Notions de base : Nombres, Structures et Fonctions

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Chapitre 1
Notions de base : Nombres,
Structures et Fonctions
Dans ce chapitre, nous passons en revue les propriétés élémentaires des ensembles des nombres naturels, entiers, rationnels, réels et complexes avec lesquels
nous travaillerons en analyse et en sciences.
Notions à apprendre. Ensembles et opérations booléennes, relations et fonctions, fonction indicatrice, relation d’équivalence et ensemble quotient, les ensembles N, Z, Q, R, axiomes, suprémum, infimum, ensembles ouverts et fermés,
l’intérieur, le bord et l’adhérence d’un ensemble, point isolé, point adhérent et
point limite d’un ensemble, valeur absolue, fonction réelle, C, formule d’Euler,
formule de De Moivre.
Compétences à acquérir. Maı̂triser le calcul avec des fonctions élémentaires,
faire une démonstration par récurrence ou par l’absurde, déduire des relations
simples à partir des axiomes, comprendre et savoir appliquer les notions cidessus aux exemples, calculer avec le symbole d’une somme ou d’un produit fini,
comprendre la signification de la valeur absolue dans R (resp. du module dans
C), savoir résoudre des inéquations et appliquer les inégalités dans les nombres
réels, calculer les racines d’un nombre complexe, résoudre une équation de degré
2 à coefficients complexes, résoudre une équation de degré 3 à l’aide de la formule
de Cardan et sa généralisation, comprendre l’interprétation géométrique des
opérations algébriques et des applications linéaires dans C.
1.1
1.1.1
Ensembles et Fonctions
Ensembles et sous-ensembles
Un ensemble E est une collection d’objets appelés éléments. Si a est un
élément de E, on dit que a appartient à E ou que E contient a, et on note
a ∈ E. Si a n’est pas un élément de E, on note a ∈
/ E. Si les éléments a, b, . . .
forment l’ensemble E, on note E = {a, b, . . .}. Un ensemble E peut avoir un
nombre fini ou infini d’éléments. L’ensemble vide, noté { } ou ∅, n’a aucun
élément. L’ensemble E est un sous-ensemble (on dit aussi partie) de l’ensemble
5
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
6
F si chaque élément de E est un élément de F . On note E ⊂ F . Si E ⊂ F et
F ⊂ E, E et F contiennent les mêmes éléments. On note E = F . On a toujours
∅ ⊂ E. A partir d’un ensemble E et ses sous-ensembles, on peut définir un
ensemble P(E) contenant l’ensemble E et ses sous-ensembles. On appelle P(E)
l’ensemble des parties de E.
Exemple. Noter que {a, b} = {b, a} (un tel ensemble est appelé aussi une
paire) mais {a, b} ̸= {{a}, {b}}. Si E = {a, b}, alors P(E) = {∅, {a}, {b}, {a, b}}.
Exemple.
1.1.2
Si a ∈ E, alors {a} ⊂ E et {a} ∈ P(E).
Opérations booléennes
Si E et F sont des ensembles, on définit la réunion de E et de F comme
l’ensemble des éléments appartenant à E ou à F :
E ∪ F = {x : x ∈ E ou x ∈ F }
On définit l’intersection de E et de F comme l’ensemble des éléments qui appartiennent à E et à F :
E ∩ F = {x : x ∈ E et x ∈ F }
Si E est un sous-ensemble de F , on définit le complémentaire de E dans F
comme l’ensemble des éléments de F qui ne sont pas des éléments de E :
E c = F \ E = {x : x ∈ F et x ∈
/ E}
Plus généralement, si S est un ensemble et E, F ⊂ S on définit la différence de
E et F par :
F \ E = {x : x ∈ F et x ∈
/ E} = F ∩ E c
où E c désigne le complémentaire de E dans S : E c = S \ E.
Tableau : Propriétés des opérations booléennes
Commutativité
Associativité
Distributivité
E∩F =F ∩E
E∪F =F ∪E
D ∩ (E ∩ F ) = (D ∩ E) ∩ F
D ∪ (E ∪ F ) = (D ∪ E) ∪ F
D ∩ (E ∪ F ) = (D ∩ E) ∪ (D ∩ F )
D ∪ (E ∩ F ) = (D ∪ E) ∩ (D ∪ F )
Lois de De Morgan
(E ∩ F )c = E c ∪ F c
(E ∪ F )c = E c ∩ F c
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
1.1.3
7
Une première description d’ensembles de nombres
On désigne par N l’ensemble des entiers naturels ou nombres naturels
N := {0, 1, 2, . . .},
(où ”:=” signifie ”est défini par ”), Z l’ensemble des entiers
Z := {. . . , −2, −1, 0, 1, 2, . . .},
Q l’ensemble des nombres rationnels
Q := {
p
: p, q ∈ Z, q ̸= 0}
q
et R l’ensemble des nombres réels. On a les inclusions suivantes :
∅ ⊂ N ⊂ Z ⊂ Q ⊂ R.
Pour donner une caractérisation simple de Q et de R, nous passons par le
développement décimal :
Proposition 1.1.1. Un nombre réel est rationnel si et seulement si son développement
décimal devient périodique.
Ici on applique la convention que, par exemple, 0.25 = 0.250.
Démonstration. Exercice.
Exemple.
41
5
857142
41
= 0.5857142, 0.5857142 =
+
=
,
70
10 9999990
70
588235294117647
1
1
= 0.0588235294117647, 0.0588235294117647 = ′
=
,
17
9 999′ 999′ 999′ 999′ 999
17
π = 3.141592653589793238462643 . . . ,
e = 2.718281828459045235360287 . . .
On note également Z+ = {1, 2, . . .} (ou N∗ ) l’ensemble des entiers (strictement) positifs. Evidemment
Z+ ⊂ N,
Z+ ∪ {0} = N.
Le complémentaire de Z+ dans N est {0}.
1.1.4
Ensemble produit cartésien.
Soit E, F deux ensembles. On définit le produit cartésien de E et de F comme
l’ensemble des couples (x, y) où x ∈ E et y ∈ F :
E × F = {(x, y) : x ∈ E et y ∈ F }.
De même, on définit le produit cartésien des n ensembles (Ei )1≤i≤n :
E1 × . . . × En = {(x1 , . . . , xn ) : x1 ∈ E1 , . . . , xn ∈ En }.
Si Ei = E pour tout i, on note E n le produit cartésien des Ei .
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
8
Attention : noter que couple et paire sont des notions différentes et donc
E × F ̸= F × E.
Relations, Relation d’équivalence. Nous pouvons interpréter tout sousensemble de E ×F comme une correspondance ou une relation entre les éléments
de E et de F . En particulier, si E = F , tout sous-ensemble R ⊂ E × E est
appelé une relation sur E. Les signes ”=” ou ”≤” sont des exemples de relations
dans les ensembles N, Z, Q, R (voir 1.2). On a besoin des relations d’équivalence
pour définir formellement les ensembles Z, Q, R (voir 1.4 et 1.5). L’objectif est
de classer les éléments de E suivant leurs types. R ⊂ E × E est une relation
d’équivalence, notée x ∼ y pour (x, y) ∈ R si elle a les propriétés suivantes :
1. x ∼ x pour tout x ∈ E (reflexivité),
2. x ∼ y implique y ∼ x (symétrie),
3. x ∼ y et y ∼ z impliquent x ∼ z (transitivité).
L’ensemble [[x]] := {y ∈ E : y ∼ x} est appelé la classe d’équivalence de x. On a
[[x]] = [[y]] si x ∼ y et x ∈ [[x]] est appelé un représentant de la classe d’équivalence
[[x]]. L’ensemble quotient, noté E/∼ est l’ensemble des classes d’équivalence. La
relation donnée par le signe ”=” définit toujours une relation d’équivalence.
Exemples
1. Sur des entiers naturels on introduit une classe d’équivalence par la relation ”avoir la même parité”. Les classes d’équivalence sont les nombres
pairs et les nombre impairs pour lesquels on choisit les représentants 0 et
1. Alors 0 ∼ 2, 1 ∼ 5, et l’ensemble quotient est donné par {[[0]], [[1]]}. Pour
faciliter la notation, on identfie souvent toute classes d’équivalence avec
son représentant priviligié. Avec cette convention, l’ensemble quotient est
donné par {0, 1}.
2. Sur Z, on introduit une classe d’équivalence par la relation ”avoir le
même carré”. Les classes d’équivalence sont données par [[0]] := {0},[[1]] :=
{−1, 1}, [[2]] := {−2, 2} etc. On peut identifier l’ensemble quotient avec N.
1.1.5
Fonctions
Application ou fonction. Une correspondance qui à tout élément x ∈ E
associe un élément y ∈ F est appelée une application ou encore une fonction de
E dans F et on la note par f : E → F . Pour indiquer que f (x) est l’élément
de F associé à x, on utilise la notation x 7→ f (x). On dit que f (x) est la
valeur de f au point x ou l’image de x par f . On appelle E le domaine de
définition 1 et F l’ensemble d’arrivée de f . Le sous-ensemble de F donné par
f [E] := {f (x) : x ∈ E} est appelé l’image de f (aussi noté Im(f )). Finalement,
le graphe d’une application, noté Gf est le sous-ensemble de E × F donné par
Gf = {(x, f (x)) : x ∈ E}.
