Oubli et conscience, de Freud à Kandel et Dehaene Jacques Boulanger ab a : www.jacquesboulanger.com b : Conférence "Vulpian", SPP, 12/01/2017. Freud n'a pu connaître ni la théorie de l'information ni la biologie moléculaire. Le développement considérable de l'informatique et de la génétique est intervenu après sa mort. Comment penser la psychanalyse parmi les sciences ? Quels sont les préalables au nécessaire et incontournable dialogue entre psychanalystes et neuropsychologues, attendu de la communauté scientifique et de la société ? Des préalables doivent être posés, philosophiques et méthodologiques. Les avancées des sciences neurocognitives révèlent un fait : les glossaires de ces deux méthodes d'exploration du fonctionnement mental se rapprochent, au risque d'une certaine confusion conceptuelle. Le fonctionnement mnésique et le système perception-conscience servent ici de points de jonction entre les deux paradigmes scientifiques. La théorie freudienne est confrontée ici aux derniers développements des connaissances neuropsychologiques à travers les travaux de Kandel, Dehaene, et d'autres. À cet exercice d'intelligibilité, on découvre des analogies, des exigences évolutives, mais aussi des incompatibilités et, en définitive, un seul obstacle majeur au rapprochement conceptuel : l'épineux problème du refoulement, clé de voûte de l'édifice freudien. Traces mnésiques, réminiscence, souvenir, trajet de l'excitation, investissement, remaniement mnésique, mémoires inconsciences, acquisition, stockage, rappel, assemblées de neurones, synchronisation de réseaux, globalisation de l'information, plasticité synaptique. I. Écouter le bruit neuronal Inconscient, information, molécule Freud est mort dans sa maison de Londres, à Hampstead, le 23 septembre 1939 à 3h du matin. Cette nuit-là, à quelques kilomètres au nord-est de Londres, au centre secret de cryptanalyse de Bletchley Park, Alan Turing commence à travailler à l'installation de la machine électromécanique qui craquera le code secret Enigma de la Kriegsmarine, invention qui donnera naissance à l'informatique dans les années 50, puis à l'intelligence artificielle. Cette même nuit, plus au nord, à Sheffield, Hans Krebs, biologiste d'origine juive, élève de Warburg, qui a dû comme Freud quitter son pays et se réfugier au Royaume Uni, découvre le cycle moléculaire qui fait vivre toutes les cellules du vivant, neurone compris, et fait basculer la biologie d'un modèle cellulaire à un modèle moléculaire qui fera naître la génétique dans les années 50. L'inconscient, l'information, la biologie moléculaire pour la théorie ; psychanalyse, informatique, génétique pour les applications. Depuis ces trois épopées scientifiques, chaque cure analytique vit de la théorie freudienne, chaque smartphone est l'équivalent de plusieurs machines de Turing, chaque représentation mentale, chaque affect est, comme dit Raymond Ruyer, dans un rapport "d'isomorphisme complémentaire" à une activation neurale, "une giclée de polypeptides" [1]. Turing, génie intellectuel, fut piégé par son inconscient : il fut acculé au suicide par des lois criminalisant l'homosexualité. Un inconscient continu Ce clivage entre intellect et affect, Freud en a renouvelé la compréhension. S'il n'a pas inventé le concept d'inconscient, nous le verrons avec quelques notes philosophiques, il fut le premier clinicien à l'actualiser dans la relation thérapeutique. Il eut le premier l'idée d'utiliser ce premier réseau social, la parole, pour écouter ce que Dehaene appelle le "bruit neuronal", produit "partiellement stochastique" des réseaux corticaux à l'état de repos, de laisser parler les mémoires, phylogénétiques et individuelles, afin d'explorer les inconscients primaire et secondaire. Il suffisait de se taire, d'inviter le patient à s'allonger et à parler comme ça vient. Ce bruit de fond du fonctionnement cérébral, supporte l'activité psychique inconsciente, opère selon une logique propre, un processus primaire, associatif, analogique, partiellement stochastique, ouvert, disséminé, lent et économe en énergie. Il travaille jour et nuit, sans cesse, sans repos, sans temporalité. Il traite une somme de données considérable, stockées dans différentes mémoires disséminées, délocalisées. Il est généraliste. Une conscience discontinue La conscience, elle, est très spécialisée. Elle opère en association avec le préconscient avec une logique différente, secondaire, sélective, focalisée, fermée, rapide et coûteuse en énergie. Elle doit parfois s'éteindre, la nuit, et laisser les opérateurs inconscients gérer seul, faire le tri dans un travail récursif nocturne. Dès le réveil, cette récursivité s'emballe car elle se met aussi au service de la conscience qui ne cesse de consulter l'inconscient, comprime ses informations, sélectionne les plus pertinentes en fonction du désir du jour, planifie les actions, comme celle, éventuellement, de parler et transmettre ainsi une part de sa réalité interne à un autre conscient, lui-même récursif. Ainsi voyagent les fantasmes, sorte de prions codants cachés dans nos chaînes associatives. La conscience implémente les souvenirs en fonction du temps, comme une webcam, mais, surtout, les discrétise, dégageant pour chaque événement subjectif une valeur unique en fonction de l'affect émergeant, du gradient plaisir-déplaisir. Elle élimine de son faisceau les représentations qui la ralentissent, indexées d'un trop lourd affect de déplaisir, et les entrepose provisoirement en mémoire cache, si bien nommée, qui gère l'asynchronisme entre les mémoires, par un procédé complexe, le refoulement. L'incessante récursivité propre au fonctionnement mental fait qu'un jour, une nuit, de façon associative, analogique, partiellement stochastique, la représentation refoulée est pulsée vers le préconscient, réactivée, remobilisée, cryptée, et parfois décryptée : ce débusquage amorce le "devenir conscient" et provoque une véritable "avalanche consciente" [2], laquelle est parfois fracassante comme l'illustre l'histoire clinique qui suit. Nous parlerons donc dans cet article de mémoire, d'oubli, de perception, de conscience, en parcourant les travaux de Freud, Kandel, Dehaene, et d'autres. Histoire clinique Melle V., la trentaine, avait l'allure d'une businesswoman. Elle était venue me demander "une psychanalyse allongée". Cadre en entreprise, elle venait d'être mutée à Toulouse. Elle évoqua lors du premier entretien "une psychanalyse" qui était en cours à Paris. Je compris, au décours des entretiens préalables qu'il s'était agi d'une cure en face à face, à horaires variables. Je proposai de poursuivre en face à face un certain temps avant 1 d'envisager de répondre à sa demande de divan. Ce "certain temps" a duré six mois, à raison d'une séance par semaine. Je pris progressivement connaissance du fonctionnement mental de la patiente : gestion fluide des affects, relation d'objet faite d'élans œdipiens dans une atmosphère au narcissisme facebookien et selfien insistant, récits confortables de souvenirs infantiles attestant d'une navigation tranquille entre passé et présent, irruptions fantasmatiques assez bien négociées avec un surmoi indulgent, récits de rêves donnant lieu à exploitation associative appliquée, investissements par contre peu stables au niveau sentimental et professionnel, équilibre introjection/projection plutôt rassurant, capacité de refoulement opérante et productive comme sembla le montrer un oubli de séance et son traitement discursif. Bref, je me rassurais à l'idée d'un contexte d'hystérisation de bon aloi et de transfert s'annonçant opérationnel. Je proposais la "psychanalyse allongée". Ce fut un coup de tonnerre dans un ciel trop serein. À la séance suivante, s'allongeant comme convenu, la patiente resta silencieuse, ce qui trancha avec son débit de parole jusque là régulier, ponctué de silences habités. Ce vide de parole dura, générant chez moi une inquiétude. De fait, il fut bientôt suivi de manifestations somatiques, d'une accélération du rythme respiratoire, d'une crispation de la main sur la poitrine, d'un balancement de tête. Soudain, la patiente se releva, s'excusa et quitta précipitamment la scène. Je restai seul avec ma perplexité. Je me dis que je venais d'assister à une levée brutale de clivage plus que de refoulement, contrairement à ce à quoi je m'attendais. Une perception interne se présenta, sous forme d'un sentiment contre lequel je me mis à lutter inconsciemment, puis consciemment : une culpabilité d'avoir abusé d'elle, de l'avoir mis en danger sans m'en rendre compte. Melle V. revint la semaine suivante et dit préférer reprendre en face à face. Elle put me confier que, se retrouver allongée, immobile, avec un médecin derrière elle, si proche, et sans pouvoir le localiser précisément, était insupportable pour elle. Elle me dit aussi que pendant deux jours après cette tentative de divan, elle vécut un épisode de sortie du corps, un sentiment aigu de se déshabiter, de s'observer comme à distance. La patiente me dit encore qu'au delà de ces deux jours lui revint subitement un souvenir douloureux, celui d'un attouchement sexuel subi de la part d'un médecin quand elle était à peine adolescente. Elle dit qu'elle avait totalement occulté cet épisode de sa vie, n'en avait jamais parlé au thérapeute précédent. Cette semaine, elle avait pu converser avec sa mère, revenir avec elle sur cette époque, sur le personnage du médecin. Elle apprit qu'il fut condamné pour de tels faits. Elle dit réaliser maintenant qu'elle fut victime d'agression sexuelle. Elle souffrait et ne comprenait pas comment elle avait pu oublier cet événement, n'en avoir jamais parlé à ses parents. Elle se demandait pourquoi ce retour brutal du refoulé, ou du clivé, s'était produit avec moi et non avec le praticien précédent. De fait, le "devenir conscient", objectif de la cure qui soulage à terme, ne dispense pas de tels passages douloureux, voire d'épisodes de dépersonnalisation. Perceptions inconscientes, traces mnésiques éclatées en des mémoires multiples, trajet de l'excitation ou de l'information, réminiscence comme transition de phase, ignition du souvenir, oubli comme erreur de codage, étrange phénomène du refoulement, supports neuromusculaires de l'activité mentale : nous avons, extraits de cette histoire clinique, les marqueurs d'une approche comparative du fonctionnement de la mémoire de Freud à Kandel, du système perception-conscience, de Freud à Dehaene. Entre ce qu'est aujourd'hui, cent ans après Freud, la psychanalyse et l'évolution récente du jeune neurocognitivisme, on peut poser l'hypothèse que s'il s'agit de méthodes d'observation différentes, c'est bien le même objet qui est étudié : le fonctionnement