Chapter 3 Phénomènes de diraction: introduction, phénomènes fondamentaux 3.1 Exemples On s'intéresse ici à la propagation de la lumière en présence d'obstacles opaques. Suivant la théorie "géométrique" on a des sources lumineuses qui émettent des "rayons" se propageant en ligne droite (si indice du milieu homogène) et qui sont simplement bloqués par la présence d'objets absorbants. Ceci explique la formation de phénomènes d'ombre "géométrique". Cependant une observation attentive montre l'existence de phénomènes bizarres tout près de la limite ombre-lumière (cf Fig.3.1): la limite ombre-lumière n'est pas nette, l'éclairement oscille avant de s'annuller totalement, montrant des "franges" (cf Fig.3.2). D'autres phénomènes impliquant la lumière sont inexplicables par optique géométrique. Par exemple: • "Arcs en ciel" observés sur CD et DVD (Fig.3.3); • Déviation des rayons X (et aussi des électrons, des neutrons...) par les cristaux. Ce phénomène s'apparente au précédent(cf cours de cristallographie; • Taille et aspect d'un spot obtenu en focalisant un faisceau laser au moyen d'une lentille (cf prochains cours); • Taille et aspect de l'image d'une étoile au foyer d'un téléscope (cf Fig.3.4); • Taille et aspect de l'image d'une molécule uorescente observée avec un microscope (cf Fig.3.5) 27 Figure 3.1: Observation de l'ombre projetée d'une main éclairée par un faisceau lumineux assimilable à une onde plane (tiré de E. Hecht, Optique, Pearson Education, 2005). Figure 3.2: Observation du détail de l'ombre projetée du bord d'un écran éclairé par un faisceau lumineux assimilable à une onde plane. 28 Figure 3.3: Aspect d'un CD-ROM éclairé en lumière blanche: de la lumière est diusée dans diérentes directions suivant sa couleur, ce qui permet d'observer ses diérentes composantes spectrales. Ce phénomène rappelle la dispersion de la lumière par un prisme, mais son explication est complètement diérente. Comme on le verra, la description de ces phénomènes doit prendre en compte la nature ondulatoire de la lumière pour décrire correctement sa propagation. Dans un premier temps on part donc d'une situation simple où on est en présence d'une onde de caractéristiques connues, générée par un émetteur, ayant été éventuellement déformée (ou mise en forme) après traversée de diérents milieux ou composants optiques. On interpose un écran opaque percé d'ouvertures, des obstacles transparents ou absorbants. Le problème posé est de savoir quel est le champ lumineux obtenu au delà. Exemples : 1. Un point source au foyer d'une lentille " parfaite ", génère une onde "pratiquement plane". On interpose un écran percé d'un trou carré ou circulaire. 2. Un point lumineux (étoile, molécule uorescente) est observé au moyen d'un objectif optique parfait (sans aberrations géométriques notables), mais de diamètre limité de taille d. Quelle est la forme et la taille de l'image de ce point objet (c'est ce qu'on appelle la "fonction d'étalement de point")? Pour répondre à ces questions on est donc amené à résoudre l'équation de propagation en présence d'obstacles. Il y a d'autres situations semblables en physique (acoustique, mécanique quantique...). C'est un problème mathématiquement dicile. 29 Figure 3.4: Aspect de l'image de l'étoile "NGC188" observée au moyen du téléscope spatial Hubble. La forme et la taille de ce spot-image n'est pas liée à la taille et à la forme de l'étoile, qui est en fait trop éloignée pour qu'on puisse en distinguer les détails, mais à la forme de l'onde caractéristique du téléscope (crédit photo Hubble Space Telescope). Le schéma optique correspond à l'observation au moyen d'une lentille, plus facile à représenter, alors que le téléscope spatial utilise une optique à base de miroirs, mais cela ne change pas fondamentalement les eets physiques liés à la diraction de l'onde incidente par l'ouverture limitée de l'optique d'observation. 