TÉLÉCHARGEZ le livret de Tartuffe - Théâtre du Vieux

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Photo : Jean-François Gratton, Shoot Studio
UNE PRÉSENTATION DE BMO GROUPE FINANCIER
du 27 septembre au 22 octobre 2016
LA DISTRIBUTION
CARL BÉCHARD
BENOÎT BRIÈRE
ANNE-MARIE CADIEUX
VIOLETTE CHAUVEAU
NICOLAS DIONNE-SIMARD
ANNIE ÉTHIER
MAXIME GENOIS
RACHEL GRATON
DENIS LAVALOU
BRUNO MARCIL
MONIQUE MILLER
JÉRÔME MINIÈRE
EMMANUEL SCHWARTZ
L’ÉQUIPE DE CRÉATION
Collaboration artistique
et conception vidéo
STÉPHANIE JASMIN
Décor
MAX-OTTO FAUTEUX
Costumes
MICHÈLE HAMEL
Éclairages
MARTIN LABRECQUE
Musique originale et
environnement sonore
JÉRÔME MINIÈRE
Accessoires
CLÉLIA BRISSAUD
Maquillages et coiffures
ANGELO BARSETTI
Perruques
RACHEL TREMBLAY
Assistance à la mise en scène
MARTIN ÉMOND
Tartuffe
PRODUCTION
THÉÂTRE DU NOUVEAU MONDE
en collaboration avec
UBU, COMPAGNIE DE CRÉATION
20 ANS DE TOURNÉES AU QUÉBEC AVEC LE RÉSEAU DIFFUSION INTER-CENTRES
LES SORTIES DU TNM — DU 8 NOVEMBRE AU 6 DÉCEMBRE 2016
CHICOUTIMI + DRUMMONDVILLE + GATINEAU + GRANBY + LAVAL + QUÉBEC + RIMOUSKI + SHERBROOKE +
TERREBONNE + TROIS-RIVIÈRES
7
BMO,
debout derrière
chaque grande
performance.
BMO Groupe financier s’investit dans le
rayonnement de la culture. C’est pourquoi
nous sommes fiers de soutenir les activités
du Théâtre du Nouveau Monde et de
partager ces moments avec vous.
MC / MD
Marque de commerce / Marque de commerce déposée de la Banque de Montréal.
15-858 (05/15)
ARGUMENT Tout commence par une colère de Madame Pernelle, la mère
d’Orgon, qui quitte en furie la maison de son fils, absent ce matin-là ; elle
reproche à sa bru en secondes noces, Elmire, au frère de celle-ci, Cléante, à
ses petits-enfants Damis et Mariane, au fiancé de cette dernière, Valère, et
à la bonne de la maison, Dorine, de mener un train de vie fort peu chrétien
et de ne pas respecter les préceptes du nouveau directeur de conscience de
son fils, qui l’a installé chez lui : Tartuffe. Et lorsque paraît Orgon, on voit
bien qu’il est infatué de cet homme qui irrite toute sa famille — sauf sa mère.
D’ailleurs, Orgon a décidé de rompre son engagement envers le jeune Valère
afin de marier sa fille Mariane à Tartuffe. Cette nouvelle crée un épouvantable
malentendu entre les deux amoureux qui en viennent au bord de la rupture,
mais heureusement Dorine — brillante comme la plupart des bonnes chez
Molière — raccommode les deux tourtereaux. Quand enfin arrive Tartuffe,
c’est pour aussitôt tenter de séduire Elmire, l’épouse d’Orgon. Mais Damis,
Tartuffe
qui s’était caché dans une armoire, dénonce l’imposture à son père. Tartuffe
s’avoue coupable, se décrivant comme un « malheureux pécheur ». Mais Orgon,
persuadé que Tartuffe, par grandeur chrétienne, s’accuse de fautes qu’il n’a
pas commises, chasse son fils du foyer familial et le déshérite, puis fait don à
son directeur de conscience de tous ses biens, maison comprise. C’en est trop.
Elmire décide alors de prendre les choses en main ; pour donner à son mari
une preuve de l’hypocrisie de Tartuffe, elle demande à Orgon de se cacher sous
la table pendant qu’elle s’entretiendra avec lui. Mais Tartuffe tombera-t-il dans
le piège ? PAUL LEFEBVRE
9
Un seul portrait de Racine a été tracé pendant l’existence de l’auteur. Pour Corneille,
en dépit d’une carrière qui s’est étendue sur plus de cinquante ans, on en compte
quatre. Or, pour Molière, nous en avons au moins douze, sans compter ceux où il
apparaît en personnage dans les frontispices de ses pièces publiées de son vivant.
En fait, pendant sa vie, seuls les plus importants membres de la famille royale ont
eu droit à plus de portraits que lui. En ces temps où l’on ne faisait pas le portrait de tout
le monde et où il coûtait très cher d’être ainsi représenté, c’est dire à quel point il était
célèbre. Très célèbre.
