Le chant du cygne de la cytologie cervicale

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Critique et pratique
par Aude Roussel-Jobin et Philippe Joubert, résidents, en collaboration avec le Dr Christian Couture
Critique et Pratique fait école. Des résidents en fin de première année de spécialité de l’Université Laval ont rédigé un résumé critique
d’un récent article d’intérêt dans leur domaine. Le responsable de cours, le Dr Michel Cauchon, ainsi que des cliniciens enseignants de diverses spécialités
ont contribué à la révision des travaux de synthèse. Quelques-uns de ces travaux seront publiés au cours des prochains mois.
La cytologie cervicale en milieu liquide
Le chant du cygne de la cytologie cervicale conventionnelle ?
RÉSUMÉ
COMMENTAIRE
Objectif
Comparer l’utilité de la cytologie en milieu liquide à la cytologie conventionnelle pour le dépistage du cancer du col utérin.
Pertinence de l’étude
Le cancer du col utérin est le douzième cancer le plus fréquemment diagnostiqué chez les femmes de tous âges et le troisième
chez les femmes de 20 à 49 ans1. La cytologie conventionnelle
(PAP smear), effectuée couramment, a contribué à diminuer
l’incidence et la mortalité de cette maladie chez la femme, ces
dernières décennies. Par contre, les échantillons insatisfaisants,
les faux négatifs et les faux positifs de cette méthode sont bien
connus. Au cours des dernières années, une technique en milieu
liquide a vu le jour dans le but d’améliorer la performance de la
cytologie conventionnelle et de diminuer le nombre d’échantillons insatisfaisants, tout en permettant une analyse concomitante du statut VPH.
Conception
Essai clinique randomisé.
[email protected]
[email protected]
Anatomo-pathologie
Article de référence
Beerman H, van Dorst EBL, KuenerBoumeester V, Hogendoorn PCW. Superior performance of liquid-based
versus conventional cytology in a population-based cervical cancer screening program. Gynecologic Oncology,
janvier 2009; vol. 112 : 572-6.
Références
1. Société canadienne du cancer. 2008.
www.cancer.ca
2. Colgan TJ, Mclachlin CM, Cotterchio M
et coll. Results of the implementation of
liquid-based cytology – surepath in the
Ontario screening program. Cancer
Cytopathol 2004; 102: 362-7.
3. Arbyn M, Bergeron C, Klinkhamer P,
Martin-Hirsch P, Siebers AG, Bulten J.
Liquid compared with conventional
cervical cytology : A systematic review and
meta-analysis. Obstet Gynecol 2008
Jan;111(1): 167-77.
4. Rapport de l’ACMTS. Étude méthodique
et analyse coût-efficacité de la cytologie en
phase liquide dans le dépistage du cancer
du col de l’utérus. Février 2008. http://
www.acmts.ca/index.php/fr/hta/reportspublications/search/publication/799.
Contexte
Population du sud-ouest des Pays-Bas.
Participants
86 469 femmes asymptomatiques
âgées de 30 à 60 ans et participant au
programme national de dépistage du
cancer du col en Hollande, de juillet
1997 à juin 2002.
Interventions
Cinq cents médecins de famille ont été
aléatoirement sélectionnés pour utiliser l’une ou l’autre des méthodes de
dépistage (cytologie conventionnelle
ou test de Papanicolaou, versus cytologie en milieu liquide), dans le cadre
d’un programme national de dépistage du cancer du col. Les spécimens de
cytologie ont été réalisés avec une seule
brosse (Cervix-Brush) dont l’extrémité a
ensuite été placée dans une solution (SurePath) ou étendue sur une lame. La première cohorte (n = 51154) a été dépistée
à l’aide de la cytologie conventionnelle et
la deuxième (n = 35315), avec la cytologie en milieu liquide. Les patientes ont
été suivies sur une période de 510 jours.
Les échantillons ont été envoyés à un laboratoire central de pathologie pour fins
d’analyse par un cytotechnicien. Les cytologies anormales ont été révisées par
un cytopathologiste expérimenté. Le suivi cytologique et histologique des patientes a été établi grâce à une base de données pathologiques centrale.