30 Figure 3.5: Aspect de l'image de molécules uorescentes isolées détectées par laser lumière de uorescence qu'elles émettent lorsqu'elle sont éclairées par un laser sous microscope. La forme et la taille de ces spots-image n'est pas liée à la taille et à la forme des molécules, qui sont en fait trop petites pour qu'on puisse en distinguer les détails, mais à la forme de l'onde caractéristique du microscope utilisé (A. Delon, J. Derouard et al, 2010). 3.2 Decription mathématique approchée: principe d'Huyghens-Fresnel ou "comment déduire ψ(t, ~r) à partir de ψ(t, r~Σ ) sur surface Σ" 3.2.1 Théorème intégral de Kirchho Si on connaît ψ(~r, t) pour l'ensemble des positions ~r appartenant à une surface fermée Σ, alors on peut exprimer ψ(r~0 , t) pour tout point de l'espace r~0 à l'intérieur de la surface (cf Fig.3.6). Cela généralise le concept dejà présent en optique géométrique, où la connaissance de la direction de la direction des rayons composant un faisceau lumineux sur une surface sut pour connaître la trajectoire de ces rayons dans le reste de l'espace. Un cas limite est celui où la surface est un plan d'extension innie séparant l'espace en deux parties, illustrant une notion assez intuitive qui est que le champ se propageant en aval d'une région de l'espace découle de ce qu'il y a en amont. Mais pas besoin de connaître le champ dans toute la région amont pour savoir ce qu'il y a en aval: Contrôler l'amplitude et la phase de la vibration lummineuse suivant un plan sut pour générer n'importe quelle onde se propageant au delà. On verra plus loin en exemple le cas de l'eet d'une lentille divergente (convergente) sur une onde plane). 31 Figure 3.6: Expression de ψ à l'intérieur du volume limité par la surface Σ en fonction de la valeur de ψ sur la surface Σ (cf Eq.3.2.1) Mathématiquement cela revient aussi à dire que la solution d'une équation diérentielle est déterminée par les "conditions initiales", ou, plus généralement, par les "condition aux limites" 1 . Pour une onde monochromatique se propageant dans le vide k = ω/c cela donne: I 1 [ 4π eik|r~0 −~r| −−→ → − gradψ.d S − |r~0 − ~r| I −−→ eik|r~0 −~r| − → ψ(~r)grad( ).d S ]e−iωt | r ~ − ~ r | Σ Σ 0 (3.1) Il s'agit d'une propriété mathématique propre à l'équation diérentielle de propagation (cf Hecht, 10-4). Mathematiquement c'est exact, mais en pratique pas commode à utiliser du tout. ψ(r~0 , t) = 3.2.2 Principe d'Huyghens-Fresnel Bien avant Kirchho, Huyghens puis Fresnel avaient imaginé sans justication mathématique une méthode pour calculer la propagation de la lumière considérée comme une onde, et non comme la juxtaposition de rayons lumineux associés à la trajectoire de particules de lumière. Suivant Huyghens, la surface d'onde (ou surface équiphase d'une phase donnée) est obtenue en prenant l'enveloppe des surfaces equiphase de même phase correspondant à des "ondelettes" émises depuis depuis une surface placée en amont (Fig.3.7). Cette formulation décrit convenablement la propagation de la lumière dans des milieux innis homogènes, et sa déviation au passage d'un milieu à un autre. 1 Autre situation mathématiquement analogue: équation de Laplace, (ou de Poisson) en électrostatique: le potentiel V est parfaitement déterminé partout si on se donne la distribution du potentiel sur un ensemble de surfaces (en particulier des conducteurs). 