Molière dans le rôle de César dans La Mort de Pompée, Nicolas Dignard, huile sur toile, 1656.
10
Le nom de Molière devient familier pour
ses contemporains dans les premiers mois
de 1663 et le demeurera. Comment en est-il
arrivé là, à quarante ans ? Et en 1664, quel est
son statut lors de la création de Tartuffe ?
Conscient du débat, Molière, à compter du
1er juin 1663, fait suivre sa comédie d’une
courte pièce intitulée La Critique de l’École
des femmes dans laquelle des gens réunis dans
un salon discutent ferme de la pièce. Donneau
de Visée, un écrivain, dont les relations avec
Molière varient d’une semaine à l’autre, publie
Zélinde, comédie, ou la véritable critique de
l’École des femmes et la critique de la Critique.
Quant à la troupe de l’Hôtel de Bourgogne,
rivale de celle de Molière, elle crée à l’automne
Le Portrait du peintre ou la Contre‑Critique de
l’École des femmes d’un dénommé Boursault.
Molière écorche alors ses rivaux dans
L’Impromptu de Versailles qui répliquent
aussitôt avec L’Impromptu de l’Hôtel de Condé.
La querelle finit par s’émousser, mais le
théâtre gagne alors la légitimité de traiter des
enjeux sociaux.
Cet homme qui vient de se rendre célèbre
en élargissant la portée de l’art dramatique,
voilà l’artiste qui s’apprête à créer Tartuffe.
PAUL LEFEBVRE
On croyait tout savoir : après la présenta­
tion des trois premiers actes de Tartuffe
à Versailles en mai 1664, Louis XIV
interdit la pièce à la suite de pressions
de la Compagnie du Saint‑Sacrement,
dite la « cabale des dévots », que soutient
sa mère Anne d’Autriche. Le monarque
lève l’interdit cinq ans plus tard, en août
1669 ; avec le décès de la reine-mère
en 1666, les dévots avaient perdu leur
principal appui et les accords entre
le pape et Louis XIV au début de 1669
avaient réduit à néant leur pouvoir.
Or des recherches récentes, appuyées sur une
lecture minutieuse de documents d’époque
et de nouvelles découvertes, viennent déjouer
ces certitudes auxquelles on croyait depuis les
premiers travaux universitaires approfondis,
il y a environ deux cents ans. Ces recherches,
principalement faites par François Rey et
publiées dans Molière et le Roi, L’affaire Tartuffe
(en collaboration avec Jean Lacouture, Seuil,
2008), puis enrichies et prolongées par les
travaux de Georges Forestier et Alain Riffaud
dont fait état la nouvelle édition des œuvres
complètes de Molière dans la Bibliothèque
de la Pléiade (Gallimard, 2010), démontrent
une toute autre chose. Ce que l’on a présenté
en 1664 n’était pas les trois premiers actes de
la pièce définitive, mais une comédie en trois
actes plus férocement satirique que celle que
l’on connaît. De plus : ni la Compagnie du
Saint-Sacrement ni Anne d’Autriche n’ont eu
d’influence sur l’interdiction de la pièce. Alors,
que s’est-il passé ?
LA FÊTE LA PLUS SOMPTUEUSE
QUE L’ON AIT JAMAIS VUE
En 1663, Louis XIV — qui a alors vingt-cinq
ans et gouverne depuis deux ans bien qu’il
règne depuis l’âge de cinq ans — décide de
manifester sa puissance et de donner un éclat
inouï à sa gloire en offrant une fête de cour
d’une ampleur jamais vue ni même imaginée :
Les Plaisirs de l’Île enchantée auront lieu
11
Tartuffe
Il faut d’abord se remettre à l’esprit que le
théâtre est, à cette époque, la plus puissante
technologie de communication. Ainsi, dans la
foulée de la création de L’École des femmes le
26 décembre 1662, éclate une polémique qui
durera près d’un an. En fait, jamais jusque-là
une pièce n’aura provoqué un tel débat en
France, déclenchant un torrent de libelles,
de pamphlets, d’épigrammes, de pièces de
théâtre et de discussions. On mélange tout :
on accuse Molière d’obscénité, on fait courir
les pires bruits sur son mariage avec Armande
Béjart (ce serait sa fille, qu’il aurait eue avec
Madeleine Béjart), on lui reproche de traiter à
la légère des choses sérieuses. C’est ce dernier
point, en fait, qui choque. On n’accepte pas
qu’un comédien se mêle de faire une pièce de
théâtre (et qui plus est une comédie puisant
son rire dans un humour venu de la farce) sur
un sujet que l’on considère du strict domaine
des gens d’Église et des moralistes autorisés :
l’éducation des jeunes filles et les abus du
pouvoir masculin sur les femmes. En utilisant
la scène pour traiter d’un enjeu social, Molière
donne au théâtre un rôle inattendu, ce qui ne
fait pas que des heureux.