mental, dont le support est le cerveau avec ses quelques modernes opérateurs conscients et ses innombrables et archaïques opérateurs inconscients. Préalables au dialogue entre psychanalystes et neurobiologistes. Si l'on veut, en tant que psychanalyste, dialoguer utilement avec les neurobiologistes, il existe des préalables qu'André Green avait évoqués [3], sans pouvoir, hélas, les installer dans les faits faute de partenaire, et que beaucoup, comme René Roussillon [33] appellent de leurs vœux. Ces préalables sont à la fois philosophiques et méthodologiques. De nombreux concepts freudiens ont été forgés à la lumière d’éminents prédécesseurs philosophes lus par Freud, ou qui étaient dans l’air de son temps. On sait l'influence sur sa pensée des dramaturges antiques (Œdipe-roi). Freud apprécia aussi l'œuvre de Spinoza, juif renégat auquel il s'identifia, qui a promu ce concept particulier de « conatus », déjà exploré par Leibniz et Hobbes, notion qui intéresse Damasio [4]. Il s'agit de cet effort incessant que fait chaque être vivant pour maintenir son homéostasie, c’est-à-dire la cohérence de ses systèmes et la fluidité de ses fonctions. À la fin de sa vie, rédigeant le Moïse, Freud emprunta aussi à Spinoza cette conviction qu'il n'existe d'autre maître que la nature ; le style littéraire de ses observations clinique est naturaliste par l'analyse des dysfonctionnements, sa philosophie est matérialiste. De Brentano, catholique aristotélicien et darwiniste, Freud, qui fréquenta ses cours comme Husserl, retint ce concept augustinien d'intentionnalité, filiation que Green évoque quand il parle du couple pulsion-objet, et l'intérêt de l'introspection comme méthode d'exploration de l'appareil psychique. Sous l'influence de Kant, Freud reconnut en la rationalité la source et le moyen de toute connaissance. La pensée de Schopenhauer confirma cette idée d’un monde comme représentation inspirée de la raison. Husserl inspira la distinction entre "mémoire par rétention" et "mémoires des ressouvenirs", notion qui préfigure d'une part ce que l'on sait maintenant des trois temps constitutifs de toute mémoire (acquisition, stockage, rappel), d'autre part ce constant remaniement des traces mnésiques. Le développement de la notion d'inconscient doit beaucoup aux travaux de Von Hartmann qui publia en 1869 à Berlin son ouvrage Philosophie de l’inconscient. Hégel fut sans doute à l'origine de la logique dialectique qui sous-tend la notion de conflit interne et de toutes ces bipolarités que l'on rencontre dans l'œuvre freudienne (actif-passif, plaisirdéplaisir, interne-externe, conscient-inconscient, liaisondéliaison, pulsion de vie-pulsion de mort ...). La lecture de Schelling renforça le naturalisme, l'affirmation d'un continuum nature-humanité, sorte de monisme absolu d’inspiration spinoziste. De Nietzsche, enfin et surtout : dans Le Moi et le Ça (1923), et dans les Nouvelles conférences sur la psychanalyse (1932), Freud reconnaît le précédent nietzschéen quant à l’usage du terme grammatical Es (ça). D'après Rogério Miranda de Almeida [5], "Les intuitions de ces deux penseurs se rejoignent sur des questions aussi fondamentales que 2 celles du rêve, de la résistance, du transfert, de la compulsion de répétition, de la jouissance et des pulsions de vie et de mort, ... et, la question de la mort du père". De cet aperçu philosophique on peut extraire les outils suivants, indispensables au dialogue entre psychanalystes et neurobiologiste. Il s'agit d'abord d'un "matérialisme tempéré" tel que le conseille Denis Collin [6] qui stipule par méthode que rien n'est immatériel mais permet à chacun de garder par devers soi ses éventuelles vérités transcendantales, en les rangeant, par exemple, dans la même case intime du cerveau que celle où siègent les préférences sexuelles. Il s'agit ensuite d'une rationalité à toute épreuve, seule voie qui soit conforme à la vocation de la connaissance scientifique, dont relève aussi à terme l'irrationnel en l'homme. Puis, d'un monisme rigoureux qui fait de l'activité psychique une application du vivant et relativise l'interface psyché-soma. Il s'agit enfin d'un évolutionnisme darwinien, qui entend l'humain délesté de toute valeur téléologique et phénomène issu d'un long phylum émergeant par "Hasard et nécessité" [7]. Quant aux prérequis méthodologiques nécessaires à ce dialogue, il y en aurait trois. Il s'agit d'abord de la mise à jour des glossaires en fonction de l'avancée de l'histoire des sciences, par exemple, du côté de la psychanalyse remplacer l'expression "trajet de l'excitation" par "traitement de l'information", du côté du neurocognitivisme, qui ne se prive pas d'utiliser des mots freudiens, d'en spécifier leur double usage. Il s'agit ensuite de la reconnaissance de la méthode expérimentale propre aux sciences formelles comme moyen de la recherche scientifique vers laquelle pourrait ou devrait tendre la méthode empirique ainsi que l'imaginait Jean Ladrière [8]. Roger Perron [54] a raison de dire que la psychanalyse ne sera jamais une science expérimentale au sens de la preuve de la pertinence clinique. Marianne Robert [55] a fait une intéressante étude historique des tentatives dans ce domaine et montré les difficultés. Néanmoins, Daniel Widlöcher a également raison de souligner "les bénéfices que les psychanalystes, en tant qu'individus ou comme membres d'une institution sont en mesure d'attendre" [55] de recherches quantitatives sur leur pratique. Troisième prérequis méthodologique : constituer des bases de données chiffrées. Je pense à l'étonnement de JeanMichel Quinodoz [56] qui chercha à dialoguer avec un scientifique et s'entendit immédiatement répondre : "Avez-vous des données mesurables ?". Ces préalables méthodologiques sont le terrain sur lequel la communauté scientifique, et peut-être notre société, attend maintenant les psychanalystes. II. La mémoire dans l’œuvre de Freud La période pré-analytique de Freud, de la recherche à la clinique. En 1877, Freud, étudiant boursier, a publié le résultat de ses travaux de dissection des fibres nerveuses de la lamproie marine (petromyzon). En 1977, Kandel publie ses travaux sur le fonctionnement neuronal d'une limace de mer (aplysie). Entre ces deux dates se situent des innovations technologiques décisives : microscopie électronique, électrophorèse, spectroscopie UV, chromatographie. Se produisent également des innovations conceptuelles capitales : la biologie, on l'a vu, passa de la théorie cellulaire au modèle moléculaire qui permit l'émergence de la génétique. Émerge aussi, dans les années 60, par les travaux de Claude Shannon, une modélisation mathématique la théorie de l'information qui permit le développement de l'informatique et ouvrit la porte à une approche mathématique du vivant. Ce qui était invisible pour Freud était visible pour Kandel. Près de dix ans après la rédaction de ce mémoire, durant l'hiver 1885/86, Freud fut élève de Charcot à la Salpêtrière. Il fut impressionné par cette figure paternelle, sa capacité d'écoute clinique, son charisme, sa notoriété de savant. Il traduisit en allemand ses écrits sur l'hystérie, s'intéressa moins à son fameux "schéma de la cloche", texte neuropsychologique, publié cette même année. Il est probable que cette rencontre le fit hésiter entre la recherche et la clinique, la méthode expérimentale ou la méthode empirique. Cette période pré-analytique hésitante, entre recherches sur le fonctionnement neural, traductions des travaux de Charcot sur l'hystérie, visite à Bernheim, fréquentation de Fliess, l'amena à tenter un texte de synthèse, dix ans plus tard, (L’Esquisse, 1895 [9]), où il imaginait comment le système nerveux central traitait la perception, la mémoire, l'action. Ce travail précurseur souffrait, non seulement de l'absence des technologies nécessaires, mais aussi de celles de la théorie de l'information et de la biologie moléculaire. Il lui était impossible, à son époque, de faire le lien entre l'évolution des mathématiques et la psychologie [10]. Une autre rencontre fut décisive, celle de Josef Breuer, qui lui permit d'opérer un choix décisif où il retrouva son goût de la philosophie : sa méthode d'exploration se déplaça du laboratoire de recherche vers la clinique, puis l'écoute spécifique de la souffrance humaine. Il est important de noter qu'il ne s'agit pas d'un renoncement par Freud à la méthode expérimentale, mais bien d'un choix contextualisé. La cure, abord détourné de l'inconscient Le mot « mémoire » figure peu comme entrée dans les dictionnaires de psychanalyse. Par contre, l’entrée dans la théorie freudienne de la mémoire est facile par les mots « oubli » et « traces mnésiques ». Cet accès indirect est en soi illustrant de la théorie elle-même : le génie de Freud fut de codifier cet abord détourné des souvenirs (voie associative, écoute du "bruit neuronal"). La cure en effet peut être vue comme une « anamnèse prolongée » [11] : il s’agit de ramener à la conscience claire et vécue des traces mnésiques (inconscientes). La mise en place du cadre analytique vise à ce rappel progressif et déterminé de souvenirs que le patient croyait perdus. La "guérison", si elle s’appuie sur ce rappel à la conscience, tient aussi et surtout à l’analyse du transfert, situation "expérimentale" qui, rappelant de la mémoire les perceptions causales (traces mnésiques réassemblées) reproduit les mêmes effets (reliaison représentation-affect, prise de conscience). Le transfert, comme Freud face à Charcot, agit comme un accélérateur de récursivité, du transit bidirectionnel d'informations entre mémoires implicites et mémoires explicites. Il facilite considérablement le ré-indiçage affectif qui permet l'émergence du souvenir oublié, reliaison percept-affect-représentation (ana-lysis), mixage indispensable pour que se construise à deux le sens pour le patient de son histoire individuelle. Ce travail de subjectivation compare le passé reconnu comme tel (névrose infantile) au présent reconnu comme répétition (névrose de transfert). Il existe bien une théorie freudienne de la mémoire ; elle est complexe, s’appuie sur des apports antérieurs, philosophiques et médicaux avant de trouver son propre développement, nourri de l’observation clinique. 