C ONCEPTION ET MISE EN PAGE : PAUL MILAN Le refoulement La méthode hypnotique employée par Charcot pour traiter les maladies hystériques, avait convaincu Freud de l’existence de traumatismes inconscients : les patients exprimaient sous hypnose des scènes en relation directe avec leurs troubles psychiques. Une fois réveillés et interrogés, ils reconnaissaient en elles des épisodes douloureux de leur vie, dont ils prétendaient pourtant avoir totalement perdu le souvenir. La maladie et son traitement montrent donc bien que l’hystérique sait inconsciemment une chose et qu’il refuse de se l’avouer consciemment. On peut parier d’une résistance qui empêche certains souvenirs d’être rappelés. « La preuve était faite que les souvenirs oubliés ne sont pas perdus, qu’ils restent en la possession du malade, prêts à surgir, associés à ce qu’il sait encore. Mais il existe une force qui les empêche de devenir conscients. L’existence de cette force peut être considérée comme certaine, car on sent un effort quand on essaie de ramener à la conscience les souvenirs inconscients. Cette force, qui maintient l’état morbide, on l’éprouve comme une résistance opposée par le malade. C’est sur cette idée de résistance que j’ai fondé ma conception des processus psychiques dans l’hystérie. La suppression de cette résistance s’est montrée indispensable au rétablissement du malade. D’après le mécanisme de la guérison, on peut déjà se faire une idée très précise de la marche de la maladie. Les mêmes forces qui, aujourd’hui, s’opposent à la réintégration de l’oublié dans le conscient sont assurément celles qui ont, au moment du traumatisme, provoqué cet oubli et qui ont refoulé dans l’inconscient les incidents pathogènes. J’ai appelé refoulement ce processus supposé par moi et je l’ai considéré comme prouvé par l’existence indéniable de la résistance. » Freud, Cinq Leçons sur la psychanalyse (1909, trad. Y. Le Lay, Paris, Payot coll « Petite Bibliothèque Pavot », 1988, pp. 24-25. La résistance Freud reproche à l’hypnotisme de vaincre artificieliement cette résistance. La méthode psychanalytique veut au contraire donner au malade la possibilité de la lever au moyen d’une analyse de soi. Freud est amené par ce biais à redéfinir le concept d’inconscient. Les souvenirs douloureux. nous dit-il. sont « prêts à surgir » : cette expression suggère un premier mouvement d extériorisation.. S y oppose une force contraire qui maintient ces souvenirs dans l’inconscient (elle se manifeste pendant la cure comme « résistance » à la guérison : le patient garde le silence. ne se rend pas aux séances, affirme son incrédulité . . .). Freud décrit ici le psychisme comme un feu dynamique de forces. Le refoulement La résistance observée par Freud l’amène à supposer, au moment où la scène traumatique a été vécue par le patient, un refoulement, c’est-à-dire un acte d’oubli immédiat et violent de ce qui vient de se passer. Or. cette force qui s’appose maintenant à la prise de conscience est la même qui précipitait autrefois la scène traumatique dans l’inconscient : elle est toujours active et perturbe l’existence de la personne. On tombe malade de ce qu’un souvenir ne se perd pas dans l’oubli mais y est maintenu de force. Ce concept de refoulement permet de ne pas attribuer la résistance du malade à une mauvaise foi, mais d’y voir plutôt 1’expression d’une souffrance psychique. KHODAYAR FOTOUHI 1 P HILOSOPHIE T ERM L