Symptômes résiduels et risques de récidives dépressives S. BISMUTH (1) Un patient de 28 ans, consulte en novembre 2005 pour une réactivation de troubles phobiques, après un arrêt brutal de son traitement antidépresseur au mois de septembre 2005. Son histoire commence une dizaine de mois auparavant par des crises d’angoisse : la veille de la première consultation, il a dû quitter son lieu de travail. Il y avait déjà eu des consultations et des tentatives de traitement, mais avec une mauvaise observance, et son état s’était dégradé. Son amie l’accompagne, c’est elle qui l’a décidé à consulter. Sur le plan sémiologique, il décrit des troubles du sommeil, une fatigue, une anxiété majeure avec des crises de panique, et une dévalorisation de lui-même avec une certaine culpabilisation. Il est impatient, ne tient pas en place sur sa chaise, a mal supporté l’attente dans la salle d’attente. Il n’a aucun antécédent somatique. La symptomatologie semble remonter au décès de sa mère, avec laquelle il vivait, d’un cancer du côlon en 1997. D’après l’interrogatoire, les parents se sont séparés quand il était jeune, et il était donc très proche de sa mère. La relation avec le père s’est améliorée au cours du traitement, mais elle n’est pas très bonne. La prescription initiale comporte des anxiolytiques à la demande, et la mise en route d’un traitement antidépresseur. Le patient est préparé à l’idée qu’il faudra sans doute recourir à un psychiatre, et un nouveau rendez-vous est donné 15 jours plus tard pour évaluer le traitement. Lors de ce rendez-vous, la posologie de l’antidépresseur est augmentée. Le rendez-vous spécialisé est programmé, avec un psychiatre choisi par le patient. Celui-ci reprend le travail après un mois, avec une prise quotidienne d’antidépresseur, et un anxiolytique à la demande qu’il ne prend que trois à quatre fois par mois. Trois mois plus tard, en juin 2005, il revient en consultation de médecine générale, avec quelques symptômes de type phobique et une asthénie matinale, mais il se sent bien. Après avoir repris son ancien travail, il avait été licencié en mai, et a retrouvé depuis un nouveau travail. Il ne prend quasiment plus d’anxiolytique, même s’il a toujours la boîte dans sa poche. Il voit le psychiatre tous les mois. En octobre, il revient en consultation et explique qu’il n’a pas eu envie de poursuivre le traitement et n’est donc pas allé chercher le dernier renouvellement d’ordonnance ; il explique que la prise occasionnelle de benzodiazépines lui permettait de « tenir le coup ». Malgré un certain déni de sa maladie, il reconnaît qu’il était un peu anxieux, un peu surexcité, qu’il était irritable, mettant cela sur le compte du nouveau travail qu’il avait débuté peu de temps auparavant. Il n’avait pas signalé au psychiatre qu’il avait arrêté l’antidépresseur. Cependant, par la suite, il s’est rendu à la pharmacie se faire avancer l’antidépresseur, et est venu consulter « en catastrophe » le généraliste, parce qu’il sentait qu’il n’allait pas bien, et se souvenait qu’il avait été amélioré par le traitement. Malgré la permanence de signes résiduels à type d’irritabilité et de tension psychique, ce patient a donc cessé brutalement son traitement antidépresseur, espérant que les anxiolytiques seraient suffisants pour « passer le cap » du début de son nouveau travail. On peut penser que s’il en avait parlé à un médecin, celui-ci lui aurait déconseillé d’arrêter les antidépresseurs, en mettant en évidence les petits symptômes qu’il ressentait. Ainsi, l’arrêt des antidépresseurs dans le cadre d’une dépression avec symptômes résiduels est à éviter et mérite une évaluation clinique préalable ainsi qu’un accompagnement spécifique (1). (1) Médecin généraliste, Maître de Conférence, 31500 Toulouse. L’Encéphale, 2007 ; 33 : Octobre, cahier 2 843 L’Encéphale, 2007 ; 33 : pages, cahier 2 S. Bismuth Ici la difficulté pour ce patient est proche de celle des patients diabétiques, asthmatiques ou présentant d’autres maladies chroniques, et qui interrompent leurs traitements ou ne les prennent plus de façon régulière. Une meilleure collaboration entre psychiatres et généralistes pourrait conduire à une éducation thérapeutique et à un meilleur suivi de chaque patient. 844 Références 1. AFSSAPS octobre 2006, Bon usage des médicaments antidépresseurs dans le traitement des troubles dépressifs et des troubles anxieux de l’adulte http://agmed.sante.gouv.fr/htm/5/rbp/indrbp.htm