3 Le refoulement, défaut de traduction Freud, qui a fait du fonctionnement de la mémoire le cœur de la méthode analytique [12], inséré, comme on l'a vu, dans le contexte philosophique et scientifique de son temps, s'éloigne d'une vision unitaire de la mémoire comme fait la neuropsychologie. Pour lui, loin d’être une défaillance de l’esprit, l’oubli est une force active dont il fait une défense psychique contre l'affect de déplaisir lié à une représentation mentale rappelée des mémoires inconscientes. L'angoisse est la manifestation clinique de la déliaison affect-représentation ; elle signale le refoulement à l'œuvre. Disqualifiée, cette représentation est rétrogradée en trace mnésique, impossible à rappeler directement à la conscience mais source d’un désir inconscient qui produit des rejetons. Dès les Études sur l’hystérie (1893, avec Breuer) Freud comprend que l’oubli est signe d’une tension psychique qui vise à se décharger ; c’est à défaut de le pouvoir que la coupure de la liaison affect-représentation, phénomène adaptatif géré par les fonctions cérébrales supérieures, qui permet le délestage temporaire de la conscience pour préserver sa nécessaire vitesse récursive, se produit, témoignant du lien étroit entre devenir de l’affect et fonction mnésique. Freud comprend, à écouter ses patients, que le souvenir oublié n’est pas perdu, mais discrétisé selon un nouveau mode propre à l'espèce humaine, un statut d'objet perdu en attente de recherche, stocké en un réseau neuronal codé différemment, hors d’atteinte car crypté et non synchronisé (processus primaires) avec les réseaux de la conscience. De s'y frotter cliniquement, à vouloir forcer le rappel à la conscience, il découvre la résistance, c’est-à-dire la force d’inertie de ce réseau neuronal particulier qui s’oppose à la remémoration. Il nommera ce mécanisme particulier "refoulement", mot emprunté au langage courant allemand, non au vocabulaire scientifique, ni philosophique. Là est son invention : ce refus d'investissement, cette déconnexion brutale d'une partie des réseaux de la conscience. Freud comprend que l'action du refoulement opère comme une balise, au sens de la programmation informatique [13], balise de danger qui modifie le code d'entrée en mémoire (inscription, acquisition) provoquant un rejet de traduction en sortie de mémoire (restitution, rappel). Nous sommes deux ans après l'Esquisse, et le vocabulaire dans cette lettre à Fliess peut évoquer la théorie de l'information : : « C’est le défaut de traduction que nous appelons, en clinique, le refoulement » [14]. Ayant abandonné l’hypnose de Charcot, ayant essayé divers procédés d'inspiration magnétique (comme la Druckprozedur, pression de la main sur la tête), il saisit le parti qu’il peut tirer d’une voie indirecte originale d'accès à la mémoire inconsciente : la pensée associative, qui utilise des circuits non-logiques, irrationnels, propres aux processus primaires. La discursivité au service de la récursivité. Par l'introspection également, il comprendra, au fil de son auto-analyse, que ces circuits cryptés dépendent d'une autre logique, d'un gradient quantique : le quotient plaisir-déplaisir. Jean-Didier Vincent [1] évoquerait ici l'influence du "cerveau humide" sur le "cerveau sec", Steven Goldman [15] celle des astrocytes. L'indiçage de l'inscription en mémoire de la représentation est sous influence de données affectives, neurohormonales. C'est un quantum d'affect qui génère la balise de danger, ce défaut de traduction, erreur de code, qu'est l'oubli, qui suspend la remémoration. Il s'agit d'une suspension réversible au gré des remaniements mnésiques affectant des traces mnésiques éclatées en différentes mémoires, ce qui favorise d'autant la réminiscence. Il y a dans la Lettre à Fliess du 6 décembre 1896, ce passage étonnant : "Tu sais que je travaille sur l'hypothèse que notre mécanisme psychique est apparu par superposition de strates, le matériel présent sous forme de traces mnésiques connaissant de temps en temps un réordonnancement selon de nouvelles relations, une retranscription" Freud n'est pas loin d'une conception moderne, multiple, de la mémoire, d'une modularité avant l'heure. Il comprend que la fonction mnésique suppose cette pluralité d’inscriptions de traces mnésiques « sans formes et sans images », nous pourrions dire maintenant stockées selon un code neural numérique. Dans Psychopathologie de la vie quotidienne (1901), il est question d’un oubli spécifique, celui des noms (Signorelli) : le remaniement périodique des traces mnésiques dont parle Freud est sensible aux assonances, c'est-à-dire à la susceptibilité réactive de la mémoire auditivo-verbale. Freud réalise davantage le procédé d’isolation propre aux mécanismes inconscients gardiens des oublis : ce cryptage des données stockées dans les mémoires inconscientes par condensationdécondensation (compression-décompression) et déplacement (masquage, cryptage). Il avait déjà repéré, a contrario, comment un souvenir trop présent peut en cacher un autre trop absent (Sur les souvenirs écrans, 1899) et révéler en background des éléments essentiels de la vie infantile. Les traces mnésiques éparses sont un matériel brut, « sans forme, sans image, sans affect », dans une sorte d’état quantique, codé, déqualifié, présent-absent tel le chat de Schrödinger. Dans L’interprétation des rêves, Freud pose ce cadre conceptuel essentiel : mémoire et qualités sensorielles s’excluent [16]. Le système perception-conscience est en effet abondamment doté en qualités sensorielles (éléments émotionnels et sensoriels, olfactifs, visuels, sonores, tactiles, voir les qualia d’Edelman et Tononi [17]) mais il ne les garde pas. L'inconscient récupère immédiatement ces données perceptives en les discrétisant, c'est-à-dire en les transformant en classes mathématiques, algorithmiques, afin de dispatcher leur stockage. Ainsi numérisées, dépourvues de qualités, les perceptions sont codées et éparpillées dans les multiples couches et sous-couches des réseaux corticaux, associatifs (mémoires explicites), sous-corticaux (mémoires sensorielle et procédurale). Par le travail régrédient du rêve, comme par l'activité fantasmatique ou par le fait de se reposer sur un divan, ou dans une machine à IRM, il y a remise en formes et en images (déplacement, condensation, figuration, dramatisation) des traces mnésiques, réaménagement et reconstruction de la scène, voire "prise de conscience". Cette activité hallucinatoire est sous influence d'un attracteur puissant : le complexe de la perception combinée aux traces des premières expériences de satisfaction du besoin qui ont mis fin à l’excitation, aux besoins primaires, à l'alarme du réseau de survie. Le rêve est l’espace d’incubation hallucinatoire où circule cette navette nocturne qu'évoque Christophe Dejours [18] qui circule entre passé lointain, proche et présent qui participe à cet incessant réordonnancement des traces mnésiques évoqué par Freud. Le rêveur retrouve, après une série de mises à jour récursives, la perception liée à l’excitation première et, par là, l’affect lié à l’expérience de 4 satisfaction ; il y a identité de perception et accomplissement du désir. "C'est ce mouvement que nous appelons désir ; la réapparition de la perception est l'accomplissement du désir" [19] Dans l’Inconscient (1915), Freud revient sur cette première théorisation du fonctionnement de la mémoire (trace mnésique-image mnésique-identité de perception) et la complète avec la notion, nouvelle, de représentation de chose et, surtout ici, d’investissement. "Représentations conscientes et représentations inconscientes ne sont pas, comme nous l'avons estimé, des inscriptions distinctes du même contenu en des lieux psychiques distincts, ni même des états d'investissement distincts du même lieu, mais la représentation consciente comprend la représentation de chose plus la représentation de mot afférente, l'inconsciente est le représentation de chose seule. Le système Ics contient les investissements de chose des objets, les premiers et véritables investissements d'objet" [20] Les premiers investissements d’objet amorcent le fonctionnement mnésique individuel, les premières inscriptions de traces mnésiques, lesquelles ont maintenant cette caractéristique : elles sont moins informes et plus "imagées" (représentations de chose). Freud ne renonce pas ici à la notion initiale de trace mnésique : il en précise la nature plus imagée qu’il ne le pensait. Avec la question de l'investissement il explore le premier temps de la remémoration : la transformation de la trace en représentation de chose. Son opposé, le maintien de l'oubli et du refoulement, devient contreinvestissement. Nous verrons, avec les travaux de Stanislas Dehaene, que nous pourrions ici parler de synchronisation-désynchronisation. Au passage, Freud confirme que le but du refoulement est bien d'arrêter le développement de l'affect de déplaisir. Le deuxième temps du rappel du souvenir, la liaison avec la représentation de mot, qui se produit par activation des réseaux préconscients, devient un surinvestissement, nous dirions en neurophysiologie une synchronisation élargie aux aires du langage. Il y a prise de conscience, et, comme le dit Stanislas Dehaene, déclenchement de "l'avalanche consciente" [21]. Les travaux de Daniel Schacter [22] sur le TOT, « l’expérience du bout de la langue » (Tip of the tongue, TOT des auteurs anglosaxons), découpent ces deux temps du rappel du souvenir. Dans Le moi et le ça (1923), Freud reprend cette idée de trace mnésique et précise les conditions de son retour à la conscience, notamment du rôle d’attracteur que sont les impressions auditives relevant du préconscient. Il reprendra cette réflexion dans la Note sur le bloc-notes magique (1925), où il imagine nécessairement distinctes la surface de réception et celle d’inscription. Dans l’Abrégé de psychanalyse (1938), Freud résume, en le renforçant, le rôle du moi, instance refoulante : les représentations refoulées sont mémorisées dans le ça sous forme de traces mnésiques et exercent leur influence sur le fonctionnement mental (rejetons, symptômes, oublis). Dans l’Homme Moïse et le monothéisme (1939), enfin, Freud pose la sulfureuse question de la mémoire collective. Cette question est délicate, celle de l’héritage archaïque de l’homme. Comment conceptualiser une transmission phylogénétique de comportements et, plus encore, de contenus de conscience, de traces mnésiques d’expériences de générations antérieures ? Quelle continuité y aurait-il entre Lascaux et Guernica ? La question posée par ce dernier texte freudien nous amène aux polarités constitutives de l'expérience subjective, la culture à une extrémité, la biologie à l'autre. S’il existe une transmission des caractères acquis, la biologie moléculaire, la neurophysiologie, mais aussi l’anthropologie, la paléontologie, la préhistoire, devraient progressivement nous en dire plus. Je pense ici, par exemple, aux travaux du Gretorep [23] et à un ouvrage récent dont la publication est codirigée par François Sacco et Éric Robert, préhistorien [24]. Claude Le Guen [25] récapitule ainsi, et nous y reviendrons en conclusion, les