du 7 au 13 mai 1664 à Versailles, qui n’est alors
qu’un vaste pavillon de chasse construit par
Louis XIII et non le somptueux palais qui a
traversé les siècles jusqu'à nos jours. Cette
fête, en l’honneur de sa mère Anne d
­ ’Autriche
et de son épouse, la reine Marie-Thérèse
d’Autriche (et non pour célébrer sa maîtresse,
Mademoiselle de la Vallière, comme Voltaire
l’imaginera au siècle suivant), rassemble six
cents invités de la noblesse et autant, sinon
plus, d’artistes : musiciens, chanteurs, danseurs, comédiens, acrobates, décorateurs,
machinistes, etc. Les trois premières journées
de cette fête d’une durée de sept jours sont
les plus extravagantes et prennent la forme
d’une féérie continuelle au cours de laquelle
Molière crée le 8 mai La Princesse d’Élide,
une « comédie galante mêlée de musique et
d’entrées de ballet », dont le texte n’est pas
tout à fait achevé. Après ces trois jours, seule la
plus haute noblesse demeure à Versailles pour
quatre autres journées de festivités. À cette
occasion, Molière joue trois pièces où le rire,
davantage que l’élégance et le raffinement, est
mis de l’avant : deux reprises, Les Fâcheux et
Le Mariage forcé, et une création qui fait immédiatement sensation, Tartuffe ou l’Hypocrite.
Or quatre jours plus tard, même si le roi a
trouvé Tartuffe « fort divertissant », il fait interdire la pièce. Qu’était donc ce premier Tartuffe
et pourquoi l’a-t-on interdit ?
En haut : Louis XIV et Molière, Jean-Léon Gérôme,
huile sur toile, 1862.
Page de droite : La fête Les Plaisirs de l'Île Enchantée donnée
par Louis XIV à Versailles, Israël Silvestre, gravure, 1664.
12
« TROIS ACTES DU TARTUFFE
QUI ESTOIENT LES 3 PREMIERS »
L’opinion générale a longtemps été qu’en
mai 1664 on a joué les trois premiers actes
de la pièce que l’on connaît. Toutefois, tous
les écrits et témoignages d’époque indiquent
qu’il s’agissait d’une pièce terminée, à
l’exception de deux documents, dont un
de taille : le registre de La Grange. Engagé
comme comédien en 1659, quelques mois
après l’installation de la troupe de Molière
à Paris, Charles Varlet de La Grange en est
aussi l’admi­nistrateur et l’orateur, soit le
présentateur des pièces lorsque Molière ne
peut remplir ce rôle. À la mort de Molière
en 1673, c’est lui que ses camarades nomment
chef de troupe. Pour la postérité, La Grange
est célèbre pour son registre qui, de 1659 à
1685, recense les événements, les recettes et
les comptes de la troupe. Ainsi, il écrit pour
le 12 mai 1664 : « trois actes du Tartuffe qui
estoient les 3 premiers ». Or, dès la deuxième
moitié du 19e siècle, les chercheurs commencent à découvrir que le fameux registre
n’est pas tout à fait fiable. Puis, des examens
du document au 20e siècle établissent qu’il n’a
pas été écrit au jour le jour et que sa rédaction a commencé bien après 1659 — certains
parlent même des années 1680 — en ayant
recours à divers papiers, factures, contrats et
carnets de compte.
À partir du moment où l’on considère que
ce premier Tartuffe était une pièce complète
— une hypothèse que plusieurs historiens,
quand même, entretenaient depuis le
19e siècle — l’on peut se poser les trois questions suivantes : Qu’était ce premier Tartuffe ?
Pourquoi l’a-t-on interdit ? Pourquoi La Grange
a-t-il voulu faire croire à la postérité que c’était
un texte inachevé ?
UNE SATIRE DE LA DÉVOTION
En 1963, paraît chez Nizet un ouvrage intitulé
Molière bourgeois et libertin écrit par John
Cairncross, un chercheur britannique qui,
pour la petite histoire, était le cinquième
homme des « Cambridge Five », ce groupe
d’agents doubles soviétiques composé
d’universitaires anglais… Cairncross pose
alors une hypothèse que des chercheurs
français valideront par la suite : les trois
actes du Tartuffe original correspondent aux
premier, troisième et quatrième actes de la
version finale, soit l’introduction, la séduction
d’Elmire et la découverte de la duplicité de
Tartuffe, ­qu’Orgon chasse vraisemblablement
à coups de bâton. Dans cette première version,
n’existent ni Valère ni Mariane et, par conséquent, ni la promesse d’Orgon de marier
sa fille à Tartuffe qui occupe l’acte II de la
version finale. N’existe pas non plus l’acte V
où Tartuffe se révèle un escroc de grande
envergure qui s’empare de la maison d’Orgon
et le compromet politiquement auprès du roi,
jusqu’à ce qu’un envoyé de Louis XIV, véritable deus ex machina, ne ramène l’ordre et
la justice.