32 Figure 3.7: Ondelettes d'Huyghens et construction de la surface d'onde à t > 0 à partir de la surface d'onde à t = 0. Fresnel complète cette idée en suggérant que les ondelettes doivent interférer entre elles, et précise la valeur de l'amplitude des ondelettes. Le "principe d'Huyghens-Fresnel" s'énonce alors de la façon suivante: Soit ψ(~r, t) l'onde, supposée monochromatique, sur une surface Σ. Alors ψ(r0 ) s'exprime comme la somme ("l'interférence") d'ondes shériques émises depuis tous les points ~r avec une amplitude proportionnelle à celle de ψ(~r, t) et une phase identique à celle de ψ(~r, t). Alors le champ en un point P (X, Y, z) est donné par (cf Fig.3.8) Z ψ(P ) = Σ Kψ(Q) eikQP dxdy QP (3.2) où ψ(Q) est donc le champ au point Q(x, y) dans l'ouverture de taille d, et K un coecient ne dépendant pas en première approximation 2 de Q et de P. 2 Pour être cohérent avec Kirchho il faudrait en fait prendre K ∝ −i(cos θ+cos θi )/(2λ) où θ et θi sont respectivement les angles d'inclinaison par rapport à la normale à Σ de la direction d'émission de l'ondelette et de la normale à la surface d'onde incidente cf Hecht 10.4. On note que cette condition impose K = 0 si θi = θ + π , traduisant le fait qu'il n'y a pas d'onde émise vers l'arrière. 33 Figure 3.8: Géométrie correspondant à l'Eq.3.2.2. Dans le cas du calcul de la lumière transmise par un écran percé d'ouvertures on prend pour surface Σ le plan de l'écran, et on complète ce principe par les hypothèses suivantes: Hypothèses supplémentaires • 1. Juste derrière l'écran ψ = 0. Semble raisonnable. • 2. Dans le plan de l'écran à l'intérieur des ouvertures ψ est le même que si il n'y avait pas d'écran. Nettement moins évident!: Clairement il doit se passer des choses " au voisinage " du bord des ouvertures où le rayonnement interagit avec la matière. Mais à condition que les ouvertures soient assez grandes devant la distance caractéristique qui dénit ces " voisinages " l'expérience de la vie courante suggère que ces eets sont petits. On imagine que cette distance caractéristique doit être de l'ordre de λ. • 3. Les deux cas précédents peuvent se généraliser au cas où le plan Σ contient des parties absorbantes ou réfringentes. Donc d'une façon générale on écrira que l'onde ψ(x, y) juste après le plan Σ est le produit de l'onde incidente ψi (x, y) par une "fonction d'ouverture" T (x, y); Le cas 1 correspond à T = 0, Le cas 2 correspond à T = 1. Et pour une lame d'indice n, épaisseur e atténuant l'amplitude d'un facteur t < 1 on aura T = t exp(ikz ne) où kz est la projection du vecteur d'onde incident sur la normale à Σ. Rappellons que ce "principe" n'est qu'une approximation de la réalité physique, dont le domaine de validité n'est pas facile à préciser. Clairement, 34 le domaine de la "nanophotonique" actuellement en plein développement qui concerne l'étude de la propagation de la lumière dans et au voisinage de structures de l'ordre ou plus petites que la longueur d'onde λ sort du domaine de validité de cette approximation. On avait déjà souligné ce point dans le chapitre précédent en indiquant que "l'approximation scalaire" était également en défaut dans ce cas et que l'étude de ces situations passait par la résolution numérique des équations de Maxwell. Sa formulation peut être considérée comme "un truc" dont la principale justication est que 1) elle est mathématiquement simple, et 2) elle est en accord avec l'expérience dans un grand nombre de situations pratiques. On a pu montrer depuis que dans le cas de la propagation dans un milieu homogène, l'Eq.3.2.2 peut être déduite de l'expression du théorème intégral de Kirchho Eq.3.2.1 moyennant certaines hypothèses (cf Hecht 10-4 et note relative à l'Eq.3.2.2) sur la valeur du coecient K . L'utilisation de cette formule implique d'exprimer QP . La suite de la discussion va porter sur l'expression qu'on va prendre pour QP . Soit z la distance entre Σ et le plan d'observation où se trouve P . Ici on va se placer à des distances z beaucoup plus grandes que la taille de l'ouverture d, et considérer des points P répartis sur une extension latérale petite devant z , situation connue sous le nom