idées directrices de la théorie freudienne de la mémoire : "Rien n’est radicalement oublié ; beaucoup d’éléments psychiques sont inaccessibles à la conscience ; l’oubli est la manifestation phénoménologique du refoulement ; souvent inconsciemment intentionnel, l’oubli vise à éviter le déplaisir et se trouve donc fondamentalement lié à l’affect …, …l’oubli est un phénomène fondamentalement actif et non une lacune ou une défaillance de la mémoire". On peut visualiser cet exposé sous forme du schéma métapsychologique suivant, librement repris et adapté de celui d'André Green dans Idées directrices pour une psychanalyse contemporaine : Voyons à présent ce que dit la neuropsychologie du fonctionnement mnésique. III. La mémoire en neuropsychologie De Théodule Ribot à Éric Kandel Pour la neuropsychologie, la description de la mémoire semble s’inspirer des conceptions matérialistes de Théodule Ribot (Sorbonne, 1885) contre qui s’insurgea le vitaliste Bergson. Considéré comme le père de la psychologie expérimentale par les auteurs anglo-saxons, fidèle à sa doctrine selon laquelle la physiologie est première, Ribot sépare « logique affective » et « logique rationnelle », et imagine en fonction différents systèmes de mémoire. Réfutant la théorie unitaire de la mémoire, il parle des différentes mémoires gérées par le système nerveux, acquises au long de notre existence, comme l’exprime la neuropsychologue Michèle Mazeau : « Ce sont les extraordinaires capacités d’apprentissage de l’enfant qui permettent cette spectaculaire accumulation de savoirs et de savoirfaire, apanage des communautés humaines » [26]. 5 La compréhension neurophysiologique de la mémoire doit beaucoup aux travaux d’Eric Kandel sur l’Aplysie, commencés dans les années 60. L’Aplysie est un gastéropode au système nerveux simple d’environ 20 000 neurones de taille macroscopique. Kandel a démontré que le fonctionnement de la mémoire consistait en une modification au niveau de l’espace intersynaptique. Ces modifications sont de deux ordres : échanges moléculaires (les enzymes CPK) seuls pour la mémoire à court terme, création de nouvelles synapses dans la mémoire à long terme, c'est-à-dire après suffisante répétition des entrées. Des expériences d’injection d’un gène d’Alzheimer à la souris ont permis de démontrer ces mécanismes neurobiologiques de la mémoire et ont valu à Eric Kandel le prix Nobel de médecine en 2000. Ces résultats ont entraîné un tournant décisif en psychologie, en anthropologie, en linguistique, en intelligence artificielle. Il s’agit bien d’un « changement de paradigme ». En 1968, R. Atkinson et R. Shiffrin présentent un modèle de ces différentes applications mnésiques disséminées dans le cerveau (mémoire épisodique, procédurale, déclarative, court terme, long terme), modèle qui opère une synthèse de nombreux résultats expérimentaux. Les localisations de ces différentes mémoires apparaissent multiples, arborisations qui sont l’héritage phylogénétique hiérarchisé des situations des différents modules cérébraux de traitement des perceptions. Le phénomène de l’oubli est ici rattaché ici soit à un déclin de l’information (effacement), soit à une interférence avec les informations nouvellement acquises. G. Edelman [27] a proposé en 1992 un modèle de fonctionnement dynamique de la mémoire compatible avec le concept freudien d’après-coup, ce remaniement des traces mnésiques. Pour lui, le renforcement des zones synaptiques crée par frayage un « répertoire secondaire » renforcé. Il parle de « darwinisme neuronal ». C’est un modèle qui rappelle le processus de « sélection par stabilisation synaptique » de JP Changeux [28]. Les travaux de Kandel, Tulving, Atkinson, Shiffrin, Baddeley, Hitch, sont contemporains d'autres découvertes des neurosciences : la confirmation de ce cerveau à étages interpénétrants (modèle Mac Lean de 1960 adapté à la modularité), des spécialisations hémisphériques (Roger Wolcott Sperry, Michaël Gazzaniga, 1981), la notion de plasticité neuronale (Edelman, 1970 ; Changeux, 1986), c'est-à-dire de réseaux effectivement en perpétuel remaniement comme Freud l'avait imaginé pour la mémoire, la notion de cerveau modulaire (Jerry Fodor, Noam Chomsky, 1983) relativisant le localisationnisme de Broca, le concept d'auto-organisation du vivant (Atlan, 1986) qui amène une touche d'aléatoire dans cette complexité surdéterminée. Une mémoire multiple selon Endel Tulving À l'origine des mémoires multiples sont, dans les années 1960, les observations cliniques du neuropsychologue canadien Endel Tulving qui le rapprochent de la pratique analytique. Il s'agit du résultat d'une expérimentation originale : lorsque des sujets tentent de se rappeler des mots liés à des événements de leur passé, ils ont des résultats beaucoup moins bons que lorsqu'ils essaient de se souvenir de mots par simple association d'idées. Cette découverte conduit Tulving à reprendre, en 1972, le modèle hérité de W. James (mémoire primaire, mémoire secondaire) avec l'hypothèse qu'il existe plusieurs types de réseaux cérébraux distincts dédiés à la fonction mnésique. L'un d'eux gère la mémoire sémantique, stocke les connaissances générales. Un autre gère une mémoire baptisée "mémoire épisodique", qui sépare les faits vécus personnellement, de leur contexte événementiel et émotionnel, opérant une sorte de déliaison psychique. Ce second type de réseaux serait le seul système qui nous permet de nous rappeler nos expériences antérieures et donc de voyager dans notre passé. Selon Tulving, cette mémoire autobiographique, indexée sur le temps, est propre à l'espèce humaine et s'accompagne d'une conscience du temps subjectif, d'un sentiment de continuité, à travers lequel les événements se sont déroulés. Le concept de mémoire épisodique de Tulving ne s'est pas imposé sans peine à la communauté scientifique qui le trouvait vague, sans fondement expérimental suffisant, dans l'esprit de "l'École de Saint Louis", celle du Missouri, qui inspira la césure du DSM 3, publié en 1980, qui se voulait "freudo-free". L'idée d'une fonction mnésique plurielle ne faisait pas l’unanimité : elle contredisait la théorie unitaire de la mémoire qui fut dominante et gardait ses adeptes. Mais dans ces années 1980, des tests cliniques plus précis, des expériences avec des personnes amnésiques, puis l'imagerie cérébrale confirment l'existence de la mémoire épisodique. Les travaux de Tulving ont révélé la complexité de la fonction mnésique, de fait fragmentée et organisée en différents systèmes et sous-systèmes hiérarchisés. Aujourd'hui, de nombreux chercheurs adoptent ce modèle, proposé par Tulving dans sa version de 1995, selon lequel la mémoire est organisée en cinq systèmes hiérarchisés : mémoire procédurale à la base, mémoire sémantique, mémoire de travail et, en haut de la pyramide, la mémoire épisodique (selon B. Lechevalier [29] composante fondamentale de la mémoire humaine). Les travaux de Baddeley et Hitch compléteront cet édifice devenu la référence en neuropsychologie. Le système actuel neuropsychologie des mémoires en Le schéma des différents systèmes de mémoire actuellement largement partagé serait donc devenu le suivant [30]. 6 • Les mémoires sensorielles Il y a, en bas de l’échelle évolutive, les mémoires sensorielles, visuelle, auditive, qui peuvent être conscientes ou inconscientes [31]. Les perceptions captées par les autres sens (olfaction, toucher) ont perdu de leur importance chez l’homme comme Freud l’avait noté [32]. Le premier traitement de l’information sensorielle est assuré par les aires primaires correspondantes. Un traitement ultérieur, sériel et massivement parallèle, combine les informations perceptives, les distribue aux différentes mémoires, implicites et explicites, qui, en retour, permettent l’identification de l’objet perçu. La mémoire sensorielle est d’une durée très brève (300 ms), possède une grande capacité et code l’information de façon directe pour les réseaux primaires. • La mémoire procédurale Seconde dans l'ordre évolutif vient la mémoire procédurale (savoir comment) qui est la plupart du temps inconsciente (implicite) et inflexible, sauf en période d'apprentissage volontaire pour permettre l'acquisition d'habiletés. Sa part implicite, inconsciente, fonctionne sans indiçage temporel, également comme Freud l'avait théorisé. Elle concerne les habitudes, les savoirs, l’apprentissage et l’amorçage perceptif et sémantique. Elle se traduit, dans le comportement du sujet, par l’amélioration progressive de ses performances. Elle est une mémoire à long terme et stocke les informations pour toute la vie. D’une capacité de stockage considérable, la mémoire procédurale, comme les autres mémoires à long terme (épisodique et sémantique), est dépositaire des apprentissages, des schèmes de comportements. Sa nature rétrograde rend compte de l'histoire individuelle et collective, de la distinction que Freud opère entre inconscient primaire et secondaire, c'est-à-dire entre la composante originaire et phylogénétique (succion) et la composante originelle et individuel (suçotement), donc originale, de l'inconscient. • La mémoire sémantique Vient ensuite, dans l'arbre évolutif du vivant, la mémoire sémantique, autre mémoire à long terme. Le développement de cette mémoire aurait été rendu nécessaire par l'apparition de la parole articulée apparue avec Homo Habilis, il y a 2 millions d'années, peut-être avec la mutation du fameux gène FoxP2 et la position basse du larynx. Pour Chomsky, l'émergence de la parole articulée en externe aurait été rendue nécessaire par l'existence d'un programme évolutif antérieur, celui de la parole intérieure silencieuse faite d'une grammaire neurale, le "mentalais". Ce langage intérieur mentalisé aurait déjà eu accès à la conscience et permis un certain degré de vie représentationnelle bien avant que la parole n'autorise une communication verbale avec les autres, un partage des représentations et des affects. La mémoire sémantique est celle des mots. Elle est décontextualisée, indépendante du contexte temporo-spatial, impliquée dans la connaissance du monde et du langage, sans référence nécessaire aux conditions d’acquisition. • La mémoire de travail Le développement de la mémoire sémantique aurait rendu nécessaire l'émergence d'une mémoire à court terme spécialisée : la mémoire de travail. Comme le moi et le surmoi prennent leurs racines dans le ça puis s'en dissocient partiellement pour se spécialiser et se hiérarchiser, la mémoire de travail prend les siennes dans des mémoires anciennes et développe un système composite, stockant brièvement les informations (empan de 5 à 9 chunks pendant quelques secondes). Alors que la mémoire à court terme gère les