1. Souvent on note f : E → F pour une fonction même si son domaine de défintion Df
est plus petit que E si, par exemple, on veut décrire des propriétés générales d’une classe de
fonctions qui ne dépendent pas du domaine de définition Df . Avec cette convention on dit
que f : E → F est une application si et seulement si Df = E.
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
9
En général il est représenté dans un système de coordonneés. Par exemple,
pour une fonction réelle (i.e. E, F ⊂ R) le graphe est représenté par sa courbe
dans le plan muni des coordonnées cartésiennes. On introduit encore les notions
suivantes :
Fonction surjective. Une fonction f : E → F est dite surjective si f [E] = F
ou, autrement dit, si tout y ∈ F est l’image par f d’au moins un élément x ∈ E.
Fonction injective. Une fonction f : E → F est dite injective si x1 ̸= x2
implique f (x1 ) ̸= f (x2 ) pour tout x1 , x2 ∈ E. Autrement dit, tout y ∈ f [E] est
l’image par f d’un seul élément x ∈ E.
Fonction bijective. Une fonction f : E → F est dite bijective si elle est à la
fois surjective et injective.
Fonction identique (ou identité). La fonction IdE : E → E définie par
IdE (x) = x est appelée la fonction identique ou fonction identité sur E. La
fonction identité est bijective.
Fonction constante. Une fonction f : E → F est dite constante si f (x1 ) =
f (x2 ) pour tout xj ∈ E, j = 1, 2.
Composition de fonctions. Soit f : E → F et g : A → B deux fonctions
telles que f [E] ⊂ A. Alors la fonction g ◦ f : E → B, définie par (g ◦ f )(x) :=
g(f (x)) est appelée la fonction composée de g et f . La loi de composition est
associative : soit h : C → D une fonction telle que g[A] ⊂ C, alors
h ◦ (g ◦ f ) = (h ◦ g) ◦ f,
car pour tout x ∈ E
(
)
(
)
(
)
(
) (
)
h ◦ (g ◦ f ) (x) = h (g ◦ f )(x) = h g(f (x)) = (h ◦ g) f (x) = (h ◦ g) ◦ f (x)
Fonction réciproque. Lorsque f : E → F est bijective, on peut définir une
fonction f −1 : F → E qui à tout y ∈ F associe l’élément x de E donné par la
solution unique de l’équation y = f (x). f −1 est appelé la fonction réciproque de
f . La fonction f −1 est bijective et f −1 ◦ f = IdE , f ◦ f −1 = IdF .
Tableau : Propriétés de f : E → F de l’équation y = f (x) avec y ∈ F
f : E → F surjective
f : E → F injective
f : E → F bijective
admet au moins une solution x ∈ E
y = f (x)
admet au plus une solution x ∈ E
admet exactement une solution x ∈ E
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
10
Restriction d’une fonction. Soit f : E → F , D un sous-ensemble du domaine de définition E de f et g : D → F la fonction telle que g(x) = f (x) pour
tout x ∈ D. On appelle g la restriction de f à D et on la note f |D (dire : f
restreinte à D).
Prolongement d’une fonction. Soit E ⊂ D. Une fonction g : D → T est
appelée un prolongement de f si f est la restriction de g à E , i.e. g|E = f .
Fonction indicatrice. Soit E, R deux ensembles tels que E ⊂ R. La fonction
indicatrice de E, notée χE , est définie par
{
1 si x ∈ E,
χE (x) =
0 si x ∈ R \ E.
Si E, F sont des sous-ensembles d’un ensemble R, alors
χE (x) · χF (x) = χE∩F (x)
et
χE (x) + χF (x) = χE∪F (x) + χE∩F (x).
En probabilité, cette relation est appelée le principe d’exclusion-inclusion. Si
E ⊂ S, F ⊂ T , alors E × F ⊂ S × T et
{
1 si x ∈ E et y ∈ F ,
χE×F (x, y) = χE (x)χF (y) =
0 si (x, y) ∈ S × T \ E × F .
Exemple - une fonction sur des ensemble finis : le cardinal. Soit E
un ensemble ayant un nombre fini d’éléments. Alors on appelle ce nombre le
cardinal de E noté card(E). Dans ce cas, on peut définir le cardinal pour tout
sous-ensemble de E et voir le cardinal comme une fonction définie pour tout
sous-ensemble de E : card : P(E) → N. Noter que card(∅) = 0.
Exemple - addition et multiplication. Les opérations algébriques +, ·
peuvent être vues comme des applications. Par exemple, l’addition des entiers
est une application de E = Z × Z dans F = Z donnée par f ((n, m)) = n + m.
1.2
Structures algébriques et structures d’ordre
Nous rappelons d’abord les règles habituelles de calcul sous forme d’une liste
d’axiomes. Ensuite nous présentons des esquisses dune construction et description plus axiomatique des ensembles à partir de l’ensemble des naturels.
Axiomes algébriques - propriétés d’un corps.
Soit x, y, z ∈ Q ou R.
A1 x + (y + z) = (x + y) + z et x · (y · z) = (x · y) · z.
A2 x + y = y + x et x · y = y · x.
A3 Il existe un élément noté 0 (appelé l’élément neutre de l’addition) tel que
pour tout x : 0 + x = x.
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
11
A4 Pour chaque x il existe un élément noté −x tel que x + (−x) = 0
A5 Il existe un élément 1 ̸= 0 (appelé l’élément neutre de la multiplication)
tel que pour tout x : 1 · x = x.
A6 Pour chaque x ̸= 0 il existe un élément noté x−1 tel que x · x−1 = 1.
A7 x · (y + z) = x · y + x · z.
Ensembles N et Z. Nous rappelons que l’ensemble N ne satisfait pas les
axiomes 4 et 6, et l’ensemble Z ne satisfait pas l’axiome 6.
Axiomes d’ordre.
Soit x, y, z ∈ N, Z, Q ou R.
O1 x ≤ y et y ≤ z impliquent x ≤ z.
O2 x ≤ y et y ≤ x impliquent x = y.
O3 Pour tout couple x, y on a soit x < y, soit x = y, soit x > y.
O4 Si x ≤ y, alors pour tout z : x + z ≤ y + z.
O5 Si 0 ≤ x et si 0 ≤ y, alors 0 ≤ xy.
Remarque.
Nous rappelons la définition des signes < et > à partir de ≤ :
x<y
x>y
si
si
x ≤ y et
y ≤ x et
x ̸= y,
x ̸= y.
On note x ≥ y si y ≤ x. Si la relation x = y n’est pas vérifiée on écrit x ̸= y. Les
axiomes O1, O2 et O3 signifient que les ensembles N, Z, Q et R sont totalement
ordonnés.
Proposition 1.2.1. Les ensembles Q et R sont des corps totalement ordonnés.
Conséquences élémentaires des axiomes. Les axiomes algébriques et d’ordre
A1 - A7 et O1 - O5 entraı̂nent beaucoup d’autres propriétés élémentaires parmi
lesquelles nous mentionnons les résultats suivants :
1. Les éléments neutres 0 et 1 sont uniques.
2. 0 · x = 0 pour tous x ∈ R (ou x ∈ Q).
3. On dénote −a l’inverse additif de a. Alors (−1) · (−1) = 1.
4. x2 ≥ 0 pour tout x ∈ R et x2 > 0 si et seulement si x ̸= 0.
5. Soit a, b ∈ R, a ̸= 0. Alors l’équation ax + b = 0 admet l’unique solution
b
x=− .
a
1.3
Nombres naturels et principe d’induction
Ensemble des nombres naturels. On note N l’ensemble des entiers naturels
ou nombres naturels :
N = {0, 1, 2, . . .}
Sur l’ensemble des nombres naturels, il y a une structure algébrique donnée par
les opérations d’addition, notée ”+”, et de multiplication, notée ”·” (les axiomes
A1,A2,A3,A5 et A7). De plus l’ensemble des nombres naturels est totalement
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
12
ordonné. Il faut cependant une propriété supplémentaire pour caractériser l’ensemble N 2 .
Propriété du bon ordre. Tout sous-ensemble non vide de N a un plus
petit élément.
Cette propriété implique le
Théorème 1.1. - Principe d’induction ou de récurrence. Soit P (n) une
propriété dépendante d’un entier naturel telle que :
1. la propriété P (0) est vraie.
2. P (n) implique P (n + 1).
Alors P (n) est vraie pour tout entier naturel. 3
Exemple. Soit P (n) l’affirmation que f (n) := 22n+3 + 7n+1 est divisible par
3. Alors P (0) est vraie puisque f (0) = 15 est divisible par 3. En supposant que
f (n) soit divisible par 3, il faut démontrer que f (n + 1) est divisible par 3. Par
un calcul simple on trouve :
f (n + 1) = 22(n+1)+3 + 7(n+1)+1 = 22 f (n) + 7n+1 (7 − 22 ) = 4f (n) + 3 · 7n+1
d’où l’affirmation. Il est indispensable de vérifier que P (0) est vraie puisque
avec f (n) = 22n+4 + 7n+1 on peut toujours montrer que P (n) implique P (n + 1)
mais P (0) est faux (24 + 7 = 23 n’est pas divisible par 3) donc P (n) n’est pas
démontré.