Ce premier Tartuffe porte une charge plus
brutale que la version que nous connaissons :
le personnage de Tartuffe y est moins original. Il s’agit en effet d’un type connu de ce
personnage satirique que l’on retrouve dans
d’innombrables fictions depuis la fin du
Moyen Âge : le prêtre — ou le moine — paillard, buveur, bâfreur et grand baiseur. Le
portrait est féroce car, non seulement Tartuffe
est directeur de conscience, il tente aussi de
cocufier un homme respectable, quoique
ridicule par sa dévotion excessive. À travers
Orgon, Molière épingle ces gens qui, tout en
étant sincères, s’adonnent exagérément à la
dévotion et dont la vie ne tourne plus qu’autour des oraisons, des messes et des aumônes.
En fait, après l’Arnolphe de L’École des femmes,
Orgon est le deuxième grand monomaniaque
de l’œuvre de Molière, ces personnages dont le
caractère est fondé sur une obsession et dont
il se réservait l’interprétation, comme Alceste
dans Le Misanthrope, Harpagon dans L’Avare,
Monsieur Jourdain dans Le Bourgeois gentil‑
homme et Argan dans Le Malade imaginaire. À
travers sa comédie, et c’est là où le comique de
la pièce devenait risqué, Molière ne caricaturait pas tant les faux dévots, comme Tartuffe,
que les dévots sincères qui en faisaient trop,
comme Orgon.
13
Tartuffe
Pour ce qui est de cette note sur Tartuffe,
un examen poussé montre que La Grange a
ajouté « qui estoient les 3 premiers » dans un
second temps. De plus, La Grange a « corrigé »
un second document ; il a opéré une modification similaire lorsqu’il a supervisé en 1682
la première édition des œuvres complètes de
Molière, neuf ans après la mort de l’auteur.
Dans cette édition, la présentation de Tartuffe
reprend mot pour mot le texte de la relation
officielle des Plaisirs de l’Île enchantée, un
album luxueux — créé en 1664 pour être diffusé à travers les ambassades dans toutes les
cours d’Europe afin de contribuer au prestige
de la France — où il est écrit pour la journée
du 12 mai : « Le soir, Sa Majesté fit jouer une
comédie nommée Tartuffe ». Or La Grange,
lorsqu’il fait recopier ce texte sanctionné par
l’État français dix-huit ans après sa publication, apporte la modification suivante : « fit
jouer les trois premiers actes d’une comédie
nommée Tartuffe ». Ce sont là les deux seuls
documents du 17e siècle qui présentent le
Tartuffe de 1664 comme étant un texte inachevé. Toutes les autres sources font état de
façon implicite ou explicite d’une pièce achevée et complète… Mais comme ces indications
venaient du fidèle et honnête La Grange, on
leur a accordé beaucoup de crédit.
LA MAUVAISE PIÈCE
AU MAUVAIS MOMENT
La création de la pièce tombe mal à propos.
Au printemps 1664, l’Église catholique de
France est au bord de l’éclatement à cause
de la querelle du jansénisme. Il est difficile
pour nous aujourd’hui de saisir les enjeux de
ce débat tellement ils sont éloignés de notre
vision du monde. Le principal enjeu est celui
de la grâce, celle qui illumine la conscience
de l’individu et le pousse à chercher son salut.
Il y a ceux qui, comme les Jésuites, le roi et la
grande majorité des évêques, croient que l’être
humain dispose d’une part de libre arbitre
avec laquelle il peut lui-même obtenir sa grâce
par ses pensées, sa piété et ses actions. Et il y
a les jansénistes, un mouvement religieux se
réclamant de l’évêque néerlandais Cornelius
Jansen dit Jansenius qui, au début du
17e siècle, a mis de l’avant l’idée que seul Dieu
pouvait accorder la grâce. Ses disciples français, dont les plus radicaux sont regroupés à
l’abbaye de Port-Royal, mènent une vie austère
qui privilégie la solitude, en désaccord avec la
vie sociale foisonnante d’idées nouvelles que
favorisent, sous Louis XIV, l’aristocratie et les
gens d’affaires.
L’archevêque de Paris, Hardouin de Péréfixe,
souhaite éradiquer le jansénisme en France. Il
a l’écoute du roi dont il a été le précepteur et le
confesseur. Une semaine avant Les Plaisirs de
l’Île enchantée, le roi avait assisté à une séance
du Parlement de Paris qui ordonnait à tous
les membres du clergé de France de signer un
formulaire condamnant les idées religieuses
des jansénistes. Le roi n’a aucune envie de voir
le clergé divisé par un schisme dont profiteraient les protestants. Et l’archevêque de Paris
lui fait comprendre que la dernière chose dont
la France a besoin, c’est d’une pièce à succès
qui raille la dévotion religieuse.