Principale mesure de résultats
La cytologie conventionnelle et la cytologie en milieu liquide ont été comparées
sur les points suivants : pourcentage
d’échantillons insatisfaisants, pourcentage de détection d’anomalies cytologiques
du col (ASCUS ou anomalies plus importantes), sensibilité et spécificité en
utilisant les données cytologiques et histologiques colligées systématiquement
dans la base de données centrale.
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40 | L’actualité médicale | 10 février 2010
Résultats
Avec la cytologie en milieu liquide, le
pourcentage d’échantillons insatisfaisants était plus bas (0,13 % vs 0,89 %
p < 0,0001) et le pourcentage d’anomalies cytologiques (de type ASCUS ou
anomalies plus importantes), plus élevé
(2,97 % vs 1,64 % p < 0,0001). Quant à la
sensibilité pour la détection d’anomalies histologiques prouvées à la biopsie,
elle était supérieure (96,2 % vs 92,0 %),
alors que la spécificité était légèrement
inférieure (97,8 % vs 98,2 %).
Conclusion
La cytologie en milieu liquide permet de
diminuer le nombre d’échantillons insatisfaisants, d’améliorer la sensibilité, mais
elle diminue légèrement la spécificité.
?
Décision
Importance des résultats
La cytologie en milieu liquide permet de réduire le nombre
d’échantillons insatisfaisants de 76 par 10 000 échantillons soumis et de détecter plus d’anomalies de type ASCUS (133 par
10 000 échantillons soumis). Toutefois, la détection précoce
d’un ASCUS n’a pas le même impact que la détection précoce
d’une lésion précancéreuse ou cancéreuse. Enfin, la sensibilité
supérieure de la cytologie en milieu liquide ne se fait pas au détriment de la spécificité.
Critique de la méthodologie
Il s’agit d’un essai clinique de bonne qualité méthodologique.
La technique de prélèvement, identique pour les deux groupes
de femmes et pratiquée par leur médecin de famille, sélectionné aléatoirement, est un point fort de cette étude. Le suivi systématique de toutes les patientes au moyen d’une base de données nationale centralisée permet d’évaluer avec précision la
sensibilité et la spécificité. Toutes les lames analysées par des cytologistes et qui présentaient une anomalie de type ASCUS ou
plus importante ont été révisées par des cytopathologistes
expérimentés.
Une description plus exhaustive des caractéristiques des deux
cohortes étudiées aurait été souhaitable. Par exemple, il aurait
été intéressant de connaître le statut VPH des deux cohortes afin
de vérifier ce facteur de confusion. Une randomisation des patientes plutôt que des médecins aurait aussi été préférable. Enfin, il n’est pas mentionné si l’examen histologique des biopsies
réalisées chez les patientes ayant une cytologie anormale a été
faite à l’insu ou non, afin d’éviter un biais de vérification.
Points forts
Points faibles
Mise en perspective selon l’état des connaissances
Ces résultats viennent confirmer les données d’un programme
de dépistage canadien démontrant une diminution des échantillons insatisfaisants et une augmentation de la détection d’anomalies cytologiques avec la cytologie en milieu liquide2. Par
ailleurs, les résultats d’une méta-analyse récente n’ont pas démontré de différence significative pour la sensibilité et la spécificité entre les deux techniques3. Enfin, un rapport de l’Agence
canadienne des médicaments et des technologies de la santé4
souligne que la cytologie en phase liquide est probablement plus
sensible et moins spécifique (taux de renvoi en colposcopie supérieur), tout en étant associée à un taux moindre de prélèvements inacceptables. Elle serait économiquement rentable si elle
était effectuée tous les deux ans et accompagnée d’un triage en
fonction du virus du papillome humain.
Contribution à la prise de décision clinique
La présente étude suggère une supériorité de la technique de cytologie en
milieu liquide, comparativement à la cytologie conventionnelle, en matière
d’échantillons insatisfaisants, de taux de détection des lésions du col (ASCUS)
et de sensibilité, mais pas en ce qui concerne la spécificité.
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