Dans la suite, nous présentons encore des autres applications de démonstrations
par récurrence, notamment pour dériver quelques sommes et produits utiles.
Nous rappelons d’abord quelques propriétés de la somme et du produit.
1.3.1
Somme et produit
Définition. Soit m ≤ n deux entiers. Pour tout entier k tel que m ≤ k ≤ n,
soit ak un nombre réel. On définit 4 :
n
∑
ak = am + am+1 + . . . + an ,
k=m
n
∏
ak = am · am+1 · . . . · an = am am+1 . . . an .
k=m
2. On dit que N est le plus petit ordinal infini. On identifie des nombres ordinaux linguistiquement par les mots premier, deuxième etc.
3. Sinon il existe un plus petit entier m > 0 tel que la propriété P (m) est fausse. Il en suit
que m − 1 est un entier naturel et P (m − 1) est vraie donc R(m) est vrai d’où la contradiction.
Le théorème est même
à la propriété du bon ordre.
∑ équivalent
∏
4. Les symboles
et
évoquent les lettres greques majuscules Sigma et Pi.
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
13
Si m = n, alors la somme (le produit) ne contient que le nombre an . Pour
n = m − 1 on définit :
m−1
∑
ak := 0 (somme vide)
k=m
m−1
∏
ak := 1
(produit vide)
k=m
Si l − 1 ≤ m ≤ n, alors :
Quelques règles de calcul.
m
∑
k=l
(∏
m
n
∑
ak +
ak =
k=m+1
n
∑
ak
k=l
) ( ∏
) ∏
n
n
ak ·
ak =
ak .
k=l
k=m+1
k=l
Pour tout entier k tel que m ≤ k ≤ n soit ak , bk des nombres réels.
n
∑
(ak + bk ) =
k=m
n
∑
k=m
n
∏
ak bk =
k=m
n
∏
n
∑
ak +
n
∏
ak ·
k=m
bk
k=m
bk .
k=m
De plus, soit λ un nombre (réel, complexe). Alors
n
∑
λak = λ
k=m
n
∏
k=m
ak
k=m
n
∏
(λak ) =
n
∑
λak = λn−m+1
k=m
n
∏
ak .
k=m
Changement d’indices.
n
∑
ak =
k=m
n
∏
n−l
∑
aj+l
j=m−l
ak =
k=m
n−l
∏
aj+l
j=m−l
Une technique utile est de changer l’ordre des ak dans une somme ou dans un
produit : soit σ une permutation de {1, . . . , n}, i.e. σ est une application de
E = {1, . . . , n} dans E telle que σ(j) ̸= σ(k) pour tout j ̸= k. Plus précisément,
σ est bijective. Alors
n
n
∑
∑
ak =
aσ(k)
k=1
k=1
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
n
∏
14
ak =
k=1
n
∏
aσ(k) .
k=1
En particulier, les inversions de l’ordre a1 +. . .+an = an +. . .+a1 , respectivement
a1 · . . . · an = an · . . . · a1 , donnent
n
∑
n
∑
ak =
n
∏
an+1−k
k=1
k=1
n
∏
ak =
k=1
an+1−k .
k=1
Exemple - Une application de l’inversion de l’ordre. L’inversion
de l’ordre nous permet de calculer aisément la somme des n premiers entiers
positifs 5 :
n
∑
k=1
1∑
1∑
1∑
n(n + 1)
k=
.
k+
(n + 1 − k) =
(k + n + 1 − k) =
2
2
2
2
n
n
n
k=1
k=1
k=1
Produit de deux sommes. Pour j, k tel que m ≤ j, k ≤ n :
) ∑
(∑
)( ∑
n ∑
n
n
n
n
n
∑
∑
bk =
aj bk =
aj
aj
bk .
j=m k=m
1.3.2
j=m
k=m
j=m
k=m
Exemple - une formule du binôme
Problème. Montrer que pour tout a, b ∈ R et tout entier positif n :
an − bn = (a − b) ·
n−1
∑
an−k−1 bk .
(1.1)
k=0
Appelons cette propriété P (n). Pour n = 1 nous avons an − bn =
Solution.
a − b et
(a − b) ·
n−1
∑
an−k−1 bk = (a − b) ·
k=0
0
∑
a1−k−1 bk = (a − b) · a0 b0 = a − b.
k=0
Par conséquent, P (1) est vraie. Pour démontrer que P (n) implique P (n + 1)
nous écrivons an+1 − bn+1 comme suit :
an+1 − bn+1 = an+1 − abn + abn − bn+1 = a(an − bn ) + (a − b)bn .
Nous utilisons ensuite la relation R(n). Donc
an+1 − bn+1 = a · (a − b) ·
n−1
∑
an−k−1 bk + (a − b)bn
k=0
= (a − b) ·
n−1
∑
an+1−k−1 bk + (a − b)bn .
k=0
5. d’après une anecdote, c’était le jeune élève (dissipé !) de neuf ans Carl Friedrich Gauss
(1777-1855) qui a réinventé et appliqué cette métode pour calculer la somme des 100 premiers
entiers positif.
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
Notons que bn =
n
∑
15
an+1−k−1 bk . Nous obtenons la propriété P (n + 1) :
k=n
n+1
a
−b
n+1
= (a − b) ·
∑
( n−1
n+1−k−1 k
a
b +
k=0
n
∑
an+1−k−1 bk
)
k=n
= (a − b) ·
n+1−1
∑
an+1−k−1 bk .
k=0
1.3.3
Exemple - trouver la formule pour une somme
Problème. Trouver une formule pour la somme
Sn :=
n
∑
k=1
1
k(k + 1)
, n ∈ Z+ .
Solution. Le problème est plus difficile que 1.3.2 puisque d’abord il faut trouver la bonne formule pour Sn . Comment peut-on la trouver ? Une méthode est
de calculer les premiers Sn pour éventuellement en déduire la formule générale
(ou au moins un bon candidat). Alors :
n=1:
n=2:
n=3:
n=4:
S1
S2
S3
S4
= 12
= 21 + 16 = 23
1
= S2 + 12
= 34
1
= S3 + 20 = 45 .
On voit que les résultats sont de la forme
Sn :=
n
∑
k=1
n
n+1 .
Notre conjecture est alors :
1
n
=
k(k + 1)
n+1
, n ∈ Z+ .
Évidemment c’est vrai pour S1 . Supposons que Sn =
Sn+1 = Sn +
n
n+1 .
(1.2)
Alors
1
n
1
n+1
=
+
=
.
(n + 1)(n + 2)
n + 1 (n + 1)(n + 2)
n+2
Solution 2. Alternativement, nous trouvons une formule pour Sn comme suit :
1
1
notons que k(k+1)
= k1 − k+1
. Donc formellement
Sn :=
n
∑
k=1
∑(1
1 )
1
=
−
k(k + 1)
k k+1
n
k=1
1 1
1
1
1
1
1
− )+( −
)
= (1 − ) + ( − ) + . . . + (
2
2
3
n
−
1
n
n
n
+
1
| {z }
| {z }
=1−
1
n
=
.
n+1
n+1
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
16
Ce calcul nous propose une autre démonstration de la formule en appliquant
nos conventions sur les sommes finies. En fait, pour tout entier n positif :
Sn =
=
n
∑
(1
k=1
n
∑
k=1
k
1 )
k+1
−
1 ∑ 1
−
k
k+1
n
k=1
1 ∑1
−
par le changement j = k + 1
k j=2 j
k=1
(
) (∑
)
n
n
∑
1
1
1
= 1+
−
+
k
j
n+1
j=2
=
n
∑
n+1
k=2
=1−
1.3.4
1
.
n+1
Nombres premiers
On dit qu’un nombre naturel p est premier si p ≥ 2 et s’il n’est divisible que
par 1 et par lui-même. Tout entier positif n s’écrit de manière unique comme
produit de nombres premiers (démonstration par récurrence, exercice) :
n=
m
∏
pki i ,
p1 < p2 < . . . < pm ,
ki ∈ N ∗ .
(1.3)
i=1
Il existe une infinité de nombres premiers (démonstration par l’absurde, exercice). Pour a, b ∈ N∗ on peut appliquer (1.3) pour trouver le plus grand commun
diviseur de a et b, noté pgcd(a, b), et le plus petit commun multiple de a et b,
noté ppcm(a, b) (voir ”Savoir faire en mathématique”, Y.Biollay, A. Chaabouni,
J.St.)
1.4
Nombres entiers
L’équation x + m = n, m, n ∈ N admet une solution x ∈ N si et seulement
si m ≤ n, notée x = n − m. Si m > n, on pourra formellement définir la
solution par x = −(m − n). Cette définition est justifiée si on construit Z par
des classes d’équivalence dans N × N : on définit une relation d’équivalence par
(n1 , m1 ) ∼ (n2 , m2 ) si n1 + m2 = n2 + m1 (i.e par des couples (n, m) à différence
constante). On définit une classe d’équivalence par
[[(n, m)]] := {(n1 , m1 ) ∈ N × N : (n1 , m1 ) ∼ (n, m)}
En particulier, [[(n, m)]] = [[(n − m, 0)]] si m ≤ n et [[(n, m)]] = [[(0, m − n)]] si
m > n. L’ensemble quotient N × N/ ∼ est l’ensemble de classes d’équivalence
[[(n, m)]] et on définit
Z := N × N/∼ .