de "conditions paraxiales". Dans ces conditions on pourra prendre 1/QP ∼ 1/z . Par contre l'argument de l'exponentielle demande un examen plus précis. Dénissons les coordonnées x, y; z = 0 de Q dans le plan Σ et X, Y, z celles de P dans le plan d'observation. Alors QP = z[1 + (X − x)2 + (Y − y)2 1/2 (X − x)2 + (Y − y)2 ] ∼ z + z2 2z (3.3) En substituant cette expression dans l'Eq(3.2.2) on obtient eikz ψ(P ) = z Z Σ Kψ(x, y)eik On pose alors kx = k X z ky = k Y z et (X−x)2 +(Y −y)2 2z dxdy (3.4) et l'Equation précédente devient ψ(P ) = eikz exp(ik(X 2 +Y 2 )/2z) z Z Σ k(x2 + y 2 ) ]dxdy 2z (3.5) Kψ(x, y). exp[−i(kx x+ky y))]. exp[i 35 En pratique on prendra K ∼ constante. On remarque que le facteur exp(ik(X 2 + Y 2 )/2z) est de module 1 et n'intervient donc pas dans la répartition de l'éclairement qui est proportionnel à |ψ|2 . Egalement pour eikz /z qui est une constante pour une distance z donnée. 3.3 Conditions de Fraunhoer: z très très grand devant d ("diraction à l'inni") Diraction de Fresnel Le cas où z n'est pas très très grand devant d conduit à des calculs compliqués (cf Hecht 10.3 ou Perez 30.II) à cause du facteur exp(ik(x2 + y 2 )/2z) dans l'intégrale et correspond à ce qu'on appelle la "diraction de Fresnel", qu'on ne traitera pas dans ce cours. Ce cas correspond en particulier à la diraction par le bord d'un écran (Figs.3.1 et 3.2). Diraction de Fraunhoer Supposons maintenant qu'on se place très loin de Σ, z >> d, de telle sorte que exp(ik(x2 + y 2 )/2z) ∼ 1. Cela nécessite d2 << λ.z (soit d/λ << z/d).3 Ces conditions correspondent à ce qu'on appelle les "conditions de Fraunhoer" ou "diraction à l'inni". Cette situation correspond en fait à un très grand nombre de situations expérimentales et à l'intérêt de simplier considérablement l'Eq.3.5. Rappelons que ces deux cas, diraction de Fresnel et diraction de Fraunhoer reposent eux-même sur la validité de l'Eq.3.5 qui comme on l'a mentionné n'est valable que si λ << d. Dans les conditions de Fraunhoer l'Eq.3.5 se réduit à Z ψ(X, Y ) ∝ Σ ψ(x, y). exp[−i(kx x + ky y)]dxdy (3.6) Notons ~k le vecteur d'onde de composantes4 kx et ky suivant les directions x et y . Si O est le point origine dans le plan Σ l'Eq.3.6 peut alors se réécrire: Z ψ(X, Y ) ∝ Σ ~ ψ(Q). exp(−i~k.OQ)dxdy (3.7) Les composantes de ~k peuvent également s'exprimer au moyen des angles (en fait de leur sinus) que font avec l'axe Oz les projections de ce vecteur dans les plans xOz et yOz : 3 cf 4 λ = 500nm, d=0,1mm, z = 100mm alors d/λ = 200 et z/d = 1000 La composante suivant z s'en déduit puisque kx2 + ky2 + kz2 = k2 36 sin α = et kx X (∼ α ∼ dans les conditions paraxiales) k z Y ky (∼ β ∼ dans les conditions paraxiales) k z ce qui permet de réécrire l'Eq.3.6 sous une troisième forme: sinβ = Z ψ(X, Y ) ∝ Σ ψ(Q). exp(−ik(αx + βy))dxdy (3.8) Dans tous cas on note que P (X, Y ) est directement relié à ~k , ou de manière équivalente à α et β : l'onde diractée peut être considérée comme une superposition d'ondes planes et on recueille en P celle dont le vecteur d'onde est ~k . L'onde diractée sera alors caractérisée indiéremment par les amplitudes qu'on notera ψ(X, Y ), ψ(~k), ou ψ(α, β). La signication physique de l'approximation de Fraunhoer est exprimée sur la Fig.3.9. Elle revient à dire que les diérents rayons QP obtenus en prenant diérents points Q à l'intérieur de l'ouverture de Σ peuvent être considérées comme pratiquement parallèles, faisant des angles α et β pratiquement identiques. De fait, une situation très souvent rencontrée expérimentalement est celle où le plan d'observation est en fait le plan focal d'une lentille. Dans ce cas on recueille au point P du plan focal l'onde plane émise suivant une direction donnée par la position du point P (cf Fig.3.9). D'une façon générale, le calcul de la diraction