données élémentaires de la vie mentale de façon analogique, pour une compréhension de surface, la mémoire de travail traite les informations destinées à la gestion des activités supérieures comme la compréhension en lecture et en mathématiques. Claudia Infurchia [33], comme Stanislas Dehaene [2], n'hésite pas à faire l'analogie entre mémoire de travail et préconscient. Unité composite et hiérarchisée comme le préconscient qui gère, en référence au cadre temporo-spatial, les sous-systèmes représentationnels et affectifs, la mémoire de travail comprend trois sous-systèmes esclaves : boucle phonologique, calepin visuo-spatial et tampon épisodique. Elle procède à la sélection des éléments nécessaires en fonction du but de l'action, ou de la pulsion, c'est selon. La mémoire à court terme et la mémoire de travail, de nature antérograde, effacent les données aussitôt après leur traitement. • La mémoire épisodique Enfin, tout en haut de l'arbre évolutif siège la mémoire épisodique, très développée chez les humains, partiellement présente chez des grands singes. Elle stocke les données autobiographiques, les événements personnels, ceux de la veille comme ceux l’enfance. Elle opère un encodage lié au contexte. Elle est directement indexée par la quantité et la qualité de l'affect suscité par l'expérience vécue. La cure psychanalytique, si elle mobilise toutes le mémoires, opère surtout une synchronisation entre les données des mémoires, autobiographique et sémantique. Dès lors, nous pouvons compléter notre schéma métapsychologique avec la répartition de ces différentes mémoires : 7 IV. Monisme et réflexions croisées L'œdipe, mémoire phylogénétique Je pense à cette phrase de Pontalis à propos de la découverte par les patient de l'emprise sur leurs pensées des fantasmes originaires : "Ainsi, moi aussi, je suis porté par cette structure !" [34], lorsque mémoires sensorielle, autobiographique et sémantique se synchronisent dans le préconscient, jusqu'à arriver au seuil qui déclenche la conscience d'un souvenir réactualisé. L'œdipe, qui pour Marty est "la pointe évolutive" [35], est une autre structure de pensée inscrite dans une mémoire phylogénétique. L'attaque de cette structure œdipienne (le passage à l'acte incestueux), pour la patiente dont j'ai parlé, avait rompu ce lien entre les différentes mémoires, encodé l'expérience traumatique avec une balise de danger qui catégorisa l'épisode en traces éclatées non-restituables, clivées. Pourtant, avec sa demande de "psychanalyse allongée", elle semblait en besoin de restitution, en attente d'une situation transférentielle qui, rejouant la scène, sollicitant les mémoires sensorielle et procédurale, réévalue la pertinence de cette balise de danger insérée dans l'algorithme de stockage mémoriel, et puisse restaurer l'encodage antérieur, celui de "l'avant-coup", du courant tendre, sans ce "défaut de traduction" évoqué par Freud à propos du refoulement, ou cette confusion de langues évoquée par Ferenczi. Cet amorçage "expérimental" de la remémoration est le propre de la situation analytique. Le hiatus du refoulement Toutes ces mémoires fonctionnent en trois temps : acquisition, stockage, rappel. En psychanalyse, on déclinerait ici les aspects topique, dynamique et fonctionnel de l'inconscient. En neuropsychologie, on considère que c'est lors du stockage ou phase de rétention que se produit l’encodage ; c’est sur les qualités de l’encodage qu’on peut imaginer l’impact du refoulement, l'attribution d'une balise de danger qui induit le masquage. C'est aussi lors du stockage que se produit ce remaniement de l’information que Freud avait perçu. Mais il se produit aussi en phase de rappel ou phase d’évocation, de restitution, et peut rendre possible la neutralisation de l’encodage biaisé par le refoulement. Lionel Naccache [36] refuse ce mécanisme du refoulement : "Le curieux mécanisme de refoulement … ruine irrévocablement tout espoir de rapprochement conceptuel". Un des premiers psychanalystes à avoir avancé une théorie analytique congruente avec les modèles neurobiologiques et cognitifs du traumatisme et du refoulement est Abraham Kardiner, psychanalyste analysé par Freud à Vienne, contrôlé par Franz Alexander. Il stipule dans les années 60 [37] que les perceptions enregistrées pendant un traumatisme sont engrammées différemment des autres souvenirs et que si ce traumatisme est sévère il y a destruction de la symbolisation et de la capacité d’adaptation du moi. Un autre psychanalyste, Hans Loewald, dans les années 70, confirme ce point de vue et affirme que les souvenirs gravement traumatiques ne sont pas accessible à l’interprétation. Ce que Freud, à la fin de sa vie, avait reconnu (L’homme Moïse et le monothéisme). Dans les années 50, il y a eu un intérêt particulier des cognitivistes pour les mémoires non-déclaratives. On s’aperçu (cas HM présenté par Scoville et Milner en 1957) que la destruction des lobes frontaux altère cette mémoire nondéclarative. On découvrit ensuite que cette mémoire inconsciente est également altérée par un affect intense qui influence, on l’a vu, l’encodage, le stockage et donc le rappel du souvenir. Il y avait donc pluralité de réseaux parallèles dans l’encodage (Rumelhart et McClelland, 1986). En 1981, Boxer rendit compte de passerelles associatives entre ces réseaux et de la contribution des émotions comme agent facilitateur ou inhibiteur dans les liens entre réseaux. Progressivement, un étayage neurocognitif s’organise autour de la vieille idée freudienne du rejet motivé du souvenir hors de la conscience (refoulement), voire d’un échec à être conscient (réminiscence). Quelle est la fréquence dans la population générale des souvenirs d’abus sexuels refoulés ? Linda Meyer Williams, sociologue et criminologue à l’université du Massachusetts, a tenté une telle étude par l’étude de dossiers médicaux de femmes hospitalisées au cours des années 1973-1975 dans le dossier desquelles un abus sexuel était évoqué. Elle a interviewé 136 femmes et trouvé que 38% d’entre elles ne se souvenaient pas de l’épisode traumatique pourtant répertorié dans leur dossier. Yoram Vovell travaille à Columbia avec Éric Kandel et à l’Université hébraïque Hadassah en Israël. Il a travaillé sur le phénomène du refoulement, savoir et ne pas savoir à la fois, ou "l’oubli motivé". En 2001, Yoram Vovell conclut une communication [38] sur les études de neurobiologie sur le refoulement en affirmant d’une part que les études de neurobiologie montraient que le phénomène est bien réel, d’autre part qu’il représente un cadre conceptuel qui devrait prêter à plus de dialogue entre psychanalystes et neurocognitivistes. Monisme bifrons de Daniel Widlöcher Pour Daniel Widlöcher [39] le rapprochement n'est pas illusoire, « Le neurologique doit être repérable dans un événement de la vie de l’esprit, et réciproquement : ce qui se passe sur l’un des plans a des conséquences sur l’autre. Mais cette dépendance réciproque peut être entendue de deux manières, soit dans une perspective de réciprocité causale dualiste, soit dans une perspective moniste à double face ». Il écrit plus loin : « L’inconscient du ça « pense » avec les mêmes neurones que les fonctions cognitives élémentaires. Mémoire procédurale et mémoire épisodique entrent en jeu dans les mécanismes de refoulement. Ce monisme obéit à deux exigences fondamentales que sont que sont les principes d’intelligibilité et de compatibilité » À la lumière de ce parcours comparatif entre mémoire freudienne et mémoire neurocognitive, il devient possible de tenter une réflexion croisée. La théorie freudienne de la mémoire peut se résumer, ainsi que l'a fait Claude Le Guen, par quelques assertions : tout événement somatopsychique fait trace mnésique ; aucun n'est effacé en mémoire ; la plupart de ces événements se produisent hors de la conscience ; l'oubli et le rêve sont les gardiens d'une identité changeante et d'une homéostasie fluctuante par leur administration des traces mnésiques dont le rappel est possible soit sous forme consciente (souvenir), soit, le plus souvent, inconsciente (réminiscence, symptômes, compulsions, actes manqués, lapsus, TOT, ...). L'administration des oublis et des rêves s'appuie sur un mécanisme de rétention et de cryptage opérant en veille permanente : le refoulement. 8 L'activateur de ce dispositif est émotionnel ; l'oubli est donc un phénomène actif et non une défaillance de la fonction mnésique qu’au contraire il protège. L’approche neurophysiologique, parallèlement, affirmerait ceci : le cerveau humain, avec ses « dizaines de milliards de toiles d’araignées neuronales enchevêtrées » [40], « objet le plus complexe de l’univers » (Jeannerod), aboutissement d’une longue évolution [41], agirait comme un « cloud » de calculateurs interconnectés lui donnant des capacités de mémoires et de traitement de l’information jamais atteintes dans la nature ; ce connexionnisme computationnel, récursif et "sériel et massivement parallèle" produit une expérience de pensée produite par ses immenses, économiques et durables réseaux inconscients, mais aussi par une observation consciente du monde et de soi, performance rendue possible par le dernier cri de l'Évolution : un réseau spécialisé réverbérant que Stanislas Dehaene propose d'appeler "l'espace de travail neuronal global", dont l'activité est coûteuse en énergie, accélérée, indexée sur le temps, très sélective, facilitée ou inhibée par l'affect, mais qui, seule, permet le partage global d'une information, son maintien en ligne le temps d'une rapide consultation des mémoires et d'une réorientation (stockage en mémoire, plan d'action, partage en externe par la parole) ; l'émotion, qui est une composante de l'activité cognitive, est un originel système de conscience de soi toujours actif, moins évolué mais recyclé en système d'indiçage et d'alerte (encartage somatognosique de Damasio, embodied cognition de Gallese). Notre impression est, alors, que les modèles neuropsychologiques des catégories de mémoires de Kandel, d’Atkinson et Shiffrin, de Baddeley et Hich n’ont pas fondamentalement remis en cause les fondements de la théorie freudienne de la mémoire, excepté cet épineux problème du refoulement, pièce capitale de ce dispositif. Dès lors, aussi loin que soit poussé le travail comparatif, un hiatus se présente qui rend pour l’heure les positions inconciliables : ce concept freudien central de refoulement. Ce constat d’incompatibilité posé, il peut néanmoins sembler légitime de poursuivre ce regard croisé qui ne doit se limiter ni à une lecture des ouvrages des neurosciences pour conforter a priori un freudisme dogmatique (G. Pommier [42], A. Pellé [43]), ni à une recherche limitée à l’usage