Prononcé le 17 mai, l’interdit du roi surprend
Molière qui enverra à Louis XIV un placet où
il fait valoir sa bonne foi, laissant entendre
au roi que les dévots, qui se sont sentis visés
par le personnage de Tartuffe, lui ont menti
et ont abusé de ses justes sentiments chrétiens pour lui faire interdire une comédie
qui ne ridiculise que les faux dévots. Un écrit
délirant contre Tartuffe et son auteur, farci
d’exagérations et d’approximations, signé
par un certain curé Roullé vient providentiellement aider Molière lorsqu’il se plaint
d’être calomnié.
La Grange, d'après l'estampe de Jean Sauvé sur le dessin de Pierre
Brissart paru dans La troupe de Molière, Frederic Hillemacher, 1869.
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Tout au long de cette lutte pour jouer sa pièce,
qui durera plus de quatre années, Molière ne
veut surtout pas confronter le roi. Il accuse
plutôt ses ennemis d’induire en erreur le
souverain et d’entretenir des malentendus.
C’est ici que l’on voit l’utilité du mensonge de
La Grange sur l’inachèvement de la pièce ; il
protège à la fois Molière et le roi en laissant
entendre que l’on a jugé une œuvre dont le
sens n’était pas fixé.
De plus, Molière sait très bien que ses accusations contre ceux qui seraient les modèles
originaux de Tartuffe sont sans fondement :
en 1664, la Compagnie du Saint-Sacrement
n’est plus que l’ombre d’elle-même et aucun
de ses membres n’a directement accès au
roi. Lors d’une réunion clandestine du
17 avril 1664, on parle d’attaquer Tartuffe,
mais on décide quelques semaines plus tard
de laisser tomber l’affaire.
Tartuffe a beau être interdit de représentation publique, la famille royale se fait jouer la
pièce en privé, tout comme le Grand Condé, le
plus puissant et le plus flamboyant noble de
France. Mais Molière comprend que s’il veut
présenter sa pièce dans son théâtre, il doit la
modifier. En 1665, il la remanie pour en faire
une grande comédie en cinq actes, changeant
la personnalité de Tartuffe qui ne sera plus un
amusant hypocrite religieux, mais un dangereux imposteur. Ainsi, Orgon n’est plus un
dévot ridicule, mais la victime d’un sinistre
fourbe. La pièce prend une autre tournure et
plusieurs personnalités en suivent l’évolution,
en particulier le Grand Condé et son fils, le
duc d’Enghien.
En 1667, Molière est persuadé que le roi pourrait lever l’interdit. Il se sent en confiance, car
au cours de ces années pendant lesquelles il
a entre autres créé Le Misanthrope, Louis XIV
n’a cessé de multiplier les marques d’estime
à son égard. Le 5 août, il présente dans son
théâtre du Palais-Royal une comédie en cinq
actes intitulée L’Imposteur dont le personnage
principal, nommé Panulphe, ne porte plus le
sobre habit noir des dévots, mais une tenue
enrubannée de gentilhomme. Personne n’est
abusé et comme le roi n’a pas officiellement
levé son interdit, le premier président du
Parlement de Paris, Guillaume de Lamoignon
(un membre très peu actif de la moribonde
Compagnie du Saint-Sacrement) fait fermer
le théâtre de Molière. L’Imposteur n’aura eu
qu’une seule représentation. Catastrophé de
ne plus pouvoir faire jouer sa troupe, Molière
dépêche deux de ses comédiens, La Grange
et La Thorillière, porter un deuxième placet
au roi qui est à Lille en pleine guerre pour
conquérir les Flandres. Rien n’y fait, surtout
qu’Hardouin de Péréfixe, la semaine suivante, menace carrément d’excommunication
quiconque lira, verra ou entendra la pièce ;
en pleine négociation avec Rome au sujet
des jansénistes et en plein combat contre
les protestants qui impriment des nouveaux
testaments traduits en français, le roi n’a toujours pas envie d’une comédie sur les dévots.
Molière peut quand même rouvrir son théâtre
à la fin du mois de septembre. Et le Grand
Condé que rien n’énerve, surtout pas un interdit d’archevêché, présente L’Imposteur chez lui
en septembre 1668.