de Fraunhoer revient à calculer d'abord l'amplitude de l'onde diractée suivant la direction dénie par un vecteur d'onde ~k , auquel sont associés les angles α et β . L'amplitude dans le plan d'observation s'en déduit ensuite en associant à ces angles les coordonnées X = f α ou X = zα, et Y = f β ou Y = zβ , suivant les 2 cas représentés sur la Fig.3.9. Cas où l'onde incidente est plane Si l'onde incidente sur le plan Σ est plane, caractérisée par le vecteur d'onde k~i , de composantes kix = kαi et kiy = kβi alors: ~ ψi (Q) ∝ exp(ik~i .OQ) et donc ~ ψ(Q) ∝ T (x, y). exp(ik~i .OQ) où l'on fait apparaître la fonction de transmission T dans le plan Σ de telle sorte que 37 Figure 3.9: Géométrie de la diraction de Fraunhoer. a.: La distance entre le plan Σ et le plan d'observation est assez grande pour que les diérents rayons Qi P puissent être considérés comme parallèles. b.: L'interposition d'une lentille donne au plan focal les caractéristiques d'un plan d'observation "à l'inni", les rayons émis des points Qi étant tous parallèles par dénition. Z ψ(~k) ∝ Σ ~ T (x, y). exp(−i(~k − k~i ).OQ)dxdy (3.9) Dans la suite on aura sauf spécication contraire k~i perpendiculaire à Σ donc ψi (Q) = constante sur Σ, αi = βi = 0 et donc 5 : Z ψ(~k) ∝ Σ ~ T (xQ , yQ ). exp(−i~k.OQ)dx Q dyQ (3.10) Cette formule fondamentale s'énonce de la façon suivante: L'onde diractée dans la direction dénie par le vecteur d'onde ~k a une amplitude donnée à un facteur près par la transformée de Fourier spatiale de la fonction de transmission T . On reviendra longuement sur ce concept de "Transformée de Fourier" qui sera par ailleurs traité en détail dans le cours de maths. 5 Dans le cas où l'onde incidente est oblique, l'Eq.3.9 peut se réécrire en fonction des angles α et β sous la forme Z ψ(α, β) = T (x, y). exp[−ik(α − αi )x + (β − βi )y]dxdy Σ et on note que ψαi ,βi (α, β) = ψαi =0,βi =0 (α − αi , β − βi ) Cela indique que la gure de diraction est identique à celle observée dans le cas où l'onde incidente est normale, mais se trouve simplement décalée angulairement suivant les angles d'incidence αi et βi . 38 3.4 Diraction de Fraunhoer par une ouverture rectangulaire éclairée par onde plane en incidence normale: l'onde est diractée suivant les angles ±λ/d On considère donc une ouverture rectangulaire de taille a×b (a,b de l'ordre de d) percée dans un écran opaque éclairée par onde plane en incidence normale (Fig.3.10). L'amplitude de l'onde diractée dans la direction dénie par les composantes kx et ky du vecteur d'onde ~k est donc donnée par Z ψ(kx , ky ) ∝ Σ exp(−ikx x − iky y))dxdy (3.11) soit ψ(kx , ky ) ∝ Z b/2 Z a/2 −b/2 −a/2 exp(−ikx x − iky y))dxdy qui se factorise en deux intégrales indépendantes: ψ(kx , ky ) ∝ Z b/2 −b/2 exp(−ikx x)dx × Z a/2 −a/2 exp(−iky y)dy se calculant aisément: 1 1 ψ(kx , ky ) ∝ [exp(−ikx b/2)−exp(ikx b/2)]× [exp(−iky a/2)−exp(iky a/2)] −ikx −iky soit: ψ(kx , ky ) ∝ [ sin(kx b/2) sin(ky a/2) ]×[ ] kx b/2 ky a/2 (3.12) ou en introduisant les variables u = ky a/2 et v = kx b/2: sin(u) sin(v) ]×[ ] (3.13) u v Concrètement on s'intéresse à la distribution d'éclairement dans le plan d'observation, I(X, Y ) ∝ |ψ(kx , ky )|2 , en faisant correspondre les coordonnées X et Y aux composantes kx (associé à l'angle α = kx /k ) et ky (associé à l'angle β = ky /k ): ψ(kx , ky ) ∝ [ • si l'écran d'observation est à une distance z très grande, alors X = zα, Y = zβ donc kx = kX/z , ky = kY /z • si l'écran d'observation est dans le plan focal d'une lentille de focale f , alors X = f α, Y = f β donc kx = kX/f , ky = kY /f Dans tous les cas la distribution d'éclairement s'exprime au moyen de la fonction | sin(u)/u|2 représentée sur la Fig.3.11. 