métaphorique des découvertes scientifiques (S. et G. Faure-Pragier [44]). Poursuivons cette marche comparative à propos de la conscience. V. La conscience, de Freud à Dehaene Le système perception-conscience de Freud Si Freud parle de "système", dès l'Esquisse, c'est qu'il s'agit, comme pour la fonction mnésique, d'un mécanisme complexe dont certains aspects sont, comme pour le refoulement, contre-intuitifs. L'ouverture de la psyché à la réalité extérieure implique ce "complexe de perception" qui comprend un traitement inconscient, un travail de remémoration, une opération de reconnaissance, puis de jugement. Ce dispositif est constitué d'un ensemble d’éléments opérant en réseaux et exerçant une influence les uns sur les autres. Ces composants sont la réalité extérieure, les organes sensoriels, la mémoire, la conscience, la motricité. L'excitation-information chemine d'une extrémité à l'autre du système, c'est-à-dire de la capture perceptive à la décharge motrice finale. L'amorçage est la saisie sensorielle de la perception. Nous avons vu que la nature de ces messages peut être modifiée en entrée selon le gradient plaisir-déplaisir, qu'elle influence dans le même temps le remaniement des mémoires, qui, elles-mêmes déterminent ce qu'il en adviendra en cours de traitement. Vient aussitôt une première inscription, directe, en mémoire inconsciente car, dit Freud, "le conscient et la mémoire s'excluent" [45]. Il ne peut y avoir de prise de conscience sans traitement antérieur inconscient, ce qui implique, a contrario, que ne peut devenir conscient que ce qui fut autrefois perception. Au-delà de ce traitement inconscient, c'est le préconscient, nous l'avons dit, qui assure le travail de remémoration en relayant et transformant les processus primaires en processus secondaires par sa capacité à relier représentation de chose, de mot, d'action et affect pour proposer à la conscience une pensée élaborée, idéique et émotive. Il relaie et met en forme la poussée inconsciente vers le devenir conscient. La conscience prend ensuite en charge (surinvestissement) le résultat de ce traitement inconscient de la perception. Elle serait une sorte "d'organe perceptif de l'interne" qui synthétise le résultat des traitements inconscients et catégorise certains contenus à privilégier. Les sorties sont les processus secondaires qui assurent la décharge motrice finale (dont la parole). Ce que produit le système, ce sont des mixtes d'éléments primaires et secondaires (rêves, lapsus, actes manqués, discours). La parole est action motrice ; le récit est un processus mixte. Au début de la vie individuelle, les premières perceptions, intra-utérines, post-natales, sont liées à l'objet primaire et inaugurent ce mécanisme selon des voies relativement simples. Puis, l'accumulation considérable et rapide du stockage mémoriel va constituer une capacité de plus en plus importante à partir de laquelle le bébé va inaugurer sa conscience. Celle-ci est un procédé immédiat et rapide, nous l'avons dit, qui doit vite passer d'un élément à traiter au suivant. Elle doit aussi gérer les perceptions venues de l'intérieur du corps, les sensations et émotions, en interférence constante avec les données venues de l'extérieur, et qui, nous l'avons vu aussi, indexent leur traitement. La conscience dirige la décharge vers le mode le plus adapté au contexte. En définitive, par ce processus de mentalisation constitué sous influence des mémoires inconscientes, la conscience fabrique en sortie une autre perception (une parole à un autre par exemple) et vise à retrouver l'impression que lui créa l'objet perceptif originel perdu. "C'est dans un mouvement régressif vers l'hallucination de l'objet perdu, régression interrompue pour faire le détour d'une quête à l'extérieur de l'identité de perception que l'objet extérieur susceptible d'apporter la satisfaction est finalement perçu" [46]. La théorie de l'espace de travail neuronal global de Dehaene. Stanislas Dehaene explore depuis une vingtaine d'années les bases cérébrales de la numération [47], de la lecture [48], de la conscience [2] au moyen de dispositifs expérimentaux ingénieux de psychologie cognitive, d'imagerie et d'enregistrements médicaux (IRMf, EEG). Dans son dernier ouvrage, il réhabilite l'introspection, jusqu'ici considérée par la communauté cognitiviste comme non-scientifique, séquelle du behaviorisme. À l'aide de ces outils expérimentaux, il cherche à suivre le trajet cérébral de la perception jusqu'au phénomène précis de la prise de conscience, ce moment soudain où l'invisible devient visible et 9 verbalisable, "ce passage soudain du préconscient au conscient qui fait accéder une information à la conscience et la rend disponible à mille et une opérations mentales". Il identifie un type particulier de neurones, des cellules nerveuses géantes dont les axones traversent tout le cortex et constituent un vaste réseau intégré. Il construit, à partir de ces observations, une théorie de la conscience, l'hypothèse de "l'espace de travail neuronal global", système de traitement neuronal de l'information qu'il schématise de la façon suivante : Évidemment, en bon élève de Jacques Mehler, il déclare caduque l'œuvre de Freud, mais utilise le vocabulaire freudien, évoque le travail statistique incessant de l'inconscient, son autonomie fonctionnelle, le tri émotionnel des perceptions effectué par l'amygdale "en fonction de nos expériences passées", un accès inconscient au sens des mots, les associations sémantiques effectuées par les aires du langage. " L'inconscient propose, le conscient choisit". L'auteur expose, pour s'en démarquer, ce que la psychologie cognitive dit habituellement de la conscience : elle comprime les informations, les transforme en un jeu de symboles et les transmet à d'autres opérateurs, enchaînant ainsi les opérations mentales. La vision de Dehaene se présente autrement : c'est l'inconscient qui alimente le conscient d'une grande quantité de données, lequel condense celles-ci en vue de "choisir" le moyen d'action approprié. Il évoque ce que les sciences cognitives contemporaines reprennent de "l'inférence bayésienne", c'est-à-dire un traitement en sens inverse, depuis le résultat jusqu'à ses origines (inférence inverse, "bottom up"), une sorte de vérification itérative, nécessaire du fait des nombreuses ambiguïtés véhiculées par les messages en provenance des mémoires inconscientes. Il n'y a pas de vérité dans l'inconscient où le populisme règne : ce sont les neurones qui votent. Le traitement des données opéré par ces giganeurones est donc bidirectionnel, de bas en haut et de haut en bas, les aires de haut niveau envoyant des "messages prédictifs" aux aires sensorielles primaires, comme si elles influençaient en retour le traitement perceptif. "L'inconscient quantifie, la conscience discrétise" dit Dehaene. Ce travail incessant de réverbération, d'allers retours accélérés des données entre inconscient et conscient lui permet de comparer le cerveau à un routeur qui distribue les signaux dans une alternance de traitement inconscient et conscient. Dans cette activité bidirectionnelle, échange incessant de données entre mémoires inconscientes et système perception-conscience, Stanislas Dehaene fait une constatation qui reste pour lui énigmatique : "Étrangement, les connexions de bas en haut, qui transmettent les données sensorielles, sont bien moins nombreuses que les projections de haut en bas. Nul ne connaît la raison de cette organisation contre-intuitive. Se pourrait-il qu'elle joue un rôle dans la perception consciente ?" ... "Tout se passait comme si les régions antérieures du cerveau interrogeaient désespérément les aires sensorielles. Lorsque leurs questions restaient sans réponse, le cerveau concluait à l'absence d'une perception consciente" ... "La conscience réside dans les boucles du cortex : c'est la réverbération de l'activité neuronale dans les méandres des connexions corticales qui cause chacune de nos sensations conscientes". Permettons-nous ici une incursion freudienne. Les observations de Dehaene se rapprochent du constat freudien d'une part de cet incessant dialogue entre instances, nous pourrions dire maintenant entre réseaux, d'autre part de cette constante épreuve de réalité qui compare projection hallucinatoire et introjection de l'identité de perception. Dans ce perpétuel échange de données le préconscient joue le rôle d'un relais filtrant, répresseur pulsionnel d'un côté (la pression inconsciente est massive), facilitateur du surinvestissement, nous pourrions dire de la synchronisation des réseaux) de l'autre. Après consultation des mémoires inconscientes, le préconscient recompose une perception transformée en trois types de représentations : de chose (image), de mot, d'action, et interroge le conscient sur l'opportunité d'une prise en charge par son faisceau concentré afin d'en examiner les qualités et de les transmettre à la globalité du système pour option finale par les fonctions exécutives (régions antérieures du cerveau). Ce fonctionnement mental, travaillé par Freud en termes de destin de la pulsion dans ses écrits métapsychologiques (1915), a été complété dans son texte de 1925, La négation, portant plus précisément sur la fonction intellectuelle de jugement et du symbole de négation ("absence d'une perception consciente" pour Dehaene). Pour Freud, là est la fonction essentielle de la conscience : jauger le différentiel plaisir-déplaisir (jugement d'attribution) et mener à bien l'épreuve de réalité (jugement d'existence). Une réalité, pour le kantien qu'il était, à jamais inconnaissable car reconstruite, virtuelle. Du fait de la préséance du jugement d'attribution, la conscience, dans ce modèle, ne se réduit pas à la rationalité, mais prend en charge l'irrationnel. Ce jugement d'attribution (jauge du sentiment de plaisir) précède le jugement d'existence (1/0) par ailleurs indispensable au traitement de l'information. Ainsi l'ont perçu les mathématiciens syriens du IIIe siècle inventeurs du zéro : le un est un bâton de marche (plaisir), le zéro est un trou (déplaisir). Revenons à Stanislas Dehaene. Ses expériences à partir de mots masqués, de perceptions subliminales, lui ont permis de détecter quatre signatures de ce moment soudain de la prise de conscience : à l'IRMf la mise en activité soudaine et concomitante de circuits pariétaux et frontaux, à l'EEG l'apparition d'une onde appelée P3 (positive, après 300 millisecondes), puis un train d'ondes 10 plus tardives de haute fréquence, enfin une large synchronisation terminale des signaux que s'échangent les aires corticales les plus éloignées les unes des autres. C'est la diffusion de ces échanges à l'ensemble du cortex