À la fin d’août 1667, commence à circuler un
sidérant document anonyme intitulé Lettre sur
la comédie de l’Imposteur, un pamphlet si favorable aux dimensions subversives de la pièce
qu’il a vraisemblablement nui à Molière : grâce
à cet écrit, on en sait aujourd’hui beaucoup sur
cette deuxième version du texte, très proche
de celle que nous connaissons. Mais il y a
une différence fort intéressante : les passages
les plus acerbes sur les excès de dévotion de
Tartuffe y sont énoncés par Cléante. Comme
Cléante est un personnage assimilable à
un gentilhomme, ses propos ont du poids.
Trop de poids. Tel que rapporté par Boileau,
Molière détestait retravailler ses textes : il a
donc pour cette question trouvé une solution
facile, soit celle d’attribuer les répliques les
plus acerbes à Dorine, la servante. Car au
17e siècle, ce que dit sur scène une servante
n’a pas autant d’auto­rité que ce qu’énonce
un monsieur…
APRÈS QUATRE ANS, HUIT MOIS
ET VINGT-TROIS JOURS D’ATTENTE :
TARTUFFE EST JOUÉ EN PUBLIC
Les choses en demeurent là. Au cours des
mois suivants, Molière crée trois textes
majeurs : Amphitryon, George Dandin et
L’Avare. Toutefois, les contacts de Molière
à la cour le tiennent au courant du progrès
des négociations sur les jansénistes entre
le roi, l’archevêque de Paris et le pape. En
octobre 1668, un accord de principe a lieu.
Molière commence à répéter Tartuffe afin que
la pièce soit prête dès que les ententes seront
officialisées. Le 3 février 1669, le nonce apostolique remet à Louis XIV deux documents
signés de la main du pape Clément IX, qui se
déclare satisfait des termes de la soumission
des quatre évêques français demeurés de
sensibilité janséniste.
Molière comprend que la voie est libre. Paris
bruisse de la rumeur d’une imminente représentation de Tartuffe : elle a lieu deux jours
plus tard, le 5 février. Ce jour-là, Molière réalise la plus forte recette de sa carrière ; debout,
au parterre, les spectateurs sont serrés jusqu’à
l’étouffement. Tartuffe sera joué à guichets
fermés vingt-neuf fois jusqu’à la relâche de
Pâques, puis repris encore vingt-deux fois au
cours de l’année, un record, sans compter les
représentations à la cour.
Tartuffe, faux dévot ridicule et escroc
effrayant en un même homme, entreprend
alors sa marche pour devenir, comme Hamlet,
Faust et Don Juan, un des personnages de
­référence de la culture occidentale.
PAUL LEFEBVRE
15
Tartuffe
MESDAMES, MESSIEURS : PANULPHE !
Louis de Buade, comte de Frontenac et de
Palluau (Saint-Germain-en-Laye, 1622 –
Québec, 1698) est un personnage haut en
couleur. Il se distingue de la terne lignée des
gouverneurs de la Nouvelle-France grâce à
une phrase. En 1690, alors qu’il vient à peine
de commencer son second mandat de gouverneur, il déclare avec une sidérante superbe à
l’émissaire de l’amiral Phipps venu s’emparer de Québec avec trente-deux vaisseaux de
guerre : « Je n’ai point de réponse à faire à votre
général que par la bouche de mes canons. »
Grand joueur de cartes, l’homme sait bluffer
et renvoie les Anglais chez eux avec des forces
très inférieures, mais dont il a su faussement
gonfler l’ampleur. Toutefois, oubliez l’homme
de haute taille au regard terrible et à la
moustache en croc, car on n’a aucun portrait
authentique du gouverneur, ni description
physique ; par ailleurs, s’il tient de son grandpère, il serait de petite taille avec un long nez
pointu et un menton du même type. En fait,
Frontenac, tout militaire habile et courageux qu’il soit, est terriblement extravagant,
imbu de lui-même, sans scrupules, arrogant,
glorieusement dépensier, fêtard impénitent,
menant grand train au-delà de ses moyens,
heureux de mettre entre lui et la France un
océan qui lui permet d’échapper à des légions
de créanciers et des hordes de maris trompés et de pères outragés. Et Frontenac aime
le théâtre…
Il faut rappeler qu’aucun comédien de métier
ne s’installe en Nouvelle-France et q
­ u’aucune
troupe ne visite la colonie. Hormis le théâtre
pédagogique — en latin ! — des Jésuites
et les cérémonies de réception dialoguées
qu’ils montent pour saluer les nouveaux
gouverneurs et évêques, le théâtre est affaire
d’amateurs éclairés qui jouent leur pièce une
fois ou deux, généralement à l’occasion du
carnaval et lorsque le gouverneur aime suffisamment l’art dramatique pour se permettre
16
de déplaire à l’évêque. Les représentations
ont habituellement lieu l’après-midi dans la
grande salle du magasin de la Compagnie
des Cent-Associés ou, comme c’est le cas sous
Frontenac, dans la salle de bal du château
Saint-Louis, la résidence des gouverneurs.
