Prise en charge des faux anévrismes rénaux après

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Progrès en urologie (2015) 25, 18—21
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MISE AU POINT
Prise en charge des faux anévrismes rénaux
après néphrectomie partielle
Treatment of pseudoaneurysm following partial nephrectomy
F.-X. Nouhaud a,∗, J. Gas a, B. Peyronnet a,
M. Roumiguié a, J.-B. Beauval a, S. Lagarde b,
M. Soulié a, P. Rischmann a, N. Doumerc a
a
Service d’urologie et transplantation, hôpital Rangueil, centre hospitalier et universitaire
de Toulouse, 1, avenue du Professeur-Jean-Poulhes, 31400 Toulouse, France
b
Service de radiologie et imagerie médicale, hôpital Rangueil, centre hospitalier et
universitaire de Toulouse, 1, avenue du Professeur-Jean-Poulhes, 31400 Toulouse, France
Reçu le 18 août 2014 ; accepté le 18 septembre 2014
Disponible sur Internet le 13 octobre 2014
MOTS CLÉS
Néphrectomie
partielle ;
Faux anévrisme ;
Artériographie ;
Embolisation ;
Complication
chirurgicale
∗
Résumé
Contexte. — La néphrectomie partielle (NP) s’est progressivement imposée comme le traitement de référence des tumeurs rénales de moins de 4 cm, voire de moins de 7 cm. Le nombre
de NP réalisées a ainsi augmenté ces dernières années nous confrontant plus fréquemment aux
complications de cette chirurgie. Les faux anévrismes (FA) sont rares mais peuvent potentiellement engager le pronostic vital du patient par leur risque hémorragique. Ces FA doivent donc
être traités selon une stratégie de prise en charge adaptée.
Méthodes. — Nous avons réalisé une recherche bibliographique sur les cas de FA compliquant
une NP rapportés dans la littérature ainsi qu’une mise au point sur les différentes stratégies de
prise en charge et leurs résultats.
Résultats. — L’incidence des faux anévrismes est faible, variant de 0,5 à 4 %. Le traitement de
référence est l’artério-embolisation utilisée dans 98 % des cas rapportés, avec un succès élevé
pour une faible morbidité. Dans certains cas bien sélectionnés il semblerait qu’une surveillance
rapprochée puisse être une alternative.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : fx [email protected] (F.-X. Nouhaud).
http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2014.09.042
1166-7087/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Prise en charge des faux anévrismes rénaux après néphrectomie partielle
KEYWORDS
Partial nephrectomy;
Pseudoaneurysm;
Arteriography;
Embolization;
Surgical complication
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Summary
Background. — Partial nephrectomy (PN) has become the gold standard for the treatment of
small tumors confined to the kidney. As result, the number of PN procedures increased during
the last years. Subsequently, we have more often to deal with the complications of this surgery. Among these, pseudoaneurysms are rare but potentially life-threatening due to a risk of
bleeding. Therefore, pseudoaneurysms have to be treated according to a relevant strategy.
Methods. — We performed a literature review of the cases of pseudoaneurysm after PN was
reported as well as a focus on the different treatment strategies and their outcomes.
Results. — The incidence of pseudoaneurysm is low, ranging from 0.5% to 4%. Radio-embolization
represents the gold standard treatment, used in 98% of the cases reported in the literature,
allowing high success rate and rare morbidity. However, in some selected cases, surveillance
could be an alternative.
© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
La néphrectomie partielle (NP) est le traitement de référence des tumeurs du rein localisées de moins de 4 cm,
voire de 7 cm lorsque celle-ci est réalisable [1]. Cette
approche conservatrice permet des résultats carcinologiques identiques à la néphrectomie totale pour une moindre
perte néphronique [1]. Cela s’est traduit par une augmentation du nombre de NP réalisées ces dernières années
[1,2]. Nous sommes ainsi plus fréquemment confrontés aux
complications de la NP. Parmi elles, le développement d’un
faux anévrisme (FA) sur la tranche de section est rare,
mais nécessite une prise en charge adaptée pour prévenir
le risque hémorragique pouvant engager le pronostic vital
du patient [3]. Nous avons réalisé une recherche bibliographique des différentes prises en charges de FA décrites et
de leurs résultats.
Matériel et méthode
Une recherche bibliographique a été réalisée en utilisant
le moteur de recherche PubMed et en limitant les résultats
aux articles en anglais ou français. Les mots clés utilisés
étaient : partial nephrectomy, pseudoaneurysm, embolization. Seules les séries de cas et les revues de la littératures
ont été retenues, en excluant les cas cliniques.
Épidémiologie
de risque ou de critères de prise en charge thérapeutique.
Cependant, Zhu et al. ont rapporté qu’une taille tumorale
supérieure à 2 cm et une localisation médio-rénale étaient
associées à un risque accru de FA [8]. De plus, Jain et al.
retrouvaient une incidence des FA chez les patients opérés
par voie laparoscopique supérieure à celle de ceux opérés
par voie ouverte (1,96 % vs 1 % respectivement p < 0,001) [4].