39 Figure 3.10: Géométrie de la diraction de Fraunhoer d'une onde plane monochromatique par une fente rectangulaire. Figure 3.11: Graphe de la fonction | sin(u)/u|2 intervenant dans l'éclairement de la gure de diraction par une fente éclairée par une onde plane monochromatique. 40 Figure 3.12: Eclairement observé dans le plan d'observation correspondant à la gure de diraction par une fente ne verticale éclairée par une onde plane monochromatique. L'échelle horizontale est graduée suivant la variable réduite u reliée à la coordonnée Y = [f λ/(πa)]u (cf texte). 3.4.1 Cas particulier où b → ∞ Dans ce cas qui correspond à celui d'une fente ne verticale la fonction | sin(kx b/2)/(kx b/2)|2 n'est non nulle que pour kx ∼ 0: on n'observe alors d'éclairement que sur l'axe horizontal Y = 0. L'éclairement suivant la direction OX est donné alors par la fonction | sin(u)/u|2 avec u = ky a/2. Cette fonction montre un maximum central égal à 1 pour suivi d'une série d'oscillations s'atténuant de plus en plus (cf Fig.3.12): Le premier maximum secondaire est obtenu pour u = ±3π/2 et vaut [sin(3π/2)/(3π/2)]2 ∼ 1/20) de telle sorte que la majorité de l'éclairement est concentrée entre les deux premiers minima nuls situés de part et d'autre du maximum central pour u = ±π , soit ky = ±2π/a, α = ±2π/(ka) = ±λ/a, Y = ±2πz/(ka) = ±zλ/a ou Y = ±2πf /(ka) = ±f λ/a. 3.4.2 Cas général I(X, Y ) ∝ [ sin(u) 2 sin(v) 2 ] ×[ ] (u) (v) 41 Figure 3.13: Figures de diraction de Fraunhoer observées dans le cas de fentes rectangulaires quelconques. avec u = ky a/2, v = kx b/2. La gure de diraction à la forme d'une espèce de croix/damier. Chacune des branches de la croix rappelle la gure de diraction par des fentes nes respectivement verticale et horizontale de largeur a ou b. (cf Fig.3.13) 3.4.3 Cas d'une fente large, a, b >> λ Dans ce cas l'éclairement est concentré en une région de l'espace de taille petite: l'onde plane incidente n'est que faiblement diractée autour de α, β ∼ 0 et se retrouve focalisée au foyer de la lentille. Noter que dans tous les cas l'éclairement observé ne ressemble pas du tout à l'ouverture, et que la taille de la partie éclairée varie en raison inverse de la taille de l'ouverture 3.5 Diraction par une ouverture circulaire éclairée par onde plane en incidence normale: l'onde est diractée suivant les angles ±1, 22λ/d On considère maintenant une ouverture circulaire de rayon r = d/2. Ce n'est plus aussi simple que le cas de l'ouverture rectangulaire, car on va tomber sur des intégrales qui ne s'expriment en fonction d'aucune fonction mathématique élémentaire. D'où l'introduction de certaines "fonctions spéciales", les "fonctions de Bessel. On eectue un changement de variables cartésiennes x, y -> polaire ρ, φ, kx , ky -> kθ , Φ adapté à la symétrie du problème (cf Fig.3.14): 42 Figure 3.14: Géométrie de la diraction de Fraunhoer d'une onde plane monochromatique par un trou circulaire. x = ρ cos φ, y = ρ sin φ , dxdy = ρdρdφ kx = kθ cos Φ, ky = kθ sin Φ avec kθ = k. sin θ En substituant ces expressions dans l'Eq.3.6 on obtient: ψ(kθ , Φ) ∝ Z r Z 2π 0 0 exp[−ikθ ρ cos(φ − Φ)]ρdρdφ Par symétrie, cette intégrale ne doit pas dépendre de Φ, qu'on peut prendre égal à zéro et ψ ne dépend que de l'angle θ ∼ sin θ = kθ /k que fait le vecteur d'onde avec l'axe Oz : ψ(kθ ) ∝ Z r Z 2π 0 0 exp[−ikθ ρ cos φ]ρdρdφ Dans cette expression on voit apparaître une première intégrale du type: Z 2π 0 exp(it cos φ)dφ qui est égale à 2πJ0 (t), où J0 est la " fonction de Bessel " d'ordre zéro. Il existe toute une famille de "fonctions de Bessel" possédant un tas de propriétés mathématiques, et reliées entre elles par diérentes relations (cf 43 cours de maths, et graphe, cf Fig.3.15. Ainsi la "fonction de Bessel d'ordre un" J1 est reliée à J0 par la relation: Z T 0 tJ0 (t)dt = T J1 (T ) Faisant le changement de variable t = kθ ρ, et quelques réductions algébriques on en tire alors