interdépendance
interne, (prix, consommation, production, emploi, taux d’intérêt, épargne,…),
interdépendance externe (géographie, climat, institutions politiques, progrès technique,
équilibre en politique international,…). Dans cet article nous proposons de manière très
concise de considérer l’environnement de l’homo oeconomicus comme une idéologie
limitée aux influences qu’il subit dans ses décisions de travailleur, de consommer et
d’épargner ;C'est-à-dire, tout ce qui vient de l’extérieur, joue sur ses décisions d’optimisation
de son niveau de satisfaction et contribue à ce que l’on appelle le mode de vie.
Nous nous inspirons de la formule, d’Henri Lefebvre issue de « La vie quotidienne dans le
monde moderne ,1968 », « la publicité prend l’importance d’une idéologie. C’est l’idéologie
de la marchandise ».
Mais si l’on souhaite une vertu explicative, du point de vue de l’économiste, on devra
simplifier et se limiter à quelques ascendants idéologiques. Nous en suggérons quatre :
-
Le comportement d’athée
La sécurité tous azimuts
Les injonctions paradoxales
Le nomadisme géographique et virtuel
Le comportement d’athée
Dans l’Euphorie perpétuelle, Pascal Bruckner explique en substance, que l’homme moderne
adopte un comportement d’athée. Lorsque la religion est une idéologie forte, l’individu
pense que tout ce qui lui arrive résulte des décisions venant de (ou des) dieux. Aujourd’hui,
dans les sociétés occidentales la majorité des individus, même s’ils reconnaissent leur
appartenance à une religion, se comportent comme si le paradis n’était plus la « solution »
ou la « compensation » de ce qu’il leur arrive de négatif sur terre. Ils doivent donc être
heureux avant de mourir ; ils en sont libres et cet objectif passe par la réussite matérielle.
Nous ne sommes plus au moyen âge, l’espérance de vie a été multipliée par deux. L’homo
œconomicus doit en quelque sorte planifier sa vie, que ce soit de manière collective ou
individuelle. Associée à l’esprit individualiste, la réussite matérielle engendre des classes
sociales voire des castes lorsqu’elles sont pérennes. Cette projection dans le temps se
concrétise par une nécessité d’éviter tout ce qui peut rapprocher de la mort : guerres,
maladies, pauvreté, accidents, en choisissant des actes économiques sécurisés.
La sécurité tous azimuts
A l’occasion d’une conférence organisée par l’Association des Journalistes Economiques et
Financiers, Denis Kessler démontre que plus de la moitié de la valeur du PIB de nos
systèmes économiques et plus ou moins directement liée à la sécurité prise dans son sens
le plus large.
Défense nationale, polices, assurances, cotisation chômage, santé pour lesquels le motif de
sécurité est primordial .Dans les produits et service la part des composants , caractéristiques
et fonctionnalités de sécurité est considérable comme dans l’automobile, l’électroménager,
l’alimentaire ,les produits de lutte contre le vol, l’aménagement des routes , les
signalisations urbaines sans oublier la presse spécialisée et les messages diffusés dans
l’éducation dans et la formation.
Ainsi, l’homo œconomicus consacre une partie considérable de son temps de travail à sa
protection. Il n’y en a pas toujours été ainsi dans notre passé et ce n’est encore le cas dans
les pays en voix de développement.
Les injonctions paradoxales
Au quotidien l’homo œconomicus est sollicité par une pluie de messages, plus ou moins
directs, plus ou moins subtils, dont on constate qu’ils sont le plus souvent paradoxaux. Ces
messages s’appuient sur l’argumentation scientifique, l’esthétique, la flatterie ou l’humour.
On l’incite à consommer beaucoup mais les banques et les institutions financières lui
rappèleront qu’il doit épargner pour assurer son avenir.
Sa réussite professionnelle s’appuie sur une grande quantité de travail mais aussi sur l’oublie
des congés et des week-ends. Les pubs, et depuis peu un grand nombre d’émissions de télé
culinaires lui mettent l’eau à la bouche mais, à condition de consommer avec modération.
Des
recommandations plus politiques
participent aux discours : pour protéger
l’environnement, faites du vélo, fuyez les villes, vivez dans la nature, découvrez d’autres
pays, minimisez les déplacements mais n’oubliez pas la prime à la casse si vous achetez un
nouveau véhicule.
Ainsi, la santé, les plaisirs, l’organisation matérielle et qualitative de la vie familiale dans le
temps et l’espace, font l’objet d’injonctions paradoxales que l’homo œconomicus
transforme en choix dans un sentiment de liberté. Tout au long de la vie, la variété et le
caractère contradictoire des messages ont pour effet de façonner des personnalités de
consommateur parfois irrationnel et de constituer des groupes de profils.
Un nomadisme géographique et virtuel
Avec le temps, le développement, la croissance économique, le progrès technique et la
division du travail ont modifié la capillarité géographique du tissu économique. Cette
évolution s’est traduite par une concentration du capital, une forte augmentation de la taille
des entreprises et un éclatement géographique des différentes fonctions de l’entreprise. Les
villes continuent à se développer, imposant à l’homo œconomicus de vivre comme un
nomade, dans le cadre de sa vie professionnelle, familiale et de loisirs, à tel point que l’on
parle « d’hypermobilité, …inscrite dans l’existence, dans le quotidien, sans que quiconque
songe à s’en étonner. …Ce sont, les cinquante kilomètres matin et soir pour se rendre sur son
lieu de travail ;....les trajets pour déposer les enfants à l’école ;…les week-end ;… les
vacances …. » (Philippe Dessertine, La dépression). L’offre de biens et service liés à la
mobilité va bien au-delà des moyens de transport. Les évolutions de l’offre et des prix de
l’immobilier, de l’hôtellerie, de la restauration, des télécommunications, de l’information, de
l’énergie, des services de logistiques, résultent également du nomadisme. Dans les faits et les
processus de décisions de l’homo œconomicus, offreur ou demandeur, tous ces produits et
services doivent être perçus comme économiquement complémentaires, ce qui, milite en la
faveur de l’idée d’inertie de la nature des choses. (Voir , Consommation : inertie et fluctuations,
http://theoreco.com/consommation_inertie_et_fluctuations.pdf in Conjoncture et décisions).
Les frontières entres les usages des produits sont devenus flous. L’automobile souvent
qualifiée de mythe au même titre que les cathédrales est « depuis plus de cent ans plus qu’un
instrument de transport : un marqueur de statut social, un moyen de liberté de circulation et
de découvertes, un lieu de réunion, un carrefour de choix politiques et sociaux » (PierreCyrille Hautcoeur).
Bernard Biedermann
Conjoncture et décisions
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