(1.4)
Sur cet ensemble quotient, on définit l’addition et la multiplication comme suit :
[[(n, m)]] + [[(n′ , m′ )]] = [[(n + n′ , m + m′ )]],
[[(n, m)]] · [[(n′ , m′ )]] = [[(nn′ + mm′ , nm′ + mn′ )]].
(1.5)
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
17
Ensuite on identifie (une telle identification est appelée un homéomorphisme
puisque les structures de l’addition et de la multiplication sont préservées) les
classes [[(n, 0)]] avec n et [[(0, n)]] avec −n.
L’ensemble Z est dénombrable, c’est-à-dire qu’il existe une application bijective i : N → Z, par exemple i(0) = 0, i(1) = 1, i(2) = −1, i(3) = 2, . . ..
1.5
Les corps ordonnés Q et R
Nous avons vu que Q et R sont des corps ordonnés, i.e. ils satisfont les mêmes
axiomes algébriques et d’ordre. En introduisant une nouvelle notion - celle du
supremum et de l’infimum d’un ensemble - nous allons montrer que Q n’est pas
complet et que R a cette propriété supplémentaire appelée la propriété de la
borne supérieure (voir 1.5.3).
1.5.1
Propriétés des nombres rationnels
Construction des rationnels. On définit Q par une relation d’équivalence
dans Z × Z \ {0} : (p, q) ∼ (p′ , q ′ ) si pq ′ = p′ q (c’est-à-dire par des couples (p, q)
à quotient constant). Le représentant priviligié de la classe d’équivalence (donc
d’un nombre rationnel) est (p, q) avec pgcd(p, q) = 1 pour p, q > 0. L’ensemble
Q est dénombrable (voir l’illustration)
Illustration - Q est dénombrable.
Arithmétique des rationnels.
Soit a, b, c, d ∈ Z, b, d ̸= 0. Alors
a
c
ad + bc
+ :=
,
b
d
bd
a c
a·c
· :=
.
b d
b·d
Pour les éléments inverses :
( a ) −a
a
−
=
=
b
b
−b
et si a ̸= 0 :
( a )−1
1
b
= a = .
b
a
b
La relation d’ordre sur les rationnels.
Soit a, b, c, d ∈ Z, b, d ̸= 0. Alors
a
c
ad
bc
≤ ⇔
≤
⇔ ad ≤ bc.
b
d
bd
bd
Notons également que l’ensemble Q est dense dans le sens suivant : entre deux
nombres rationnels a < b il y a toujours un autre nombre rationnel, par exemple
la moyenne arithmétique a+b
2 , et, par conséquent, il y a un nombre infini de
nombres rationnels entre a < b. L’ensemble Q satisfait également l’axiome d’Archimède :
Proposition 1.5.1. Pour tout couple (x, y) ∈ Q×Q satisfaisant x > 0 et y ≥ 0,
il existe un entier positif n tel que nx > y.
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
18
Démonstration. Si y = 0 on peut choisir n = 1 (ou tout autre entier positif).
a
c
Soit x := > 0, y := > avec a, b, c, d ∈ Z+ . En appliquant la relation d’ordre
b
d
on a nx > y si et seulement si nad > bc. Cette inégalité est vérifiée pour le choix
n = bc + 1 puisque (bc + 1)ad ≥ bc + 1 > bc.
Équations quadratiques. Pour illustrer le fait que Q n’est pas algébriquement
clos nous rappelons que l’équation x2 = 2 n’admet pas de solutions dans Q.
Proposition 1.5.2. Il n’y a pas de x ∈ Q qui satisfait x2 = 2.
Démonstration. Supposons qu’il existe x = pq avec p, q ∈ Z+ tel que x2 = 2. On
peut également supposer que p et q n’ont pas de diviseur commun, c’est-à-dire,
que leur plus grand commun diviseur est 1 : pgcd(p, q) = 1. On a
p2
= 2 i.e. p2 = 2q 2
q2
et par conséquent p2 est pair. Donc p est pair et il existe un entier p′ tel que
p = 2p′ (puisque le carré d’un entier impair est impair ; en effet (2n + 1)2 =
2(2n2 + n) + 1 est impair). Alors
p2 = 4p′2 = 2q 2
i.e. 2p′2 = q 2
Donc q doit être pair. C’est une contradiction avec notre hypothèse que p et q
n’ont pas de diviseur commun. Il n’existe donc pas de nombre rationnel x tel
que x2 = 2.
1.5.2
Sous-ensembles de Q et de R
Pour décrire la propriété supplémentaire de R, il nous faut un langage approprié concernant les sous-ensembles d’un ensemble ordonné. Dans la suite, soit
A ̸= ∅ un sous-ensemble de l’ensemble ordonné S = Q ou S = R.
Majorant. A est dit majoré s’il existe b ∈ S tel que pour tout x ∈ A on a
x ≤ b. Le nombre b est appelé majorant de A.
Minorant. A est dit minoré s’il existe a ∈ S tel que pour tout x ∈ A on a
x ≥ a. Le nombre a est appelé minorant de A.
Remarque.
Si A admet un minorant (majorant), il en admet plusieurs.
Sous-ensemble borné. A est dit borné, s’il est à la fois minoré et majoré.
Exemple. Considérons l’ensemble A = {x : 0 ≤ x2 < 2, x ∈ Q}. L’ensemble
A est borné. Un minorant est a = −2 et un majorant est b = 2 puisque (−2)2 =
22 = 4 > 2. Un autre couple (minorant, majorant) est (a = − 32 , b = 23 ) puisque
32
9
22 = 4 . Notre argument est justifié grâce aux inégalités suivantes :
si x, y > 0 : x < y ⇔ x2 < y 2 et si x, y < 0 : x < y ⇔ x2 > y 2 .
En effet, noter simplement que x2 − y 2 = (x + y)(x − y).
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
19
Supremum. Un majorant b ∈ S est dit supremum ou borne supérieure de A,
noté b = sup A, si b est le plus petit majorant, c’est-à-dire si tout majorant b′ de
A satisfait b′ ≥ b. Si A n’est pas majoré, on pose sup A = +∞ ou simplement
sup A = ∞. 6
Remarque - Unicité. Si le supremum existe, il est unique (donc notre notation est justifiée). En effet, supposons qu’il existe deux plus petits majorants
b1 et b2 . On a b1 ≥ b2 car b2 est le plus petit majorant mais aussi b2 ≥ b1 , donc
b1 = b2 .
Infimum. Un minorant a ∈ S est dit infimum ou borne inférieure de A, noté
a = inf A, si a est le plus grand minorant, c’est-à-dire si tout minorant a′ de A
satisfait a′ ≤ a. Si A n’est pas minoré, on pose inf A = −∞.
Remarque - Unicité.
Si l’infimum existe, il est unique.
Maximum. Un majorant b ∈ S est dit maximum de A, noté b = max A, si
b = sup A et b ∈ A.
Minimum. Un minorant a ∈ S est dit minimum de A, noté a = min A, si
a = inf A et a ∈ A.
Exemple - Un sous-ensemble borné des rationnels sans supremum.
Nous allons montrer que l’ensemble A = {x : 0 ≤ x2 < 2, x ∈ Q} n’a pas de
supremum (ni d’infimum) dans S = Q. Autrement dit, il n’y a pas un b ∈ Q
tel que b = sup{x : 0 ≤ x2 < 2, x ∈ Q}. La démonstration se fera par un
raisonnement par l’absurde.
Proposition 1.5.3. L’ensemble A = {x : 0 ≤ x2 < 2, x ∈ Q} n’a pas de
supremum ni d’infimum dans S = Q.
Démonstration. Nous donnons seulement la démonstration pour le supremum.
Supposons alors que b = sup A ∈ Q. Évidemment b > 0. On a soit b2 < 2, soit
b2 = 2, soit b2 > 2. Le cas b2 = 2 est exclu par la proposition 1.5.2.
Si b2 > 2, alors b > 2/b. Raisonnons par l’absurde. Le but est de construire un
majorant x ∈ Q tel que x < b. Posons x = 21 (b + 2b ), la moyenne arithmétique
de b et 2/b. Évidemment on a x ∈ Q. De plus, x < b car 2/b < b, ou par un
calcul explicite
)
1(2
1
x−b=
− b = (2 − b2 ) < 0.
2 b
2b
6. Le symbol ∞ représente l’infini et fut introduit par John Wallis, De sectionibus conicis
nova methodo expositis tractatus, section I, Prop.1, p.4 (1655)
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
20
Nous montrons que x2 > 2. En effet
)2
1(2
+b −2
4 b
)
1( 4
=
+ 4 + b2 − 2
2
4 b
)
1( 4
=
− 4 + b2
2
4 b
)2
1(2
−b
=
4 b
= (x − b)2 > 0.
x2 − 2 =
Nous avons donc trouvé un majorant x < b = sup A, en contradiction avec la
définition du supremum. Le cas b2 > 2 est alors impossible.