que Z r Z 2π 0 0 exp[−ikθ ρ cos φ]ρdρdφ = 2πr2 J1 (kθ r) kθ r de telle que nalement ψ(kθ ) ∝ J1 (kθ r) kθ r (3.14) Comme dans le cas de la diraction par une fente, l'éclairement dans le plan d'observation est obtenu en faisant correspondre les coordonnées polaires q, Φ des points de ce plan avec la composante kθ ou l'angle θ auxquels elles sont associées. Par symétrie la distribution de l'éclairement a la symétrie de révolution, ne dépendant que de la distance q à l'axe Oz dans le plan d'observation, et donc J1 (u) 2 | I(q) ∝ | u où u = kθ r De manière assez similaire à la fonction | sin u/u|2 rencontrée dans le cas de la diraction par une fente, la fonction |J1 (u)/u|2 présente un maximum pour u = 0 suivi d'oscillations amorties (cf Fig.3.16), le premier minimum se produit pour u = 3, 832.... soit pour kθ = 3, 83/r, θ = 3, 83/(kr) = 0, 61λ/r = 1, 22λ/2r q = 1, 22zλ/2r ou q = 1, 22f λ/2r. On observe donc dans le plan d'observation une tache circulaire (cf Fig.3.17) portant le nom de "disque d'Airy" la majeure partie de l'éclairement étant concentrée dans un rayon q0 correspondant au premier anneau noir associé à u = 3, 832..., soit pour kθ = 3, 832/r, ou θ = 3, 832/(kr) = 0, 61λ/r = 1, 22λ/d où on a introduit d = 2r diamètre de l'ouverture circulaire q0 = 1, 22zλ/d ou q0 = 1, 22f λ/d dans le cas ou le plan d'observation est le plan focal d'une lentille. Noter que si le "disque d'Airy" est circulaire "par symétrie", il ne faut pas le confondre avec l'image de l'ouverture circulaire. 44 Figure 3.15: Graphes de quelques fonctions de Bessel Ji (u) intervenant dans le calcul de la gure de diraction par une fentr circulaire. Figure 3.16: Graphe de la fonction |J1 (u)/u|2 intervenant dans l'éclairement de la gure de diraction par un trou éclairé par une onde plane monochromatique. 45 Figure 3.17: Eclairement observé dans le plan d'observation correspondant à la gure de diraction par une ouverture circulaire éclairé par une onde plane monochromatique. L'échelle horizontale est graduée suivant la variable réduite u reliée à la coordonnée q = [f λ/(π2r)]u (cf texte). 46 3.6 Synthèse de ces résultats Conclusion : Que ce soit pour une ouverture rectangulaire de côté a ou circulaire de rayon r, on voit que la tache de diraction a une taille qui vaut environ 2f λ/a dans le premier cas, et 2, 44f λ/d dans le 2ème cas. Dans tous les deux cas on voit que le faisceau diracté est dispersé dans un intervalle angulaire de l'ordre de 2λ/d où d est la taille de l'ouverture diractante. Chaque fois qu'on veut localiser le rayonnement dans une petite région de l'espace, il en résulte une divergence δθ qui varie inversement proportionnellement à la taille d de la région de localisation, le produit δθ × d étant de l'ordre de la longeur d'onde. On en verra un autre exemple dans le cas des faisceaux gaussiens qui seront étudiés dans le prochain cours. 3.7 Fonction d'étalement de point et limite de résolution des instruments d'optique 3.7.1 Exemple: cas d'un objectif photographique Un objectif photographique forme l'image de points objets éloignées situés à une distance D, sur le détecteur situé dans un plan d'observation à une distance D0 . On peut assimiler cet objectif à un système de 2 lentilles et d'un diaphragme circulaire (cf Fig.3.18): la première transforme l'onde sphérique émise par un point objet en une onde plane, qui subit une diraction de type Fraunhoer par le diaphragme, l'onde diractée étant ensuite focalisée par la deuxième lentille de focale f dans le plan du détecteur. La situation est très semblable dans le cas de l'oeil, où le détecteur est la rétine. Ainsi l'image d'un point objet n'est pas un point mais un spot dont le prol porte le nom de "fonction d'étalement de point" ("point spread function" ou "PSF" en anglais). La taille de ce spot