qui signe la prise de conscience, "l'ignition de la conscience", alors que les images subliminales ne provoquent qu'une synchronie des seules aires postérieures (traitement primaire des signaux visuels). Cette diffusion soudaine et large des informations permet une mise en forme et en image mentale de l'objet à partir d'éléments fragmentaires géographiquement disséminés, un peu comme une image orientable en 3D sur un écran. Cette synchronie neuronale dessine une carte cérébrale avec des trous : c'est la répartition géographique des cellules neuronales actives et inactives, leur disposition en absence/présence qui constitue le code le la conscience. Pour Dehaene, cette carte cérébrale devrait contenir un enregistrement complet de l'expérience subjective : "Si nous savions le décrypter, nous aurions accès à l'ensemble de la vie mentale d'une personne. Tout ce qu'elle voit, pense, ou ressent consciemment devrait s'y trouver inscrit". Plus encore, il devient possible de craquer ce code de la conscience qui consiste en une distribution géographique dans tout le cortex de neurones actifs et inactifs. Car l'objet mentalement reconstruit est composé d'une forme dessinée par des assemblées de neurones allumés ou éteints, comme les pixels de nos écrans dessinent les contours par un jeu de présenceabsence. On pense à ce qu'écrit Freud en 1915 à propos de l’accès à la conscience d’une représentation : "La transposition consiste en un changement d’état, laquelle s’accomplit sur le même matériel et sur la même localité" [49]. Inversement, écrit Dehaene, si l'on parvenait techniquement à stimuler par voie externe cette carte neurale dans le cerveau d'un individu, il devrait percevoir l'objet correspondant, voire ressentir l'état mental qui accompagne la perception. Pour lui, c'est ce qui se produit dans le rêve. Cette expérience a été réalisée par stimulation cérébrale du rat. " La stimulation cérébrale démontre que cette relation entre la perception et les décharges neuronales est causale". En définitive, pour les disciples de Théodule Ribot et de William James, la conscience est "la mise en ligne d'une information", décalée de l'expérience sensorielle, prélevée "dans les millions de représentation mentales inconscientes" pour diffusion globale à toutes les assemblées de neurones qui votent et décident en ligne de ce que les analystes nomment le destin pulsionnel : manipulation conceptuelle en interne, transmission aux aires du langage pour partage externe des données, stockage en mémoire, intégration aux plans d'action. Autre constat fait en IRMf : l'inconscient ne connaît pas le temps. En effet, installer une personne dans la machine, à l'état de repos, et lui demander de ne penser à rien, permet de visualiser une activité cérébrale de base, une production incessante de représentations mentales. Cette activité cérébrale spontanée démarre dans les aires corticales du haut de la hiérarchie et se propage vers le bas. Ce mode de pensée par défaut, ce "bruit neuronal", produit un langage intérieur, une "réalité interne", qui se trouve en compétition avec la réalité externe. Si l'on demande à la personne allongée dans le noir de la machine à IRM à quoi elle était en train de penser, elle répond souvent : "À des souvenirs intimes". Sans doute sont-ils, pense le psychanalyste, agrémentés de fantasmes. Dehaene dresse également un "catalogue de l'inconscient" fait de "préconscient", d'état subliminal, d'activités somatiques déconnectées en retrait des réseaux corticaux, d'informations trop diluées pour être prises en charge par la conscience, de connexions latentes faites de milliards de cellules dormantes en attente du signal d'activation. En conclusion, Dehaene nous propose par cette hypothèse de l'espace de travail neuronal global pour modéliser la conscience, de comprendre celle-ci comme le presse-papier de nos ordinateurs qui permet le partage de données avec tous les logiciels installés sur le disque dur. L'intense activité de cette plaque tournante est rendue possible par un puissant algorithme d'apprentissage et un haut degré d'autonomie. Cet espace de travail global reste actif sans entrées perceptives et produit alors un flux constant, partiellement stochastique, de représentations mentales, issu des mémoires inconscientes. Cette conscience rend des décision d'une liberté toute relative, car sous influence des gènes, de l'histoire individuelle, des valeurs transmises inscrites dans nos circuits neuronaux. C'est "un présent remémoré" qui émerge du code neural de la conscience, une expérience présente intriquée aux souvenirs, qui projette sur le monde extérieur "le point de vue subjectif d'une personnalité singulière". Notre schéma métapsychologique s'enrichit de ce dernier élément, l'espace de travail neuronal global : VI. Conclusion Deux versions du même inconscient ? J'entends d'ici les contestations d'esprits chagrins : l'inconscient cognitif n'a rien à voir avec l'inconscient freudien. Voire les protestations indignées comme celles d'Arlette Pellé dans son dernier ouvrage, Le cerveau et l'inconscient [43]. Pourtant, à suivre une stricte ligne moniste, il est possible qu'il s'agisse, de la machine à IRM au divan, de deux versions du même inconscient. L'inconscient de Dehaene est différent de celui de Naccache [36], limité aux routines cérébrales, très loin de celui du Changeux de 1983 [28], alors limité à l'héritage génétique, maintenant épigénétique [50]. Les modèles cognitifs ont évolué et nous nous trouvons plus proches. Néanmoins, ces deux versions du même inconscient gardent bien sûr pour l'heure des différences essentielles. Elles sont d'abord différentes par leurs lexiques, bien qu'actuellement, nous l'avons vu, les glossaires se rapprochent, non sans créer une certaine confusion. Elles sont surtout différentes par leur mode d'observation, situation expérimentale d'une part, situation clinique 11 d'autre part. Freud a mis au point en 1900 sa méthode empirique de recueil des données du fonctionnement neuronal, l'association libre et verbalisée, tandis qu'actuellement la psychologie cognitive invente des protocoles expérimentaux ingénieux, utilise tests, imagerie et enregistrements médicaux. Mais ces deux méthodes d'investigation peuvent rendre compte de la même activité neuronale spontanée "partiellement stochastique" émergeant des milliards de neurones de chaque cerveau humain. Quand chaque affect, chaque représentation mentale, chaque acte, pourra être visualisé par une cartographie neurale originale, codée, on l'a vu, par des signaux numériques de présence et d'absence, ces éléments s'exportent sous forme d'une parole cliniquement audible et analysable. Il n'y a nulle aporie ici. Cette bascule vers l'écoute clinique du fonctionnement cérébral, spontané ou pas, est cette mutation que réalisa Freud, déçu par les technologies expérimentales de son temps, si impressionné par sa rencontre avec Charcot qui vit se confronter la neurologie germanique avec la clinique française ; un cerveau expérimental face à un cerveau clinicien. Par le travail clinique lent, discret, neutre et bienveillant, non-invasif, obstiné, où la rationalité reste le référent ultime, résultat d'un long apprentissage professionnel, on découvre bien sûr dans cette version empirique du même inconscient un contenu très différent de ce à quoi aboutit le protocole expérimental du neurophysiologiste. Il n'y a ni refoulement, ni sexualité infantile dans le modèle neurocognitiviste, tout simplement parce que ce n'est pas, actuellement du moins, l'objet de la recherche, tout au moins au NeuroSpin. On aimerait entendre narrer ces "souvenirs intimes" des personnes en isolation sensorielle dans la machine à IRM qu'évoque Dehaene. L'indexation fortement sexuelle de cet inconscient freudien n'est pas un problème pour les biologistes qui connaissent les contraintes du vivant : garantir les ressources énergétiques et dupliquer l'ADN ad libitum. "C'est la vie qui est pansexuelle" disait Jean Laplanche. Cette contrainte expansive a colonisé le mental, donc les conduites, sous forme d'une "subversion libidinale" comme dit Christophe Dejours [18]. Il est possible de penser que la méthode analytique a, sur ce point précis de la visualisation des contenus de conscience et du dialogue inconscient-conscient, juste un siècle d'avance sur l'approche neurocognitiviste qui n'a pas, répétons-le, vocation à percer cette intimité, quand bien-même celle-ci peut se voir effectivement comme activité de réseaux neuronaux. Au delà de ces divergences de méthode d'investigation et de résultats, les modèles du fonctionnement mental ont des convergences. C'est sans doute un des résultats du passage d'une conception computationnelle à une conception connectiviste que ce rapprochement récent des vocabulaires. Les larges réseaux hiérarchisés et interconnectés, cette activité corticale "sérielle et massivement parallèle" évoque ce que l'on exprime en terme d'instances en psychanalyse. Rappelons-nous l'Esquisse [51] : "Le moi ... un groupe de neurones chargés de façon permanente" ... "Nous décrirons donc le moi en disant qu'il constitue à tout moment la totalité des investissements". Cette totalité peut s'entendre aujourd'hui comme une synchronisation globale. En Allemand, Freud, bien sûr, utilise les mots "Gruppe von Neuronen", ce qui est conforme au langage scientifique du XIXe, bien avant la théorie de l'information. Sans doute aujourd'hui utiliserait-il mot Netzwerk et parlerait-il de réseau ou d'assemblée de neurones. Par ailleurs, le modèle que propose Dehaene de l'activité de ces giganeurones aux immenses axones et aux innombrables épines dentritiques, à la fois redondante, réverbérante, bidirectionnelle, qui permet un dialogue constant entre aires préfrontale (fonctions exécutives), pariétales (dites fort justement "associatives") et un routage de l'information en incessants aller retours de l'extrémité sensorielle à l'extrémité motrice du système, en interrogation en temps réel de toutes les bases de données disponibles en mémoires, corticales et souscorticales (Cf. "boucles hypothalamo-corticales" d'Edelman), ce modèle, exprimé cliniquement, peut correspondre, une fois encore, à cet incessant travail de filtrage (censure), de discrétisation (déliaison), de requête analogique (l'affect, la cénesthésie, la somatognosie) et numérique (la représentation, le chiffre), de reconstruction (reliaison), travail qui s'opère entre instances psychiques, le préconscient, avec son épaisseur, sa fluidité, ayant effectivement une fonction de plaque tournante essentielle dans ces procédures. Disant cela, je partage et rends hommage à la position de René Roussillon. Sa préface du livre de Claudia