Si b2 < 2, alors b < 2/b. Nous allons construire un nombre y ∈ Q tel que y > b
et y 2 < 2. Posons x = 12 (b + 2b ) et y = x2 . Évidemment on a y ∈ Q. Le nombre
y satisfait y > b car x < 2/b :
y−b=
2
1
1
− b = (2 − bx) =
(2 − b2 ) > 0.
x
x
2x
De plus, y 2 < 2, i.e. y ∈ A puisque
2
2
(2 − x2 ) = − 2 (x − b)2 < 0.
x2
x
Par conséquent, on a trouvé y ∈ A avec y > b = sup A, en contradiction avec la
définition du supremum.
y2 − 2 =
1.5.3
Propriétés des nombres réels
Axiome de la borne supérieure. L’ensemble R est complet, i.e. tout sousensemble A ̸= ∅ majoré admet un supremum.
Remarque. Cet axiome implique que tout sous-ensemble des réels A ̸= ∅
minoré admet un infimum puisque
inf A = −sup {−x : x ∈ A}.
Nous utilisons la propriété de la borne supérieure uniquement pour caratériser
les réels. La construction des réels liée à cette propriété fut proposé par Richard
Dedekind 7 . Remarquons également que R est l’unique corps totalement ordonné
qui satisfait la propriété de la borne supérieure. L’axiome de la borne supérieure
implique que l’équation x2 = 2 (et donce toute équation quadratique qui peut
être transformée sous la forme x2 = r, r > 0 admet des solutions dans R.
Proposition
1.5.4. L’équation x2 = 2 admet deux solutions dans R, notées
√
√
2 et − 2.
√
Démonstration. Nous prouvons seulement l’existence de la solution positive 2.
Considérons l’ensemble A = {x : 0 ≤ x2 < 2, x ∈ R}. L’ensemble A est borné,
donc il existe b = sup A ∈ R et b > 0. Comme dans la proposition 1.5.3, nous
pouvons exclure les cas b2 > 2 et b2 < 2. Donc b2 = 2.
7. Richard Dedekind 1831 - 1916, mathématicien allemand
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
21
Par conséquent, Q ⊂ R et les éléments dans R \ Q, le complémentaire de Q
dans R sont les nombres irrationnels. L’axiome de la borne supérieure implique
que l’ensemble R est archimédien :
Proposition 1.5.5. - R est archimédien. Pour tout couple (x, y) ∈ R × R
satisfaisant x > 0 et y ≥ 0, il existe un entier positif n tel que nx > y.
Démonstration. Si y = 0 prendre n = 1. Soit y > 0. Supposons qu’il n’existe
aucun entier positif tel que nx > y. Par conséquent le sous-ensemble X non vide
des réels donné par X := {nx : n ∈ Z+ } est majoré (un majorant est y). Par
la propriété de la borne supérieure, sup X < ∞ existe et (n + 1)x ≤ sup X pour
tout entier naturel, d’où nx ≤ sup X − x pour tout entier naturel et donc tout
entier positif n. Il en suit que sup X − x est un majorant de X qui strictement
plus petit que sup X d’où la contradiction
Remarque - Une caractérisation du nombre réel 0. L’axiome d’Archimède implique que si a est un nombre réel tel que 0 ≤ a < n1 pour tout entier
positif n, alors a = 0.
Partie entière. Par conséquent, à tout nombre réel x, on peut associer un
unique entier [x], appelé la partie entière de x, tel que
[x] ≤ x < [x] + 1.
Proposition 1.5.6. Q est dense dans R, c’est-à-dire qu’entre deux nombres
réels a < b, il existe toujours un nombre rationnel.
Démonstration. Grâce à l’axiome d’Archimède il existe un entier positif n tel
que n(b−a) > 1 (prendre x = b−a et y = 1) ; par conséquent b > na+1
n . Prenons
[na+1]
r := n . Evidemment r ∈ Q et nous avons la chaı̂ne d’inégalités suivante :
b>
na + 1
[na + 1]
[na] + 1
na
≥
=r=
>
= a.
n
n
n
n
Proposition 1.5.7. R n’est pas dénombrable.
Démonstration. Par l’absurde en utilisant un argument dit l’argument de la
diagonale de Cantor 8 . On suppose que R est dénombrable. Noter que R est
dénombrable si et seulement si ]0, 1[ est dénombrable puisque l’application f :
x − 12
]0, 1[→ R donnée par f (x) =
est bijective. Il existe donc une applicax(x − 1)
tion bijective g : N →]0, 1[ telle que g(n) = 0, xn0 xn1 xn2 . . ., xnj ∈ {0, 1, 2, . . . , 9}.
On définit yn , n ∈ N par
{
1 si xnn ̸= 1
yn =
2 si xnn = 1.
Alors le nombre 0, y0 y1 y2 . . . n’est pas représenté, d’où la contradiction.
8. Georg Cantor (1845-1918), un mathématicien allemand
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
1.5.4
22
Intervalles
Intervalles bornés. Un intervalle est un sous-ensemble A ̸= ∅ de R qui
contient tous les nombres entre inf A et sup A. Pour les intervalles bornés on a
les quatre alternatives inf A, sup A ∈ (∈)
/ A. Soit −∞ < a < b < +∞.
Intervalle ouvert. ]a, b[= {x ∈ R : a < x < b}.
Intervalle fermé.
[a, b] = {x ∈ R : a ≤ x ≤ b}.
Intervalle semi-ouvert à gauche.
Intervalle semi-ouvert à droite.
]a, b] = {x ∈ R : a < x ≤ b}.
[a, b[= {x ∈ R : a ≤ x < b}.
Intervalles non bornés.
Intervalle ouvert. ] − ∞, b[= {x ∈ R : x < b}, ]b, ∞[= {x ∈ R : x > b}.
Intervalle fermé.
1.5.5
] − ∞, b] = {x ∈ R : x ≤ b}, [b, ∞[= {x ∈ R : x ≥ b}.
Sous-ensembles de R.
Un intervalle A est ouvert si et seulement si inf A ∈
/ A et sup A ∈
/ A. Un
intervalle ouvert a la propriété que pour chaque x ∈ A il existe un intervalle
A′ = ]a′ , b′ [ tel que x ∈ A′ et A′ ⊂ A. Cette propriété va nous servir comme
caractérisation d’un sous-ensemble ouvert quelconque :
Ensembles ouverts et fermés. Un ensemble A est dit ouvert si pour tout
x ∈ A il existe un intervalle A′ =]a′ , b′ [ tel que x ∈ A′ et A′ ⊂ A. Noter que
d’après cette définition, l’intervalle ]a, b[ est un ensemble ouvert. Un ensemble
A est dit fermé si A est le complémentaire (dans R) d’un ensemble ouvert.
Par exemple l’intervalle fermé [a, b] est le complémentaire de l’ensemble ouvert
] − ∞, a[ ∪ ]b, ∞[. L’ensemble R (comme l’ensemble vide ∅) a la propriété d’être
ouvert et fermé. Les réunions et intersections finies d’ensembles ouverts (fermés)
sont ouvertes (fermées). Les réunions quelconques d’ouverts sont ouvertes.
L’intérieur et le bord d’un ensemble. Soit E ⊂ R et a ∈ E. On dit que
a est dans l’intérieur de E s’il existe un intervalle ouvert ]a − ϵ, a + ϵ[ tel que
]a − ϵ, a + ϵ[⊂ E. L’ensemble des points intérieurs à E est appelé l’intérieur de
◦
E et noté E. Un point a ∈ E est dit isolé s’il existe un intervalle ]a − ϵ, a + ϵ[
tel que ]a − ϵ, a + ϵ[∩E = {a}. Un point a ∈ R est appelé point frontière de E
si tout intervalle ouvert ]a − ϵ, a + ϵ[ contient des points de E et des points de
R \ E. L’ensemble des points frontières de E est appelé le bord de E et noté
∂E. Le bord d’un intervalle borné I (ouverts, fermé ou semi-ouvert) est donné
par {inf I, sup I}, l’intérieur est ] inf I, sup I[. L’axe réel est égal à son intérieur.
Pour les autres intervalles non-bornés, le bord consiste en un seul point (inf I
ou sup I).
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
23
Exemple - Ensembles finis. Soit E ⊂ R un ensemble fini, c’est-à-dire E =
{x0 , . . . xN }, N ∈ R et sans perte la généralité x0 < . . . < xN . Alors E est fermé
puisque son complémentaire dans R est une réunion d’intervalles ouverts :
R \ E =] − ∞, x0 [ ∪ ]x0 , x1 [ ∪ . . . ∪ ]xN −1 , xN [ ∪ ]xN , ∞[.
◦
Noter que E = ∂E et E = ∅.
Ensemble borné et fermé. Soit E ⊂ R borné et fermé. Alors inf E ∈ E et
sup E ∈ E, c’est-à-dire inf E = min E et sup E = max E. Autrement dit, E a un
plus petit et un plus grand élément. Cette propriété nous intéresse dans l’étude
des fonctions. Nous cherchons, par exemple, des critères simples pour garantir
que l’image d’une fonction est bornée et fermée (voir ”fonctions continues”,
Chapitre 2). Pour démontrer que sup E ∈ E, nous supposons sup E ∈
/ E d’où
sup E ∈ E c . L’ensemble E c est ouvert, donc il existe un intervalle ouvert ]a, b[
tel que sup E ∈]a, b[ et ]a, b[⊂ E c , d’où la contradiction. En fait par la définition
du supremum, tout intervalle ]a, b[ contenant le nombre réel sup E doit avoir
◦
des éléments dans E. On a E = E ∪ ∂E (voir la proposition ci-dessous).