Diagnostic
Les symptômes les plus fréquents sont l’hématurie macroscopique (60 à 90 %), la douleur du site opératoire ou la
déglobulisation [4]. Plus rarement, les patients peuvent
présenter un hématome extériorisé (drain ou cicatrice opératoire), voire une hyperthermie [3,5]. L’existence d’un de
ces symptômes en période postopératoire d’une NP, notamment au cours des 3 premières semaines, doit faire réaliser
un examen d’imagerie à la recherche d’un FA. L’examen
radiologique de première intention doit être une tomodensitométrie (TDM) sans et avec injection de produit de
contraste [5]. Elle permet d’évaluer la taille du FA, la localisation du FA et l’existence d’un saignement actif avec
hématome associé, Fig. 1. Ces différents éléments sont
déterminants dans le choix de la stratégie de prise en charge
du FA.
Stratégies de prise en charge
Surveillance
L’incidence des FA après NP est faible [4]. Moins de 150 cas
ont été rapportés, avec une incidence de 0,5 à 4 % [4,5].
Dans une méta-analyse colligeant 77 cas de FA après NP
(13 séries), Jain et al. retrouvaient une incidence de 1,4 %
[4]. Il s’agissait d’une complication précoce survenant dans
un délai moyen de 14,9 jours (1—90) [4,6]. Dans 97 % des
cas, des symptômes faisaient évoquer le diagnostic [4]. Ainsi
l’incidence des FA asymptomatiques demeure mal connue,
mais semblerait être supérieure. En effet, l’étude de Takagi
et al. retrouvait une incidence de 15 % de FA lors d’un TDM
systématique entre j3 et j5 postopératoire chez 117 patients
traités par NP [7]. Par ailleurs, les effectifs faibles des différentes études limitent l’identification d’éventuels facteurs
La place de la surveillance des FA est mal définie. Si le plus
souvent le diagnostic se fait dans un contexte de saignement
relevant d’un traitement, il semblerait qu’une surveillance
puisse être proposée à certains patients. Ainsi, plusieurs
équipes ont rapporté une évolution favorable après une surveillance reposant sur un repos strict au lit avec contrôle
clinico-biologique rapproché et contrôle radiologique après
5 à 7 jours [5—7]. La question de la surveillance est d’autant
plus pertinente pour les FA de découverte fortuite. Dans
l’étude de Takagi, 17 FA étaient asymptomatiques au diagnostic. Dix patients ont eu une embolisation préventive
pour des FA de taille ≥ 4 mm et 7 patients ont été surveillés
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F.-X. Nouhaud et al.
Figure 1. Clichés tomodensitométriques d’un faux anévrisme compliquant une néphrectomie partielle pour tumeur du rein. Coupe
horizontale (à gauche) et reconstruction 3D (à droite). Il existe un hématome et un saignement actif au contact du faux anévrisme.
Figure 2.
Clichés d’artériographie d’un faux anévrisme avant (gauche) et après (droite) embolisation.
pour un FA < 4 mm. Parmi eux, pour 5 patients le FA avait
spontanément régressé au contrôle TDM, pour 1 patient le
FA avait augmenté de taille nécessitant une embolisation
préventive et 1 patient a été embolisé pour saignement [7].
La surveillance semble donc être une alternative possible
pour la prise en charge des FA mais elle doit être réservée
à certains patients sélectionnés : FA de faible taille, peu
ou pas symptomatiques et sans saignement actif. De plus
elle doit être réalisée selon des conditions strictes au sein
d’un centre disposant d’un plateau technique de radiologie
interventionnelle apte à réaliser une embolisation devant
l’apparition d’un saignement ou l’absence de régression du
FA lors de l’imagerie de contrôle [7].
Artério-embolisation
Il s’agit du traitement de référence des FA, réalisé dans
plus de 98 % des cas décrits [4]. Ce traitement présente
l’avantage d’être conservateur, en occluant sélectivement
l’artère concernée pour préserver au maximum le capital
néphronique, Fig. 2. Peu de données ont été retrouvées
concernant l’évolution de la fonction rénale après embolisation. Inci et al. ont rapporté un cas d’altération de la
fonction rénale après embolisation d’une branche de division de l’artère rénale [9]. Le taux de succès rapporté est
important : 96 % [4]. Les cas d’échecs peuvent faire l’objet
d’une surveillance ou d’une nouvelle embolisation avant
d’envisager un traitement chirurgical [4].
Traitement chirurgical
Exceptionnellement décrite, une reprise chirurgicale pour
hémostase est parfois nécessaire devant une instabilité hémodynamique, le plus souvent après un échec
d’embolisation. L’ensemble des cas décrits rapportent la
nécessité de réaliser une totalisation de la néphrectomie
[4].
Prise en charge des faux anévrismes rénaux après néphrectomie partielle
Conclusion
L’augmentation du nombre de NP réalisées fait que nous
sommes plus fréquemment confrontés aux FA pouvant
compliquer cette chirurgie. Les symptômes devant faire évoquer un FA doivent être connus pour orienter vers une TDM
avec produit de contraste qui confirmera le diagnostic. La
stratégie de prise en charge dépend de l’état clinique du
patient et des caractéristiques radiologiques du FA. Le traitement de référence est l’artério-embolisation avec un taux
de succès élevé pour une faible morbidité. Cependant, une
surveillance rapprochée semble sous certaines conditions
pouvoir être une alternative, bien que les faibles données
disponibles dans la littérature incitent à la prudence.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
Références
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[publication online, en attente de parution].
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delayed hemorrhage from renal artery pseudoaneurysm
after partial nephrectomy. Cell Biochem Biophys 2014,
http://dx.doi.org/10.1007/s12013-014-0140-0
[publication
online, en attente de parution].
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