est ultimement xée par les phénomènes de diraction. En pratique il arrive fréquemment qu'elle soit plus grande à cause des aberrations géométriques se produisant avec des optiques imparfaites. Pour un objectif parfait le rayon δ du spot est donné par focale×rayon angulaire du disque d'Airy, soit λ δ = f × 1, 22 d où d est le diamètre du diaphragme de l'objectif. Exemple λ =550nm; f =35mm; d =12.5mm (ouverture à f/2,8); Alors δ =1,9µm Remarquer bien sûr que si l'on ferme le diaphragme pour une raison ou une autre la taille du spot de diraction augmente et la dénition est moins bonne. 47 Figure 3.18: Fonctionnement schématique d'un objectif d'appareil photo: L'image d'un point se formant dans le plan focal d'observation est un spot résultant de la diraction de Fraunhoer à travers le diaphragme circulaire de diamètre d. Exercice: Vérier si le nombre de pixels annoncés par les constructeurs d'appareils photo numériques est bien un critère de qualité. 3.7.2 Critère de Rayleigh Ainsi dans tous les cas, pour tous les systèmes d'imagerie optiques, l'image d'un point est un spot. Par conséquent 2 points objets seront facilement distinguables ("résolus") si leurs images sont séparées d'une distance supérieure à la taille des spots. La limite de résolution des instruments d'optique est souvent donnée en suivant le "critère de Rayleigh": deux points objets seront réputés distinguables si les centres des spots-images sont séparés d'une distance au moins égale au "rayon" de chacun des spots (pour système limité par diraction on prend pour "rayon" le rayon du premier anneau noir) (cf Fig.3.19). 3.7.3 Exemple: Microscope On considère un objectif de microscope dont la "pupille" a un diamètre d, et dont on observe les images au moyen d'une "lentille de tube" de focale f 0 (cf Fig.3.20). La diraction forme un spot image de rayon 1, 22f 0 λ/d. Suivant le critère de Rayleigh deux points objets espacés de δ seront séparés si leurs images sont espacées de δ 0 > 1, 22f 0 λ/d. δ 0 est relié à la distance δ entre les points objets (espace objet) via la 48 Figure 3.19: Critère de Rayleigh et limite de séparation de deux objets. "relation d'Abbe" (ou "condition des sinus") (cf Perez 3-II) nδ sin θ = n0 δ 0 sin θ0 où θ et θ0 sont les angles que fait avec l'axe optique un rayon issus du point objet et où n et n0 sont respectivement les indices des milieux dans lesquels se trouvent la préparation observée (espace objet) et le détecteur (espace image). En général n0 = 1. Par contre on utilise parfois des "objectifs à immersion" où la préparation est immergée dans un milieu d'indice n où baigne l'objectif. Pour le rayon passant juste au bord de la pupille l'angle θ0 vaut θ00 = d/2f 0 auquel est associé un certain angle θ = θ0 dans l'espace objet. Les images seront donc séparées si δ> soit δmin = d 1 n sin θ0 2f 0 1, 22f 0 λ λ = 0, 61 d n sin θ0 La quantité n sin θ0 porte le nom d'"ouverture numérique" de l'objectif, dont c'est une caractéristique xée par le constructeur. Plus cette ouverture numérique est grande, plus l'image sera lumineuse, car l'objectif capte une grande partie de la lumière émise par l'objet. Et plus petit sera δmin donc plus grand sera le "pouvoir séparateur". D'où l'intérêt des "objectifs à immersion" prévus pour baigner dans un milieu d'indice n > 1, permettant d'avoir une ouverture numérique supérieure. 49 Figure 3.20: Fonctionnement schématique d'un microscope: L'image d'un point se formant dans le plan focal d'observation est un spot résultant de la diraction de Fraunhoer à travers le diaphragme circulaire de diamètre d. Exemples Objectif à sec ouverture numérique = 0,6 θ0 = sin−1 (0, 6) = 37o λ =550nm; δmin = 0, 56µm. Objectif à immersion dans huile n = 1, 5 ouverture numérique = 1,4 θ0 = sin−1 (1, 4/1, 5) = 69o λ =550nm; δmin = 0, 24µm. 50