1
Exemple - une infinité de points. Soit E = { , n ∈ N∗ }. E n’est pas
n
ouvert puisque tout intervalle autour d’un point dans E contient également des
points dans R \ E. L’ensemble E n’est pas fermé puisque son complémentaire
n’est pas ouvert. En fait, tout intervalle ouvert ] − ϵ, ϵ[, ϵ > 0 autour du point
0 ∈ R \ E contient des points dans E. L’ensemble Ē = E ∪ {0} est fermé. En
fait, soit x ∈ R \ Ē. Si x < 0, alors ] − ∞, 0[⊂ (R \ Ē). Si x > 1 prendre, par
exemple, l’intervalle ]1, ∞[. Si 0 < x < 1 il existe un unique n ∈ N∗ tel que
1
1
1
1
< x < . Prendre l’intervalle ]
, [. L’intérieur de E est vide et
n+1
n
n+1 n
∂E = E ∪ {0}.
L’adhérence d’un ensemble. Soit E ⊂ R et a ∈ R. On dit que a est adhérent
à E si pour tout intervalle ]a − r, a + r[, r > 0 :
]a − r, a + r[ ∩ E ̸= ∅.
L’ensemble des points adhérents à E est appelé l’adhérence de E et noté Ē.
Les points limites d’un ensemble. Soit E ⊂ R et a ∈ R. On dit que a est
un point limite de E si tout intervalle ]a − r, a + r[, r > 0 contient un x ∈ E tel
que x ̸= a :
(]a − r, a + r[\{a}) ∩ E ̸= ∅.
Cette condition est équivalente à ]a − r, a + r[ ∩ (E \ {a}) ̸= ∅. Si a est un point
limite de E, alors a est adhérent à E. Un point isolé dans E n’est pas un point
limite.
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
24
Tableau : Classification des points relatifs à un ensemble E ⊂ R
◦
Point intérieur de E
]a − r, a + r[⊂ E pour un r > 0 : on note a ∈ E
Point isolé de E
]a − r, a + r[ ∩ E = {a} pour un r > 0
Point frontière de E
]a − r, a + r[ ∩ E ̸= ∅ et
]a − r, a + r[ ∩ (R \ E) ̸= ∅ pour tout r > 0
Point adhérent à E
]a − r, a + r[ ∩ E ̸= ∅ pour tout r > 0 : on note a ∈ Ē
Point limite de E
(]a − r, a + r[\{a}) ∩ E ̸= ∅ pour tout r > 0
La proposition suivante découle directement des définitions :
Proposition 1.5.8. Soit E ⊂ R.
◦
1. E ⊂ E ⊂ Ē.
◦
2. Ē = E ∪ ∂E.
◦
3. E est ouvert si et seulement si E = E.
4. E est fermé si et seulement si E = Ē.
5. ∂E = Ē ∩ R \ E.
6. L’adhérence de E est la réunion disjointe de l’ensemble des points limites
et de l’ensemble des points isolés dans E.
1.5.6
Valeur absolue
Valeur absolue.
ou nul défini par
A tout nombre réel x, on peut associer le nombre réel positif
{
x
si x > 0
|x| =
−x sinon.
(1.6)
et |x| est appelé la valeur absolue de x. Noter que |x| = max(x, −x) où max(x,
√ y)
dénote le maximum de x et y. La défintion (1.6) est équivalente à |x| = x2 .
Propriétés. Pour x, y ∈ R on a
1. Positivité : |x| ≥ 0 et |x| = 0 ⇔ x = 0
2. Homogénéité : |yx| = |y||x|
3. Inégalité triangulaire : |x + y| ≤ |x| + |y|
4. Si y ̸= 0, | xy | =
|x|
|y|
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
25
5. |x| − |y| ≤ |x − y|
6. Soit r > 0, a ∈ R. |x − a| < r ⇔ −r < x − a < r et |x − a| ≤ r ⇔ −r ≤
x − a ≤ r. Autrement dit :
]a − r, a + r[= {x ∈ R : |x − a| < r},
[a − r, a + r] = {x ∈ R : |x − a| ≤ r}
7. Soit r > 0, a ∈ R. |x − a| > r ⇔ x < a − r ou x > a + r et |x − a| ≥ r ⇔
x ≤ a − r ou x ≥ a + r. Autrement dit :
] − ∞, a − r[∪]a + r, ∞[= {x ∈ R : |x − a| > r},
] − ∞, a − r] ∪ [a + r, ∞[= {x ∈ R : |x − a| ≥ r}
8. Si |x| < ϵ pour tout ϵ > 0 alors x = 0
Remarque. On peut interpréter la valeur absolue comme une fonction à valeurs dans R+ . Les propriétés 1, 2 et 3 sont les propriétés d’une norme sur un
espace vectoriel. Les propriétés 4, 5 sont des conséquences de 2, 3. Les propriétés
6, 7 et 8 découlent directement de la défintion.
Remarque. La propriété 8 est une conséquence de la positivité et nous donne
une caractérisation importante du nombre 0 :
x = 0 ⇔ |x| < ϵ pour tout ϵ > 0.
L’implication ⇒ est evidente. La conclusion ⇐ signifie : si |x| est arbitrairement
petit, alors x = 0. Elle est particulièrement importante pour le concept du
processus de limite décrit dans le chapitre suivant.
Remarque. Pour x, y ∈ R, on peut définir la distance d(x, y) de deux nombres
x et y par d(x, y) = |x − y|. La distance d(x, y) vérifie les propriétés suivantes :
1. Positivité : d(x, y) ≥ 0 et d(x, y) = 0 ⇔ x = y
2. Symétrie : d(x, y) = d(y, x)
3. Inégalité triangulaire : d(x, y) ≤ d(x, z) + d(z, y) pour tout z ∈ R.
Les identités ”min-max” de la valeur absolue.
Pour tout x, y ∈ R :
|x + y| + |x − y| = |x| + |y| + ||x| − |y|| = 2 max(|x|, |y|).
(1.7)
Sa démonstration est laissée comme exercice. En remplaçant x par x + y et y
par x − y dans l’équation (1.7), on trouve
||x + y| − |x − y|| = |x| + |y| − ||x| − |y|| = 2 min(|x|, |y|).
1.6
(1.8)
Quelques fonctions réelles
On présente une première liste de fonctions f : R → R. Pour les fonctions
polynomiales et rationnelles voir ”Savoir faire en mathématiques, Y. Biollay, A.
Chaabouni, J.St.”.
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
1.6.1
26
Fonctions monotones.
Soit E et F des sous-ensembles non-vides de R et f : E → F une fonction
réelle. Soit x, x1 , x2 ∈ E.
Fonction croissante. Une fonction f est dite croissante sur E si x1 < x2
implique f (x1 ) ≤ f (x2 ).
Fonction strictement croissante. Une fonction f est dite strictement croissante si x1 < x2 implique f (x1 ) < f (x2 ).
Fonction décroissante. Une fonction f est dite décroissante si x1 < x2 implique f (x1 ) ≥ f (x2 ).
Fonction strictement décroissante. Une fonction f est dite strictement
décroissante si x1 < x2 implique f (x1 ) > f (x2 ).
Exemple.
1. La fonction f : R → R donnée par f (x) = x3 est strictement croissante
car
( x2 x2 (x1 + x2 )2 )
x32 −x31 = (x2 −x1 )(x21 +x1 x2 +x22 ) = (x2 −x1 ) 1 + 2 +
>0
2
2
2
si x1 < x2 .
2. La fonction f : Q → R définie par f (x) = 2x est strictement croissante
(exercice).
3. Soit f : E → F une fonction bijective strictement (dé)croissante. Alors sa
fonction inverse f −1 : F → E est strictement (dé)croissante.
1.6.2
Fonctions définies par morceaux
La fonction valeur absolue est définie par
{
x
si x > 0
|x| =
−x sinon.
La fonction signe est définie par


si x > 0,
1
sign(x) = 0
si x = 0,


−1 si x < 0.
La fonction de Heaviside 9 est définie par
{
1 si x > 0,
Heaviside(x) = H(x) =
0 si x ≤ 0.
La fonction en escalier de Gauss (ou la partie entière) est définie par
G(x) = [x]
9. après Oliver Heaviside (1850 - 1925), un ingénieur et physicien anglais
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
1.6.3
27
Fonctions trigonométriques.
Les fonctions trigonométriques sont définies par le cercle trigonométrique
(voir ”Savoir faire en mathématiques, Y. Biollay, A. Chaabouni, J.St.”.)
2
sin
1
–4
–2
0
2
4
–1
cos
–2
sin : ] − ∞, ∞[−→ [−1, 1]
cos : ] − ∞, ∞[−→ [−1, 1]
4
tan
2
–4
–2
0
2
4
–2
cotan
–4
tan : ] π2 + kπ, π2 + (k + 1)π[−→] − ∞, ∞[
cot : ]kπ, (k + 1)π[−→] − ∞, ∞[, k ∈ Z.