Infurchia [33] est remarquable de cet humble travail de vigilance et de synthèse qui astreint nécessairement les psychanalystes à rester connecté à la réalité de l'histoire des sciences, donc à mettre à jour leur glossaire et à se décoller de l'identification adhésive à la méthode empirique. Il regrette autant le manque de culture scientifique des psychanalystes [52] que l'indigence des connaissances de la psychanalyse par la plupart des neuroscientifiques. À lire les jugements péremptoires sur les travaux de Freud des trois mousquetaires de la Salpêtrière, on reste parfois sans voix : " Il ne serait pas exagéré d'affirmer que dans l'œuvre de Freud, les idées solides ne sont pas les siennes, tandis que les idées qui sont les siennes ne sont pas très solides" [53]. René Roussillon se réclame de la démarche "complémentariste" de Georges Devereux, ou de celle d'Edgar Morin qui estime que la complexité du vivant est telle que dans chaque communauté scientifique des spécialistes doivent un jour se déspécialiser et aller voir ce que font les autres. René Roussillon had a dream : des équipes de travail mixtes qui, à partir de questions soulevées par la clinique, se mettraient au travail. Car toute science comporte une recherche théorique et une recherche appliquée. Je rappelle ici les préalables philosophiques du cahier des charges : matérialisme, monisme, évolutionnisme. Les accents évangéliques de Roussillon nous annoncent une bonne nouvelle : les deux modèles sont compatibles. Je rajouterai : excepté ce hiatus, cet épineux problème du refoulement. Finir en clinique Pour finir, une autre histoire clinique. La scène se passe lors de la réunion de synthèse de l'équipe d'un hôpital de jour. Une orthophoniste fait récit d'une séance avec un garçon de 4 ans en situation d'autisme, maladie neurodéveloppementale. Cet enfant en retrait massif n'a pas de langage, mais apparaît relativement calme et autonome dans les procédures sociales. Il aime beaucoup les chiffres et la rééducatrice en profite pour stimuler ses compétences cognitives et créer des interactions. Cette fois, ce sont des coccinelles et leurs points noirs sur le dos qui permettent d'inciter l'enfant à exercer sa compétence numérique. Grave et silencieux, il parvient même à catégoriser les coccinelles en fonction 12 du nombre de points noirs. Passer du chiffrage à la catégorisation est un réel progrès pour lui. S'ensuit un mouvement d'élation partagé, et une récompense : le droit de manipuler les poupées gigognes. Car c'est une autre fascination pour ce petit être neurodifférent que ces objets encastrés les uns dans les autres, de plus en plus petits. L'acmé jubilatoire est, de façon répétitive, l'arrivée à la microscopique dernière poupée. Là s'arrête le récit de l'orthophoniste. "Et alors ?" dit une psychologue au fait de la curiosité sexuelle infantile et du besoin d'exploration du corps maternel comme amorçage de l'envie de savoir et invite à la communication. "Alors quoi ?" répond l'orthophoniste. "Tu aurais pu lui susurrer à ce moment le mot maman" - "Ah non. Ça, ça ne sert à rien !". La suite de la réunion fut une heureuse controverse sur les limites de chaque méthode, l'approche comportementale et cognitive d'un côté, l'approche analytique de l'autre. Ainsi va l'histoire des sciences. Ce fonctionnement cérébral qui était invisible pour Freud devint, par son génie, cette intimité de parole audible pour le psychanalyste, légitimement inaudible, hors sujet pour Kandel et Dehaene. ___________ Bibliographie [1] VINCENT, J.D., Biologie des passions, Odile Jacob, 1990. [2] DEHAENE S., Le code de la conscience, Odile Jacob 2014. [3] DEJOURS C, FEDIDA, P., GACHELIN, G., GREEN, A., GUÉDENEY, A., JASMIN, C., STEWART, J., THURIN, J.M., VARELA, F., BILLIARD, I., Somatisation, psychanalyse et sciences du vivant, Eshel, 1994. [4] DAMASIO, A., Spinoza avait raison. Joie et tristesse, le cerveau des émotions. Odile Jacob 2003. [5] ALMEIDA, RMD, Freud, Nietzsche : l’énigme du père. http://leportiquerevuesorg/336 2014. [6] COLLIN D., La Matière et l’esprit, sciences, philosophie et matérialisme, Armand Colin, 2004. [7] MONOD, J., Hasard et la nécessité, Paris, Seuil 1970. [8] LADRIERE, J., 1992, Les enjeux de la rationalité, Aubier-Montaigne, 1977. [9] FREUD, S., 1895, Esquisse pour une psychologie scientifique, in Naissance de la psychanalyse, PUF, 1969. Les neurones w pour le traitement perceptif, fournissant un indice de réalité aux neurones y pour le traitement secondaire et la catégorisation perceptionsouvenir. [10] Henri Poincaré, précurseur, entre autres, de la théorie des systèmes dynamiques, est contemporain de Freud. [11] TORRIS, G., Penser l’Évolution, Guibert, 2007. [12] Source : LE GUEN, C. Dictionnaire freudien, PUF, 2009, article L’oubli. [13] Voir les balises HTML. http://www.codeshttp.com/baliseh.htm [14] FREUD, S., 1897, Lettres à Fliess, in Naissance de la psychanalyse, Trad. Berman, PUF, 1973, p. 156 : « C’est le défaut de traduction que nous appelons, en clinique, le refoulement ». [15] ROSIER F, La glie, matière à penser, Le Monde des Sciences, 11/06/2013. Steven Goldman, de l'université de Rochester (Etats-Unis), dans un article publié le 7 mars 2013 dans la revue Cell Stem Cell affirme : "Notre étude montre que les cellules gliales sont essentielles à la transmission des signaux entre neurones". [16] FREUD, S., L’interprétation des rêves, 1900, Paris, PUF, 1967, p. 458. [17] EDELMAN G., TONONI G., Comment la matière devient conscience, Odile Jacob, 2000. [18] DEJOURS C, Le corps entre biologie et psychanalyse, Paris, Payot, 1986. [19] FREUD, S., L’interprétation des rêves, 1900, Paris, PUF, 1967, p. 620 ; p. 571. [20] FREUD, S. L'inconscient, Gallimard 1968, p.171 [21] DEHAENE, S., Le code de la conscience, Odile Jacob, 2014, p. 167. [22] SCHACTER, D., Les sept péchés de la mémoire, comment l’esprit oublie puis se souvient, Actes du colloque sur la mémoire de la Société de Neuropsychanalyse, New York, 2001. [23] Groupe d’études sur l’origine des représentations, composé de préhistoriens, psychanalystes, anthropologues, fondé au début des années 80. Fine et al.,1994; et Sacco et al., 1998. [24] SACCO, F., ROBERT, E., L’origine des représentations, regards croisés sur la Préhistoire, Ithaque, 2016. [25] LE GUEN, C., Dictionnaire freudien, PUF, 2008, article L’oubli, p. 1066. [26] MAZEAU M., Le bilan neuropsychologique de l’enfant, Masson, 2008 [27] EDELMAN, G., Bright Air, Brilliant Fire. On the Matter of the Mind, Basic Books, 1992. [28] CHANGEUX, JP. (1983), L’Homme neuronal, Pluriel, Paris, 1983. [29] LECHEVALIER, B., 2001, Revue de Neuropsychologie, Vol 11, n°2, pp. 367-380. http://rnp.resodys.org/IMG/pdf/vol11n2_367_380_bis.pdf [30] Source : http://jlchapey.free.fr/troubles%20mem%20travail/la%20 memoire.html et http://sebastien.tronel.free.fr/Physiologie/Physiologie%20 des%20Fonctions%20Cognitives.pdf [31] Ce n'est que récemment, grâce aux progrès technologiques en informatique, en neurophysiologie et en neuro-imagerie, que l’existence d’une perception visuelle sans conscience a été démontrée chez le sujet sain et chez certains patients cérébro-lésés (expérience de vision aveugle, blindsight, de Perenin et Jeannerod, 1975). Cette démonstration, d'un intérêt crucial, a ouvert la voie à l'investigation expérimentale du substrat cérébral du fonctionnement conscient. [32] La théorie du refoulement organique fut élaborée tout au long de l’œuvre freudienne, depuis l’Esquisse (1895) jusqu’aux Nouvelles Conférences (1932). En 1909 au cours d’un débat à la Société psychanalytique de Vienne, Freud affirme "qu’il n’y a pas un refoulement qui n’ait un noyau organique". Il cite en exemple la régression de l’olfaction comme premier indice de refoulement, point de vue repris dans Malaise dans la Civilisation en 1930. [33] INFURCHIA, C., La mémoire entre neurosciences et psychanalyse, Erès, 2014. [34] LAPLANCHE, J., PONTALIS, JB., Fantasme originaire, fantasme des origines, origine du fantasme, Hachette Littératures, 1985. [35] MARTY, P., La psychosomatique de l'adulte, Que sais-je, PUF, 2011. [36] NACCACHE L. Le nouvel inconscient, Paris, Odile Jacob, 2006, pp. 323-330. [37] KARDINER, A., Mon analyse avec Freud, trad. Andrée Lyotard-May, Paris, P. Belfond, coll. Documents pour l'analyse, 1978 13 [38] VOVELL Y., Les sept péchés de la mémoire, une perspective des neurosciences cognitives, Actes du colloque sur la mémoire de la Société de Neuropsychanalyse, New York, 2001. [39] WIDLÖCHER, D., Vers une neuropsychanalyse ?, ouvrage collectif avec Lisa Ouss, Bernard Golse, Nicolas Georgieff. Ed. Odile Jacob, 2009. P. 63. [40] CHANGEUX, JP, L’homme neuronal, Pluriel, Paris, 1983, p. 160 : « L’encéphale de l’homme se présente à nous comme un gigantesque assemblage de dizaines de milliards de « toiles d’araignées » neuronales enchevêtrées les unes aux autres et dans lesquelles « crépitent » et se propagent des myriades d’impulsions électriques prises en relais ici et là par une riche palette de signaux chimiques … Cette faculté d’auto-organisation constitue un des traits les plus saillants de la machine cérébrale humaine, dont le produit suprême est la pensée ». [41] LAZORTHES, G., L’histoire du cerveau, Ellippses, 1999. [42] POMMIER, G., Comment les neurosciences démontrent la psychanalyse, Flammarion, Paris, 2004. [43] PELLÉ A., Le cerveau et l'inconscient, Armand Collin, 2015. [44] FAURE-PRAGIER S., FAURE-PRAGIER G., Repenser la psychanalyse avec les sciences, Paris, PUF, 2007 [45] FREUD, S., 1897, Lettres à Fliess, in Naissance de la psychanalyse, Trad. Berman, PUF, 1973, Lettre du 6 décembre 1896. [46] LEGUEN, C., Dictionnaire freudien, PUF, 2008, p. 362. [47] DEHAENE S., La bosse des maths. Odile Jacob 1996. [48] DEHAENE S., Les neurones de la lecture. Odile Jacob 2008. [49] FREUD, S., 1915, Les pulsions et leurs destins, in Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1952, p. 66. [50] CHANGEUX, J.P., Du vrai, du beau, du bien, Une nouvelle approche neuronale, Odile Jacob, 2010. [51] FREUD, S., 1895, Esquisse d'une psychologie scientifique, in Naissance de la psychanalyse, PUF, 1986, p. 341. [52] FERROUL Y., Les psychanalystes auraient-ils peur de la confrontation scientifique ? Le Monde, 18/12/2006. [53] DEHAENE S., Le code de la conscience, Odile Jacob 2014, p. 82. [54] PERRON, R., 2007, La recherche en psychanalyse, Monographie, PUF, 2007. p. 61. [55] ROBERT, M. in FISHMAN, G., sous la dir. L'évaluation des psychothérapies et de la psychanalyse : fondements et enjeux. Masson, 2009. [56] QUINODOZ, J.M., Transitions dans les structures psychiques à la lumière de la théorie du chaos déterministe. Revue Française de Psychanalyse 2004, 2004-5. p. 526. _________ 14