Tout ceci, bien sûr, se passe à Québec ; l’élite
montréalaise — encore trop pieuse ? — ne
s’intéresse pas au théâtre.
Monseigneur de Saint-Vallier, évêque de
Québec depuis 1688, est un ecclésiastique
sévère, susceptible, autocratique, rigoriste et
tracassier. Pour lui, le théâtre est une chose
impie, tout comme la danse, le bon vin,
l’amour et les autres plaisirs de la vie. Au début
de son mandat, Frontenac est p
­ rudent. Or
comme l’année 1693 a été prospère, le gouverneur fait représenter Nicomède de Corneille
et Mithridate de Racine avec comme maître
d’œuvre et comédien principal le lieutenant de marine Jacques de Mareuil, dont la
principale fonction dans l’administration
coloniale semble être d’organiser des divertissements pour le gouverneur. Au début de
l’année 1694, Mareuil, soutenu par son patron,
décide de monter Tartuffe et d’en jouer le
rôle-titre. Non seulement il s’agit d’un premier
Molière en Nouvelle-France, mais aussi d’une
première comédie.
Évidemment, Saint-Vallier sait ce qu’est
Tartuffe et s’il a toléré dans son diocèse deux
nobles tragédies, il n’en va pas de même pour
une pièce que l’Église de France a combattue — même si c’était trente ans plus tôt.
Il commence par demander à l’assistant-­
supérieur du séminaire, l’abbé Charles de
Glandelet (qu’il déteste, mais dont il reconnaît
les talents de rhéteur et d’orateur) d’écrire et
de lire dans l’église Notre-Dame-des-Victoires
le 10 janvier 1694 une Instruction pour l’éclair‑
cissement des consciences touchant les comédies
qui se jouent dans le monde. Sans précisément
Mais les préparatifs de Tartuffe se poursuivent
et l’élite de la capitale a visiblement hâte
d’assister à la pièce. Alors Saint-Vallier, le
16 janvier, attaque sur deux fronts. Il commence par régler le cas de Mareuil : dans son
Mandement sur les discours impies, il l’accuse
d’avoir blasphémé devant une église. En fait,
Mareuil avait piqué une colère noire devant
la chapelle des Jésuites lorsqu’il avait appris
que Glandelet avait dénoncé le théâtre en
chaire. Puis dans un Mandement au sujet des
comédies, il reprend les arguments de l’abbé,
classe Tartuffe parmi les comédies « impures
ou injurieuses au prochain » et interdit à toute
personne de son diocèse d’assister à la pièce.
Frontenac a beau en mener large, il ne peut
s’opposer ouvertement à Saint-Vallier.
profite pour convaincre le conseil souverain de
libérer Mareuil, avant de le faire secrètement
monter dans le dernier navire en partance,
cette année-là, pour la France.
Après avoir failli perdre son diocèse,
Saint-Vallier revient à Québec en 1697. En
octobre 1700, il renouvelle son ordonnance
de 1694 contre les « divertissements publics
et immoraux comme les bals, les comédies »,
empêchant ainsi le théâtre de se développer
jusqu’à la fin du régime français. Pour ce
qui est de Tartuffe, les Canadiens français
devront attendre près de deux siècles avant
de pouvoir y assister : les premières représentations de la comédie de Molière seront
données à Montréal en décembre 1893 par la
troupe de Coquelin Aîné (le créateur du rôletitre de Cyrano de Bergerac), alors en tournée
nord-américaine.
Tartuffe
nommer Tartuffe et ceux qui s’apprêtent à
le produire, Glandelet rassemble avec ordre
et fermeté les arguments traditionnels de
l’Église contre le théâtre : presque toutes les
pièces sont immorales et la représentation de
celles qui ne le sont pas est tout de même une
occasion de péché.
PAUL LEFEBVRE
La situation demeure très tendue jusqu’à ce
que quelques jours plus tard le gouverneur et
l’évêque se croisent par hasard dans la rue.
Saint-Vallier offre alors 100 pistoles (environ
4 500 $ d’aujourd’hui) à Frontenac pour le
dédommager des dépenses encourues pour
la production de la pièce. Frontenac, toujours
à court d’argent, accepte et décommande
la production. Mais Saint-Vallier n’a pas dit
son dernier mot : le 1er février, il fait comparaître Mareuil devant le conseil souverain
de la Nouvelle-France, qui l’emprisonne
pour blasphème.
Au début novembre, Saint-Vallier s’embarque
pour la France, où Louis XIV le rappelle pour
qu’il justifie le nombre ahurissant de conflits
qu’il a généré dans la colonie. Frontenac en
Illustration du Sieur de Frontenac parue dans Les Gouverneurs
généraux du Canada, 1608–1919, Galerie nationale.
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Au moment où Molière écrit sa pièce, la
société française se passionne — le mot n’est
pas trop fort — pour les questions spirituelles.
