L`association d`une antalgie contrôlée par le - chu

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Kinesither Rev 2013;13(133):4–5
Actualités / Analyse critique
L'association d'une antalgie
contrôlée par le patient et d'un
traitement antidépresseur est
efficace chez les patients dépressifs
souffrant de douleurs
musculosquelettiques chroniques§
&
Kroenke K, Bair MJ, Damush
TM, Wu J, Hoke S, Sutherland J,
Tu W. Optimized antidepressant
therapy and pain selfmanagement in primary care
patients with depression and
musculoskeletal pain: a
randomized controlled trial.
JAMA 2009;301:2099–2100.
Question
L'association d'une antalgie contrôlée
par le patient et d'un traitement antidépresseur peut-elle permettre une
amélioration des deux symptômes, la
douleur et la dépression, chez les
patients dépressifs souffrant de douleurs musculosquelettiques ?
Lieu d'étude
Six centres de soins primaires et cinq
centres de consultations externes aux
États-Unis.
Participants
Les critères d'inclusion étaient une histoire de douleurs (lombalgie, coxalgie,
gonalgie) chroniques (au moins trois
mois malgré un traitement antalgique
pharmacologique) et des symptômes
dépressifs modérés à sévères. La prise
d'un traitement antidépresseur n'était
pas acceptée. Les critères d'exclusion
étaient une psychose grave et une
demande d'indemnisation pour handicap dû à la douleur. La randomisation
de 250 participants a créé deux
§
4
Nous reprenons les analyses copubliées dans l'AJP
et dans les revues Fysiotherapeuten (journal
norvégien de kinésithérapie) ou Nederlands
Tijdschrift voor Fysiotherapie (journal néerlandais de
kinésithérapie). Traduit de l'anglais par M. Gérald
Pope, Elsevier Masson, France. Cette analyse
critique est produite par l'Australian Journal of
Physiotherapy (AJP). Elle est copubliée dans l'AJP et
Kinésithérapie, la revue.
groupes : le groupe intervention
(n = 123) et le groupe témoin (n = 127).
Interventions
Un protocole de soins par étapes pour
troubles d'affect et douleurs musculosquelettiques, le Stepped Care for Affective Disorders and Musculoskeletal Pain
(SCAMP), était réalisé dans le groupe
intervention. Au cours des trois premiers mois (étape 1), un algorithme
d'optimisation du traitement antidépresseur était appliqué avec une
augmentation de la dose à trois semaines si besoin et un changement de
molécule à six semaines en cas de
non-amélioration. La deuxième étape
de trois mois consistait en des séances
d'auto-évaluation de la douleur. Animées tous les 20 jours par une infirmière spécialisée dans le traitement
des douleurs, ces séances suivaient
le modèle d'antalgie contrôlée par le
patient de Stanford où les participants
apprennent à modifier leurs comportements grâce aux schémas de comportement et aux techniques de résolution
des problèmes. Au cours des six mois
suivants (étape 3), l'infirmière téléphonait au participant afin d'évaluer les
symptômes et l'observance et de modifier le traitement si nécessaire. Les
patients du groupe témoin étaient informés que leurs symptômes étaient ceux
de la dépression et qu'une consultation
spécialisée serait utile ; sans aucune
autre intervention sauf en cas d'urgence
psychiatrique.
Évaluation
Le critère principal d'évaluation était
l'amélioration associée des deux symptômes, la douleur et la dépression. La
check-list symptomatologique de Hopkins (20 items) était utilisée pour l'évaluation de la dépression et l'inventaire
Brief Pain Inventory (BPI) pour l'évaluation de la douleur.
Résultats
Une évaluation finale était disponible
pour 205 participants (82 %). À
12 mois, 26 % du groupe intervention
montraient une amélioration associée
des deux symptômes (la dépression et
la douleur) comparés à 8 % dans le
groupe témoin (RR 3,3 [IC95 ; 1,8–
5,4]). En regardant uniquement les
symptômes de dépression, les résultats
montraient une réduction de 50 % ou
plus par rapport à l'état initial chez
37 % des patients du groupe intervention comparés à 16 % chez les patients
du groupe témoin (RR 2,3 [1,5–3,2]). La
probabilité d'une réduction de 30 % ou
plus de la douleur était plus grande dans
le groupe intervention (41 %) que dans
le groupe témoin (17 %) (RR 2,4 [1,6–
3,2]).
Conclusion
L'association d'une antalgie contrôlée
par le patient et d'un traitement antidépresseur permet une amélioration
considérable des symptômes dépressifs
ainsi qu'une réduction modérée de
l'intensité de la douleur et du handicap
lié à la douleur.
Mark Elkins
Commentaire
On estime à six millions le nombre d'Australiens qui souffrent de troubles musculosquelettiques : lombalgies, gonalgies,
coxalgies [1]. L'estimation est le double
pour les détresses psychologiques au
moins minimales, les plus fréquentes
étant les troubles d'humeur comme la
dépression [1]. Les symptômes de douleur musculosquelettique et de dépression coexistent fréquemment chez le
même patient et ont un impact important
en termes d'état général, de handicap et
de qualité de vie [2]. Pour le médecin
http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2012.10.004
Kinesither Rev 2013;13(133):4–5
traitant, soigner les patients présentant
cette symptomatologie double est un
véritable défi dont les traitements disponibles ne représentent pas toujours un
bénéfice réel pour les patients.
Cette étude clinique répond utilement
à cette question importante. Les auteurs
ont examiné les résultats à long terme
d'un traitement associant une approche
pharmacologique et des interventions
comportementales chez les patients
présentant des douleurs musculosquelettiques et un état dépressif. L'évaluation des effets synergétiques de ces
deux traitements est une innovation et
la méthodologie utilisée (protocole, réalisation, analyse) est robuste. L'analyse
des résultats montre qu'un traitement
antidépresseur optimisé suivi d'un
Actualités / Analyse critique
programme d'antalgie contrôlée par le
patient permet une réduction considérable de la sévérité de la dépression. En
plus, l'intervention combinée permet une
réduction cliniquement significative de la
douleur à un niveau particulièrement
parlant dans ce groupe de patients souffrant de douleurs chroniques parfois
depuis 20 ans.
Le programme SCAMP est un protocole nord-américain dont la mise en
œuvre demande une infirmière cadre
et un médecin spécialisé dans le traitement de la dépression. Un nouvel
essai serait utile pour évaluer ce programme de soins interdisciplinaires en
Australie où les kinésithérapeutes
ayant une compétence en soins cognitivo-comportementaux jouent un rôle
prédominant. Si les résultats montrent
une efficacité équivalente dans le
contexte australien, l'utilisation de ce
programme de traitement des symptomatologies doubles douleurs musculosquelettiques-dépression
pourrait
réduire la charge de travail des médecins traitants et améliorer à long terme
le bien-être des patients.
[1] ABS. National Health Survey: summary of
results 2004–05. ABS cat. No 4390.0.
Canberra: Australian Bureau of Statistics;
2006.
[2] Bair MJ, et al. Arch Intern Med 2003;163:
2433–445.
Julia Hush
Université de Sydney
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