Formules importantes.
sin2 α + cos2 α = 1
sin(α + β) = sin α cos β + cos α sin β
cos(α + β) = cos α cos β − sin α sin β
1.7
Introduction aux nombres complexes
L’équation x2 = −1 n’admet pas de solution dans R. Autrement dit, la racine
carrée n’est pas définie pour tout nombre réel. On verra plus tard qu’on a
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
28
besoin des racines carrées de nombres réels négatifs pour résoudre une équation
du troisième degré même dans le cas où cette équation admet trois solutions
réelles. Pour éliminer cette restriction, on doit étendre l’ensemble
des nombres
√
réels. Une approche consiste à introduire le symbole i = −1 et de définir un
nombre complexe z comme une somme de la forme z = x + iy où x et y sont
des nombres réels.
1.7.1
Le corps C
Nombres complexes. On désigne par C l’ensemble des nombres complexes
dont les éléments sont toutes les expressions de la forme z = x + iy où x, y ∈ R
et i2 = −1 :
C = {z = x + iy : (x, y) ∈ R × R, i2 = −1}.
Addition et multiplication. L’ensemble C est muni d’une addition et d’une
multiplication : si z1 = x1 + iy1 et z2 = x2 + iy2 , alors
z1 + z2 = (x1 + x2 ) + i(y1 + y2 )
z1 · z2 = (x1 x2 − y1 y2 ) + i(x1 y2 + x2 y1 ).
Remarque. Le produit de deux nombres complexes est calculé en appliquant
la ”loi distributive” :
(x1 +iy1 )·(x2 +iy2 ) = x1 x2 +i(x1 y2 +x2 y1 )+y1 y2 i2 = (x1 x2 −y1 y2 )+i(x1 y2 +x2 y1 ).
Exemple.
(2 + 7i) · (5 + 3i) = 2 · 5 + (2 · 3 + 7 · 5)i + 7 · 3i2 = −11 + 41i
z = z1 + z2
3
6
z2
y1
*
z1 = x1 + iy1
O
x1
Proposition 1.7.1. L’ensemble C est un corps.
Puissances de i.
i2 = −1,
i3 = −i,
i4 = 1,
i5 = i.
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
1.7.2
29
Module et complexe conjugué.
Partie réelle et imaginaire. Soit z = x + iy. Le nombre réel x est appelé
la partie réelle de z et on le note x = ℜ(z) ou x = Re z, tandis que le nombre
y est appelé la partie imaginaire de z et on le note y = ℑ(z) ou y = Im z. Si
y = 0, z est réel. Si x = 0 et y ̸= 0, on dit que z est imaginaire pur. Notons que
ℜ(z) = ℑ(z) = 0 ⇔ z = 0.
√
Module. Le nombre réel |z| = x2 + y 2 est appelé le module de z. Si z est
réel le module de z est égale à sa valeur absolue.
Complexes conjugués. Les nombres z = x + iy et z = x − iy sont appelés
complexes conjugés.
Propriétés du complexe conjugué. Pour z, z1 , z2 ∈ C, on a
1. z = z
2. z1 + z2 = z1 + z2
3. z1 · z2 = z1 · z2
( )
4. Si z2 ̸= 0, zz12 =
z1
z2
5. z · z = |z|2 et |z| = |z|
6. Si z ̸= 0, z −1 =
1
z
7. ℜ(z) =
ℑ(z) =
z+z
2
=
z
|z|2
z−z
2i .
i
z=x+iy
|z|
1
1/|z|
1/z
_
z=x-iy
Le cercle unité, z, z̄ et
Propriétés du module.
Pour z, z1 , z2 ∈ C, on a
1. Positivité : |z| ≥ 0 et |z| = 0 ⇔ z = 0
2. Homogénéité : |z1 z2 | = |z1 ||z2 |
3. Inégalité triangulaire : |z1 + z2 | ≤ |z1 | + |z2 |
4. Si z2 ̸= 0, | zz12 | =
|z1 |
|z2 |
1
z
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
30
5. |z1 | − |z2 | ≤ |z1 − z2 |
6. Si |z| < ϵ pour tout ϵ > 0 alors z = 0.
Distance. A partir du module, on peut définir la distance d(z1 , z2 ) de deux
nombres complexes z1 et z2 par d(z1 , z2 ) = |z1 − z2 |. De même que la distance
pour deux nombres réels, la distance d(z1 , z2 ) satisfait aux trois propriétés suivantes.
1. Positivité : d(z1 , z2 ) ≥ 0 et d(z1 , z2 ) = 0 ⇔ z1 = z2
2. Symétrie : d(z1 , z2 ) = d(z2 , z1 )
3. Inégalité triangulaire : d(z1 , z2 ) ≤ d(z1 , z) + d(z, z2 ) pour tout z ∈ C.
1.7.3
Représentation des nombres complexes et forme polaire
Le plan complexe. On peut représenter un nombre complexe z = x + iy
dans le plan R2 par le vecteur joignant l’origine au point (x, y). L’axe des abscisses représente les nombres réels et l’axe des ordonnées les nombres imaginaires
purs. Cette représentation permet de donner une interprétation géométrique des
nombres complexes. Par exemple, le module d’un nombre complexe est la distance du point (x, y) à l’origine (0, 0). L’addition de deux nombres complexes
correspond à l’addition de deux vecteurs. Pour interpréter le produit de deux
nombres complexe, on passe des coordonnées cartésiennes aux coordonnées polaires dans le plan.
Coordonnées polaires. Soit z ̸= 0. Donc r = |z| ̸= 0 et zr correspond à un
point unique du cercle unité (i.e. cercle de rayon 1 et de centre (0, 0)). Il existe
donc une valeur unique θ ∈ [0, 2π[ telle que
{
x = r cos θ
ou z = r(cos θ + i sin θ).
(1.9)
y = r sin θ
θ est appelé l’argument de z et on le note θ = arg z. Noter que l’argument d’un
nombre complexe z est défini à 2kπ près avec k ∈ Z. Si x ̸= 0 on a toujours
tan θ = xy , mais seulement si x > 0 et y ≥ 0 on a θ = tan−1 xy = arctan xy .
6
iy
z
r
r
θ
x
En résumé, l’équation (1.9) définit une application bijective ]0, ∞[×[0, 2π[→
C \ {0}. En analyse complexe (voir l’Analyse 4), on définit l’équation (1.9) sur
le domaine ]0, ∞[×[−π, π[ ce qui rend également plus facile la représentation de
sin θ
θ
(voir aussi ”Savoirl’angle θ grâce à la formule de bissection tan =
2
1 + cos θ
Faire en Mathématiques”, p. 129) :
{
y
2 arctan x+r
si (x, y) ∈]
/ − ∞, 0[×{0}
θ=
π
sinon et (x, y) ̸= (0, 0).
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
Formule d’Euler.
naire pur par :
31
Pour θ ∈ R on définit l’exponentielle d’un nombre imagieiθ = cos θ + i sin θ.
En utilisant la formule d’Euler, tout nombre complexe z peut s’écrire sous la
forme polaire
z = reiθ = r(cos θ + i sin θ)
où r = |z| et θ = arg z. Nous démontrerons au chapitre 3 que la base e est le
nombre d’Euler, i.e. e = 2.71828 . . ., et nous donnerons une démonstration rigoureuse de ce lien entre la fonction exponentielle et les fonctions trigonométriques
au chapitre 5 . En appliquant les formules d’addition du sinus et du cosinus,
nous démontrons ici seulement que l’exponentielle définie par la formule d’Euler
satisfait aux propriétés habituelles.
Proposition 1.7.2. Soit α, β ∈ R. Alors
ei(α+β) = eiα eiβ
Démonstration. On calcule aisément
eiα eiβ = (cos α cos β − sin α sin β) + i(cos α sin β + sin α cos β)
= cos(α + β) + i sin(α + β).
En utilisant e−iθ = cos θ − i sin θ, on peut représenter sin θ et cos θ en terme
de l’exponentielle.
Proposition 1.7.3. Soit θ ∈ R. Alors
sin θ =
eiθ − e−iθ
2i
Valeurs particulières.
(4n+1)πi
2
cos θ =
eiθ + e−iθ
.
2
Soit n un entier.
e2nπi = 1,
e
et
iπ
= e 2 = i,
e(2n+1)πi = −1
e
(4n+3)πi
2
=e
−iπ
2
= −i
Formule de De Moivre. Pour tout entier n et tout θ ∈ R :
( iθ )n
e
= (cos θ + i sin θ)n = (cos nθ + i sin nθ) = einθ
Calcul en représentation polaire.
Soit z1 = r1 eiθ1 , z2 = r2 eiθ2 , z = reiθ .
1. z = re−iθ
2. Si z ̸= 0,
1
z
= 1r e−iθ
3. z1 · z2 = r1 r2 ei(θ1 +θ2 )
4. arg(z1 · z2 ) = arg z1 + arg z2 + 2kπ,
k ∈ Z.
Donc multiplier par un nombre complexe z = reiθ ̸= 0 correspond à une homothétie de centre l’origine et de rapport r suivie d’une rotation de centre
l’origine et d’angle θ.
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
1.7.4
32
Racines d’un nombre complexe
Proposition 1.7.4. Soit s > 0, β ∈ R et n un entier positif. L’équation
z n = seiβ
admet n solutions distinctes de la forme
z=
Racine carrée.