Ainsi, la querelle du jansénisme*, qui divise
les catholiques de France, est non seulement
à la source de l’interdiction de Tartuffe, mais
occupe l’esprit de grands penseurs de ce
temps, dont le plus connu est Blaise Pascal.
Cent cinquante ans plus tôt, l’avènement du
protestantisme, porté par la pensée de Luther,
a montré à quel point l’Église catholique était
alors sclérosée. L’exemple des indulgences est
éloquent à ce propos : les riches, par un don à
l’Église, pouvaient littéralement acheter leur
salut éternel. La Réforme protestante remet la
conscience personnelle au cœur du cheminement chrétien ; le catholicisme, à la suite du
Concile de Trente (1545–1563), se met lui aussi
à valoriser la conscience individuelle comme
lieu privilégié de l’expérience spirituelle.
Mais en invitant Tartuffe à partager la vie de
sa famille, Orgon fait là quelque chose de peu
commun et d’exagéré, donc de risible. Et pour
les spectateurs du temps de Molière, de voir
un directeur spirituel manœuvrer pour coucher avec la femme de celui dont il a charge
d’âme était à la fois choquant et hilarant.
PAUL LEFEBVRE
Tartuffe
Tartuffe, auprès d’Orgon, remplit une
fonction sociale et religieuse précise :
il est son directeur de conscience.
Pour les contemporains de Molière, il n’y a
aucun doute : Tartuffe est le directeur spirituel d’Orgon. Dorine le dit dès les premières
minutes de la pièce : « C’est de tous ses secrets
l’unique confident / Et de ses actions le
directeur prudent. » Tartuffe, également, s’est
présenté à Orgon sous un aspect miséreux et
s’est donné un passé marqué par de grandes
difficultés, ce qui le qualifie pour sa fonction.
Comme le raconte Orgon : « Sa misère est sans
doute une honnête misère. / […] Puisque enfin
de son bien il s’est laissé priver / Par son trop
peu de soin des choses temporelles. »
Ceci a une conséquence : comme chaque personne a un parcours de vie et une personnalité
uniques, chaque cheminement spirituel l’est
aussi. Or ce cheminement, qui vient de Dieu,
comment le déceler, le comprendre, le suivre ?
C’est ainsi que se développe, à partir de la fin
du 16e siècle, la fonction de directeur spirituel,
qui connaît son apogée au temps de Molière.
Un directeur spirituel n’est pas nécessairement un prêtre (ce n’est pas un confesseur) :
c’est quelqu’un qui, par sa sagesse, par sa
piété, et surtout par les épreuves qu’il a
traversées, peut guider un chrétien dans son
itinéraire intérieur. Bref, une sorte de coach
de vie, mais pour l’âme.
* Intra, L’affaire Tartuffe : nouveaux développements
Page de gauche : Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur (1664, 1667),
frontispice, gravure d'après l'estampe de Jean Sauvé sur le dessin
de Pierre Brissart, 1682.
Ci-contre : Maquette de costume du 19e siècle.
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1953 : HENRI NORBERT,
dans une mise en scène de
Jean Gascon
1983 : NORMAND CHOUINARD,
dans une mise en scène
d’Olivier Reichenbach
Un Tartuffe dans la tradition : plutôt dégoûtant, dodu, confit dans sa graisse comme un
curé un peu louche. « Gros et gras, le teint
frais, et la bouche vermeille », comme le dit si
bien Dorine.
Un Tartuffe ambigu : tourmenté et fourbe à la
fois, peut-être vraiment amoureux d’Elmire.
Le décor monumental de Guy Neveu et les
costumes de François Barbeau nous plongent
dans l’opulence du Grand Siècle. Le metteur
en scène opte ici pour un Orgon aristocrate, ce
dont témoigne la somptuosité de sa demeure.
1968 : ALBERT MILLAIRE,
dans une mise en scène de
Jean-Louis Roux
Un Tartuffe pour Mai 68 : imitant la voix
rigoriste de la raison contre les excès du
temps. L’action, transposée à Québec pendant
l’hiver 1680, présente un Tartuffe cynique
et séduisant, « qui rappelle le Valmont des
Liaisons dangereuses », comme l’écrit le
­journaliste Louis-Martin Tard.
Albert Millaire, Tartuffe, m.e.s. Jean-Louis Roux, TNM, 1968.
Photo : André Le Coz
20
1997 : GABRIEL ARCAND,
dans une mise en scène de
Lorraine Pintal
Un Tartuffe insondable : capable de se fondre
dans les diverses classes sociales de son temps
et qui se révèle, au final, une inquiétante
figure de la complexité humaine. La metteure
en scène présente un Orgon appartenant à la
bourgeoisie, habitant une maison sobre, où
l’on sent tout le labeur qui a été nécessaire
pour acquérir chaque meuble, chaque objet.
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