√
n
s · eiθ
θ=
β + 2kπ
,
n
k = 0, 1, . . . , n − 1.
Soit z = x + iy. Si y > 0
√
√√
√
2
2
√
x+ x +y
x2 + y 2 − x
z=
+i
2
2
et si y < 0
√
1.7.5
où
√
z=
x+
√√
√
x2 + y 2
x2 + y 2 − x
−i
.
2
2
Interprétation géométrique des opérations sur les
nombres complexes
Addition d’un nombre complexe. L’addition d’un nombre complexe z0
définit une application de C dans C par z → z + z0 qui correspond à une
translation dans le plan complexe.
Cercles dans le plan complexe.
L’ensemble
SR (z0 ) = {z ∈ C : d(z, z0 ) = |z − z0 | = R}
définit dans le plan complexe le cercle de rayon R autour du centre z0 . En
particulier, SR = SR (0) = {z ∈ C : d(z, 0) = |z| = R} est le cercle de rayon
R autour de l’origine. Notons que SR (z0 ) est l’image de SR sous la translation
z → z + z0 .
Multiplication par un nombre complexe. La multiplication par un nombre
complexe a définit une application linéaire de C dans C par z → a · z qui correspond à une homothétie de centre l’origine et de rapport |a| suivie d’une rotation
de centre l’origine et d’angle arg a. L’image du cercle SR (z0 ) sous l’application
linéaire z → a · z est le cercle S|a|R (az0 ).
L’inverse d’un nombre complexe. L’inverse d’un nombre complexe z définit
une application de C \ {0} dans C \ {0} par z → z1 qui correspond à une homothétie de centre l’origine et de rapport |z|1 2 suivie d’une réflexion par rapport
à l’axe des x.
Proposition 1.7.5. L’image du cercle SR (z0 ) sous l’application z →
cercle
(
)
z̄0
S 2 R 2
2
2
|R −|z0 | | |z0 | − R
1
z
est le
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
33
si 0 ∈
/ SR (z0 ) (i.e. R2 ̸= |z0 |2 ) et la droite d’équation
wz0 + w̄z̄0 = 1,
w ∈ C,
si 0 ∈ SR (z0 ) (i.e. R2 = |z0 |2 ).
3
2.5
2
2
1.5
1
1
0.5
–1
1
2
3
–1
1
2
3
–0.5
–1
1.8
–1
Résolution des équations
Equation de degré n.
On considère l’équation de la forme
an z n + an−1 z n−1 + . . . + a1 z + a0 = 0
pour z ∈ C ou z ∈ R. Les coefficients a0 , . . . , an sont des nombres complexes. Si
an ̸= 0, on appelle cette équation une équation de degré n. Dans ce cas on peut
la transformer sous la forme normale en posant bk = aank pour tout k = 0, . . . , n :
z n + bn−1 z n−1 + . . . + b1 z + b0 = 0
On a une équation à coefficients réels si les bk sont réels. On peut démontrer que
cette équation possède toujours au moins une racine dans les nombres complexes
(voir l’Analyse 4).
1.8.1
Équations de degré deux
Forme normale.
On considère l’équation
z 2 + pz + q = 0
où p, q ∈ C. On trouve la solution en complétant le carré :
(
p )2 ( p )2
z+
=
−q
2
2
On trouve les deux racines données par
√
( p )2
p
z1 = − +
− q,
2
2
p
z2 = − −
2
√
( p )2
−q
2
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
34
En particulier, si p, q ∈ R, on a les trois cas suivants.
z 2 + pz + q = 0, p, q ∈ R
( p )2
2
( p )2
2
( p )2
2
z1,2 = − p2 ±
√( )
p 2
2
−q
−q >0
deux racines réelles
−q =0
une racine double réelle
−q <0
deux racines complexes conjuguées
Relations entre les racines et les coefficients - les formules de Viète.
Les racines z1 , z2 satisfont (formules de Viète 10 )
z1 + z2 = −p,
1.8.2
z1 z2 = q.
Équations de degré trois
Forme normale.
On considère l’équation
r, s, t ∈ R.
x3 + rx2 + sx + t = 0,
Par la transformation y = x + 3r , on se ramène à l’équation
y 3 + py + q = 0,
p=s−
r2
,
3
q=
2r3
rs
−
+ t.
27
3
En posant y = v + w on trouve
v 3 + w3 + q + (v + w)(3vw + p) = 0.
Par conséquent, on obtient une solution si v et w satisfont le système d’équations
v 3 + w3 + q = 0,
3vw + p = 0
qui donne des équations de degré deux pour v 3 et w3 . On donne les solutions
de l’équation de degré trois dans le tableau ci-dessous.
10. après François Viète ou Franciscus Vieta (1540 - 1603), un avocat et mathématicien
français
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
35
Forme normale
x3 + rx2 + sx + t = 0
r, s, t ∈ R
y = x + r/3
y 3 + py + q = 0
p=s−
Formule de Cardan
( q )2
2
+
( p )3
3
√
>0
v=
w=
une racine réelle et
deux racines
complexes conjuguées
( q )2
2
+
( p )3
3
=0
deux racines réelles
dont une double
Casus irreducibilis
( q )2
2
+
( p )3
3
<0
trois racines réelles
Exemple - formule de Cardan.
r2
3 ,
3
− 2q
√
3
+
q=
2r 3
27
√( )
q 2
− 2q −
2
√( )
q 2
2
−
+
rs
3
+t
( p )3
+
3
( p )3
3
y1 = v + w
√
v−w
y2,3 = − v+w
3
2 ±i 2
y1 = v + w
y2 = y3 = − v+w
2
R=
√
3
− p27 , cos θ =
− q2
R
√
yk = 2 3 R cos θ+2kπ
, k = 0, 1, 2
3
On veut résoudre
x3 − 21x2 + 123x − 247 = 0.
Par la substitution y = x − 7 on obtient l’équation
y 3 − 24y − 72 = 0.
( )2 ( )3
Donc 2q + p3 = 362 − 83 = 784. Par la formule de Cardan, on trouve la
√
solution réelle (noter que 784 = 28)
√
√
y1 = v + w = 3 36 + 28 + 3 36 − 28 = 4 + 2 = 6
√
et les deux racines complexe conjuguées −3 ± i 3. Ceci donne les trois racines
√
√
x1 = 13, x2 = 4 + i 3, x3 = 4 − i 3.
Remarque. En général, il est difficile de trouver des racines explicites à partir
de la formule de Cardan.
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
Exemple - casus irreducibilis.
36
On considère l’équation
x3 − 6x − 4 = 0.
√
( )2 ( )3
D’abord on note que 2q + p3 = 22 − 23 = −4 < 0. Nous avons R = 23 =
√
√
π
17π
2 2 et cos θ = R2 = 12 2. Donc θ = π4 . On doit calculer cos 12
, cos 3π
4 , cos 12 .
3π
π
π
π
π
Nous supposons que les valeurs cos 2 = cos 2 = 0, sin 2 = 1, cos 4 = sin 4 =
√
√
1
π
1
π
1
2 2, cos 6 = 2 3 et sin 6 = 2 sont connues. Alors
√ )
π π
π
π
π
π
1√ (
π
= cos( − ) = cos cos + sin sin =
2 1+ 3
12
3
4
3
4
3
4
4
1√
3π
=−
cos
2
4
2
√ )
17π
3π
π
π
1√ (
cos
= cos(
− ) = − sin
=
2 1− 3
12
2
12
12
4
cos
Ce qui donne les trois racines réelles
√
x1 = 1 + 3
x2 = −2
1.8.3
x3 = 1 −
√
3.
Quelques résultats généraux
Réduction du degré.
Si on connaı̂t une racine z1 de l’équation
z n + bn−1 z n−1 + . . . + b1 z + b0 = 0
on peut réduire le degré de l’équation (exercice) :
z n + bn−1 z n−1 + . . . + b1 z + b0
= z n−1 + cn−2 z n−2 + . . . + c1 z + c0 .
z − z1
Ensuite, on détermine les solutions de
z n−1 + cn−2 z n−2 + . . . + c1 z + c0 = 0.
Exemple.
On considère
z3 −
3 2
9
1
z −
z−
= 0.
8
16
16
On voit que z = 1 est une solution. On calcule
z3 −
L’équation z 2 +
5
8
z+
1
16
3
8
9
z 2 − 16
z−
z−1
1
16
= z2 +
5
1
z+ .
8
16
= 0 possède les racines − 21 et − 18 .
Équations à coefficients réels. On considère l’équation
z n + bn−1 z n−1 + . . . + b1 z + b0 = 0
avec des coefficients bk ∈ R. Si z1 est une racine de cette équation, alors le
complexe conjugué z1 est aussi une racine.
CHAPITRE 1. NOTIONS DE BASE
Exemple.
37
On peut vérifier que z1 = i est une racine de l’équation
6z 4 − z 3 + 5z 2 − z − 1 = 0.
Par conséquent z2 = −i est une autre racine et (z + i)(z − i) = z 2 + 1 divise
6z 4 − z 3 + 5z 2 − z − 1. En effet,
(
(
1
1)
1
1)
6z 4 − z 3 + 5z 2 − z − 1 = 6(z 2 + 1) z 2 − z −
= 6(z 2 + 1) z − )(z + .
6
6
2
3
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